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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2457/2023

JTAPI/71/2024 du 29.01.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;ADMISSION PROVISOIRE;CAS DE RIGUEUR;ENFANT
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31.al1; LEI.83
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2457/2023

JTAPI/71/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 29 janvier 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, agissant en son nom et celui de ses enfants mineurs B______ et C______, représentés par Me Naomi RUPF, avocate, avec élection de domicile

 

contre

 

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1980, est ressortissante du Maroc.

2.             Elle serait arrivée en Suisse pour la première fois en 2006.

3.             Mme A______ est mère de deux enfants, soit B______, né le ______ 2013 et C______, née le ______ 2019, également ressortissants du Maroc. Leur père est Monsieur D______, ressortissant algérien.

Il ressort de l’acte de naissance daté du 25 juin 2014 de B______ que ce dernier est né en France, qu’il a été reconnu par M. D______ le 20 juin 2014 et que ce dernier, tout comme Mme A______ était alors domiciliés ______ à Annemasse (France).

4.             Le 30 juillet 2016, Mme A______ a été interpellée par les gardes-frontière valaisans et prévenue d'infractions à l'art. 115 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

5.             Par décision du ______ 2016 notifiée par Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le ______ 2016, l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse de Mme A______, lui impartissant un délai de départ au 3  novembre 2016 pour ce faire.

6.             Le 12 juillet 2017, l’OCPM a réceptionné une demande d’autorisation de Mme  A______ en vue de mariage avec Monsieur E______, ressortissant marocain, titulaire d’une autorisation de séjour.

7.             Par courrier du 14 décembre 2017, faisant suite à plusieurs échanges de courriers avec les intéressés, l'OCPM a informé Mme A______ de son intention de ne pas accéder favorablement à sa requête, en raison du fait que les conditions ultérieures du regroupement familial au sens de l'art. 44 LEI n'étaient pas remplies étant donné la dépendance durable à l'aide sociale de M. E______. Un délai de trente jours lui était octroyé pour faire part, par écrit, de ses observations et objections éventuelles.

8.             Aucune suite n’a été donnée à ce courrier.

9.             Par décision du 5 mars 2018, l’OCPM a refusé de délivrer à Mme A______ une autorisation en vue de mariage, et par conséquent l’autorisation de séjour pour son fils, et prononcé leur renvoi, pour les motifs invoqués dans sa décision d’intention. Un délai au 25 avril 2018 leur était imparti pour quitter la Suisse.

10.         Par formulaire M reçu le 30 juillet 2018, Mme A______ a déposé auprès de l’OCPM une demande d’autorisation de séjour en sa faveur et celle de son fils B______.

11.         Le ______ 2019, Mme A______ a donné naissance à sa fille, C______.

12.         Par courrier du 2 juin 2020, faisant suite à la demande d’autorisation de séjour de Mme A______, l’OCPM l’a invitée à lui fournir divers documents et renseignements complémentaires.

13.         Par courrier du 8 juin 2020, Mme A______ a, en substance, informé l’OCPM avoir effectué une formation et des stages et être en recherche d’emploi, ce que son absence de permis rendait toutefois plus difficile. Elle s’occupait également de ses deux enfants. Elle était toujours fiancée avec M. E______ et vivait avec ce dernier. Le père de sa fille était de nationalité algérienne, marié et résidait en Italie. Elle et son fiancé faisaient tout leur possible pour trouver du travail et sortir de l’aide sociale.

14.         Par courrier du 9 décembre 2022, faisant suite à une nouvelle demande de renseignements et pièces complémentaires de l’OCPM, Mme A______ a expliqué être sans emploi, malgré ses recherches et les stages effectués. L’obtention d’une autorisation de séjour lui permettrait de trouver plus facilement du travail. Elle s’occupait par ailleurs de ses enfants.

Elle a notamment joint des pièces relatives à ses stages et formations ainsi qu’un extrait du registre des poursuites du 8 décembre 2022 duquel il ressort qu’elle faisait l'objet d'actes de défaut de biens pour un montant de CHF 4'217.40.

15.         Par courrier du 12 avril 2023, l'OCPM a réitéré son intention de ne pas accéder favorablement à la requête de Mme A______. Un délai de trente jours lui était octroyé pour faire part, par écrit, de ses observations et objections éventuelles.

Il était notamment relevé que M. E______ était bénéficiaire de l’aide sociale et avait perçu à ce titre CHF 200'712.70. Mme A______ percevait également des prestations d’aide sociale depuis décembre 2017. Leur foyer, composé de quatre personnes était donc soutenu par l’Hospice général et les prestations perçues à ce jour s’élevait à plus de CHF 304'000.-. Mme A______ faisait en outre l'objet d'actes de défaut de biens pour un montant de CHF 4'217.40.

16.         Dans le délai prolongé au 12 juin 2023 pour ses observations, sous la plume d’un conseil, Mme A______ a fait valoir, en substance, qu’elle était bien intégrée et qu’elle mettait tout en œuvre afin de trouver un emploi et stabiliser sa situation financière. Son absence d’autorisation était toutefois un frein à son engagement. Le montant de ses dettes était relativement faible et elle s’engageait à les rembourser dès qu’elle trouverait un emploi. Ses enfants, nés hors mariage, de sa relation avec M. D______, n’avaient aucun lien avec le Maroc, ne parlaient pas l’arabe et leur renvoi constituerait un déracinement complet. Arrivée en Suisse en 2006, elle y avait séjourné depuis lors. En tout état, même un séjour depuis 2017, qui était admis par l’OCPM, était suffisant pour lui accorder un permis de séjour. Si elle avait effectivement vécu une grande partie de sa vie au Maroc, son retour y était impossible dès lors qu’elle avait eu deux enfants hors mariage. Sa réintégration et celle de ses enfants y seraient sérieusement compromises, également du fait que ces derniers ne parlaient pas l’arabe. Ses visites au Maroc s’étaient faites en secret, afin de rendre visite à sa mère malade, car ses frères l’avaient menacée de mort si elle remettait les pieds au Maroc. Un retour l’exposerait ainsi à danger concret pour sa vie. Elle n’avait plus d’attaches au Maroc hormis sa mère.

17.         Par décision du 20 juin 2023, l’OCPM a confirmé son refus d’octroi d’une autorisation de séjour et prononcé le renvoi de Mme A______ et de ses enfants, le dossier ne faisant pas apparaître que l'exécution du renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée au sens de l'art,  83 LEI.

A titre liminaire, l’intéressée ne remplissait pas, à ce jour, les conditions d'octroi d'une attestation permettant la célébration du mariage dans la mesure où elle et son fiancé percevaient l'aide sociale, et ce depuis le dépôt de sa demande en juillet 2017. En conséquence, les conditions ultérieures relatives au regroupement familial fixées dans l'art. 44 LEI n’étaient pas satisfaites. De plus, M. E______ faisait l'objet d’un refus de renouvellement de son autorisation de séjour.

Pour le surplus, la situation de Mme A______ ne représentait pas un cas de détresse personnelle au sens des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24  octobre 2007 (OASA - RS 142.201), vu notamment la courte durée de sa présence en Suisse, son manque d'intégration socio-professionnelle exceptionnelle, respectivement de liens particuliers avec la Suisse, ses attaches avec son pays d'origine, au vu des nombreux visas de retour sollicités, et du fait que sa réintégration au Maroc n'était aucunement compromise. S’agissant plus particulièrement de la durée de son séjour en Suisse, s’il ressortait effectivement des registres fédéraux qu’elle était arrivée en Suisse en 2006 et que des autorisations de courte durée lui avaient été accordées jusqu’au 31 mars 2008, son séjour d’avril 2008 au 12 juillet 2017, date de dépôt de sa demande formelle, n’était ensuite plus démontré de manière documentée. En tout état, la durée de sa présence en Suisse devait être fortement relativisée au vu du nombre d'années passées au Maroc. Arrivée en Suisse à l’âge de 26 ans, elle avait vécu toute son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d'adulte dans son pays d'origine auquel elle restait ainsi encore attachée dans une large mesure et où elle était retournée à plusieurs reprises. Quant à ses craintes de représailles de la part de ses frères, elle pourrait fonder son foyer en dehors du cercle familial, d'autant plus que son fiancé faisait également l'objet d'un renvoi de Suisse. En outre, le fait d'avoir des enfants hors mariage n’était pas constitutif d’un cas de rigueur.

Son intégration sociale ou professionnelle n’était pas particulièrement marquée au point de devoir admettre qu'elle ne puisse plus quitter la Suisse sans devoir être confrontée à des obstacles insurmontables, n'ayant pas acquis des connaissances professionnelles ou des qualifications spécifiques telles qu'elle ne pourrait plus les mettre en pratique au Maroc. En sus, son foyer était dépendant de l'aide sociale depuis le 1 er décembre 2017 pour un montant de plus de CHF 200'000.- et elle faisait l'objet d'actes de défaut de biens pour un montant de plus de CHF 4’000.-.

S'agissant de la prise en compte de l'intérêt supérieur de ses enfants conformément à l’art. 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107) il convenait de retenir que l’intégration de B______, âgé de 9 ans, et de C______, âgée d'environ 4 ans, n'était pas déterminante, de sorte que leur réintégration dans le pays d'origine ne devrait pas leur poser des problèmes insurmontables, quand bien même ils n'y avaient jamais vécu et ne parlaient pas l'arabe. Le père de C______ (sic) faisait enfin l'objet d'un refus de renouvellement de son autorisation.

L’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ne leur était enfin d’aucun secours, dans la mesure où toute la famille devrait quitter la Suisse, que le séjour en Suisse de la recourante n’était pas autorisé et que son intégration n’était pas irréprochable en raison, notamment, de sa dépendance durable à l'aide publique et de ses dettes cumulées.

18.         Par acte du 21 juillet 2023, sous la plume de son conseil, Mme A______, agissant en son nom et celui de ses enfants, a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant principalement à son annulation, à ce qu’il soit dit et constaté que les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour en leur faveur étaient réalisées, à l’octroi d’une telle autorisation et à ce qu’il soit renoncé à leur renvoi. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée à l’OCPM pour nouvelle décision et, plus subsidiairement encore, leur admission provisoire ordonnée. Elle a requis un délai au 1er septembre 2023 afin de compléter son mémoire de recours et produire des pièces complémentaires.

Reprenant pour l’essentiel les arguments avancés dans ses observations du 12 juin 2023, elle a ajouté qu’elle fournirait une attestation de langue française et qu’elle avait conclu un contrat de travail de durée indéterminée le 26 juin 2023, avec une entrée en fonction dès le 17 juin 2023 auprès de la société F______. Le taux d'activité était de 100 % pour un salaire mensuel brut de CHF 4'032.-, versé treize fois l'an. Elle avait été autorisée à travailler et son employeur avait sollicité une demande d'autorisation de séjour avec activité lucrative en sa faveur. Cette prise d’emploi lui permettrait de sortir de l’aide sociale, sa situation étant désormais stabilisée sur le plan financier. Le montant de ses actes de défaut de bien (CHF 4'000.-) était relativement faible et elle s'engageait fermement à le rembourser. Elle fournirait, dans le délai au 1er septembre 2023 l'accord de remboursement à conclure avec ses créanciers.

Elle a rappelé la situation de ses enfants et les difficultés qu’ils rencontreraient en cas de retour au Maroc. B______ était scolarisé auprès de l'établissement primaire G______ et C______ allait à la crèche. Leur déménagement au Maroc constituerait un déracinement complet lequel ne pouvait être exigé. Ainsi, le bien supérieur des enfants et le principe de proportionnalité commandaient de leur octroyer une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Elle maintenait séjourner en Suisse depuis 2006. En tout état, son séjour de 2017 à ce jour constituait déjà un séjour d'une certaine durée justifiant de lui accorder ainsi qu’à ses enfants une autorisation de séjour pour cas de rigueur, rappelant à cet égard les difficultés qui seraient les leurs en cas de retour au Maroc. Ainsi, non seulement une intégration dans son pays d’origine, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, serait gravement compromise mais, par ailleurs, elle y risquerait sa vie et celle de ses enfants et ce même en s’installant dans une autre ville que sa ville natale, ses frères étant déterminés à la retrouver. Elle n'avait en outre plus aucune attache avec son pays d’origine.

Elle a joint un chargé de pièces, dont un certificat de stage du 18 mars 2019, la confirmation d'un entretien d'embauche du 3 août 2021, un courriel de H______ du 7 septembre 2021, le bilan du stage effectué du 27 février au 17 mars 2023, son contrat de travail et sa fiche de salaire du mois de juin 2023 et la demande d’autorisation signée par F______.

19.         Dans ses observations du 20 septembre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours. Il a transmis son dossier.

La recourante ne satisfaisait pas aux conditions strictes de l’art. 30 al. 1 let. b LEI. En particulier, son séjour continu depuis 2006 n’était pas démontré et son intégration était mauvaise, l’intéressée ayant bénéficié de l’aide sociale depuis 2017 pour un montant d’environ CHF 235'000.-. Même si B______ était désormais âgé de 10 ans, son parcours scolaire restait très général et encore peu avancé. Il pourrait ainsi continuer son cursus au Maroc moyennant une certaine réadaptation. Quant à C______, son très jeune âge ne s’opposait pas à son retour dans son pays d’origine. Il renvoyait pour le surplus à sa décision du 20 juin 2023.

20.         Le 2 octobre 2023, Mme A______ a adressé au tribunal une copie de son passeport de langue (français B1) obtenu le 21 septembre 2023.

21.         Par réplique du 19 octobre 2023 et duplique du 7 novembre 2023, les parties ont persisté dans leurs conclusions précédentes. Aucune nouvelle pièce n’a été produite.

Mme A______ a encore précisé que le montant perçu de l’aide sociale concernait également M. E______ et qu’elle n’était désormais plus bénéficiaire de l’Hospice général.

22.         Il ressort du dossier de l’OCPM que Mme A______ a déposé des demandes de visa pour elle-même et/ou ses enfants en septembre 2018 (visite à sa mère malade), novembre 2019 (présenter ses enfants à sa famille) et décembre 2022 (visite à sa mère malade).

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

5.             La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle l'autorité et le juge établissent les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est toutefois pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA ; ATF 128 II 139 consid. 2b). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuve (arrêts du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; ATA/991/2016 du 22 novembre 2016 et les arrêts cités).

6.             Lorsque les preuves font défaut ou s'il ne peut être raisonnablement exigé de l'autorité qu'elle les recueille pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit. Il appartient ainsi à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l'administration de démontrer l'existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a ; ATA/1155/2018 du 30  octobre 2018 consid. 3b et les références citées). En matière de droit des étrangers, l'art. 90 LEI met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l'étranger ou des tiers participants (arrêts du Tribunal fédéral 2C_153/2018 du 25 juin 2018 consid. 4.2 ; 2C_207/2017 du 2  novembre 2017 consid. 3.1 ; 2C_787/2016 du 18 janvier 2017 consid. 3.1 ; 2C_777/2015 du 26 mai 2016 consid. 3.3). Cette obligation a été qualifiée de « devoir de collaboration spécialement élevé » lorsqu'il s'agit d'éléments ayant trait à la situation personnelle de l'intéressé et qu'il connaît donc mieux que quiconque (arrêts du Tribunal fédéral 1C_58/2012 du 10 juillet 2012 consid. 3.2 ; ATA/424/ 2016 du 24 mai 2016 consid. 4c et les références citées).

7.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

8.             La recourante conteste l'appréciation de l'OCPM des critères de reconnaissance d'un cas individuel d'une extrême gravité. Elle ne soutient en revanche pas, à juste titre, qu’une autorisation de séjour de courte durée devrait lui être délivrée en vue de mariage avec M. E______. A cet égard, il faut effectivement constater que les conditions posées par l'art. 44 LEI ne sont pas remplies, dans la mesure déjà où l’autorisation de séjour du précité n’a pas été renouvelée. En tout état, ce dernier émargeant à l’aide sociale depuis de très nombreuses années et ayant perçu à ce titre plus de CHF 200'000.- durant son ménage commun avec la recourante et ses enfants, la condition posée à l’art. 44 al. 1 let. c ne serait pas non plus remplie, comme l’avait à juste titre retenu l’OCPM dans sa décision de refus du 5 mars 2018, en force.

9.             Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une révision de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RO 2007 5437), intitulée depuis lors LEI. Selon l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant l'entrée en vigueur de la présente loi sont régies par l'ancien droit (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_94/2020 du 4 juin 2020 consid. 3.1 ; 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1 ; ATA/1331/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3a).

10.         En l'occurrence, la requête qui se trouve à l'origine de la décision querellée a été déposée en juillet 2018. La loi dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2019 reste donc applicable au litige.

11.         La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Maroc.

12.         Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, dont la teneur n'a pas changé le 1er janvier 2019, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

13.         L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur avant le 1er janvier 2019 - étant précisé que le nouveau droit n’est pas plus favorable et que la jurisprudence développée sous l’ancien droit reste applicable (ATA/344/2021 du 23 mars 2021 consid. 7a) -, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

14.         Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3), d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/1669/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7b).

15.         Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu'ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4).

16.         L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question, et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée. Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 et 5).

La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêt du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1).

17.         La reconnaissance de l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité implique que les conditions de vie et d'existence de l'étranger doivent être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d'autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite que l'on ne puisse exiger qu'il vive dans un autre pays, notamment celui dont il est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage qu'il a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3).

18.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'une telle situation, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse et la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3).

19.         Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3). La durée du séjour (légal ou non) est ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d'un cas de rigueur. Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012). Le caractère continu ou non du séjour peut avoir une influence (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5048/2010 du 7 mai 2012). Le Tribunal fédéral a considéré que l'on ne saurait inclure dans la notion de séjour légal les périodes où la présence de l'intéressé est seulement tolérée en Suisse et qu'après la révocation de l'autorisation de séjour, la procédure de recours engagée n'emporte pas non plus une telle conséquence sur le séjour (arrêt 2C_926/2010 du 21 juillet 2011).

20.         S’agissant de l’intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l'octroi d'une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d'admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l'octroi d'un permis humanitaire (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées).

21.         Lorsqu'une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, elle y reste encore attachée dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l'âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d'origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

22.         Selon la jurisprudence, le fait de renvoyer une femme seule dans son pays d'origine où elle n'a pas de famille n'est généralement pas propre à constituer un cas de rigueur, à moins que ne s'y ajoutent d'autres circonstances rendant le retour extrêmement difficile (ATF 128 II 200 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.582/2003 du 14 avril 2004 consid. 3.1 ; 2A.394/2003 du 16 janvier 2004 consid. 3.1 ; 2A.492/1997 du 23 mars 1998 consid. 3 ; cf également ATA/472/2021 du 4 mai 2021 concernant une mère célibataire marocaine). Un cas de rigueur peut notamment être réalisé lorsque, aux difficultés de réintégration dues à l'absence de famille dans le pays d'origine, s'ajoute le fait que l'intéressée est affectée d'importants problèmes de santé qui ne pourraient pas être soignés dans sa patrie, qu'elle serait contrainte de regagner un pays (sa patrie) qu'elle avait quitté « dans des circonstances traumatisantes » ou encore qu'elle laisserait derrière elle une partie importante de sa proche parenté (parents, frères et sœurs) appelée à demeurer durablement en Suisse, avec qui elle a partagé pendant longtemps les mêmes vicissitudes de l'existence (ATAF C-4433/2007 du 19 juin 2009 consid. 5.7 ; ATAF C-311/2006 du 17 octobre 2008 consid. 4.4 et la jurisprudence citée). Inversement, une telle séparation pourra d'autant mieux être exigée que les perspectives de réintégration dans le pays d'origine apparaissent plus favorables (arrêts du Tribunal fédéral 2A.183/2002 du 4 juin 2002 consid. 3.2 ; 2A.446/1997 du 24 avril 1998 consid. 3b).

23.         Lorsqu'il y a lieu d'examiner la situation d'une famille sous l'angle de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, la situation de chacun de ses membres ne doit pas être considérée isolément, mais en relation avec le contexte familial global. Le sort de la famille formera en général un tout. Il serait en effet difficile d'admettre le cas d'extrême gravité, par exemple, uniquement pour les parents ou pour les enfants. Ainsi le problème des enfants est un aspect, certes important, de l'examen de la situation de la famille, mais ce n'est pas le seul critère. Il y a donc lieu de porter une appréciation d'ensemble, tenant compte de tous les membres de la famille. Quand un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse ou lorsqu'il y a juste commencé sa scolarité, il reste encore dans une large mesure rattaché à son pays d'origine par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socio-culturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour au pays d'origine constitue un déracinement complet (ATAF 2007/16 du 1er juin 2007 et les références citées). Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et, au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle commencées en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6053/2017 du 13  février 2020 consid. 8.2.1 ; ATA/404/2021 du 13 avril 2021 consid. 7 ; ATA/1818/2019 du 17 décembre 2019 consid. 5f). L’adolescence, une période comprise entre douze et seize ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6053/2017 du 13 février 2020 consid. 8.2.1 ; ATA/91/2022 du 1er février 2022 consid. 2d).

Sous l'angle du cas de rigueur, le Tribunal fédéral a considéré que cette pratique différenciée réalisait la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 CDE (cf. ATF 135 I 153 consid. 2.2.2 ; arrêts 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid.  3.1 ; cf. aussi ATA/404/2021 du 13 avril 2021 consid. 7 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6053/2017 du 13 février 2020 consid. 8.2.1).

24.         L'opération « Papyrus » a consisté en un processus de régularisation des personnes séjournant à Genève sans titre de séjour, élaboré par le département de la sécurité, de l'emploi et de la santé, à présent département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : DSPS), « dans le strict respect du cadre légal en vigueur (art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA » ; cf. communiqué de presse du 21 février 2017 : https://demain.ge.ch/actualite/operation-papyrus-presentee-aux-medias-21-02-2017). Le DSPS a ainsi précisé - en tenant compte de la marge d'appréciation possible (cf. brochure officielle publiée en février 2017 : https://demain.ge.ch/document/brochure-papyrus) - les critères objectifs et cumulatifs permettant aux personnes concernées de demander la légalisation de leur séjour selon ce programme, soit : un séjour continu de cinq ans pour les familles avec enfants scolarisés ou de dix ans pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires, le séjour devant être documenté ; une intégration réussie (niveau A2 de français du cadre européen commun de référence pour les langues et scolarisation des enfants notamment) ; une absence de condamnation pénale ; une indépendance financière complète.

Ces conditions devaient être remplies au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour (cf. ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b).

25.         L'octroi d'une autorisation de séjour dans un cas individuel d'une extrême gravité est soumis au secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM ; art. 99 LEI ; art. 85 al. 1 et 2 et 86 al. 5 OASA ; art. 5 let. d de l'ordonnance du DFJP relative aux autorisations soumises à la procédure d'approbation et aux décisions préalables dans le domaine du droit des étrangers du 13 août 2015 - RS 142.201.1), ce qui suppose que l'autorité cantonale se soit au préalable déclarée disposée à octroyer une autorisation de séjour à l'étranger concerné (cf. Directives et commentaires du SEM, Domaine des étrangers, état au 1er mars 2023, ch. 5.6.).

26.         Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI).

Lorsque les conditions légales pour se prévaloir d'un droit à l'autorisation de séjour ne sont pas remplies, les autorités ne jouissent pas d'un pouvoir d'appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à cette disposition, à un examen de la proportionnalité. Admettre l'inverse aurait pour effet de déduire de l'art. 96 LEI un droit à l'obtention ou au renouvellement de l'autorisation, ce qui ne correspond pas à la lettre de cette disposition, qui prévoit uniquement que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son intégration (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du 14 janvier 2020 consid. 3.2).

27.         En l'espèce, c’est à juste titre que la situation de la recourante n’a pas été examinée sous l’angle des critères de l’opération « Papyrus », ceux-ci n’étant manifestement pas réalisés au jour du dépôt de sa demande d’autorisation de séjour.

Pour le surplus et après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, le tribunal doit constater que l'autorité intimée n'a pas méconnu la législation applicable ni mésusé de son pouvoir d'appréciation en retenant que la recourante et ses enfants ne satisfaisaient pas aux conditions restrictives des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA pour la reconnaissance d'un cas de rigueur, étant avant tout rappelé que le seul fait de séjourner en Suisse pendant plusieurs années n'est à cet égard pas suffisant, sans que n'existent d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles, lesquelles font ici défaut.

A cet égard, la recourante indique être arrivée en Suisse en 2006. Force est cependant de constater que la continuité de son séjour, depuis lors, n’a pas été démontrée. S’agissant tout d’abord des années 2006 à 2008, elle a séjourné en Suisse au bénéfice d’autorisations de séjour de courte durée. Elle n’a ensuite fourni aucune pièce pour attester de son séjour jusqu’au 12 juillet 2017, date du dépôt de sa demande d’autorisation, se contentant de relever qu’un séjour continu à compter de cette date était déjà suffisant pour qu’une autorisation lui soit accordée. L’on notera encore que l’acte de naissance du ______ 2014 de B______ mentionne que ce dernier est né en France, qu’il a été reconnu par M. D______ le 20 juin 2014 et que ce dernier et Mme A______ étaient alors domiciliés ______ à Annemasse (France). En tout état, quelle que soit la durée du séjour continu de la recourante, ce séjour devrait fortement relativisé dès lors qu’il aurait été effectué de manière illégale d’avril 2008 jusqu’au dépôt de la demande d’autorisation du 12 juillet 2017, puis à la faveur d’une simple tolérance. Or, la recourante ne peut déduire des droits résultant d’un état de fait créé en violation de la loi.

Son intégration socio-professionnelle ne saurait également être qualifiée de remarquable ou d’exceptionnelle. Même si elle semble parvenir, depuis le 17 juin 2023, à subvenir à ses besoins grâce à son emploi chez F______, elle et ses enfants ont émargé à l’aide sociale de 2017 jusqu’à tout le moins le 3 avril 2023, selon les attestations de l’Hospice général au dossier. Elle fait en outre l’objet d’actes de défaut de bien (CHF 4'000.-) et, malgré son engagement dans ce sens, elle n’a fourni aucun accord avec ses créanciers en vue de leur remboursement. Il n’apparaît en outre pas qu’elle se soit particulièrement investie dans la vie associative ou culturelle genevoise durant son séjour. Hormis une copie de son passeport de langue, elle n’a fourni aucune pièce afin de démontrer son intégration sociale. Par ailleurs, elle ne peut se prévaloir d’avoir acquis en Suisse des connaissances ou des qualifications si spécifiques qu'elle ne pourrait les utiliser dans son pays. Au contraire, la formation et les stages entrepris en Suisse devraient faciliter son intégration dans son pays d’origine. L’on rappellera encore que la recourante est née au Maroc où elle a passé son enfance, son adolescence et les premières années de sa vie d’adulte. Elle en maîtrise ainsi la langue et la culture et y a certainement conservé des attaches, outre sa mère et ses frères qui y vivent. Elle explique ne plus avoir de contact avec sa famille, hormis sa mère, et que ses frères la menaceraient de mort du fait qu’elle est mère célibataire. S'il n'y a pas lieu de nier ou de minimiser les difficultés socioculturelles auxquelles la recourante et ses enfants pourraient être confrontés au Maroc en raison de leur situation sur le plan civil, ce seul fait (et ses possibles conséquences, notamment en terme de soutien de sa famille qu’ils pourraient se voir refuser) n'est pas suffisant pour que leur situation relève du cas de rigueur, d'autant plus qu'il leur est en soi possible de s'installer ailleurs qu'à proximité de leur famille. En effet, le dossier ne laisse pas apparaître la présence des autres circonstances évoquées par la jurisprudence citée plus haut, qui permettraient de retenir que leur retour au Maroc pourrait s'avérer extrêmement difficile. Il n'apparaît en particulier pas que la recourante aurait quitté son pays « dans des circonstances traumatisantes » et elle ne laissera aucun membre de sa famille proche en Suisse. Au vu des années passées en Suisse loin de sa famille, la recourante, désormais âgée de 44 ans, devrait en outre être capable de continuer à vivre d’une manière indépendante, à l’écart de ses frères, en cas de retour au Maroc. Enfin, bien que le marché du travail marocain soit très vraisemblablement plus incertain qu'en Suisse, il n'est pas non plus établi que la recourante serait empêchée d'y trouver un emploi et d’acquérir une indépendance financière.

Concernant enfin ses enfants, âgés aujourd’hui de respectivement 10 et 4 ans, ils sont encore jeunes et restent ainsi attachés dans une large mesure à leur pays d'origine, par le biais de leur mère. Si B______ est scolarisé à Genève depuis plusieurs années, son parcours scolaire n'est toutefois pas avancé au point qu'une rupture de ce dernier constituerait un déracinement pour lui. C______ n’a pas encore débuté l’école. Quant au fait qu’ils ne parlent pas l’arabe, cela n’est manifestement pas un obstacle insurmontable pour des enfants de cet âge. Aucun élément au dossier ne permet dès lors de considérer que leur intégration dans le pays de leur mère serait gravement compromise.

Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que les difficultés auxquelles la recourante et ses enfants devront faire face en cas de retour seraient plus lourdes que celles que rencontrent d'autres compatriotes contraintes de retourner dans leur pays d'origine au terme d'un séjour en Suisse. La recourante et ses enfants ne présentent donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI et il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en leur faveur, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Il convient encore de rappeler que celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (cf. ATF 123 II 248 consid. 4a et les références citées). La recourante ne pouvait dès lors ignorer, au vu de son statut précaire en Suisse, qu’elle pourrait à tout moment être amenée à devoir y mettre un terme en cas de refus de l’OCPM.

Au vu des considérants qui précèdent, il apparaît que l'OCPM n'a violé ni le droit conventionnel, ni le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation en refusant de préaviser favorablement le dossier de la recourante auprès du SEM en vue de la délivrance d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit respecter la latitude de jugement conférée à l'OCPM, ne saurait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA).

28.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 C-5268/2008 du 1er juin 2011 consid. 10 ; ATA/87/2021 du 26 janvier 2021 consid. 5a ; ATA/954/2018 du 18 septembre 2018 consid. 9).

29.         En l'occurrence, dès lors qu'il a refusé de délivrer une autorisation de séjour à la recourante, l'OCPM devait en soi ordonner son renvoi de Suisse en application de l'art. 64 al. 1 let. c LEI.

30.         L'art. 83 al. 4 LEI prévoit que l'exécution de la décision de renvoi peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale.

Cette disposition s'applique notamment aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin ou qu'elles seraient, selon toute probabilité, condamnées à devoir vivre durablement et irrémédiablement dans un dénuement complet, et ainsi exposées à la famine, à une dégradation grave de leur état de santé, à l'invalidité, voire à la mort. En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois, et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-838/2017 du 27 mars 2018 consid. 4.3).

31.         En l'occurrence, rien n'indique que l'exécution du renvoi de la recourante et de ses enfants pourrait se heurter à des obstacles d'ordre technique. En outre, cette exécution apparaît raisonnablement exigible et licite, aucun élément ne laissant apparaître une mise en danger concrète pour elle-même et ses enfants, le Maroc n'étant pas en proie à une guerre, une guerre civile ou à des violences généralisées, ou une exposition à un traitement contraire aux engagements de la Suisse. La recourante ne démontre pas qu'un retour dans son pays d'origine, en tant que mère célibataire, l'exposerait concrètement à un danger, étant rappelé que des allégués d'ordre général ne sauraient suffire pour surseoir à l'exécution du renvoi, et la perte du soutien familial ne constitue pas en soi un traitement contraire à l'art. 3 CEDH, d'autant moins qu'il existe au Maroc des associations venant en aide aux mères célibataires et à leurs enfants, qui pourront notamment fournir assistance à la recourante dans ses recherches de logement et d'emploi (cf arrêt du Tribunal administratif fédéral E-681/2016 du 1er mars 2018 consid. 3.7 et partie « en fait », let. F et L). Quant aux menaces de mort de ses frères, elles ne sont nullement établies et contrastent avec les demandes de visa faites par la recourante, dont l’un des motifs était notamment de présenter ses enfants à sa famille. En conclusion, en l'absence d'éléments démontrant que le retour de la recourante et de ses enfants au Maroc les mettrait concrètement en danger compte tenu de leur situation, notamment sur le plan civil, il convient de retenir que l'exécution de leur renvoi est raisonnablement exigible au sens de l’art. 83 LEI. L’OCPM n’avait, dans ces conditions, pas à proposer leur admission provisoire au SEM.

32.         Au vu de ce qui précède, entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

33.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.-. Celle-ci étant au bénéfice de l'assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d'une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l'assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

34.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 21 juillet 2023 par Madame A______, agissant en son nom et celui de ses enfants mineurs B______ et C______, contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 20 juin 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.- ;

4.             le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l'assistance juridique en application de l'art. 19 al. 1 RAJ ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier