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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1264/2004

ATA/434/2005 du 21.06.2005 ( TPE ) , REJETE

Parties : MUMENTHALER Franz Marcel et autres, MUMENTHALER Elisabeth, MULLER-MUMENTHALER Evelyne, MUMENTHALER Félix, SCHNEEBELI Vrenely, HERREN Barbara, SUNDARAM Ramanathan, MORET Jean, MORET Georgette, CHAVET-SCHNEIDER Charlotte, KING SCHNEIDER Pascale / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT, MASMEJEAN Jean-Paul
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1264/2004-TPE ATA/434/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 21 juin 2005

dans la cause

Madame Charlotte CHAVET-SCHNEIDER

Madame Barbara HERREN-MOSCHI

Madame Pascale KING-SCHNEIDER

Madame Georgette MORET

Monsieur Jean-Michel MORET

Madame Evelyne MULLER-MUMENTHALER

Madame Elisabeth MUMENTHALER

Monsieur Félix MUMENTHALER
Monsieur Franz–Marcel MUMENTHALER

Madame Verena SCHNEEBELI

Monsieur Ramanathan SUNDARAM
représentés par Me Jean-Pierre Carera, avocat

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

et

DéPARTEMENT DE L'AMéNAGEMENT, DE L'éQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

et

Monsieur Jean-Paul MASMEJEAN



1. Monsieur Jean-Paul Masmejean (ci-après : l’intimé), domicilié 8, chemin de la Dode à Onex, est copropriétaire de la parcelle 1527, feuille 8 de la commune d’Onex, à l’adresse 25 bis, chemin de Cressy. Il l’a acquise avec son épouse en décembre 2001 de Madame Ursula Eppler, née Mumenthaler, cette dernière en étant devenue seule propriétaire le 30 juin 1999 par partage de la succession de Madame Elise Schelling, née Mumenthaler.

Cette parcelle est sise en 5e zone à bâtir, soit une zone résidentielle destinée aux villas (art. 19 al. 3 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30).

2. Dite parcelle supporte un bâtiment qui était à l’origine une villa d’habitation mais qui est affectée depuis 1964 au moins à un usage industriel et commercial, les locataires successifs ayant été :

- Metravel S.A., société active dans la recherche électronique, jusqu’en novembre 1971 ;

- Joseph Von Rotz & Cie, constructions et fabrications électroniques, de novembre 1971 à juillet 1982 ;

- Eldisa, Electronic distribution S.A., distribution de produits électroniques en tous genres, de juillet 1982 à mars 1990 ;

- Onex Télévision S.A., représentée par M. Masmejean, depuis avril 1990 jusqu’en décembre 2001, cette société continuant son activité au même endroit depuis l’acquisition de la parcelle par son représentant et l’épouse de celui-ci.

3. Onex Télévision S.A., représentée par M. Masmejean, est par ailleurs locataire, depuis avril 1990, d’un bâtiment sis sur une parcelle attenante à celle de son représentant, soit la parcelle 1523 feuille 8 de la commune d’Onex, à l’adresse 25, chemin de Cressy. Il s’agit également à l’origine d’une villa d’habitation mais affectée depuis 1982 au moins à un usage industriel et commercial, les locataires successifs étant les mêmes que ceux de la parcelle 1527.

La propriétaire de la parcelle 1523 est Madame Evelyne Müller-Mumenthaler, qui l’a acquise en pleine propriété également par partage de la succession de Madame Elise Schelling, née Mumenthaler.

4. Au début de l’été 2002, M. Masmejean a déposé auprès du département l’aménagement, de l’équipement et du logement (ci-après : le DAEL) une demande d’autorisation de construire définitive portant sur la reconstruction d’un atelier et la mise en terre d’une citerne de 6'000 litres sur la parcelle 1527. Cette requête a été enregistrée sous no DD 98161-4.

Le projet visait à démolir le bâtiment existant et à le remplacer par un nouveau bâtiment présentant l’allure extérieure d’une villa d’un étage et combles avec sous-sol semi-enterré accessible par une rampe. La hauteur prévue était de respectivement 4,30 mètres pour le sous-sol, 4,20 mètres pour le rez-de-chaussée et 1,80 mètres pour les combles. Le nouveau bâtiment était destiné à regrouper l’activité déployée par M. Masmejean dans les bâtiments existant des parcelles 1527 et 1523, à savoir : « prestations audio-visuelles pour événements, conférences et congrès, y compris projection sur mur d’image et écran géant ; vente et installation de matériel audio-visuel institutionnel et broadcast ; installations équipement de surveillance vidéo ; transfert et transcodage, vidéo tous standards et tous systèmes DVD Autoring et Multicopies ; réparation et entretien pour matériel audiovisuel ; location d’équipements vidéo professionnel pour reportages ».

5. Dans le cadre de l’instruction de la requête par le DAEL sont notamment apparus les éléments suivants :

- Par courrier du 6 janvier 2003, 9 propriétaires de parcelles sises dans le voisinage de la parcelle 1527 se sont opposés à la délivrance de l’autorisation de construire sollicitée. Il s’agit de Mesdames et Messieurs Barbara Herren-Moschi, Evelyne Muller-Mumenthaler, Elisabeth Mumenthaler, Felix Mumenthaler, Franz Mumenthaler, Verena Schneebeli, Ambi Sundaram et Bianca Palman;

- Le 23 mai 2003, la direction de l’aménagement du territoire (ci-après : DAT) du DAEL a rendu un préavis favorable pour autant que la construction en cause fasse l’objet d’une enquête publique. Elle relevait que l’affectation à usage d’atelier avait été autorisée par la transformation d’un ancien rural. L’enquête publique a eu lieu du 11 juin au 11 juillet 2003.

- En date du 31 juillet 2003, la commune d’Onex a émis un préavis favorable sous conditions, ainsi formulé :

« Etant donné l’opposition de riverains à ce projet de démolition reconstruction, le Conseil administratif a pris le temps d’entendre les parties séparément. Puis en date du 1er avril 2003, il a organisé une rencontre à la mairie en présence d’une part du requérant et de son architecte et, d’autre part, de 2 représentants des riverains. Lors de cette séance, le requérant accompagné de son architecte ont pris les engagements suivants :

- La construction permet une réversibilité en logement moyennant quelques transformations mineures ;

- L’activité future de l’entreprise qui occupera les nouveaux locaux et les livraisons n’engendreront pas plus de nuisances qu’actuellement et donc le caractère résidentiel des lieux est garanti ;

- Le requérant est prêt à faire modifier la servitude du 18 juillet 1960 dans un sens plus contraignant à savoir d’exclure toute activité qui pourrait engendrer un problème de voisinage (garage, carrosserie, restaurant, etc…) ;

- Le requérant a pris l’engagement d’effectuer les plantations adéquates afin de masquer l’aspect massif du bâtiment et de la rampe d’accès.

En conséquence, ce projet est conforme aux vœux du plan directeur communal de maintenir le quartier de la Dode en zone villa.

La commune demande de sécuriser l’entrée des véhicules en créant un trottoir qui donnera de la visibilité dans le virage et améliorera la sécurité des piétons. Dans ce but, le requérant prend l’engagement de céder gratuitement au domaine public communal une bande de 2,00 m de large le long du chemin de Cressy et prendra à sa charge la démolition du mur et la construction d’une nouvelle clôture. La commune se charge de la construction du trottoir et des frais de géomètre et notaire ».

6. Les autres préavis sollicités – dont celui de l’office des transports et de la circulation (ci-après : OTC) le 21 octobre 2003 – ayant été favorables, le DAEL a délivré l’autorisation sollicitée en date du 17 novembre 2003. Les conditions mentionnées dans le préavis communal n’étaient pas reprises dans les conditions dont était assortie cette décision. Celle-ci comportait toutefois un nota bene précisant qu’il fallait tenir compte du préavis communal.

7. Par acte du 22 décembre 2003, Mesdames et Messieurs Charlotte Chavet-Schneider, Barbara Herren-Moschi, Pascal King-Schneider, Georgette Moret, Jean-Michel Moret, Evelyne Muller-Mumenthaler, Elisabeth Mumenthaler, Felix Mumenthaler, Franz Mumenthaler,  Verena Schneebeli et Ramanathan Sundaram (ci-après : les consorts Mumenthaler et autres ou les recourants) ont recouru contre l’autorisation susmentionnée auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : CCRMC), concluant à son annulation.

Tous étaient propriétaires de parcelles situées dans le voisinage de la parcelle 1527. La construction autorisée constituait un pur bâtiment de type artisanal, tant en ce qui concernait son affectation, sa volumétrie que sa distribution. Elle n’avait pas sa place dans l’environnement bâti actuel, constitué d’un quartier très homogène de villas destinées à l’habitation. L’autorisation querellée comportait une dérogation à l’affectation normale de la 5e zone, dérogation dont les conditions n’étaient pas réalisées. Les exigences émises par la commune d’Onex quant à la réversibilité de l’aménagement du bâtiment projeté en logement étaient impossibles à respecter. Le rapport de surface prescrit par la législation sur les constructions n’était pas respecté. Enfin, l’exploitation du bâtiment en cause était susceptible de causer des inconvénients graves pour le voisinage du fait de la topographie des lieux, la rampe d’accès avec quai de chargement impliquant un trafic de véhicules lourds difficilement compatible avec les impératifs de sécurité d’un quartier d’habitation.

8. Le 21 janvier 2004, M. Masmejean s’est opposé au recours. Il rappelait l’historique de l’affectation commerciale et industrielle des deux bâtiments sis 25 et 25 bis, chemin de Cressy, dans lesquels il déployait son activité professionnelle. Cette dernière ne générait pas de nuisance pour le quartier. Elle se déroulait du côté du chemin de Cressy et ne gênait pas les propriétés accessibles depuis le chemin de la Dode. Depuis qu’il occupait ses locaux actuels, il n’avait jamais reçu de réclamations directes ou indirectes et avait toujours entretenu de bonnes relations avec les recourants. Il comptait regrouper l’ensemble de ses activités dans le bâtiment autorisé, et libérer ainsi le bâtiment sis sur la parcelle 1523. Le nouveau bâtiment s’intégrait parfaitement à la zone villa en limite de laquelle se trouvait la parcelle 1527. Le rez-de-chaussée devait comporter des bureaux et un atelier et le sous-sol servir de dépôt. Le volume à disposition devait être de 2'500 m2 au lieu de 1'860 m2 actuellement sur les deux bâtiments. Le niveau d’activité ne devait pas être doublé ou triplé. Il ne devait pas y avoir de trafic de véhicules lourd, l’entreprise utilisant deux bus Toyota Hiace et une voiture de livraison Citroën. La dérogation à l’affectation ordinaire de la zone existait depuis 1964 et il n’en résultait pas d’inconvénients graves pour le voisinage. Le bâtiment en cause pouvait, cas échéant, être transformé en logement. Le rapport de surface était respecté, le sous-sol enterré n’étant pas considéré comme surface habitable.

9. Le 1er avril 2004, lors d’une audience de comparution personnelle, le DAEL a persisté dans son autorisation. La dérogation existait depuis 1964. Tous les préavis étaient favorables. Il n’y avait aucun problème de son point de vue.

10. Par décision du 19 avril 2004, la CCRMC a rejeté le recours des consorts Mumenthaler. Le DAEL n’aurait pas dû procéder à une enquête publique, la législation sur ce point ayant changé entre le préavis de la DAT et la demande de publication de ladite enquête publique. Les frais d’insertion ne pouvaient dès lors être mis à la charge de M. Masmejean et devaient lui être remboursés. La dérogation relative à l’activité non conforme à l’affectation ordinaire de la zone était par ailleurs justifiée : l’activité en cause était exercée depuis plus de 13 ans sans plainte ou critique et les craintes des recourants quant à une augmentation de trafic étaient infondées. La CCRMC retenait que les locaux en cause étaient aisément transformables en logement. Enfin, le rapport de surface était respecté puisque le sous-sol – in casu éclairé par des sauts-de-loup, caractéristique des sous-sols inhabitables – n’était pas pris en compte dans le calcul y relatif.

11. Par acte du 14 juin 2004, le DAEL a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif. Il a conclu à son annulation en tant qu’elle l’invitait à rembourser, au bénéficiaire de l’autorisation, les frais de publication de l’enquête publique. Ce recours a fait l’objet de la procédure A/1275/2004. M. Masmejean ayant renoncé à tout remboursement, il a été admis et la décision querellée a été annulée sur le seul point litigieux soulevé par le DAEL (ATA/627/2004 du 5 août 2004).

12. Par acte du 14 juin 2004 également, les consorts Mumenthaler ont recouru contre la décision de la CCRMC et conclu à son annulation. Ils développaient en substance l’argumentation développée en première instance. Elle sera reprise ci-après en tant que de besoin.

13. Le 14 juillet 2004, M. Masmejean s’est opposé au recours, pour les raisons qu’il avait exposées devant la CCRMC.

14. Le 16 juillet 2004, le DAEL a conclu au rejet du recours. La dérogation au régime ordinaire avait été accordée après une pesée soigneuse des intérêts en présence. Les griefs tirés de la nuisance au caractère esthétique du quartier ou à la sécurité du trafic local étaient mal fondés et le calcul des rapports de surface avait été correctement effectué.

15. Le 30 juillet 2004, M. Masmejean a acquiescé aux observations du DAEL.

16. Le 30 août 2004, les recourants ont persisté dans les termes de leur recours.

17. Le 24 septembre 2004, M. Masmejean a persisté dans son argumentation.

18. Le 30 septembre 2004, le DAEL a renoncé à dupliquer, aucun élément substantiel nouveau n’apparaissant dans la réplique des recourants.

19. Le 5 octobre 2004, la cause a été gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’article 60 lettre b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée. L’intérêt à obtenir un jugement favorable doit être personnel, direct, immédiat et actuel (ATA/2/2002 du 8 janvier 2002 et les références citées). Bien que la rédaction de l’article 60 lettre b LPA diffère légèrement de celle de l’article 103 let. A OJF, dont l’application s’impose également à la juridiction cantonale en vertu de l’article 98a al. 3 OJ, il est admis qu’il confère la qualité pour recourir aux mêmes conditions (ATA/915/2004 du 23 novembre 2004; ATA/35/2002 du 15 janvier 2002, confirmé par Arrêt du Tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002, consid. 3 et les références citées).

a. En ce qui concerne les voisins, la jurisprudence a indiqué que seuls ceux dont les intérêts sont lésés de façon directe et spéciale ont l’intérêt particulier requis. Cette lésion directe et spéciale suppose qu’il y a une communauté de faits entre les intérêts du destinataire de la décision et ceux des tiers. Les voisins peuvent ainsi recourir en invoquant des règles qui ne leur donnent aucun droit et qui ne sont pas directement destinées à protéger leurs intérêts (ATF 110 Ib 398 consid. 1b p. 400 ; ATA/653/2002 du 5 novembre 2002 et les références citées)

b. La qualité pour recourir est en principe donnée lorsque le recours émane du propriétaire d’un terrain directement voisin de la construction ou de l’installation litigieuse (ATF 121 II 171 consid. 2b p. 174). Mais le critère de la distance n’est pas le seul déterminant car l’application de l’article 193 let. a OJ nécessite une appréciation de l’ensemble des circonstances pertinentes (RDAF 1997 I p. 242).

Dans le cas d’espèce, la qualité pour recourir de Mmes et MM. Herren-Moschi, Javet-Schneider, King-Schneider, Moret, Muller-Mumenthaler, Felix Mumenthaler, Fanz Mumenthaler et Sundaram, tous voisins immédiats de la parcelle 1527 ou de l’ensemble qu’elle constitue avec la parcelle 1523, ou encore de son accès, doivent se voir reconnaître la qualité pour recourir. La question peut être laissée ouverte pour les autres recourants vu l’issue du litige.

3. a. Tel que garanti par l’article 29 alinéa 2 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), le droit d’être entendu comprend pour l’intéressé le droit d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATA/879/2003 du 2 décembre 2003).

b. Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne pourraient l'amener à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATA/172/2004 du 2 mars 2004 ; ATA/38/2004 du 13 janvier 2004).

Dans le cas d’espèce, eu égard aux principes susmentionnés, le tribunal de céans a renoncé à l’audition d’un représentant de l’OTC sollicitée par les recourants, les éléments figurant au dossier apparaissant suffisant à l’établissement des faits pertinents pour examiner et trancher les griefs relatifs aux inconvénients graves liés au trafic routier.

4. a. Selon l’article 1 alinéa 1 lettre a de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), nul ne peut, sur tout le territoire du canton, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation. De même n’est-il pas possible de modifier, même partiellement, le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation sans autorisation (art. 1 al. 1 let. b LCI).

b. Par constructions ou installations, on entend toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires (art. 1 al. 1 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 - RALCI - L 5 05 01). Tel est le cas du bâtiment en cause.

5. a. Une autorisation de construire ne peut être délivrée que si la construction ou l’installation est conforme à l’affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 - LAT - RS 700).

b. Selon l’article 19 alinéa 3 LaLAT, la cinquième zone est une zone résidentielle destinée aux villas.

In casu, le bâtiment projeté n’est pas destiné à l’habitation mais à une activité commerciale et industrielle non conforme à l’affectation de la zone.

6. a. Lorsque les circonstances le justifient et s’il n’en résulte pas d’inconvénients graves pour le voisinage, le DAEL peut déroger aux dispositions des articles 18 et 19 quant à la nature des constructions (art. 26 al. 1 LaLAT).

b. La doctrine et la jurisprudence ont toujours reconnu un certain pouvoir d'appréciation à l'administration dans l'octroi de dérogations (RDAF 1976 p. 124; P. MOOR, Droit administratif, vol. I, Berne, 2ème éd., 1994, ch. 4.1.3.3; A. MACHERET, La dérogation en droit public: règle ou exception ? in Mélanges A. GRISEL, Neuchâtel, 1983, pp. 557-566; sur la notion de pouvoir d'examen: cf. ATF 119 Ib 401, consid. 5b in fine). Lorsque la loi autorise l'autorité administrative à déroger à l'une de ses dispositions, notamment en ce qui concerne les constructions admises dans une zone, elle confère à cette autorité un certain pouvoir d'appréciation qui lui permet en principe de statuer librement. L'autorité est néanmoins tenue d'accorder la dérogation dans un cas où le texte légal l'y oblige expressément ou implicitement, ou encore lorsque la dérogation se justifie par des circonstances particulières, que notamment elle répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu'elle est commandée par l'intérêt public ou par un intérêt privé auquel ne s'opposent pas un intérêt public ou d'autres intérêts privés prépondérants, ou encore lorsqu'elle est exigée par le principe de l'égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATF 117 Ia 146-147, consid. 4 et 117 Ib 134, consid. 6d).

L'interprétation des dispositions exceptionnelles ne doit pas être résolue dans l'abstrait, une fois pour toutes, mais de cas en cas, à l'aide des méthodes d'interprétation proprement dites, qui valent pour des dispositions exceptionnelles comme pour les autres règles (A. GRISEL, Traité de droit administratif, vol. I Neuchâtel 1984, p. 139; ATA N. du 18 octobre 1989; DTP du 28 septembre 1988; H. du 11 mars 1987).

Même expressément habilitée à le faire, l'autorité n'est pas tenue d'accorder une dérogation, sauf si ce refus était entaché d'arbitraire (ATF 99 Ia 471, consid. 3a; SJ 1987 397-398; ATA B. du 7 décembre 1993; H. du 11 mars 1987 précité) et peut interpréter restrictivement une norme dérogatoire (RDAF 1981 p.424). Ce principe n'a toutefois pas une portée absolue dans la mesure où les normes dérogatoires s'interprètent soit restrictivement, soit selon le sens et le but de la disposition dérogatoire elle-même selon les intérêts en jeu (ATF 117 Ib 134, consid. 6d; P. MOOR, op. cit. p. 322; R. RHINOW/B. KRÄHENMANN, Verwaltungsrechtsprechung, Ergänzungband, 1990, no 37 B II). La jurisprudence a encore précisé que la dérogation servait fondamentalement à éviter des cas d'extrême dureté, en permettant de prendre en considération des situations exceptionnelles. La plupart du temps, toutefois, des considérations générales ou d'ordre économique ne permettent pas de justifier une dérogation qui ne peut en tout cas pas être accordée pour fournir "une solution idéale" au maître de l'ouvrage (ATF 107 Ia 216, ainsi que la doctrine et la jurisprudence citées; ATA B. du 7 décembre 1993; H. du 19 août 1988; C. du 21 mai 1986 précités).

Dans le cas d’espèce, force est d’admettre que la parcelle litigieuse n’a plus de vocation résidentielle depuis 1964 mais une affectation artisanale et industrielle ininterrompue et jamais remise en question au gré des changements d’entreprises, cela en toute légalité. Il s’agit là de circonstances qui justifient une dérogation au sens de l’article 26 alinéa 1 LaLAT (ATA/694/2004 du 24 août 2004).

7. Les recourants soutiennent qu’une telle dérogation serait source d’inconvénients graves, en raison du trafic poids lourds appelé à se développer.

a. La notion d’inconvénients graves, présente tant à l’article 26 LaLAT qu’à l’article 14 LCI, est une notion juridique indéterminée qui doit être interprétée. Le DAEL dispose à cet égard d’un pouvoir d’appréciation et les autorités de recours doivent s’imposer une certaine retenue et n’intervenir que dans les situations où il se serait laissé garder par des considérations non fondées objectivement, étrangère au but poursuivi par la loi (ATA/981/2004 du 21 décembre 2004 ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004).

b. Il découle de la jurisprudence constante du tribunal de céans que les dispositions cantonales concernant la limitation quantitative des nuisances n'ont plus de portée propre dans les domaines réglés par le droit fédéral (ATF 117 Ib 157; 113 Ib 220). Elles conservent toutefois une portée propre dans la mesure où elles tendent à lutter contre un type de nuisances secondaires (ATA/377/2002 du 25 juin 2002; ATA/5/2001 du 9 janvier 2001). Pour le surplus, il y a lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que la gêne liée à l’augmentation du trafic ne constitue pas un inconvénient grave au sens de l’article 14 LCI (ATA/113/2004 du 3 février 2004).

L'article 14 LCI appartient aux normes de protection destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d'une zone déterminée. Ces normes ne visent pas au premier chef la protection de l'intérêt des voisins (ATA/144/2005 du 15 mars 2005 et les références citées).

c. Dans le système de la LCI, les préavis recueillis au cours de la procédure ne lient ni l’autorité exécutive cantonale, ni les autorités judiciaires (ATA/64/2001 du 30 janvier 2001). Selon une jurisprudence bien établie, le tribunal de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des instances de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci (ATA/560/2004 du 22 juin 2004 ; ATA/585/1996 du 15 octobre 1996 et les arrêts cités).

Dans le cas d’espèce, les arguments des recourants ne sont guère convaincants, partant du présupposé non démontré d’une augmentation du trafic lourd sur le chemin de Cressy. Celui-ci repose lui-même sur l’allégation pas davantage étayée d’un doublement voire d’un triplement des activités de M. Masmejean du seul fait de leur regroupement sur un seul site. Or, force est de constater que les deux sites d’activités actuels de l’intéressé sont distants de quelques mètres puisque le second bâtiment est sur la parcelle 1523 contiguë à la 1527. Il ressort du dossier que leur accès est commun. On ne voit pas dans ces conditions comment le transfert, dans un seul bâtiment, de l’ensemble de l’activité entraînerait une augmentation des nuisances. Quant à la rampe d’accès au sous-sol dont les recourants font grand cas, sa seule présence n’emporte pas encore preuve d’un accroissement de trafic par rapport à la situation actuelle dont il a y a lieu de rappeler qu’elle n’a jamais donné lieu à plainte ou protestation du voisinage en général et des recourants en particulier. Le quai de chargement mentionné par les recourants n’apparaît nulle part sur les plans produits. Enfin, le préavis communal – expressément mentionné dans l’autorisation querellée – comporte l’engagement clair de l’intimé à ne pas augmenter les nuisances actuelles. Le Tribunal administratif retient que l’argumentation des recourants est purement hypothétique.

Le grief doit ainsi être écarté.

8. Les recourants soutiennent encore que l’autorisation querellée violerait l’article 15 LCI selon lequel sur préavis notamment de la commune et des services compétents, le DAEL peut interdire ou n’autoriser que sous réserve de modification toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur nuirait au caractère ou à l’intérêt d’un quartier, d’une rue ou d’un chemin, et un site naturel ou de points de vue accessible au public.

Cette disposition contient une clause d’esthétique dont la jurisprudence du Tribunal administratif précise qu’elle constitue une notion juridique imprécise, laissant, comme indiqué supra, un certain pouvoir d’appréciation à l’administration (ATA/649/2002 du 5 novembre 2002, A. GRISEL, Traité de droit administratif, Neuchâtel, 1984, pp. 332, 333 ; B. KNAPP, op. cit. N° 160 à 169) et impliquant une certaine retenue du tribunal de céans.

Dans le cas d’espèce, la commune a rendu un préavis favorable que le département a suivi et que la CCRMC n’a pas remis en question. Les recouants ne démontrent pas en quoi cette décision serait arbitraire, se contentant en fait de vouloir simplement substituer leur appréciation à celle de l’autorité.

Ce grief est ainsi mal fondé.

9. Les recourants prétendent en outre que l’autorisation DD 98161-4 contreviendrait à l’article 59 LCI.

a. La surface d’une construction, exprimée en m2 de plancher, ne doit pas excéder 20 % de la surface de la parcelle. La surface de plancher à prendre en considération est la surface hors sol. En outre, si les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement de quartier, le département peut renoncer à prendre en considération dans le calcul du rapport des surfaces, la surface de plancher des combles lorsque lorsque le vide d’étage est inférieur à 2,40 m (art. 59 al. 1, 2 et 3 let. a LCI).

b. Le pouvoir d’appréciation du département - notamment eu égard à l’application de l’article 59 LCI - a été maintes fois confirmé par le tribunal de céans (ATA/788/1997 du 23 décembre 1997 et les références citées) et il y a lieu de se référer aux développements supra quant à la retenue observée par le Tribunal administratif.

Dans le cas d’espèce, il est établi que les combles du projet ont une hauteur de 1,80 m et que le sous-sol comporte comme seules ouvertures des sauts-de-loup, indice de son caractère inhabitable. Aucun de ces niveaux n’est destiné à l’habitation. Au vu de l’ensemble des éléments du dossier, le Tribunal administratif retiendra donc que le DAEL n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en ne prenant pas en compte ces surfaces dans le calcul des rapports de surfaces.

Ce grief doit ainsi être écarté.

 

10. Enfin, les recourants allèguent que le bâtiment projeté ne pourrait pas respecter la condition de réversibilité en logement figurant dans le préavis favorable de la commune. La question de la portée de ce préavis, dont l’autorisation mentionne en nota bene qu’il faut tenir compte sans pour autant en faire une condition, peut demeurer ouverte en l’espèce, dès lors que les recourants n’apportent aucune démonstration convaincante à l’appui de leur affirmation, soutenant même qu’aucun raccordement pour cuisine ou sanitaires ne serait prévu alors que de tels raccordements figurent sur les plans. Cette argumentation n’est ainsi pas de nature à remettre en cause l’appréciation du DAEL.

11. Intégralement mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

Un émolument de CHF 3'000.- sera mis à la charge des recourants, solidairement. Aucune indemnité ne sera octroyée à M. Masmejean, faute d’avoir été demandée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 juin 2004 par Mesdames et Messieurs Charlotte Chavet-Schneider, Barbara Herren-Moschi, Pascal King-Schneider, Georgette Moret, Jean-Michel Moret, Evelyne Muller-Mumenthaler, Elisabeth Mumenthaler, Felix Mumenthaler, Franz Mumenthaler,  Verena Schneebeli et Ramanathan Sundaram contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 19 avril 2004 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement un émolument de CHF 3'000.- ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Pierre Carera, avocat des recourants, à Monsieur Jean-Paul Masmejean, ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière de constructions et au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy, Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :