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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1728/2024

JTAPI/1091/2024 du 07.11.2024 ( LCI ) , ADMIS

Descripteurs : INTÉRÊT ACTUEL;NOTIFICATION IRRÉGULIÈRE;OBJET DU LITIGE;ACTION EN INTERDICTION;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;PROPORTIONNALITÉ;NÉCESSITÉ
Normes : LPA.18A.al4; LPA.46.al2; RAeL.9; LPA.57; LPA.62.al1; LCI.129.letd; Cst.29.al2; LPA.41; LPA.42.al1; LPA.46.al1; LCI.121.al3.leta.ch1; LCI.122; LCI.129; Cst; Cst; RCI.52
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1728/2024 LCI

JTAPI/1091/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 7 novembre 2024

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Lucien LAZZAROTTO, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             La parcelle n° 1______ de la commune de B______,  sise rue de C______, accueille un bâtiment de six étages destiné à de l’habitation et des activités.

2.             Elle appartient à A______ SA (ci-après : A______), dont le président du conseil d’administration est, à teneur du registre du commerce du canton de ______ (ZG), Monsieur D______.

3.             Suite à la requête déposée par I______, l’office des autorisations de construire du département du territoire (ci-après : DT) a autorisé, par décision APA 2______/1 du ______2023, le changement d’affectation provisoire des locaux sis du rez-de-chaussée au 3ème étage de l’immeuble précité, pour une durée de dix ans, de bureaux en hébergement pour migrants.

Il était notamment précisé que les constructions autorisées ne pourraient être occupées ou utilisées à un titre quelconque avant l’obtention d’un permis d’occuper, respectivement d’utiliser, délivré par le DT (condition n° 8).

4.             Par courriel du 20 mars 2024 - indiquant, dans son objet, qu’il était destiné à A______ en raison de sa qualité de propriétaire de l’immeuble sis rue de C______ -, le DT, soit pour lui Monsieur E______, a informé la régie F______ SA (ci-après : F______) avoir procédé à une visite du bâtiment en question, dans le cadre du permis d’occuper relatif à l’APA 2______/1, conformément à la condition n° 8 de cette autorisation.

À cette occasion, il avait constaté plusieurs points susceptibles de constituer des infractions à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Ainsi, notamment, au 6ème étage, avait été créé un bureau donnant sur la cage d’escaliers alors que la seule autorisation relative à l’immeuble actuellement en force, soit la DD 3______ et ses autorisations complémentaires, prévoyait une cafétéria. La porte palière dudit bureau se trouvait au ras de l’escalier de l’immeuble, en violation de l’art. 52 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01), avec un risque de chute important.

Un délai de dix jours était imparti à la régie et à la propriétaire de l’immeuble pour se déterminer sur les problèmes relevés et pour produire une copie de l’état locatif actuel et les plans conformes à l’existant. Toutes mesures/sanctions demeuraient réservées, notamment une visite de l’ensemble des étages.

Eu égard au risque de chute dû au positionnement de la porte du bureau du 6ème étage, l’utilisation de ces locaux était interdite avec effet immédiat jusqu’à régularisation de la situation. Cette interdiction - déclarée exécutoire nonobstant recours et qui serait confirmée par pli recommandé - pouvait faire l’objet d’un recours dans les dix jours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).

5.             Par courriel du 21 mars 2024, F______ a accusé réception du courriel de la veille du DT et a informé ce dernier que celui-ci avait été transmis à la propriétaire de l’immeuble.

6.             Par courriel du même jour, le DT, sous la plume de M. E______, a rappelé à F______ qu’il lui était également demandé de se positionner, en tant que professionnelle de l’immobilier au service de la propriétaire.

7.             Par courriel du 25 mars 2024, F______ a informé le DT ne pas pouvoir se positionner sur les éléments concernés, dès lors qu’elle n’avait pas suivi les travaux y relatifs. Elle avait repris la gérance de l’immeuble le 1er avril 2021 et avait, depuis lors, réalisé des travaux uniquement dans le cadre des APA déposées par ses soins et validées auprès du DT. Partant, la demande du département était transmise à la propriétaire de l’immeuble.

8.             Par courriel du même jour, le DT, sous la plume de M. E______, a indiqué prendre note du fait qu’aucuns travaux n’avaient été effectués par F______ depuis la reprise de la gérance en avril 2021. Il était toutefois étonné qu’aucune recherche n’ait été entreprise par F______ s’agissant de la légalité de l’immeuble, au vu notamment de la typologie des espaces des étages largement modifiée par rapport aux plans validés. F______ était à nouveau invitée à prendre position dans le délai imparti. Toutes mesures et/ou sanctions imposées par la situation demeuraient réservées.

9.             Par courriel du 28 mars 2024, F______ a rappelé au DT n’avoir jamais indiqué qu’aucuns travaux n’avaient été réalisés depuis le 1er avril 2021 mais au contraire que tous les travaux effectués par ses soins respectaient les autorisations obtenues. Quant à la création d’un bureau donnant sur la cage d’escalier au 6ème étage et à l’absence de conformité de la porte palière dudit bureau avec l’art. 52 RCI, elle ne pouvait se déterminer, faute d’avoir eu accès aux plans de la DD concernée. Elle n’avait pas encore eu connaissance de la date d’achèvement des travaux relatifs à l’APA 2______ mais conviendrait d’un rendez-vous avec la locataire afin de vérifier que les travaux réalisés étaient conformes à l’APA signée par ses soins.

10.         Par courriel du 28 mars 2024, M. D______ a contesté la création d’un bureau au 6ème étage donnant sur la cage d’escaliers alors que la DD 3______ et ses autorisations complémentaires prévoyaient une cafétéria. S’agissant de l’affirmation du DT selon laquelle « La porte palière dudit bureau a sa porte au raz [sic] de l’escalier de l’immeuble ne respectant pas par ce biais l’art. 52 RCI avec un risque de chute important », il a précisé « admis ». Il a en outre indiqué ne pas avoir reçu le courrier recommandé contre lequel recourir auprès du tribunal et a demandé à être informé de la nature des sanctions annoncées.

11.         Par décision du 17 avril 2024 déclarée exécutoire nonobstant recours - qui se référait sous « concerne » à la procédure I 4______ et à un changement d’affectation et des travaux sans autorisation - adressée par pli recommandé à A______ « p.a. F______ », le DT, compte tenu du risque sécuritaire et en application des art. 129 ss LCI, a confirmé l’interdiction d’utiliser les locaux aménagés en bureau au 6ème étage avec effet immédiat jusqu’à régularisation.

À la lumière des informations fournies dans la détermination écrite du 28 mars 2024 suite au courriel adressé par ses soins à la gérance d’A______ le 20 mars 2024, la suite utile serait donnée à cette affaire. Toutefois, il était confirmé que le positionnement de la porte palière du bureau créée au 6ème étage ne répondait pas à l’art. 52 RCI, créant ainsi un risque de chute important.

En cas de non-respect de cet ordre, la précitée s’exposait à toutes nouvelles mesures et/ou sanctions justifiées par la situation. Cette décision - déclarée exécutoire nonobstant recours et distribuée, à teneur du suivi postal, le 18 avril 2024 - pouvait faire l’objet d’un recours auprès du tribunal dans les dix jours à compter de sa notification.

12.         Par décisions adressées par plis recommandés séparés du 19 avril 2024 à la recourante, respectivement à F______ SA, le DT a imparti à ces dernières un délai de dix jours pour produire un état locatif détaillé de l’immeuble afin de pouvoir se déterminer sur la suite à donner à cette affaire. Il était précisé qu’un envoi par courriel à inspectiondelaconstruction@etat.ge.ch l’obligerait. Toute autre mesure et/ou sanction justifiées par la situation demeuraient réservées. Cette décision pouvait faire l’objet d’un recours auprès du tribunal dans un délai de dix jours.

13.         Par courriel du 29 avril 2024, G______ SA (ci-après : G______) - locataire des locaux sis au 6ème étage de l’immeuble concerné et dont M. D______ était également le président du conseil d’administration - a transmis au DT l’état locatif requis.

14.         Par acte du 21 mai 2024, A______ a interjeté recours, sous la plume de son conseil, auprès du tribunal à l’encontre du courriel du 20 mars 2024 et de la décision du 17 avril 2024, concluant, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif au recours et, principalement, à l’annulation de l’interdiction d’utiliser les locaux du 6ème étage de son immeuble découlant des « décisions » précitées ainsi que « l’obligation implicite de modifier l’aménagement litigieux que comport[ait] ces décisions », sous suite de frais et dépens.

L’APA 2______ portait sur le changement d’affectation provisoire de bureaux en hébergement pour migrants du rez au 3ème étage de son immeuble, « avec mise aux normes anti-feu de l’ensemble de l’immeuble, du rez-de-chaussée à la toiture ». À l’occasion de ce projet, toutes les portes palières donnant sur la cage d’escaliers, du rez-de-chaussée au 6ème étage, avaient été mises aux normes. Le 13 mars 2024, un collaborateur du DT, qui aurait dû être Monsieur « H______ », avait effectué une visite de l’immeuble suite aux travaux précités. Aucun représentant d’A______ n’y avait été convié. M. E______ s’était « invité » à cette inspection sans s’être annoncé et le but de cette visite était moins de vérifier les travaux effectués par I______ que de chercher tout ce qui pouvait faire l’objet de sanctions dans un bâtiment administré par M. D______ ou appartenant à A______. En effet, M. E______ paraissait « avoir une dent personnelle » contre les précités, comme démontré par les précédents ordres de fermeture et amendes immédiats, d’ailleurs annulés suite aux recours interjetés à leur encontre (causes 6______/2022, 7______/2023 et 8______/2022, qui concernaient G______ SA). Si M. E______ s’était annoncé au préalable, il n’aurait pas été autorisé à passer par les locaux privés sis au 6ème étage pour accéder à la toiture (d’autres cheminements étaient prévus à cet effet), sans être accompagné par un administrateur.

Le courriel adressé le 20 mars 2024 à F______SA n’était pas opposable à A______, qui n’avait jamais accepté ce mode de communication par voie électronique. Malgré tout, elle s’était immédiatement exécutée, en interdisant à G______ d’exploiter les locaux loués, avec un dommage correspondant à l’intégralité du loyer, soit CHF 14'400.- par an, tant que durerait cette interdiction. En outre, dès lors qu’elle n’avait pas davantage élu domicile à l’adresse de F______SA , qui n’était pas sa mandataire dans le cadre de la procédure d’infraction, seule la notification d’un courrier recommandé à son siège social dans le canton de Zoug aurait été valable. Partant, tant la décision du 20 mars 2024 que celle du 17 avril 2024 n’étaient pas valables, de sorte qu’elles ne lui étaient pas opposables. Le délai de recours contre ces décisions n’ayant ainsi pas commencé à courir, la question de leur qualification, en tant que décisions finales ou incidentes, pouvait demeurer ouverte.

Toutefois, le DT s’était trompé en présentant implicitement - au vu de la mention du délai de recours de dix jours - son ordre du 17 avril 2024 comme une décision incidente. En effet, ce dernier ne s’inscrivait pas dans un processus qui renverrait à une instruction technique ultérieure mais ordonnait, à titre principal, la mise en conformité technique de l’aménagement visé avec l’art. 52 RCI, sans aucune alternative. Or, ceci constituait une décision finale, l’interdiction d’utiliser les locaux dans l’intervalle n’étant qu’une simple conséquence accessoire de celle-ci. Si l’on faisait, par impossible, abstraction de la notification irrégulière exposée supra, le dies a quo remontait au plus tôt au 18 avril 2024, date de réception par F______SA du courrier du 17 avril 2024, de sorte que le présent acte avait été déposé dans le délai de recours de 30 jours.

La restitution de l’effet suspensif au recours devait être ordonnée, faute d’intérêt public ou privé prépondérant à l’immédiateté de l’exécution des décisions litigieuses. Le seul intérêt invoqué était un prétendu risque de chute important. Or, les locaux concernés n’étaient pas ouverts au public et au vu de leur localisation au dernier étage de l’immeuble, aucun autre occupant dudit immeuble n’était amené à utiliser cette portion de l’escalier. Quant à sa locataire, elle connaissait parfaitement la situation et disposait en outre d’un accès direct à ses locaux par un ascenseur sécurisé. La sécurité du public ne motivait assurément pas l’exécution immédiate de la décision entreprise. Une pesée des intérêts en présence permettait de constater que le dommage financier subi en raison de la suppression du loyer perçu et l’impossibilité d’exploiter les locaux pour G______ étaient manifestement prépondérants.

Sur le fond, une violation grave de son droit d’être entendu, tel que consacré aux art. 41, 42 al. 1 et 46 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), justifiait l’annulation de la décision attaquée. En effet, « alors que [la présence d’un collaborateur du DT] sur le site n’était motivée que par le contrôle des travaux réalisés dans le cadre de l’APA délivrée à I______, l’inspection avait également porté sur les locaux sis au 6ème étage ». En outre, sa participation à l’administration des preuves était inexistante. Elle n’avait pas été invitée à s’exprimer avant le prononcé d’une décision ni à participer à la visite des lieux effectuée à son insu, alors qu’aucune des exceptions prévues à l’art. 43 LPA n’était réalisée. Ainsi, elle n’avait pu prendre connaissance des faits qui lui étaient reprochés ni fournir les explications nécessaires au DT. Le courriel du 20 mars 2024 ne mentionnait en outre aucune base légale justifiant l’interdiction immédiate d’utiliser les locaux.

Une violation du principe de la bonne foi était également à déplorer. La porte palière prétendument dangereuse avait été modifiée afin de répondre aux normes anti-feu dans le cadre de l’APA 2______/1. Ainsi, les plans de cette autorisation comportaient, en rouge, les changements effectués en ce sens à chaque étage, notamment du 4ème à l’attique. La mention « hors projet » apposée sur les plans des 4ème, 5ème et 6ème étages signifiait simplement que ces niveaux ne faisaient pas l’objet du changement d’affectation qui était à l’origine de l’APA pour les niveaux inférieurs. Cette mise aux normes avait été validée par le DT, sans remarques quant à sa proximité avec l’escalier. Pour le surplus, le positionnement de l’escalier et la configuration des locaux du 6ème étage dataient de la construction du bâtiment au début des années 70, soit avant même l’entrée en vigueur de l’art. 52 RCI. Ainsi, la situation n’était pas illicite et l’interdiction immédiate d’utiliser les locaux du 6ème étage était infondée. Le DT, qui n’avait pas imposé le déplacement de cette porte lors de la dernière mise aux normes anti-feu du bâtiment, ne pouvait à présent ordonner une interdiction d’utiliser.

Enfin, subsidiairement, une violation du principe de proportionnalité était à relever. Si, par impossible, le tribunal devait ne pas annuler l’ordre de modification de l’aménagement litigieux contenu dans la décision querellée, il n’en demeurerait pas moins que l’interdiction d’utiliser les locaux du 6ème jusqu’à l’achèvement de ces travaux était totalement disproportionnée. La situation ne créait pas un danger pour le public en général, l’aménagement ne concernait que son utilisatrice directe, qui en était parfaitement consciente, et celle-ci perdurait depuis des décennies. Un simple ordre de travaux aurait donc été suffisant pour atteindre le but prétendument visé, étant rappelé que cette nouvelle porte avait été installée au vu et su du DT, qui l’avait même autorisée.

Étaient notamment joints :

-          l’état locatif de l’immeuble établi par F______SA le 30 avril 2024, à teneur duquel le loyer annuel du bureau sis au 6ème étage se montait à CHF 14'400.- ;

-          l’autorisation de construire APA 2______ et plusieurs plans établis en octobre 2023 par Monsieur J______, architecte, indiquant se référer à l’immeuble sis sur la parcelle n° 1______ et à une demande d’autorisation de construire pour un changement provisoire d’affectation de bureaux en hébergement pour migrants, notamment un « plan de l’attique » du 2 octobre 2023 portant la mention « hors projet » et sur lequel apparaît l’escalier de l’immeuble, lequel est séparé des bureaux par une porte palière – dessinée en rouge – s’ouvrant vers l’intérieur desdits bureaux ; apparaît également sur ce même plan un ascenseur aboutissant directement dans les bureaux du 6ème étage, indépendamment de la porte palière précitée.

15.         Par déterminations du 31 mai 2024, le DT a conclu au rejet de la requête en restitution de l’effet suspensif.

Le constat effectué, selon lequel le positionnement de la porte palière du bureau créé au 6ème étage ne répondait pas aux prescriptions réglementaires et était susceptible de créer un risque de chute important, avait été expressément admis par M. D______ dans son courriel du 28 mars 2024. Au vu des risques engendrés par la situation pour la sécurité des utilisateurs du bâtiment, il ne se justifiait pas de surseoir, le temps du recours, à la mise en œuvre des mesures ordonnées, ce d’autant que la recourante déclarait avoir respecté l’interdiction litigieuse. Partant, il apparaissait évident qu’un intérêt public prépondérant existait à la mise en œuvre immédiate de la décision contestée. L’intérêt privé financier invoqué n’était manifestement pas de nature à l’emporter sur l’intérêt public à préserver l’intégrité corporelle des personnes, comme confirmé par la jurisprudence récente (ATA/526/2024 du 30 avril 2024 consid. 2.4). De surcroît, le montant en cause n’apparaissait pas mettre en péril la survie de la recourante, ce qu’elle ne prétendait d’ailleurs pas. En outre, les mesures utiles pouvaient être prises à brève échéance, ce qui diminuerait d’autant le montant précité.

L’allégation selon laquelle la porte concernée aurait été modifiée pour répondre aux normes anti-feu dans le cadre de l’APA 8______ était erronée. Cette APA portait sur le changement d’affectation du rez au 3ème étage, le plan du 6ème étage indiquant d’ailleurs expressément être hors projet. En outre, le DT n’avait posé aucune exigence de sécurité incendie quant à cette porte dans le cadre du projet précité. La prétendue existence de cette porte antérieurement à l’entrée en vigueur de l’art. 52 RCI était sans pertinence, les conditions de sécurité et de salubrité devant être remplies en tout temps.

16.         Par réplique sur effet suspensif du 10 juin 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle n’avait nullement admis l’existence d’un risque de chute important dans son courriel du 28 mars 2024 mais avait uniquement confirmé que la porte palière se trouvait à proximité directe de l’escalier de l’immeuble, comme démontré par les plans de l’APA 2______.

Le risque important de chute pour le public était objectivement inexistant. Les locaux en cause étaient directement desservis par un ascenseur qui ne pouvait être utilisé qu’au moyen d’un badge. Cet accès était dès lors sécurisé et prohibé à tout tiers en dehors de la locataire. Par ailleurs, il était physiquement impossible que des « personnes », sous-entendu le public, cherchant à accéder aux locaux par la cage d’escaliers puissent chuter à cet endroit-là. En effet, lesdits locaux étant situés au dernier étage, une personne qui viendrait du 5ème étage en utilisant les escaliers se retrouverait tout au plus face à une porte close mais ne risquerait assurément pas de chuter. En tout état, au vu de la situation du bureau au sein de l’immeuble, aucun autre occupant du bâtiment n’était amené à utiliser cette portion de l’escalier. La sécurité des (autres) utilisateurs n’entrait donc pas en jeu. Quant à la locataire, seule utilisatrice de l’étage, elle connaissait parfaitement la situation et disposait d’un accès direct à ses locaux par l’ascenseur sécurisé. L’usage de l’escalier était ainsi purement théorique.

De plus, la porte litigieuse s’ouvrait vers l’intérieur de la pièce, soit à l’opposé de l’escalier. De fait, même si une personne voulait quitter les locaux par ce chemin, elle devrait d’abord s’éloigner du seuil en reculant d’une distance au minimum égale au rayon d’ouverture de la porte, ce plaçant ainsi à plus d’1m de l’escalier, soit à une distance supérieure à celle imposée par l’art. 52 al. 2 RCI. Cette porte ne présentait donc aucun danger. Si elle était placée à la distance réglementaire prévue par l’art. 52 al. 2 RCI mais en s’ouvrant vers l’extérieur (ce qui était courant), la personne qui l’actionnerait ne se trouverait pas à une distance plus grande de l’escalier qu’actuellement. Par conséquent, il était compréhensible que cette porte n’ait suscité aucune remarque des services ayant approuvé les plans de l’APA 2______, sur lesquels elle était dûment mentionnée en rouge.

Partant, la mesure immédiate prise par le DT ne permettait ni de préserver l’intégrité corporelle de personnes, ni d’empêcher un risque pour la sécurité des utilisateurs du bâtiment. Ainsi, le dommage financier causé et l’impossibilité d’exploiter les locaux s’opposaient à l’intérêt public purement virtuel, voire imaginaire, de sécurité/intégrité corporelle des tiers ainsi qu’à l’intérêt que voyait apparemment le DT à agir de manière purement chicanière à l’encontre de M. D______.

Enfin, le fait qu’elle se soit exécutée en demandant à sa locataire de s’abstenir d’utiliser ses locaux ne plaidait nullement en faveur du retrait de l’effet suspensif. Elle n’avait pas eu d’autre choix, vu l’acharnement du DT, afin d’éviter le prononcé d’une nouvelle amende pour non-respect de l’ordre immédiat, qui aurait causé une énième procédure entre les parties.

17.         Par décision du 18 juin 2024 (DITAI/353/2024) désormais entrée en force, le tribunal a réservé la recevabilité du recours, admis la demande de restitution d'effet suspensif formée par la recourante et réservé la suite et le sort des frais de la cause jusqu’à droit jugé au fond.

18.         Dans ses observations sur le fond du 22 juillet 2024, le DT a conclu à l’irrecevabilité du recours et, par impossible, à son rejet et à la confirmation des décisions attaquées, sous suite de frais.

Le recours était irrecevable. La décision du 20 mars 2024 avait été contestée plus de deux mois après sa notification, soit en dehors de tout délai de recours. Le délai de dix jours pour recourir contre la décision du 17 avril 2024 avait également été largement dépassé. En outre, il ressortait du recours que la recourante s’était immédiatement exécutée en interdisant l’exploitation des locaux. Par conséquent, son intérêt à recourir faisait défaut.

Si, par impossible, le recours devait être déclaré recevable, il convenait de relever que les décisions contestées avaient été régulièrement notifiées à la recourante. En tout état, une éventuelle irrégularité dans la notification de ces dernières n’étaient pas un motif d’invalidité mais pouvait uniquement avoir une éventuelle incidence du point de vue du dies a quo du délai de recours. Tant la régie que la recourante avaient échangé avec le DT par courriels dans ce dossier et avaient donc accepté ce mode de communication. De plus, dans leurs courriels respectifs du 28 mars 2024, ni la régie ni M. D______ n’avait contesté la voie électronique pour les échanges ; ce dernier n’avait pas davantage relevé que les décisions ne pouvaient pas lui être communiquées pour adresse à la régie et encore moins que, par ce biais, elles ne lui étaient pas transmises et donc notifiées. Quoi qu’il en soit, la question de savoir si la communication du 20 mars 2024 était régulière pouvait rester ouverte dans la mesure où une nouvelle décision avait été rendue le 17 avril 2024.

Ces décisions étaient bien arrivées dans la sphère d’influence de la recourante, comme attesté par le courriel de la régie indiquant les avoir transmises à la recourante, par le courriel de cette dernière du 28 mars 2024 et par le recours déposé. Les communications avec la recourante, de manière générale en lien avec ledit immeuble, pouvaient être envoyées pour adresse à la régie, vu le mandat de cette dernière. La recourante n’ayant pas contesté la notification du 20 mars 2024 par le biais de la régie, elle avait confirmé son accord. De plus, son courriel du 28 mars 2024 démontrait qu’elle recevait bien les communications de la part de la régie. Enfin, ladite régie n’avait pas non plus indiqué ne pas représenter la recourante pour le dossier en question, ni que l’envoi de décisions par son biais était inapproprié.

Aucune violation du droit d’être entendu de la recourante n’était à déplorer. Suite à la demande de permis d’occuper des trois premiers étages en lien avec l’APA 2______, deux collaborateurs du DT s’étaient rendus sur place le 13 mars 2024. Dans ce cadre, la ventilation installée sur la toiture avait été examinée. Pour ce faire, les collaborateurs précités étaient passés par les étages de l’immeuble. Ils avaient alors constaté que le bâtiment avait vraisemblablement fait l’objet de plusieurs modifications par rapport à l’autorisation de construire DD 3______ en force et qu’une porte palière au 6ème étage n’était pas conforme à l’art. 52 RCI et présentait un risque important pour la sécurité des utilisateurs. Le DT avait imparti, par courriel du 20 mars 2024, un délai de dix jours à la recourante et à la régie pour se déterminer sur les éléments constatés. S’agissant de la non-conformité de la porte palière à l’art. 52 RCI, il avait immédiatement ordonné l’interdiction d’utiliser les locaux sans avoir entendu la recourante, au vu du danger concret important de chute, en application de l’art. 43 let. d LPA. Quant à la décision du 17 avril 2024, la recourante s’était déterminée le 28 mars 2024 sur les éléments constatés sur place, notamment la porte palière, dont elle avait admis la non-conformité au droit. Ainsi, cette décision avait été rendue après avoir entendu la recourante. En tout état, une potentielle violation du droit d’être entendu aurait été réparée dans le cadre du recours. La motivation de la décision était suffisante et claire et la recourante ne pouvait ignorer ce qui lui était reproché, l’art. 52 RCI étant en outre explicitement mentionné dans la décision du 17 avril 2024. Un potentiel défaut de motivation aurait, quoi qu’il en soit, été réparé par la prise de position du DT dans le cadre du présent recours dès lors que la recourante avait eu l’occasion de s’exprimer à ce propos, dans son recours puis dans sa réplique, et que le tribunal avait un plein pouvoir d’examen.

Aucune violation du principe de la bonne foi ni illégalité n’était à déplorer. M. D______ avait admis, dans son courriel du 28 mars 2024, que la porte palière du 6ème étage ne respectait pas l’art. 52 RCI, impliquant de ce fait un danger de chute important. L’APA 2______ ne validait nullement cette situation. Cette autorisation portait uniquement sur un changement d’affectation provisoire de bureaux en centre d’hébergement pour migrants du rez au 3ème étage et aucunement sur une mise aux normes anti-feu de l’ensemble de l’immeuble et encore moins sur l’emplacement de la porte palière en question. L’intitulé de l’objet de l’APA et ses plans le démontraient et la coupe et le plan d’étage indiquaient expressément le 6ème étage comme étant hors projet de l’APA. Les plans conformes à l’exécution produits en fin de chantier ne portaient d’ailleurs que sur le changement d’affectation des premiers étages mais aucunement sur les modifications intervenues dans les autres étages. En tout état, même si un remplacement des portes pour une mise en conformité feu avait été validée quant aux matériaux, le positionnement de ladite porte n’aurait pas été approuvé. De plus, le DT n’avait posé aucune exigence expresse de sécurité incendie quant à cette porte dans le cadre du projet précité. Le fait que l’aménagement de la porte remonterait aux années 70 n’était pas susceptible de modifier la décision litigieuse puisqu’une installation devait remplir en tout temps les conditions légales et réglementaires de sécurité, ce dont la propriétaire était responsable. Partant, la non-conformité au droit de la porte était avérée et admise et aucune violation de la bonne foi n’était à déplorer puisque son positionnement n’avait pas été examiné dans le cadre de l’APA 2______.

La mesure contestée était pleinement proportionnée. Le danger implicitement reconnu par la recourante pour les utilisateurs des locaux suffisait à justifier la mesure prise. La mise en danger desdits utilisateurs était concrète et marquée. Au vu des risques engendrés, en vertu des art. 129 ss LCI, il était fondé à interdire immédiatement d’utiliser les bureaux du 6ème étage jusqu’à régularisation de la situation. Aucune autre mesure moins incisive ne pouvait atteindre la sécurisation recherchée, la recourante ne démontrant pas le contraire. L’intérêt financier privé de la recourante ne prévalait pas sur l’intérêt public à préserver l’intégrité corporelle des personnes. En outre, le montant en cause n’apparaissait pas mettre en péril la survie de la recourante, ce qu’elle ne prétendait d’ailleurs pas. Enfin, les mesures utiles pouvaient être prises à brève échéance, ce qui diminuerait la durée de l’interdiction, et d’autant le montant précité.

19.         Par réplique du 14 août 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Son recours était bien recevable. Conscient de l’irrégularité de la forme de notification électronique adoptée précédemment, le DT avaient adressé deux courriers ayant la même teneur à elle-même ainsi qu’à F______ le 19 avril 2024 afin d’obtenir l’état locatif. En outre, s’agissant du même bâtiment, dans une affaire parallèle, l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) avait procédé à des échanges écrits par voie postale recommandée, comme l’imposait la loi. Seul M. E______ tentait en vain d’imposer la voie électronique pour les échanges. Ainsi, la notification des décisions du DT par voie électronique était irrégulière et ne pouvait entraîner aucun préjudice pour elle, dans la mesure où elle n’avait pas accepté ce canal de communication. En outre, F______ n’était qu’en charge de la gérance de l’immeuble et non de ses contentieux administratifs, comme cette dernière l’avait d’ailleurs précisé dans son courriel du 28 mars 2024 à M.  E______. Enfin, le fait que M. D______ avait expressément indiqué attendre un courrier recommandé impliquait qu’il contestait la voie électronique pour les échanges liés à cette procédure d’infraction. Il était établi que F______ n’était pas sa mandataire pour la présente procédure, en l’absence d’élection de domicile auprès de cette dernière. Partant, la notification irrégulière des décisions par voie électronique - qui avait une incidence du point de vue du dies a quo du délai de recours comme admis par le DT - ne pouvait entraîner aucun préjudice pour elle. Enfin, elle pouvait se prévaloir d’un intérêt actuel à recourir. L’effet suspensif ayant été restitué au recours, G______ exploitait à nouveau les locaux concernés.

Son droit d’être entendu avait bien été violé, pour les motifs exposés dans son recours. En outre, aucune des exceptions prévues à l’art. 43 LPA n’étaient remplies et elle n’avait jamais admis l’existence d’un risque de chute important, comme relevé par le tribunal dans la DITAI restituant l’effet suspensif au recours.

Aucune violation du principe de la légalité et de la bonne foi n’était à déplorer. Le tribunal avait retenu, dans la DITAI précitée, que le fait que la porte se trouve au ras de l’escalier ne représentait pas un danger de chute important pour les utilisateurs. La porte palière litigieuse remplissait donc les conditions de sécurité et de salubrité visées à l’art. 121 LCI. En outre, l’APA 2______ validait cette situation, de sorte que le DT faisait preuve de mauvaise foi en alléguant le contraire. De surcroît, les plans de cette autorisation contenaient des exigences expresses de sécurité incendie quant à cette porte. Enfin, il était incompréhensible que le DT persiste à ne pas vouloir modifier sa décision alors qu’il admettait que l’aménagement de la porte remontait aux années 70 et que, par conséquent, l’art. 52 RCI n’était pas applicable en l’espèce.

Quant au caractère prétendument disproportionné de la mesure, le résultat de sécurisation prétendument recherché par le DT n’existait pas ; ce dernier poursuivait uniquement un but chicanier. Enfin, comme retenu par le tribunal dans la DITAI/353/2024, l’ATA/526/2024 n’était d’aucun secours au DT.

Étaient joints :

-          un courrier adressé par l’OCLPF le 11 juin 2024 à la recourante par pli recommandé, à l’adresse de F______ et portant la mention « Copie au propriétaire » à une adresse à _______ (ZG) ;

-          un courriel adressé par M. E______ au conseil de la recourante le 3 juillet 2024 faisant suite à la visite de certains appartements de l’immeuble concerné et impartissant un délai de dix jours audit conseil pour se déterminer sur les points soulevés dans le cadre du droit d’être entendu, par retour de courriel de préférence ;

-          le courrier recommandé du 10 juillet 2024 adressé au DT par le conseil de la recourante au DT, soit pour lui M. E______, à teneur duquel le courriel du DT du 3 juillet 2024 précité devait être considéré comme non avenu. La recourante n’entendait pas voir l’instruction de ses dossiers se dérouler par messagerie électronique, ce qu’elle avait déjà indiqué dans le cadre de la procédure de recours pendante. Les injonctions et autres fixations de délai devaient lui être notifiées par plis recommandés, comme imposé par la loi. En outre, le DT ne distinguait pas, dans ses interpellations, la recourante de son conseil, ce qui était source de confusion. Il était donc demandé au DT d’adresser ses demandes et décisions par voie écrite recommandée, à la recourante (à son siège pour les affaires nouvelles ou en l’étude de son mandataire pour celles dans lesquelles il était déjà constitué).

20.         Par duplique du 3 septembre 2024, le DT a persisté dans ses conclusions.

Les parties avaient échangé par courriels et donc accepté ce mode de communication. Le courrier du conseil de la recourante du 10 juillet 2024 était postérieur aux échanges intervenus dans ce dossier. En outre, il ressortait clairement de ce courrier que ce conseil ne s’était opposé à ce mode de communication que dans le cadre de la procédure judiciaire. Quant à la notification par le biais de la régie, il ne faisait aucun doute que la recourante avait bien reçu cette décision et qu’aucun préjudice ne pouvait être démontré. Partant, les décisions avaient été régulièrement notifiées et aucun motif d’invalidité ne pouvait être retenu.

Aucune violation du droit d’être entendu n’était à déplorer, la recourante ayant pu se déterminer à ce propos avant le prononcé de la décision du 17 avril 2024.

Quant à la décision du 20 mars 2024, pour autant qu’elle présente encore un intérêt vu la décision du 17 avril 2024, la recourante et la régie avaient été dûment interpellées. La situation, qui violait l’art. 52 RCI, présentait un danger concret et le prononcé d’une décision jusqu’à régularisation, de quelque manière que ce soit, était nécessaire. Partant, l’exception prévue à l’art. 43 let. d LPA était remplie.

La situation actuelle était illégale et la décision du tribunal sur effet suspensif ne retenait pas le contraire. En effet, si le tribunal estimait qu’au vu du cas d’espèce particulier, la situation ne présentait pas un risque de chute important, il ne réfutait pas que la porte palière était située à front des escaliers, en violation de l’art. 52 RCI, et qu’un danger demeurait. Dès lors, il était faux de soutenir que la porte palière remplissait les conditions de sécurité et de salubrité visées par l’art. 121 LCI.

L’APA 2______ ne validait nullement la situation actuelle, puisqu’elle concernait uniquement le changement d’affectation provisoire des locaux sis du rez au 3ème étage.

Enfin, la mesure contestée était proportionnée, pour les motifs exposés précédemment. Le fait que les utilisateurs aient adopté un modus vivendi différent en utilisant exclusivement l’ascenseur ou que la porte s’ouvrirait vers l’intérieur des locaux ne réduisaient nullement le risque de danger. En cas d’incendie par exemple, lorsque l’ascenseur ne pouvait être emprunté et que la précipitation régnait, il ne pouvait être retenu de manière catégorique que l’accès aux locaux ne présenterait pas de danger de chute important.

21.         Par écriture spontanée du 16 septembre 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Le DT, en tentant d’arguer qu’un certain danger, même peu important, subsisterait malgré tout, perdait de vue que le présent cas ne portait pas sur la question de savoir si la situation de l’immeuble pourrait ou devrait, dans l’idéal, être encore améliorée sur le plan de la sécurité, mais sur une décision précise et concrète consistant à lui interdire simplement l’usage des surfaces locatives du 6ème étage. Cette interdiction constituait une réponse aberrante au danger faible et hypothétique et le DT ne se déterminait pas quant au sens d’ouverture de la porte.

Quant à la portée de l’APA 2______, le DT savait pertinemment que les travaux réalisés du rez au 3ème étage n’auraient pas été acceptés sans mise aux normes anti-feux des escaliers. Ce dernier savait également qu’une telle intervention impliquait de traiter toute la cage d’escalier et toutes les portes palières desservies par cette dernière. Il en découlait que la porte du 6ème étage devait être changée dans le cadre de ce projet (indépendamment de son libellé général), ce qui avait été fait, avec mention ad hoc en rouge dans les plans d’autorisation. Prétendre que le DT n’avait pas validé cet aspect des plans lors de la délivrance de l’autorisation et qu’il n’aurait pas dû réagir si le positionnement de la porte du 6ème étage ne lui convenait pas n’était pas soutenable et relevait de la mauvaise foi.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté par la recourante dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue, conformément aux art. 60, 61, 64 et 65 LPA.

L’allégation du DT selon laquelle la recourante aurait perdu tout intérêt actuel à recourir contre l’ordre attaqué puisqu’elle s’était conformée à celui-ci dès qu’elle avait eu connaissance de ne saurait emporter conviction. En effet, il sera rappelé qu’elle a précisé avoir agi ainsi uniquement afin d’éviter de se voir infliger des sanctions supplémentaires et qu’elle a, en parallèle, recouru contre cet acte et sollicité la restitution de l’effet suspensif à son recours. Partant, le comportement de la recourante ne saurait être interprété comme une renonciation à contester cet ordre. Enfin, le tribunal ayant restitué l’effet suspensif au recours par une décision désormais entrée en force, la recourante est à nouveau autorisée à utiliser ses locaux durant la présente procédure.

Partant, la question de savoir si c’est à bon droit que leur usage a été interdit dans la décision querellée conserve tout son actualité. Il en va de même de l’intérêt de la recourante à ce qu’il soit statué sur son recours.

3.             Se pose toutefois la question, sous l’angle de la recevabilité du recours, dans un premier temps, de la validité de la notification des deux actes attaqués.

4.             Au sens de l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité, dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal, et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c).

5.             L'autorité ne peut imposer la communication électronique aux parties ou aux tiers. Une partie peut renoncer en tout temps à la communication électronique (art. 18A al. 3 LPA).

Selon l’art. 18A al. 4 LPA, le Conseil d’État fixe, par voie réglementaire : a) le format de la communication électronique, qui peut être soumise à des exigences différentes selon les domaines; b) les modalités d'obtention de l'accord des parties ou des tiers pour adopter la communication électronique.

6.             L’art. 46 al. 2 LPA précise que les décisions sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit. Elles peuvent être notifiées par voie électronique aux parties qui ont expressément accepté cette forme de communication. Le Conseil d’État règle les modalités de la notification électronique par voie réglementaire.

7.             Conformément à l’art. 9 al. 1 du règlement sur l’administration en ligne du 26 juin 2019 (RAeL ‑ B 4 23.01) intitulé « Notification électronique », la notification électronique des décisions administratives ne peut avoir lieu que pour les usagers – le cas échéant leurs représentants – ayant fait l’objet d’une procédure d’identification formelle (art. 26).

Lorsqu'une décision doit être notifiée à plusieurs personnes, elle ne peut l'être par voie numérique qu'à celles d'entre elles qui en ont accepté le principe (al. 3).

8.             Une décision irrégulièrement notifiée n'est pas nulle, mais simplement inopposable à ceux qui auraient dû en être les destinataires; une telle décision ne peut donc pas les lier, mais la protection des parties est suffisamment garantie lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité (ATF 139 II 243 consid. 11.2; 132 II 21 consid. 3.1; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1010/2020 du 26 février 2021 consid. 4.3; 1C_311/18 du 2 avril 2019 consid. 3.2).

9.             Lorsque les preuves font défaut ou s’il ne peut être raisonnablement exigé de l’autorité qu’elle les recueille pour les faits constitutifs d’un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2 ; 1C_170/2011 du 18 août 2011 consid. 3.2 et les références citées ; ATA/99/2020 du 28 janvier 2020 consid. 5b). Il appartient ainsi à l’administré d’établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l’administration de démontrer l’existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a ; ATA/1155/2018 du 30 octobre 2018 consid. 3b et les références citées).

10.         En l’espèce, la recourante recourt, d’une part, contre le courriel du DT du 20 mars 2024 à F______ interdisant avec effet immédiat l’utilisation des locaux sis au 6ème étage de l’immeuble situé sur la parcelle n° 1______ en raison du positionnement de la porte palière desdits locaux qui viole l’art. 52 RCI et, d’autre part, contre la décision de ce même département du 17 avril 2024, qui reprend le contenu du courriel du 20 mars 2024.

S’agissant tout d’abord du courriel du 20 mars 2024, le tribunal constate qu’il n’a pas été démontré - ni même allégué - par le DT, qui supporte le fardeau de la preuve, que la recourante, son conseil et/ou sa régie auraient fait l’objet d’une procédure d’identification formelle, comme requis par l’art. 9 al. 1 RAeL, en vue de pouvoir se voir notifier des décisions administratives par voie électronique.

Il est sans pertinence que certains autres échanges aient eu lieu entre les parties par courriels sans que la recourante ne s’en plaigne ou encore que le contenu du courriel du 20 mars 2024 ait été porté à la connaissance de la recourante, ce qui apparaît être le cas. En effet, eu égard au fait que les art. 18A et 46 LPA, concrétisés par le RAeL, soumettent la notification de décisions administratives par voie électronique à des conditions spécifiques, ces dernières ne sauraient être contournées par le biais de principes jurisprudentiels applicables en matière de notification « classique » irrégulière, sauf à violer la volonté du législateur en matière d’échanges électroniques.

Partant, les critères stricts pour reconnaître la validité d’une transmission par voie électronique n’étant pas remplis, le contenu du courriel du DT du 20 mars 2024 ne saurait constituer une décision administrative valablement transmise par voie électronique ni, de ce fait, être opposable à la recourante. Dès lors, le recours interjeté par cette dernière sera déclaré irrecevable en ce qu’il porte sur ce courriel.

Quant à la décision du 17 avril 2024, la recourante se prévaut de l’irrégularité de la notification de cette dernière, qui lui a été adressée non à son siège mais à l’adresse de F______, laquelle n’avait pourtant pas été annoncée auprès du DT comme étant sa mandataire dans le cadre de la procédure d’infraction.

À ce propos, le tribunal constate qu’il n’est pas contesté par la recourante que cette décision lui a bien été transmise par sa régie en temps utile, ce qui lui a d’ailleurs permis d’interjeter recours contre de cette dernière. Par conséquent, la notification - même irrégulière, cas échéant, question qui souffrira de demeurer ouverte - de cette décision a en tout état atteint son but. Partant, conformément à la jurisprudence précitée, la protection de la recourante a été suffisamment garantie, de sorte qu’il doit être retenu que la décision du 17 avril 2024 est opposable à cette dernière.

11.         Cela étant fait, le tribunal considère qu’il convient, en premier lieu, de déterminer l’objet sur lequel porte cette décision du 17 avril 2024.

12.         L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 3a).

13.         En l’ocurrence, la décision du 17 avril 2024 confirme, à teneur de son texte, l’interdiction d’utiliser les locaux aménagés en bureau au 6ème étage avec effet immédiat « jusqu’à régularisation », compte tenu du risque sécuritaire au regard de la violation de l’art. 52 RCI.

Toutefois, force est de constater que cette décision n’ordonne, en l’état, aucune remise en état des locaux concernés. Dans le cas contraire, un délai aurait dû être imparti à la recourante pour procéder à une éventuelle remise en état, respectivement une demande de remise en état sans délai aurait dû être motivée, cas échéant. En outre, un délai pour produire la preuve, notamment par le biais d’un reportage photographique cas échéant, de la bonne exécution de la remise en état aurait également dû être imparti à la recourante. Pour le surplus, cette dernière n’a pas eu la possibilité de se déterminer s’agissant d’une éventuelle remise en état, notamment quant au délai nécessaire pour y procéder ou à d’autres éléments (techniques, financiers ou organisationnels) potentiellement pertinents en vue d’une telle mesure.

En outre, il ne peut être exclu, dans le présent cas, qu’un éventuel ordre de remise en état soit accompagné de conditions spécifiques à respecter ou encore que le DT requière la coordination avec un service spécialisé, au regard d’une éventuelle problématique technique. Enfin, dès lors que le DT indique que la destination des locaux du 6ème étage - desservis par la porte palière contrevenant à l’art. 52 RCI - aurait été modifiée sans droit de cafétéria en bureaux, il ne peut être exclu qu’un éventuel ordre de remise en état porte également, cas échéant, sur la destination desdits locaux et non uniquement sur la modification de ladite porte, ce que l’on ignore sur la seule base de la décision attaquée.

Partant, il sera constaté que cette décision ne porte que sur une interdiction immédiate d’occuper les locaux et non sur un ordre de remise en état de ces derniers. Le DT indique d’ailleurs explicitement, dans sa décision du 17 avril 2024 attaquée, que la suite utile sera donnée à cette affaire, ce qui tend à démontrer que d’autres mesures seront vraisemblablement prises.

Au vu de ce qui précède, le tribunal qui, conformément à la jurisprudence précitée, est lié par l’objet du litige, ne saurait connaître d’un éventuel ordre de remise en état, qui n’a pas été prononcé dans la décision attaquée, sauf à priver la recourante d’un double degré de juridiction, cas échéant.

Partant, il ne sera pas entré en matière sur la conclusion de la recourante tendant à l’annulation de l’« obligation implicite de modifier l’aménagement litigieux » contenue, selon cette dernière, dans la décision du 17 avril 2024, celle-ci étant irrecevable, ni sur les arguments des parties y relatifs.

14.         Se pose enfin, sous l’angle de la recevabilité du recours toujours, la question de la qualification, finale ou incidente, de cette décision du 17 avril 2024 afin de déterminer si le recours contre cette dernière a été interjeté dans le délai légal.

15.         En vertu de l'art. 57 LPA, sont susceptibles d’un recours les décisions finales (let. a), les décisions par lesquelles l’autorité admet ou décline sa compétence (let. b), ainsi que les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. c).

16.         Selon l'art. 62 al. 1 LPA, le délai de recours est de trente jours s'il s'agit d'une décision finale ou d'une décision en matière de compétence (let. a) et dix jours s'il s'agit d'une autre décision (let. b).

17.         Une décision est finale lorsqu'elle met fin à la procédure, que ce soit pour un motif tiré du droit matériel ou de la procédure (ATF 134 III 426 consid. 1.1 ; 133 III 629 consid. 2.2 ; 133 V 477 consid. 4.1.1). Une décision est partielle (i.e. partiellement finale : cf. ATF 133 III 629 consid. 2.1 ; 133 V 477 consid. 4.1.2), et doit aussi être attaquée immédiatement, lorsqu'elle statue sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause ou met fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts (ATF 134 III 426 consid. 1.1).

Constitue en revanche une décision incidente une décision qui est prise dans le cours de la procédure administrative, contentieuse ou non contentieuse, sans mettre fin à celle-ci. Les décisions incidentes ne font ainsi que régler une question formelle ou matérielle en tant qu'étape vers la décision finale (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 828 p. 296 et les jurisprudences citées).

18.         La distinction entre une décision finale, partielle et incidente résulte des rapports juridiques litigieux (ATF 133 V 477 consid. 4.1 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_611/2010 du 15 décembre 2010 consid. 1). L'intérêt pratique de la distinction entre décision finales (ou partielles) et décisions incidentes réside surtout dans le fait que si les premières peuvent sans autre faire l'objet d'un recours lorsqu'une telle procédure est prévue, la possibilité de recourir séparément contre les secondes est sujette à des restrictions (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 832 p. 298).

19.         En l’espèce, la recourante allègue que la décision du 17 avril 2024 serait finale. L’autorité intimée considère, quant à elle, qu’il s’agirait d’une décision incidente, avec pour conséquence que le recours, interjeté trente jours après sa réception, serait tardif et donc irrecevable.

La décision attaquée ordonne à la recourante, en application des art. 129 ss LCI, avec effet immédiat l’interdiction d’utiliser les locaux sis au 6ème étage du bâtiment sis sur la parcelle n° 1______, dès lors qu’il avait notamment été constaté par le DT, lors d’une visite sur place, que la porte palière du bureau créé au 6ème étage de l’immeuble précité ne répondait pas aux normes de sécurité réglementaires, notamment l’art. 52 RCI, et était susceptible de créer un risque de chute important.

Ainsi, il y a lieu de constater que cette décision, prononcée en application de l’art. 129 let. d LCI, met fin à la procédure relative à la question de savoir si la recourante peut utiliser en l’état les locaux du 6ème étage du bâtiment lui appartenant. En effet, la décision attaquée retient l’existence d’une violation des normes de sécurité en lien avec la porte palière desdits locaux, s’agissant de l’art. 52 RCI. Ainsi, il ne saurait être retenu que l’ordre attaqué se contente de régler une question formelle ou matérielle en tant qu'étape vers la décision finale, aucune décision finale ultérieure concernant ladite interdiction d’utilisation n’étant ici attendue ni nécessaire.

L’interdiction immédiate contestée ne constitue pas une mesure destinée à être tranchée définitivement lors d’une éventuelle procédure ultérieure de remise en état, non ordonnée par le DT à ce stade, comme vu supra. La question de l’interdiction d’occuper les locaux est en réalité précisément tranchée puisque la violation de l’art. 52 RCI, qui fonde cette interdiction, a été relevée dans la décision attaquée. L’on peine ainsi à voir quel intérêt temporaire, à l’instar d’une mesure provisionnelle, la décision attaquée pourrait avoir si elle devait être considérée comme une décision incidente rendue dans l’attente d’une décision finale.

Quant aux voies de droit indiquées dans la décision attaquée, qui font état d’un délai de recours de dix jours, elles ne sauraient être déterminantes. En effet, seule la nature de la décision, au regard des dispositions légales et de la jurisprudence précitée, est pertinente en vue de la qualification en tant que décision finale ou incidente.

En conclusion, l’interdiction immédiate d’occuper les locaux du 6ème étage concernés, prononcée en application de l'art. 129 let. d LCI, contrairement à un ordre de déposer une requête d'autorisation de construire relative à des travaux non autorisés constatés par le département, lequel constitue selon la jurisprudence une décision incidente (ATA/360/2017 du 28 mars 2017, consid. 6 confirmée par l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_278/2017 du 10 octobre 2017), ne représente pas une étape vers une décision finale, mais constitue bien une décision finale sujette à recours dans un délai de trente jours (JTAPI/857/2024 du 29 août 2024 consid. 9 ; JTAPI/465/2024 du 16 mai 2024 consid. 9 ;).

Partant, déposé en temps utile au sens de l’art. 62 LPA contre une décision finale, le présent recours est recevable.

20.         Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

21.         Les arguments formulés par les parties à l'appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 4.1 ; 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1 ; 1C_304/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.1 ; 1C_592/2015 du 27 juillet 2016 consid. 4.1 ; 1C_229/2016 du 25 juillet 2016 consid. 3.1 et les arrêts cités), étant rappelé que, saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office et que s'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 69 al. 1 LPA ; cf. not. ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1 et les références citées ; ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b; cf. aussi ATF 140 III 86 consid. 2 ; 138 II 331 consid. 1.3 ; 137 II 313 consid. 1.4).

22.         La recourante se prévaut d’une violation grave de son droit d’être entendu, tel que consacré aux art. 41, 42 al. 1 et 46 al. 1 LPA.

23.         Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, de produire des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (cf. ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l’autorité de recours n’est pas possible, l’annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 144 I 11 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_485/2022 du 24 mars 2023 consid. 4.2). Ce moyen doit par conséquent être examiné en premier lieu (ATF 141 V 495 consid. 2.2) et avec un plein pouvoir d'examen (ATF 127 III 193 consid. 3).

24.         Le droit d’être entendu est concrétisé à l’art. 41 LPA, selon lequel les parties ont le droit d’être entendues par l’autorité compétente avant que ne soit prise une décision. Le droit d’être entendu sert non seulement à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité garantissant à un particulier de participer à la prise d’une décision qui touche sa position juridique. Il comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, de fournir des preuves pertinentes quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d’être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu’elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 138 II 252 consid. 2.2 ; 138 I 484 consid. 2.1 ; 138 I 154 consid. 2.3.2 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_472/2014 du 3 septembre 2015 consid. 4.1 ; ATA/80/2016 du 26 janvier 2016 consid. 2). L’étendue du droit de s’exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu (ATA/778/2018 du 24 juillet 2018 consid. 3a).

25.         Les parties ont le droit de participer à l’audition des témoins, à la comparution des personnes ordonnées par l’autorité ainsi qu’aux examens auxquels celle-ci procède (art. 42 al. 1 LPA).

26.         À teneur de l’art. 46 al. 1 1ère phrase LPA, les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours.

27.         Le droit d’être entendu implique également pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence constante, il suffit qu’elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que son destinataire puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. L’autorité n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties ; celle-ci peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, lui paraissent pertinents pour fonder sa décision. Dès lors que l’on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l’autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision. La motivation est ainsi suffisante lorsque le destinataire de la décision est en mesure de se rendre compte de la portée de cette dernière, d’en comprendre les raisons et de la déférer à l’instance supérieure en connaissance de cause, laquelle doit également pouvoir effectuer son contrôle (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 IV 249 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_762/2020 du 17 mars 2021 consid. 2.1 ; 1C_415/ 2019 du 27 mars 2020 consid. 2.1 ; ATA/447/2021 du 27 avril 2021 consid. 6b).

28.         La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_240/2017 du 11 décembre 2018 consid. 3.2 ; 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception. Elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/802/2020 du 25 août 2020 consid. 4c et les références cités).

29.         En l’espèce, la recourante se plaint tout d’abord du fait qu’elle n’avait pas été informée de la visite sur place effectuée par le DT dans son immeuble, de sorte qu’elle n’a pu y participer.

Il ressort des éléments au dossier, notamment du courriel du 20 mars 2024 et de la décision attaquée, que cette visite a permis de constater que la porte palière du 6ème étage ne respectait pas la distance minimale avec les escaliers prévue par l’art. 52 RCI. Or, cet état de fait – qui ressort également du plan du 6ème étage produit par la recourante en annexe de son recours - n’est pas contesté par cette dernière, comme cela ressort du courriel de M. D______ du 28 mars 2024 et de la réplique sur effet suspensif du 10 juin 2024. Par conséquent, force est de constater que l’absence de la recourante lors de la visite sur place ne l’a pas empêchée de formuler d’éventuelles explications et de faire valoir son point de vue à ce propos, dès lors qu’elle ne conteste pas les éléments constatés à cette occasion. En outre et en tout état, dès lors qu’elle a eu la possibilité de faire valoir son point de vue s’agissant du positionnement de cette porte dans le cadre de la présente procédure, par le biais des écritures usuelles et d’une détermination spontanée accompagnées de pièces, une éventuelle violation de son droit d’être entendue aurait été réparée. Partant, aucune violation du droit d’être entendue de la recourante n’est à déplorer du fait de son absence lors de la visite effectuée par le DT dans ses locaux.

Pour le surplus, il sera constaté que la précitée a eu l’occasion de se déterminer par écrit avant le prononcé de la décision attaquée. En effet, dans son courriel du 20 mars 2024, le DT a imparti un délai de dix jours, notamment à la recourante, pour se déterminer, entre autre, sur la problématique de la porte palière du 6ème étage, dont il était précisé qu’elle contrevenait à l’art. 52 RCI. De plus, la recourante a fait usage de cette possibilité, par le biais d’un courriel de son administrateur du 28 mars 2024. La décision attaquée du 17 avril 2024 précise d’ailleurs expressément qu’à la lumière des informations fournies par la recourante dans sa détermination écrite du 28 mars 2024, la suite utile serait donnée à cette affaire. Ainsi, force est de constater que la recourante a pu prendre connaissances des faits qui lui étaient reprochés et fournir les explications qu’elle estimait nécessaires au DT avant le prononcé de la décision litigieuse. Enfin, la décision attaquée est effectivement désignée comme telle et motivée. Elle mentionne en outre la disposition réglementaire dont la violation est retenue ainsi que les voies de droit pour la contester.

Par conséquent, eu égard aux éléments qui précèdent, aucune violation du droit d’être entendu de la recourante n’est à déplorer. Infondé, ce grief sera écarté.

30.         Sur le fond, la recourante invoque une violation du principe de la bonne foi ainsi que l’absence d’illégalité s’agissant de la porte palière du 6ème étage, au motif que celle-ci aurait été validée par le DT dans le cadre de l’APA 2______/1.

31.         Selon l'art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente.

32.         L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT) et si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. b LAT).

33.         Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (art. 22 al. 3 LAT).

34.         L'art. 1 al. 1 LCI prévoit que sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a); modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (let. b) ; modifier la configuration du terrain (let. d) ; aménager des voies de circulation, des places de parcage ou une issue sur la voir publique (let. e).

35.         Aucun travail ne doit être entrepris avant que l'autorisation n'ait été délivrée (art. 1 al. 7 1ère phrase LCI).

36.         Les constructions ou installations neuves ou modifiées, destinées à l'habitation ou au travail ne peuvent être occupées ou utilisées à un titre quelconque avant le dépôt au département d'un dossier de plans conformes à l'exécution et d'une attestation de conformité établie par un mandataire professionnellement qualifié, cas échéant le requérant, dans les cas prévus par les art. 2 al. 3 2ème ph. (art. 7 al. 1 let. a LCI). L'attestation certifie que les constructions ou installations sont conformes à l'autorisation de construire, aux conditions de celle-ci, ainsi qu'aux lois et règlements applicables au moment d'entrée en force de l'autorisation de construire (art. 7 al. 2 LCI). Suivant la nature du dossier et si le mandataire ou le requérant l'estime nécessaire, l'un ou l'autre peut joindre à sa propre attestation celles des autres mandataires spécialisés intervenus dans le cadre de la réalisation des travaux et/ou l'attestation du propriétaire selon laquelle il n'a sollicité aucune réalisation contraire à la loi (art. 7 al. 3 LCI).

37.         Une construction, une installation et, d'une manière générale, toute chose doit remplir en tout temps les conditions de sécurité et de salubrité exigées par la présente loi, son règlement d'application ou les autorisations délivrées en application de ces dispositions légales et réglementaires (art. 121 al. 1 LCI).

38.         D'après l'art. 121 al. 3 let. a ch. 1 LCI, une construction, une installation et, d'une manière générale, toute chose doit être maintenue en tel état et utilisée de telle sorte que sa présence, son exploitation ou son utilisation ne puisse, à l'égard des usagers, du voisinage ou du public ni porter atteinte aux conditions exigibles de sécurité et de salubrité.

39.         Les propriétaires sont responsables, dans l’application de la LCI et sous réserve des droits civils, de la sécurité et de la salubrité des constructions et installations (art. 122 LCI).

40.         Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 7.1).

Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d’abord, une promesse concrète doit avoir été émise à l’égard d’une personne déterminée. Il faut ensuite que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; ATA/437/2020 du 30 avril 2020 ; ATA/1262/2018 du 27 novembre 2018 consid. 4b; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 2012, p. 922 ss).

Ainsi, à certaines conditions, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_626/2019 du 8 octobre 2020 consid. 3.1 ; 2C_136/2018 du 24 septembre 2018 consid. 3.2). Conformément au principe de la confiance, qui s'applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent recevoir le sens que l'administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (ATF 126 II 377 consid. 3a ; 126 III 119 consid. 2a ; 122 II 113 consid. 3b/cc ; 121 II 473 consid. 2c ; 118 Ia 245 consid. 4b et les réf. citées).

L'administré doit avoir eu des raisons sérieuses d'interpréter comme il l'a fait le comportement de l'administration et d'en tirer les conséquences qu'il en a tirées. Tel n'est notamment pas le cas s'il apparaît, au vu des circonstances, qu'il devait raisonnablement avoir des doutes sur la signification du comportement en cause et se renseigner à ce sujet auprès de l'autorité (ATF 134 I 199 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 5.1).

41.         En l’espèce, il ressort de la demande enregistrée sous le n° APA 2______/1 que cette requête a pour objet le changement d’affectation provisoire des locaux sis du rez-de-chaussée au 3ème étage de l’immeuble appartenant à la recourante, pour une durée de dix ans, de bureaux en hébergement pour migrants. De plus, selon la décision rendue par le DT le ______2023 s’agissant de cette requête, c’est bien, en toute logique, ce changement d’affectation provisoire des locaux sis du rez-de-chaussée au 3ème étage de l’immeuble de la recourante qui a été autorisé par ce biais.

Dès lors, rien ne laisse à penser que l’APA précitée - qui n’a pas été déposée par la recourante mais par I______ et qui concerne un changement d’affectation provisoire des étages du rez au 3ème - aurait validé la mise aux normes anti-feu de la porte palière du 6ème étage et, partant, accepté le positionnement de cette porte par rapport aux escaliers.

La recourante, qui supporte ici le fardeau de la preuve, n’a pas démontré le contraire. En effet, le plan de l’attique de l’immeuble sis sur la parcelle n° 1______, réalisé le 2 octobre 2023 par un architecte, produit par cette dernière en annexe de son recours, fait certes mention, en rouge, de la porte palière concernée. Toutefois, ce plan, qui ne se réfère à aucun numéro d’APA, indique en objet « Demande d’autorisation de construire pour un changement provisoire d’affectation de bureaux en hébergement pour migrants » et ne fait pas mention d’une éventuelle mise aux normes anti-incendie de la porte palière. En outre et surtout, la mention « hors projet » figure explicitement au milieu dudit plan. Ainsi, force est de constater que le mandataire professionnellement qualifié qui a réalisé ce plan a lui-même considéré que l’attique du bâtiment concerné se situait hors du projet déposé.

Partant, le fait que cette porte apparaisse en rouge sur le plan « hors projet » produit n’a pas pour conséquence que celle-ci aurait été autorisée par le biais de l’APA délivrée.

Retenir que tous les éléments figurant en rouge sur un plan, situés dans l’entier de l’immeuble en dehors des étages concernés par la demande, auraient été autorisés par le DT - indépendamment de l’objet de la demande d’autorisation et de l’autorisation de construire y relative- reviendrait en outre à rendre lettre morte les dispositions légales et réglementaires applicables en matière de droit de la construction, notamment l’art. 1 al. 1 let. b LCI qui prévoit que nul ne peut modifier même partiellement le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation sans autorisation.

Enfin, il sera relevé que la recourante indique elle-même dans son recours, lorsqu’elle se prévaut d’une violation de son droit d’être entendue en lien avec la visite des locaux du DT, qu’« alors que [la présence d’un collaborateur du DT] sur le site n’était motivée que par le contrôle des travaux réalisés dans le cadre de l’APA délivrée à I______, l’inspection a également porté sur les locaux sis au 6ème étage ». Cette formulation tend ainsi à démontrer que la recourante elle-même est parfaitement consciente que d’éventuels travaux réalisés par ses soins dans l’attique de son immeuble n’étaient pas concernés par l’APA délivrée en faveur de I______.

L’allégation selon laquelle le positionnement litigieux de la porte palière du 6ème étage daterait du début des années 70, soit avant l’entrée en vigueur de l’art. 52 RCI, est sans pertinence. En effet, conformément aux art. 121 et 122 LCI cités supra, il en va de la responsabilité du propriétaire d’une installation que celle-ci remplisse en tout temps les conditions de sécurité exigées notamment par le RCI ou les autorisations délivrées en application de ce dernier.

Eu égard au développement qui précède, force est de constater qu’aucune promesse concrète, notamment par le biais de l’APA 2______/1, n’a été in casu émise par le DT en faveur de la recourante s’agissant du positionnement actuel de la porte palière du 6ème étage. En outre, la recourante ne pouvait raisonnablement, en application du principe de la confiance, interpréter cette APA comme autorisant ce positionnement dans son état actuel.

Partant, mal fondés, les griefs de violation du principe de la bonne foi et d’absence d’illégalité seront écartés.

42.         Enfin, la recourante se prévaut du fait que la mesure ordonnée violerait le principe de proportionnalité.

43.         Selon l’art. 129 LCI, le département peut ordonner, à l’égard des constructions, des installations ou d’autres choses, (a) la suspension des travaux ; (b) l’évacuation ; (c) le retrait du permis d’occupation ; (d) l’interdiction d’utiliser ou d’exploiter et (e) la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition. Ces mesures peuvent être ordonnées par le département lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la présente loi, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 130 LCI). Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 de la loi (art. 131 LCI).

44.         Par mesures administratives sont visées les actions que les autorités administratives ordonnent, par des décisions, voire exécutent (ou font exécuter par des tiers), aux fins de rétablir le respect de la légalité. Le but de ces mesures est donc correcteur et non répressif. Leur prononcé, du même coup, ne dépend pas de conditions tenant à la personne du constructeur, telles que sa faute (Nicolas WISARD, Samuel BRÜCKNER, Milena PIREK, Les constructions « illicites », in DC 2019, p. 213).

45.         L'art. 129 LCI reconnaît une certaine marge d'appréciation à l'autorité dans le choix de la mesure adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faire usage dans le respect des principes de la proportionnalité, de l'égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et privés en présence (ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c et l'arrêt cité ; ATA/336/2011 du 24 mai 2011 consid. 3b et la référence citées).

46.         Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6).

47.         La proportionnalité au sens étroit implique une pesée des intérêts. C’est à ce titre que l’autorité renonce à ordonner la remise en conformité si les dérogations à la règle sont mineures, si l’intérêt public lésé n’est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l’ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s’il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l’intervalle. Le postulat selon lequel le respect du principe de la proportionnalité s’impose même envers un administré de mauvaise foi est relativisé, voire annihilé, par l’idée que le constructeur qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que cette dernière se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a; arrêt du Tribunal fédéral 1C_60/2021 précité consid. 3.1 ; Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, Les constructions « illicites » en droit public - notions, mesures administratives, sanctions, Journées suisses du droit de la construction, Fribourg 2019, p. 218).

48.         En l’espèce, le tribunal relève que l’interdiction immédiate d’utiliser les locaux aménagés en bureau sis au 6ème étage de l’immeuble lui appartenant a pour conséquence que la recourante doit immédiatement cesser d’utiliser lesdits locaux. Le DT invoque, pour justifier cette interdiction immédiate, un risque sécuritaire, dû à la violation de l’art. 52 RCI, dont découlerait un risque de chute important pour les utilisateurs du bâtiment, de sorte qu’un intérêt public prépondérant à la mise en œuvre immédiate de la décision contestée existerait.

Toutefois, comme exposé dans la décision sur restitution de l’effet suspensif au recours désormais entrée en force, conformément aux explications de la recourante, le bureau concerné, sis au 6ème étage de l’immeuble, n’est pas ouvert au public. Ce dernier, situé au dernier étage d’un bâtiment privé et loué par une société privée pour y exercer son activité lucrative, n’apparaît pas, prima facie, destiné à accueillir du public. S’agissant des autres occupants de l’immeuble, même à imaginer que l’un deux cherche à atteindre le 6ème étage par l’escalier, force est de constater que, comme relevé à juste titre par la recourante, il se retrouverait face, en haut de l’escalier, à la porte palière close du bureau du 6ème étage, sans risque de chute particulier. La recourante a également précisé, dans le cadre de son recours, sans être contredite sur ce point par le DT, qu’un cheminement spécifique est prévu pour accéder à la toiture de l’immeuble sans passer par le bureau du 6ème étage. Partant, la situation relevée n’apparaît pas davantage susceptible de provoquer un risque important de chute pour les personnes en charge de l’entretien de la toiture de l’immeuble. Les mêmes considérations sont valables pour les employés de la société locataire dudit bureau qui, selon les explications de la recourante, sont de plus parfaitement au fait de la situation, qui perdure depuis des décennies. Par conséquent, dans le sens de la montée, l’existence d’un risque important de chute ne ressort pas des éléments au dossier.

Quant à la possibilité d’un tel risque de chute depuis l’intérieur des locaux, soit dans le sens de la descente, il ressort des explications de la recourante que la porte donnant sur le palier depuis le bureau sis au 6ème étage s’ouvre vers l’intérieur desdits locaux et non vers l’extérieur en direction du palier. Cette configuration apparaît également clairement sur le plan du 6ème étage produit par la recourante. Par conséquent, toute personne souhaitant quitter ledit bureau doit d’abord laisser un espace suffisant en direction du palier afin de pouvoir ouvrir la porte des locaux donnant sur les escaliers. Cette situation implique qu’une distance, équivalant au minimum au rayon d’ouverture de la porte, doit en tout état être observé entre ladite porte et le début des escaliers de l’immeuble, réduisant d’autant le risque de chute invoqué par le DT.

En outre et surtout, il ressort des explications de la recourante, confortées en cela par le plan produit, qu’un ascenseur permet d’accéder directement à l’intérieur du bureau du 6ème étage, sans passer par les escaliers ni par la porte palière. Il a également été précisé par la précitée que cet ascenseur bénéficie d’un accès privatif et sécurisé au moyen d’un badge. Par conséquent, cet ascenseur permet aux utilisateurs dûment autorisés du bureau du 6ème étage d’accéder aux locaux, tant dans le sens de la montée que dans celui de la descente, sans utiliser les escaliers. En outre, il n’a pas été démontré, ni même invoqué, que des accidents se seraient produits en lien avec la situation actuelle. Enfin, le fait que l’ascenseur précité soit sécurisé a également pour conséquence qu’il n’en découle aucun risque qu’une personne non autorisée puisse, par inadvertance, parvenir dans les locaux du 6ème étage au moyen de cet ascenseur et tenter, par impossible, d’utiliser la porte palière de ces locaux pour redescendre par l’escalier. Certes, un éventuel risque de chute ne peut être exclu, notamment dans l’hypothèse où l’ascenseur ne serait plus utilisable, notamment en cas d’incendie, comme relevé à juste titre par l’autorité intimée. Toutefois, au vu du développement qui précède, ce risque de chute, même s’il ne peut être exclu, ne saurait être qualifié d’important.

En outre, comme exposé plus haut, dans le présent cas, le DT n’a prononcé aucun ordre de remise en état s’agissant de la violation de l’art. 52 RCI constatée. Or, l’existence d’une telle violation, et de l’éventuel risque sécuritaire qui en découle et dont se prévaut le département pour interdire l’utilisation des locaux, est à tout le moins connue de ce dernier depuis qu’il a porté cette problématique à la connaissance de la recourante par courriel du 20 mars 2024. Il a en outre indiqué, dans la décision attaquée du 17 avril 2024, qu’une suite utile serait donnée à cette affaire. Toutefois, force est de constater que, plus de six mois plus tard, aucune mesure n’a été prise pour remédier à l’infraction à l’art. 52 RCI constatée. Ce délai tend également à démontrer l’absence de risque de chute important. Dans le cas contraire, il apparaît vraisemblable que le département n’aurait pas manqué d’ordonner la remise en état de l’installation concernée dans les meilleurs délais, ce d’autant que ce dernier précise, dans ses déterminations du 31 mars 2024, que les mesures utiles s’agissant de cette porte peuvent être prises à brève échéance.

Or, quant aux intérêts privés en présence, il sera rappelé que le retrait de l’effet suspensif a pour conséquence, dans le présent cas, de priver la recourante de revenus locatifs se montant à CHF 14'400.- par an - au prorata de la durée de cette interdiction d’usage, prononcée il y a déjà plus de deux mois - et d’empêcher la locataire de cette dernière de pouvoir utiliser le bureau dans lequel elle exerce son activité lucrative. Par conséquent, ces intérêts ne peuvent être qualifiés de négligeables.

Par ailleurs, s’il peut être admis qu’un tel ordre puisse également être prononcé dans le but de contraindre un perturbateur récalcitrant à se conformer à un ordre de remise en état, une telle mesure, particulièrement incisive in casu puisqu’elle contraindrait la recourante à ne plus pouvoir utiliser ses locaux pour une durée indéterminée à ce jour, ne devrait pouvoir être ordonnée qu’après un délai de remise en conformité non respecté. Or, en l’espèce, un tel délai n’a précisément pas été imparti. En outre, rien ne laisse à penser que la recourante ne se conformerait pas à un tel ordre de remise en état s’agissant de cette porte, étant rappelé qu’elle a indiqué avoir immédiatement interdit l’accès des locaux concernés à sa locataire dès qu’elle avait eu connaissance des constatations et de l’ordre du DT y relatifs.

Partant, il apparaît que la seule interdiction d’occuper les locaux, laquelle n’a, au demeurant, pas pour conséquence de mettre fin à la violation constatée des dispositions réglementaires applicables, pour une durée indéterminée alors qu’aucune autre mesure, telle qu’un ordre de remise en état, n’a été prise par le DT, apparaît disproportionnée.

Au vu de l’ensemble des circonstances exposées plus haut et de la pesée des intérêts en présence, il n’apparaît ainsi pas qu’il soit, sous l’angle de la proportionnalité, nécessaire et impératif de faire interdiction immédiatement à la recourante d’occuper les locaux du 6ème étage de son immeuble.

49.         En conclusion, eu égard aux développements qui précèdent, le recours interjeté contre la décision d’interdiction immédiate d’utiliser les locaux sis au 6ème étage de l’immeuble situé sur la parcelle n° 1______ prononcée par le DT le 17 avril 2024 est admis et la décision précitée est annulée.

Il sera déclaré irrecevable, pour les motifs exposés plus haut, en ce qu’il porte sur le courriel du DT du 24 mars 2024.

50.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui obtient gain de cause, est exonérée de tout émolument. L’avance de frais versée par ses soins à la suite du dépôt du recours, d’un montant de CHF 900.-, lui sera restituée.

51.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1’800.-, à la charge du DT, sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 21 mai 2024 par A______ SA en ce qu’il porte sur le courriel du département du territoire du 20 mars 2024 ;

2.             déclare recevable le recours interjeté le 21 mai 2024 par A______ SA contre la décision du département du territoire du 17 avril 2024 ;

3.             l'admet ;

4.             renonce à percevoir un émolument et ordonne la restitution à la recourante de l’avance de frais de CHF 900.- ;

5.             alloue à la recourante, à la charge du département du territoire, une indemnité de procédure de CHF 1'800.- ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Isabelle KOECHLIN-NIKLAUS et Julien PACOT, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

 

Genève, le

 

La greffière