Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/851/2024 du 29.08.2024 ( LCI ) , REJETE
REJETE par ATA/123/2025
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 29 août 2024
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dans la cause
A______ SA, représentée par Me Pascal PÉTROZ, avocat, avec élection de domicile
B______ SA, représentée par Me Pascal PÉTROZ, avocat, avec élection de domicile
contre
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
1. B______ SA (ci-après : B______), sise ______[GE], a pour but l’exploitation et la mise en valeur d’ateliers horlogers ainsi que tous immeubles commerciaux ou industriels ; acquisition, administration, location et gestion de biens immobiliers.
2. A______ SA (ci-après : A______) est une société anonyme, dont le but est la création, production, fabrication et commercialisation, aussi au détail, de produits d'horlogerie, de bijouterie, d'orfèvrerie et de composants horlogers et industriels; achat, vente promotion, ______.
3. B______ est propriétaire des parcelles nos 1______, 2______, 3______, 4______, 5______, 6______, feuilles 3 et 6, de la commune de C______, d’une surface totale de 123’849 m2, situées en 5ème zone.
Sur la parcelle 4______, d'une surface de 4'116 m2 sont érigés deux bâtiments : n° 7______ (bureaux) et n° 8______ (bureaux) à l'adresse route de ______[GE], ainsi qu'une véranda-bureau au sud-ouest des bâtiments précités.
4. D______ est locataire de la véranda-bureau.
5. Le 18 septembre 2019, A______, par l'intermédiaire de son mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ) de l'époque, a déposé auprès du département du territoire (ci-après : le département ou DT) une demande d'autorisation de construire enregistrée sous DD 9______ pour la construction d'une véranda-bureau sur la parcelle précitée.
À teneur des plans produits, cette construction comprendrait un espace paysager de 228 m2 permettant d'accueillir 300 personnes (réception), deux bureaux d'une surface de 11,60 m2, un bureau de 11,40 m2, un bureau de 11,25 m2 et une cafétéria de 22,50 m2.
6. Dans le cadre de l'instruction de cette requête, les préavis suivants ont notamment été rendus :
– le 24 septembre 2019, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) s'est prononcée défavorablement. Le dossier était incomplet et ne permettait pas son analyse. La requérante était invitée à fournir : l'autorisation de construire (plans, coupes et élévations au 1/100ème et dûment cotées) des bâtiments existants sur la parcelle concernée ainsi que le taux autorisé, le calcul détaillé des rapports de surfaces et schémas explicatifs, pour les constructions et installations en zone 5 en y intégrant les bâtiments existants, le plan et le texte des diverses servitudes grevant la parcelle concernée ainsi que les documents K02 (L01, L02, L03) et N04 ;
– le 28 octobre 2019, l'office de l'urbanisme (SPI) a émis un préavis défavorable. Le projet n'était pas conforme à la zone d'affectation, soit la zone 5, dans la mesure où la véranda fermée était destinée à accueillir des bureaux ainsi que des espaces dévolus à l'organisation de réceptions. Compte tenu de la restriction de droit public affectant la parcelle, le projet aurait pour conséquence une densité dépassant celle autorisée par l'art. 59 al. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), y compris pour une construction avec un standard énergétique. Le projet contrevenait aux art. 4 et 6 du règlement de construction de la commune de C______ adopté par le Conseil d'État du 14 novembre 1984. Compte tenu des qualités paysagères et patrimoniales présentes dans le secteur élargi, une densification importante de cette parcelle n'était pas souhaitable ;
- le 18 octobre 2023, le SPI s'est à nouveau prononcé défavorablement. Le projet n'était pas conforme à l'affectation de la zone. La destination du bâtiment, visant l'accueil d'un public de 300 personnes, impliquait un flux de déplacements conséquents ayant un impact sur le voisinage constitué d'un réseau tissu résidentiel : circulation automobile accrue, saturation potentielle des voiries dans un contexte villageois, nuisances sonores. Avec le projet, la densité dépasserait la cible admissible au sens de l'art. 59 al. 1 LCI.
Différentes instances de préavis (OCEN, OCEau, OCAN, OPS) ont sollicité la production de pièces complémentaires pour pouvoir instruire le dossier.
7. Par courrier du 4 décembre 2019, l'OAC a communiqué à la requérante la teneur des préavis recueillis, dont les deux préavis défavorables, lui impartissant un délai de trente jours pour lui indiquer les suites qu'elle entendait donner au dossier et lui faire parvenir les documents requis dans le même délai.
8. Après avoir été saisi d'une dénonciation, alors que la requête précitée était en cours d'instruction, le département a ouvert une procédure d'infraction I 10_____ le 23 février 2021, la véranda-bureau ayant été édifiée sur la parcelle 4______ sans autorisation de construire. L'objet de la DD 9______ a donc été modifié afin d'intégrer le fait qu'il s'agissait d'une tentative de régularisation, notamment de l'infraction I 10_____.
9. Le 25 février 2021, A______ a informé le département qu'en raison des problèmes de santé de son architecte, il mettait un terme aux mandats qui les liaient et indiquait qu'elle faisait désormais appel à Monsieur E______.
10. Le 15 mars 2021, A______ a notamment signalé au département qu'une demande d'inscription au tableau des MPQ de M. E______ avait été déposée et que ce dernier avait repris le dossier I 10_____/ DD 9______ relatif à la véranda.
11. Par courrier du 27 avril 2021 adressé à A______, le département a pris note du fait que M. E______ était le nouveau MPQ pour les dossiers en cours, dont la DD 9______.
12. Le 19 octobre 2022, le département a imparti un délai au 10 novembre 2022 à la requérante pour répondre à l'intégralité de sa demande de compléments du 4 décembre 2019. Passé ce délai et sans nouvelles de sa part, il classerait le dossier.
13. Le 3 novembre 2022, exposant ses difficultés pour recueillir tous les documents utiles, le MPQ a sollicité un délai au 28 février 2023, lequel lui a été accordé par le département le 15 novembre 2022.
14. Le 23 février 2023, le MPQ a sollicité un dernier délai au 15 avril 2023.
15. Le 13 mars 2023, le département lui a accordé un ultime délai au 15 avril 2023.
16. Dans le cadre de procédures d'infractions (notamment I 10_____) visant des parcelles appartenant à B______ (parcelle 4______ notamment), une visite sur place a eu lieu le 20 juin 2023, en présence d'un représentant de l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC) et du MPQ de B______.
17. Par courriel du 20 juillet 2023 adressé à B______, l'OAC, se référant à sa visite sur place du 20 juin précédent, a relevé d'une part, que les plans conformes relatifs aux bâtiments nos 8______ et 7______ ne lui avaient pas été transmis. D'autre part, concernant la véranda-bureau, construite sans autorisation en 2009, selon les photographies aériennes disponibles sur le SITG, les compléments requis dans le cadre de la procédure de régularisation (DD 9______) n'avaient toujours pas été communiqués malgré les délais octroyés. Compte tenu de sa persistance à ne pas coopérer, aucun nouveau délai ne lui serait octroyé concernant le traitement de cette demande d'autorisation de construire. En outre, divers aménagements extérieurs, notamment un chemin d'accès à la façade nord-est de la véranda, un parking et un aménagement paysager avaient été constatés. Il invitait B______ à se déterminer sur les points précités, dans le cadre du droit d'être entendu, dans un délai de dix jours.
18. Par courriel du 18 août 2023, le MPQ a informé l'OAC qu'il n'avait été en mesure de prendre connaissance de son mail du 25 juillet 2023 que le 15 août 2023, soit à la rentrée des vacances horlogères, raison pour laquelle il sollicitait une prolongation du délai jusqu'au 17 septembre 2023, ce qui lui permettrait d'obtenir la documentation auprès de la famille de l'ancien MPQ, décédé dans l'intervalle.
19. En réponse à ce courriel, le même jour, l'OAC, relevant que son mail datait du 20 juillet et non du 25 juillet et déplorant n'être informé qu'à ce stade des vacances horlogères, a prolongé le délai au 25 août 2023.
20. Le même jour, le MPQ a indiqué que les vacances avaient été abordées lors de la visite sur place du mois de juin 2023 et qu'il avait été mentionné que les délais impartis ne pourraient manifestement pas être respectés.
21. Aucune suite n'ayant été donnée à son courriel du 20 juillet 2023, le département, par décision du 30 août 2023, a ordonné à B______, l'exécution des mesures suivantes d'ici au 29 septembre 2023 :
- fournir des plans conformes à la réalité des bâtiments nos 8______ et 7______ ;
- requérir une autorisation de construire complète et en bonne et due forme, concernant l'intégralité des aménagements extérieurs sis sur la parcelle 4______. Cette requête devrait clairement stipuler « demande de régularisation I 11_____ », suivi du détail.
Pour le surplus, s'agissant de la véranda-bureau, cette construction n'étant pas au bénéfice d'une autorisation de construire en force, il lui faisait interdiction d'utiliser ces locaux avec effet immédiat.
La décision mentionnait un délai de recours de dix jours.
22. Par acte du 11 septembre 2023, B______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision en ce qu'elle ordonnait, avec effet immédiat, l'interdiction d'utiliser la véranda-bureau.
23. Par jugement du 16 mai 2024, le tribunal a admis le recours de B______ (JTAPI/465/2024) à l’encontre de l'interdiction immédiate d'utiliser la véranda-bureau du 30 août 2023; la décision du 30 août 2023 étant confirmée pour le surplus.
24. B______, par l'intermédiaire de son conseil (lequel représentait également A______), a sollicité divers délais pour donner suite aux injonctions du DT la concernant.
25. Par décision du ______ 2023, le département a refusé de délivrer l'autorisation de construire visant la régularisation de la construction de la véranda-bureau (I 12_____ et I 10_____).
Tel qu'il ressortait du préavis défavorable du 18 octobre 2023 de l'office d'urbanisme (ci-après : OU), dans la mesure où la véranda concernée était destinée à accueillir des bureaux, ainsi que des espaces dévolus à l'organisation de réceptions, le projet n'était pas conforme à la zone d'affectation, soit la zone 5, destinée aux villas résidentielles. En outre, la destination du bâtiment, visant l'accueil d'un public jusqu'à 300 personnes, impliquait un flux de déplacements conséquents ayant un impact sur le voisinage constitué d'un tissu résidentiel : circulation automobile accrue, saturation potentielle des voiries dans un contexte villageois, nuisances sonores. Par ailleurs, la DAC avait, dans son préavis du 24 septembre 2019, estimé que l'art. 9 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01) n'était pas respecté, des documents étant manquants (coupes, plans, calcul détaillé des rapports des surfaces, etc.), le dossier ne permettait ainsi pas de procéder à son analyse complète notamment quant au rapport des surfaces. De plus, différentes instances de préavis (OCEN, OCEau, OCAN, OPS) avaient également sollicité la production de pièces complémentaires pour pouvoir instruire le dossier. Or, malgré le délai accordé par courrier du 4 décembre 2019 pour fournir les éléments requis, et les nombreux délais octroyés dont le dernier avait pris fin le 15 avril 2023, aucun complément n'avait été communiqué. Sur cette base, le département faisait sien les préavis susmentionnés et ne pouvait que refuser de délivrer l'autorisation de construire sollicitée.
26. Selon le suivi des envoi mis en place par la Poste, cette décision a été notifiée le 24 novembre 2023 à la recourante.
27. Par acte du 9 janvier 2024, A______, sous la plume de son conseil, a recouru contre cette décision auprès du tribunal, concluant à son annulation et au renvoi du dossier au département. Préalablement, elle sollicitait un délai de 30 jours pour compléter son recours et à ce qu'il soit dit que son recours avait effet suspensif.
La véranda-bureau ne couvrait que partiellement la parcelle dans la mesure où elle occupait la zone au sud-ouest des bâtiments de la parcelle. Aucune nuisance n'était à déplorer. Le nombre d'années d'existence de la véranda-bureau démontrait qu'il n'y avait jamais eu le moindre problème en lien avec cette construction, le voisinage n'étant aucunement incommodé. Les arguments du département selon lesquels l'accueil jusqu'à 300 personnes impliquerait un flux de déplacements conséquents ayant un impact sur le voisinage tombaient à faux. Les conditions de l'art. 19 al. 3 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) étaient remplies.
28. Le 17 janvier 2024, le tribunal a accusé réception du recours et a accordé à la recourante qui en avait fait la demande, un délai au 29 janvier suivant pour compléter son recours.
29. Le 29 janvier 2024, la recourante a sollicité une prolongation du délai imparti pour compléter son recours jusqu'au 19 février 2024.
30. En date du 31 janvier 2024, le tribunal a refusé de prolonger le délai précédemment accordé, précisant à la recourante qu'elle pourrait compléter son argumentation dans le cadre de sa réplique.
31. Dans le délai prolongé à sa demande, le département a transmis son dossier au tribunal accompagné de ses observations en date du 26 mars 2024. Il a conclu, dans la mesure où il serait recevable, au rejet du recours et à la condamnation de la recourante aux dépens de l'instance.
Les motifs du refus étaient clairement exposés dans la décision et ne laissaient aucune place au doute. Les conditions de l'art. 19 al. 3 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) n'étaient pas remplies et la recourante n'apportait pas la moindre démonstration du contraire. Le fait que la construction n'entraînerait selon la recourante pas de nuisances pour le voisinage n'était pas pertinent.
Au surplus, le refus d'autorisation était justifié également en raison du fait que le dossier était incomplet et ne permettait pas l'analyse de la demande, notamment en ce qui concernait le respect du rapport des surfaces. De plus, plusieurs instances de préavis avaient demandé des compléments. Or malgré les nombreux délais accordés depuis décembre 2019, aucune des pièces requises n'avait été transmise au département par le MPQ. Ainsi, l'autorisation ne pouvait, pour ces raisons également, pas être délivrée.
32. Par courrier du 27 mars 2024, le tribunal a imparti un délai au 17 avril 2024 à la recourante pour déposer son éventuelle réplique.
33. Le 17 avril 2024, la recourante, invoquant la quantité de documents déposés par le département et dans la mesure où elle n'avait pas été en mesure de compléter son recours malgré sa demande du 29 janvier 2024, sollicitait une prolongation du délai au 17 mai 2024.
34. Le 19 avril 2024 le tribunal lui a accordé une prolongation du délai pour répliquer au 6 mai 2024.
35. En date du 6 mai 2024, la recourante invoquant le fait qu'elle faisait face à un nombre important de dossiers ouverts par le département, de même qu'une surcharge exceptionnelle de travail de son conseil, a sollicité une prolongation du délai pour répliquer jusqu'au 31 mai 2024.
36. Par courrier du 8 mai 2024, le tribunal a accepté de prolonger le délai jusqu'au 13 mai 2024.
37. Le 13 mai 2024, la recourante a réitéré sa demande de report de délai pour répliquer 31 mai 2024 le moins 17 mai 2024.
38. Le 17 mai 2024, la recourante a transmis sa réplique.
La véranda-bureau en question hébergeait la cafétéria dans laquelle se rendaient quotidiennement 400 employés pour le repas de midi. Elle accueillait également le département comptabilité, le service des commandes de pièces horlogères, la salle de réception et un certain nombre d'autres bureaux et l'activité qui y était déployée était essentielle au groupe joailler et horloger.
Le département semblait appliquer un raisonnement « deux poids, deux mesures » en fonction du profil du requérant comme le démontrait un article de presse relatif au cas de l'établissement « la Réserve ». Le Conseiller d'État en charge du département avait indiqué qu'il existait de multiples exemples autres que celui de l'établissement précité, d'activités professionnelles en zone 5, en application de l'art. 19 al. 3 LaLAT. Il était donc incompréhensible qu'en l'espèce, le département n'ait pas pris la peine d'analyser les conditions d'application de la dérogation prévue par cette disposition, lesquelles étaient en l'occurrence remplies.
La lecture des différents préavis révélait que la question d'une éventuelle dérogation n'avait jamais été abordée, ce qui signifiait qu'elle n'avait manifestement pas été prise en considération. Il s'agissait-là d'une preuve supplémentaire de l'acharnement réservé par le département à son égard alors que la véranda-bureau existait depuis plus de quinze ans et qu'il n'existait aucune urgence et aucun risque relatif à la sécurité, comme le tribunal l'avait confirmé dans son jugement rendu dans la cause A/2877/2023.
Aucune nuisance n'était à déplorer, ce qui avait notamment permis d'exercer l'activité professionnelle durant toutes ces années sans le moindre problème. S'agissant de la circulation automobile, prétendument accrue, selon l'OU, c'était précisément en refusant l'autorisation de construire que ce trafic serait provoqué. En effet, dans l'hypothèse où la véranda-bureau et la cafétéria qui la composaient devaient être supprimées, les quelques 400 employés qui mangeaient chaque jour seraient contraints de se déplacer lors de la pause de midi, ce qui n'était pas acceptable. Les conditions de l'art. 19 LaLAT étant remplies, la décision devait être annulée.
Le département était parfaitement au courant de l'existence de la véranda-bureau avant 2019. L'attitude de celui-ci s'apparentait davantage à une volonté de la réprimer plutôt qu'à corriger la situation. Son acharnement insoutenable ressortait de la décision attaquée dans la mesure où il n'était aucunement fait mention d'une analyse de la dérogation possible en zone 5. En outre, en noyant la recourante et le groupe A______ dans son ensemble, sous une montagne de dossiers, nonobstant les circonstances exceptionnelles suite au décès de l'ancien MPQ et alors même que la véranda-bureau était utilisée depuis près de vingt ans, le département avait démontré une attitude de « deux poids, deux mesures » inacceptable. Le cas de « La Réserve » démontrait l'inégalité de traitement qui lui avait été réservée. Enfin, la non-production de documents complémentaires en raison de la surcharge de travail créé en son sein ne pouvait pas justifier un refus d'autorisation de construire sans violer le principe de la bonne foi.
39. En date du 11 juin 2024, B______, sous la plume de son conseil, a informé le tribunal qu'elle adhérait au développement et conclusions de la recourante.
40. En date du 11 juin 2024, le département a dupliqué.
Si le tribunal avait annulé l'ordre de cessation immédiate d'utiliser la véranda-bureau dans la cause A/2877/2023, il n'avait en revanche en aucune manière estimé que la construction en question serait conforme à la zone et qu'elle pourrait faire l'objet d'une dérogation.
Contrairement à ce que soutenait la recourante, l'analyse des conditions d'octroi d'une dérogation au sens de l'art. 19 al. 3 LaLAT avait bien été effectuée. Il ressortait en particulier du préavis de l'OU que les conditions de cette dérogation n'étaient pas remplies.
Concernant le principe de la bonne foi, il était rappelé que la construction litigieuse avait été érigée sans autorisation de construire. Par ailleurs aucune des conditions fixées par la jurisprudence n'était remplie. La recourante ne démontrait d'ailleurs pas avoir pris des dispositions quelconques sur la base de prétendues assurances données par le département. Il était faux de soutenir que le département aurait été au courant de la présence de la véranda-bureau depuis sa construction. La recourante n'était d'ailleurs pas en mesure de prouver ce qu'elle alléguait.
Quant au fait qu'il aurait fait preuve de mauvaise foi en refusant l'autorisation de construire au vu de l'absence de production des compléments requis par plusieurs instances de préavis, cet argument ne pouvait qu'être rejeté. Les compléments avaient été demandés une première fois le 4 décembre 2019. Une relance du département était intervenue le 19 octobre 2022, puis plusieurs délais avaient été accordés par le département jusqu'au dernier au 15 avril 2023. Or à cette date, l'ensemble des pièces demandées par de nombreuses instances n'avait toujours pas été communiqué.
Si la recourante était en surcharge de travail telle, comme elle soutenait, que plus de trois ans après la première demande de compléments et six mois après la relance, il ne lui était toujours pas possible de communiquer les pièces requises, il lui appartenait de prendre les dispositions à l'interne qui s'imposaient pour pouvoir y donner suite. Le département n'avait pas à subir indéfiniment les impondérables et difficultés de celle-ci.
En l'absence de l'ensemble des pièces nécessaires à l'instruction complète du dossier par toutes les instances consultées près de quatre ans après son dépôt, il ne pouvait raisonnablement être retenu qu'il aurait fait preuve de mauvaise foi en refusant l'autorisation de construire sur cette base, ce d'autant plus que, comme vu plus haut, le refus était fondé également sur un autre point.
En ce qui concernait le cas de « La Réserve », il n'était pas comparable à la situation d'espèce. En effet, ladite construction représentait une villa, conforme à la zone 5 dans laquelle elle s'inscrivait, au contraire de la véranda-bureau qui n'avait pas vocation de logement. Les cas n'étant pas semblables, aucune inégalité de traitement ne pouvait être retenue. Le refus d'autorisation ne constituait pas une mesure de répression comme le prétendait la recourante, celui-ci avait été émis au terme d'un examen minutieux et objectif du dossier de la demande d'autorisation de construire.
Dans la mesure où les conditions d'octroi de la dérogation n'étaient pas remplies et que les compléments requis n'avaient pas été fournis, c'était de manière juste et totalement objective qu'il avait refusé l'autorisation sollicitée.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).
2. Interjeté en temps utile, vu la suspension des délais entre le 18 décembre et le 2 janvier (art. 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10) et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 LPA.
3. Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2).
4. Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).
5. Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT - RS 700).
6. Selon l'art. 22 al. 2 LAT, l’autorisation est délivrée si la construction ou l’installation est conforme à l’affectation de la zone (let. a) et si le terrain est équipé (let. b). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d’autres conditions (art. 22 al. 3 LAT).
7. Le droit cantonal règle les exceptions prévues à l’intérieur de la zone à bâtir (art. 23 LAT).
8. À teneur de l’art. 19 al. 3 LaLAT, la 5ème zone est une zone résidentielle destinée aux villas ; des exploitations agricoles peuvent également y trouver place. Il s’agit d’une zone à bâtir et elle fait partie des zones ordinaires. Ces dernières ont pour objet de définir l’affectation générale des terrains qu’elles englobent (art. 12 al. 3 LaLAT). Les dérogations en zone à bâtir sont régies par l’art. 26 LaLAT.
9. Lorsque les circonstances le justifient et s’il n’en résulte pas d’inconvénients graves pour le voisinage, le département peut déroger aux dispositions des art. 18 et 19 LaLAT quant à la nature des constructions (art. 26 al. 1 1ère phrase LaLAT).
10. La notion de circonstances particulières au sens de l’art. 26 al. 1 LaLAT est un concept juridique indéterminé, laissant une certaine latitude à l’autorité administrative, laquelle jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans l’octroi de dérogations. Une dérogation ne peut être ni accordée ni refusée de manière arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l’équité et qu’elle se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs. Les circonstances doivent être à la fois particulières, en ce sens que la situation considérée doit être réellement exceptionnelle dans le cadre de la zone, et suffisamment importante pour justifier que l’intérêt public au respect de l’affectation de la zone, consacré par le législateur, cède le pas face à un intérêt public ou privé prépondérant. Dans l’appréciation des circonstances justifiant une dérogation, l’autorité doit prendre en considération le caractère ou l’évolution d’un quartier, le genre et la destination du projet qui, sans être immédiatement compatibles avec les normes de la zone, se révèlent admissibles, compte tenu des circonstances (ATA/318/2017 du 21 mars 2017 consid. 6b et les références citées). La notion d’inconvénients graves, présente tant à l’art. 26 al. 1 LaLAT qu’à l’art. 14 al. 1 let. a LCI, est également une notion juridique indéterminée, le département disposant à cet égard d’un pouvoir d’appréciation (ATA/434/2005 du 21 juin 2005 consid. 7a).
11. Selon la jurisprudence, il convient d’adopter une interprétation restrictive de l’art. 26 al. 1 LaLAT, en tout cas lorsque l’on entend l’appliquer à la zone 5. En effet, la condition de l’absence d’inconvénients graves pour le voisinage est identique à celle qui est posée pour la tolérance d’activités professionnelles dans une partie d’une habitation (art. 19 al. 3 2ème phrase LaLAT). Seule la condition de « circonstances qui le justifient » distingue donc la tolérance conforme à l’affectation de la zone et la réelle dérogation. Cette condition doit, par conséquent, avoir une consistance certaine, sauf à vider de son sens, par le biais des dérogations, la réglementation expressément voulue par le législateur (ATA/824/2015 du 11 août 2015 consid. 12c ; ATA/1019/2014 16 décembre 2014 consid. 8d et les références citées).
12. Selon le système prévu par la LCI, les préavis des communes, des départements et des organismes intéressés n'ont qu'un caractère consultatif. L'autorité de décision, qui n'est pas liée par ces préavis, reste libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur (art. 3 al. 3 LCI). Néanmoins, lorsque la consultation d'une instance de préavis est imposée par la loi, son préavis a un poids certain dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours et il convient de ne pas le minimiser (ATA/456/2022 du 3 mai 2022 consid. 4b; ATA/659/2017 du 13 juin 2017 consid. 4b ; ATA/318/2017 du 21 mars 2017 consid. 8c).
13. La délivrance d’autorisations de construire demeure de la compétence exclusive du département à qui il appartient de statuer en prenant en compte tous les intérêts en présence (ATA/259/2020 du 3 mars 2020 consid. 4b).
14. Le tribunal de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/332/2022 du 29 mars 2022 consid. 4b ; ATA/1098/2019 du 25 juin 2019 consid. 2e).
15. De jurisprudence constante, l'autorité administrative jouit d'un large pouvoir d'appréciation dans l'octroi de dérogations. Cependant, celles-ci ne peuvent être accordées ni refusées d'une manière arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l'équité et se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs. Quant aux autorités de recours, elles doivent examiner avec retenue les décisions par lesquelles l'administration accorde ou refuse une dérogation. Leur intervention n'est admissible que dans les cas où le département s'est laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle. Les autorités de recours sont toutefois tenues de contrôler si une situation exceptionnelle justifie l'octroi de ladite dérogation, notamment si celle-ci répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu'elle est commandée par l'intérêt public ou d'autres intérêts privés prépondérants ou encore lorsqu'elle est exigée par le principe de l'égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATA/792/2022 du 9 août 2022 consid. 6e; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 4d).
16. En vertu de l'art. 1 al. 1 LCI, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a), modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (let. b).
17. Aux termes de l'art. 2 LCI, les demandes d'autorisation sont adressées au département (al. 1). Le RCI détermine les pièces qui doivent être déposées par le demandeur et les indications que celui-ci doit fournir concernant les objets destinés à occuper le sous-sol de façon permanente (al. 2). Les plans et autres documents joints à toute demande d'autorisation publiée dans la Feuille d'avis officielle doivent être établis et signés par une personne inscrite au tableau des mandataires professionnellement qualifiés dans la catégorie correspondant à la nature de l'ouvrage, au sens de la loi sur l'exercice des professions d'architecte et d'ingénieur du 17 décembre 1982 (LPAI - L 5 40). Demeurent réservés les projets de construction ou d'installation d'importance secondaire qui font l'objet de dispositions spéciales édictées par voie réglementaire (al. 3).
18. Les pièces devant être jointes à la demande d'autorisation de construire ainsi que les visas nécessaires sont énumérés à l'art. 9 al. 2 à 7 RCI. L'art. 9 al. 2 RCI établit la liste des différents plans et coupes nécessaires. Doivent ainsi notamment être produits des plans clairs, précis, bien ordonnés et cotés de tous les étages (sous-sols, caves et combles compris) avec désignation de tous les locaux. Ils doivent notamment porter l’indication des canaux de fumée et de ventilation, des portes, des escaliers, des W.-C., des réservoirs, des dévaloirs et de la chaufferie (10 ex.); en cas de transformation, les plans doivent être teintés en deux couleurs conventionnelles, soit jaune pour ce qui est à démolir et rouge pour ce qui est à construire (10 ex.) (let. f) ; le calcul détaillé des rapports de surface et schémas explicatifs, pour les constructions et installations en zone 5 (let. cc).
19. Les exigences formelles imposées par l'art. 9 al. 2 RCI ne sont pas seulement destinées à permettre au département d'instruire les demandes et de contrôler leur conformité à la loi, ou encore de faciliter le travail du juge. Elles permettent également de garantir l'exercice du droit de chacun de consulter - et de comprendre - les projets de construction qui sont déposés, et celui des personnes disposant d'un intérêt digne de protection de recourir, cas échéant, en connaissance de cause (art. 3 al. 2 et 145 LCI, 18 RCI et 60 LPA ; ATA/1829/2019 du 17 décembre 2019 ; ATA/213/2018 du 6 mars 2018 et les références citées).
20. La précision des plans a également pour fonction de déterminer avec exactitude les détails de l'ouvrage et d'en fixer les contours une fois pour toutes, rendant un contrôle possible au stade de l'exécution. Cette exigence protège, de ce point de vue, tant le bénéficiaire de l'autorisation qui, une fois celle-ci entrée en force, peut se prévaloir d'un droit clairement défini, que les éventuels opposants ou l'autorité compétente, qui peuvent s'assurer que les travaux, une fois exécutés, sont conformes à l'autorisation délivrée (ATA/1829/2019 précité).
21. Les demandes ne sont valablement déposées et, partant, l’autorité saisie, que si les prescriptions concernant les documents et pièces à joindre ont été respectées et si l’émolument d’enregistrement a été acquitté. Les dossiers incomplets sont retournés pour complément. Ils ne sont pas enregistrés (art. 13 al. 1 RCI).
22. Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst., est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 142 IV 299 consid. 1.3.2 ; 142 I 10 consid. 2.4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_515/2020 du 10 février 2021 consid. 2.1 ; 2C_607/2019 du 16 juillet 2019 consid. 3.2). Autrement dit, il y a formalisme excessif si une procédure est soumise à des conditions de forme rigoureuses sans que cette rigueur soit objectivement justifiée, ou lorsqu'une autorité applique des prescriptions formelles avec une rigueur exagérée ou pose des exigences excessives en ce qui concerne la forme d'actes juridiques et empêche ainsi de façon inadmissible un citoyen d'utiliser des voies de droit (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1509).
23. L'art. 59 LCI régit le rapport entre la surface de la construction exprimée en m2 de plancher et la surface de la parcelle et règle les modalités de calcul du rapport des surfaces en ces alinéas 1 à 11. L'alinéa 2 stipule notamment que par surface de plancher prise en considération dans le calcul du rapport des surfaces, il faut entendre la surface brute de plancher de la totalité de la construction hors sol.
24. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits dans les procédures qu'elles introduisent elles-mêmes, dans celles où elles y prennent des conclusions indépendantes ainsi que dans les autres cas prévus par la loi, conformément à l'art. 22 LPA. Le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits comprend en particulier l'obligation de celles-ci d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2. ; ATA/573/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/99/2014 du 18 février 2014).
25. L'art. 24 LPA énonce que l'autorité peut inviter les parties à la renseigner, notamment en produisant les pièces en leur possession ou à se prononcer sur les faits constatés ou allégués et leur fixer un délai à cet effet (al.1). L'autorité apprécie librement l'attitude d'une partie qui refuse de produire une pièce ou d'indiquer où celle-ci se trouve. Elle peut ainsi le cas échéant déclarer irrecevables les conclusions des parties qui refusent de produire les pièces et autres renseignements indispensables pour que l'autorité puisse prendre sa décision (al. 2).
26. En cas d'absence de production des documents nécessaires, le risque de se voir reprocher son défaut de collaboration dans une procédure régie par la maxime inquisitoire existe (ATF 130 II 425 consid. 6.6 ; 125 V 193 consid. 2 et références citées).
27. En l'occurrence, la décision de refus du département se base en particulier sur l'absence de transmission des compléments requis par différentes instances de préavis, notamment la DAC, l'OCEN, l'OCEau, l'OCAN et l'OPS. De son côté, la recourante reproche à l'autorité intimée de ne pas avoir examiné les conditions de la dérogation à l'art. 19 al. 3 LaLAT et soutient que le département aurait violé le principe de la bonne foi en refusant l'autorisation en raison de l'absence de documents complémentaires.
D'emblée, il sera relevé que l'autorisation de la construction nécessite l'octroi d'une dérogation au sens de l'art. 26 al. 1 LaLAT, dès lors qu'elle se situe en zone villa (art. 19 al. 3 LaLAT), voire également en application de l'art. 59 LCI, de sorte que son instruction requérait une analyse approfondie et détaillée de la part des instances de préavis et du département, ainsi qu'un strict respect des exigences posées par le droit public des constructions.
À cet égard, il doit être relevé que le 4 décembre 2019, l'OAC a transmis à la requérante la teneur des préavis recueillis, dont celui défavorable du 24 septembre 2019 de la DAC, laquelle a expressément indiqué qu'il lui manquait les documents nécessaires pour pouvoir se déterminer, à savoir, en sus des différents plans et coupes, le calcul détaillé des rapports de surface avec un schéma explicatif ; celui également défavorable du SPI, lequel précisait que le projet n'était pas conforme à la zone 5 ni à l'art. 59 LCI, de même que ceux de l'OCEN, l'OCEau, l'OCAN et l'OPS qui demandaient la production de pièces complémentaires et a imparti un délai de 30 jours à la requérante pour lui indiquer les suites qu'elle entendait donner à sa demande et lui transmettre les documents requis.
Si la requérante a dû mandater un nouvel architecte, pour remplacer le premier tombé malade, ce qui a effectivement pu la retarder dans ses démarches visant la régularisation de la situation, il ressort du dossier que celui-là a repris les dossiers en cours de la requérante, dont celui visé par la présente procédure, en mars 2021. Or malgré les divers délais accordés - dont le dernier fixé au 15 avril 2023 - accompagnés des mises en garde d'usage sur les conséquences de la non observation de ces délais, la requérante, qui n'a du reste jamais remis en question la pertinence des documents requis, n'a pas donné suite aux demandes du département.
Ainsi, la recourante a dûment été informée que le dossier déposé n’était pas complet, et qu’à défaut d’obtenir les informations demandées, l’autorité intimée statuerait en l’état du dossier.
Les arguments avancés par la recourante pour tenter de justifier son manque de collaboration ne sont pas convaincants. En particulier, l'argument selon lequel elle aurait été débordée face aux multiples demandes du département ou encore en raison d'une surcharge de travail de son mandataire ne lui est à l'évidence d'aucun secours tant il est vrai qu'elle ne pouvait ignorer que la construction réalisée sans autorisation devait être régularisée par le dépôt d'une demande d'autorisation de construire en bonne et due forme, ce qu'elle n'est pas parvenue à concrétiser depuis le 18 septembre 2019, soit durant près de quatre ans.
Dans ces circonstances, la recourante ayant failli à son devoir de collaboration, c'est sans verser dans l'arbitraire que le département a statué en l'état du dossier et a refusé de délivrer l'autorisation de construire.
Enfin, il sera rappelé que l’autorité intimée a été mise face au fait accompli, la construction litigieuse ayant été érigée sans être autorisée. L’absence de collaboration des parties ne saurait empêcher dans ce cas le département de statuer, au risque d’encourager les comportements abusifs. Les administrés pourraient en effet profiter des constructions non autorisées le temps souhaité, en ne donnant simplement pas suite aux requêtes du département (cf ATA/246/2017 du 28 février 2017 consid. 7g).
28. La recourante qui ne conteste pas que le projet n'est pas conforme à la zone d'affectation de la parcelle concernée, soit la zone villas, reproche toutefois au département de ne pas avoir examiné les conditions de l'octroi d'une dérogation. Elle estime ainsi que son projet doit être autorisé en application de la dérogation prévue par l'art. 26 al. 1 LaLAT. Selon elle, en effet, ce serait le refus de l'autorisation qui serait source d'inconvénients pour le voisinage en raison de l'accroissement des déplacements de ses quelques 400 employés lors des pauses de midi.
29. En l'espèce, il résulte du dossier que la question d'une dérogation à l'art. 19 al. 3 LaLAT a non seulement été examinée mais que l'instance spécialisée, à savoir l'OU, l'a expressément refusée, considérant que le projet n'était pas conforme à la zone et qu'il serait source d'inconvénients graves pour le voisinage.
Force est de considérer que la recourante qui se contente d'affirmer sans en faire la démonstration que le voisinage n'est pas incommodé, qu'elle n'a rencontré aucun problème depuis près de 20 ans, soit depuis la date de la construction litigieuse et que partant les conditions d'une dérogation seraient remplies, entend avant tout substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité intimée. Or, le tribunal, qui doit faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée à l'autorité intimée, ne saurait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, même si celle-ci n'est pas dénuée de pertinence, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA).
Partant, ce grief sera rejeté.
30. Selon la recourante, le département a violé le principe de la bonne foi en refusant d'accorder une dérogation à l'art. 19 al. 3 LaLAT.
31. Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 7.1).
32. En l’espèce, rien au dossier ne permet de retenir que l'autorité intimée aurait fait une promesse concrète à la recourante ou à son architecte, quant au fait que la demande d’autorisation de construire portant sur la régularisation de la véranda-bureau serait acceptée.
Pour ces motifs, le grief de violation du principe de la bonne foi devra être écarté.
33. La recourante, se référant à un article de presse concernant l'établissement de « La Réserve », invoque une violation du principe d’égalité de traitement.
34. Une décision viole le principe de l’égalité de traitement consacré à l’art. 8 al. 1 Cst., lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. L’inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d’arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l’être de manière semblable ou inversement. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. Les situations comparées ne doivent pas nécessairement être identiques en tous points, mais leur similitude doit être établie en ce qui concerne les éléments de fait pertinents pour la décision à prendre (cf. ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 144 I 113 consid. 5.1.1 ; 142 I 195 consid. 6.1 ; 137 I 167 consid. 3.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_195/2021 du 28 octobre 2021 consid. 5.1.2 ; 1C_270/2021 du 1er octobre 2021 consid. 3.1 ; 2C_538/2020 du 1er décembre 2020 consid. 3.2 ; 2C_949/2019 du 11 mai 2020 consid. 6.3 ; 8C_107/2019 du 4 juin 2019 consid. 4.2.1 ; 1C_564/2015 du 2 juin 2016 consid. 3.1). Il n’y a pas d’arbitraire du seul fait qu’une solution autre que celle choisie semble concevable, voire préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable ; il faut encore que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 318 consid. 5.4 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_523/2019 du 1er avril 2021 consid. 2 ; 2C_713/2020 du 8 décembre 2020 consid. 2.3 ; 1C_12/2019 du 11 novembre 2019 consid. 2.1.1).
35. En l’espèce, la recourante ne démontre en rien l’inégalité de traitement dont elle ferait l’objet. L'article de presse évoqué concerne apparemment l'affectation en résidence d'une villa située en zone 5 sans toutefois que l’on puisse en déduire que la situation de l'établissement en question aurait été identique à celle de la recourante – étant par ailleurs souligné que la situation de l'établissement en question concernait semble-t-il une maison existante alors que le projet querellé concerne une nouvelle construction érigée sans droit.
36. Ce grief sera lui aussi écarté.
37. En conclusion, la décision de refus d'autorisation de construire ne peut qu'être confirmée.
38. En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.
39. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'500.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 9 janvier 2024 par A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge de la recourante, un émolument de CHF 1'500.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant : Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Julien PACOT et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| La greffière |