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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1147/2023

JTAPI/18/2024 du 11.01.2024 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : REGROUPEMENT FAMILIAL;CAS DE RIGUEUR
Normes : LEI.4.al1; LEI.30; OASA.31; CEDH.8
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1147/2023

JTAPI/18/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 11 janvier 2024

 

dans la cause

 

Madame A______

 

contre


OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 2002, est ressortissante du Nicaragua.

2.             Le 22 novembre 2019, sa mère, Madame B______, a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) une demande d'autorisation de séjour pour elle-même et sa fille C______, née le ______ 2018, dont le père est Monsieur D______, ressortissant irakien, titulaire d’une autorisation de séjour à Genève.

3.             Par formulaire M daté du 29 janvier 2020 et réceptionné par l’OCPM le 10 février 2020, Mme A______ a déposé une demande d'autorisation de séjour pour regroupement familial. Elle indiquait être arrivée à Genève le 19 décembre 2019.

Etaient notamment joints un courrier intitulé « A qui de droit » de Monsieur E______ du 28 janvier 2020 confirmant qu’elle vivait dans l’appartement ______[GE], qu’il sous-louait à sa mère, Mme B______, son extrait de naissance, un acte de décès du ______ 2019 provenant de la République du Nicaragua concernant Monsieur F______, son père, décédé le ______ 2014 ainsi qu’une attestation de scolarité datée du 14 septembre 2020 de l'Enseignement secondaire Il du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse mentionnant qu’elle était inscrite dans l'école G______, en classe d'accueil, pour l'année scolaire 2020/2021, dès le 24 août 2020.

4.             Par formulaire M daté du 24 décembre 2020 et réceptionné par l'OCPM le 4 janvier 2021, Mme A______ a déposé une nouvelle demande d'autorisation de séjour pour regroupement familial, indiquant être arrivée à Genève le 20 août 2020.

5.             Le ______ 2022, Mme B______ a donné naissance à sa troisième fille, H______, dont le père est également M. I______.

6.             Le 14 décembre 2023, Mme A______ a demandé un visa de retour à l'OCPM pour pouvoir se rendre au Nicaragua afin de visiter sa grand-mère, âgée et souffrante.

7.             Par formulaire C daté du 4 mai 2022, Mme B______ a informé l’OCPM résider depuis le 15 janvier 2022 avec ses trois filles, dont Mme A______, et son concubin, dans un appartement de 5 pièces, ______[GE].

8.             Selon un extrait du registre des poursuites du 3 novembre 2022 de l'office des poursuites de Genève, Mme A______ fait l'objet de deux actes de défaut de biens pour un total de CHF 594.30.-.

9.             Par courrier A+ daté du 7 décembre 2022, l'OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser sa demande d'autorisation et de prononcer son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai de trente jours pour faire valoir ses observations.

10.         Par courrier du 9 janvier 2023, le conseil de Mme B______ a informé l’OCPM se constituer également pour Mme A______. Il a requis une prolongation de délai pour ses observations.

11.         Par courrier du 6 février 2023, le conseil précité a informé l’OCPM ne plus être en charge de la défense des intéressées.

12.         Aucune suite n’a été donnée au courrier du 7 décembre 2022 dans le délai imparti pour ce faire.

13.         Par décision du 15 février 2023, l'OCPM a refusé d'octroyer à Mme A______ l'autorisation de séjour sollicitée et a prononcé son renvoi de Suisse. Un délai au 15 mai 2023 lui était imparti pour quitter le territoire.

Les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour au sens des art. 44 et 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), ainsi que 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) n’étaient pas remplies.

Arrivée à Genève alors qu’elle était majeure, l’art. 44 LEI ne s'appliquait pas à sa situation. Quand bien même elle y serait arrivée étant encore mineur, sa mère n'étant pas titulaire d’une autorisation de séjour, le regroupement familial ne pouvait pas être invoqué.

Sous l’angle du cas de rigueur, la durée de son séjour ne saurait constituer un élément déterminant susceptible de justifier une suite favorable à sa demande d'autorisation de séjour, étant rappelé qu’elle était arrivée en Suisse alors qu'elle était âgée de 18 ans et qu'elle en avait 20 aujourd’hui. Elle avait donc vécu toute son enfance et la totalité de son adolescence au Nicaragua, années essentielles pour le développement de la personnalité et partant, pour l'intégration sociale et culturelle. Par ailleurs, elle ne pouvait pas se prévaloir d'une intégration sociale ou professionnelle particulièrement marquée au point de devoir admettre qu'elle ne puisse quitter la Suisse sans devoir être confrontée à des obstacles insurmontables, étant notamment relevé qu’elle percevait de l'aide sociale par l'intermédiaire de sa mère, en tant qu'enfant majeure à charge.

Enfin, sa situation ne se distinguait pas de celle de bon nombre de ses concitoyens connaissant les mêmes réalités au Nicaragua et le dossier ne faisait pas apparaitre que l'exécution du renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

14.         Selon une attestation d'aide financière de l’Hospice général (HG) du 7 mars 2023, Mme A______ est considérée comme enfant à charge de sa mère Mme  B______ dans son dossier d'aide sociale et la famille reçoit des prestations financières depuis le 1er février 2020.

15.         Par courrier du 20 mars 2023, Mme A______ a requis de l’OCPM la reconsidération de sa décision du 15 février 2023.

Elle était mineure lorsqu’elle avait sollicité le regroupement familial et si l’OCPM avait délivré une autorisation à sa mère dans les délais, elle aurait pu en bénéficier. Etudiante, elle dépendait entièrement de sa mère et de son compagnon. Elle vivait depuis bientôt quatre ans avec ces derniers ainsi que ses petites sœurs et ils représentaient sa seule famille. Elle espérait pouvoir commencer un apprentissage et bénéficier ainsi de l’art. 30a OASA. Si sa demande devait être rejetée, elle sollicitait un permis de séjour pour études. L’HG cesserait de la soutenir dès le 1er  mars 2023.

16.         Par acte du même jour, Mme A______ a également formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal) concluant à son annulation.

Courant décembre 2019, elle était venue rejoindre sa demi-sœur, sa mère et le compagnon de cette dernière en Suisse. Dès son arrivée, elle avait été scolarisée et elle poursuivait actuellement ses études à l’G______. Elle était ainsi mineure lorsqu’elle avait déposé sa demande de regroupement familial. Elle n’avait plus de famille au Nicaragua, étant relevé que sa mère et ses sœurs obtiendraient vraisemblablement une autorisation de séjour. L’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) s’appliquait également à sa situation. Elle espérait pouvoir entamer un apprentissage cette années, ce qui lui permettrait de bénéficier de l’art. 30a OASA et d’obtenir un permis par ce biais, raison pour laquelle son dossier devait être suspendu dans cette attente.

Elle a joint la demande de reconsidération précitée ainsi qu’une attestation de scolarité du 16 août 2022 indiquant qu’elle était inscrite dans l'école G______, en classe d'insertion professionnelle, pour l'année scolaire 2022/2023, dès le 22 août 2022.

17.         Toujours le 20 mars 2023, Mme B______ a recouru auprès du tribunal contre la décision de l’OCPM du 15 février 2023, lui refusant, ainsi qu’à ses filles cadettes, l’octroi d’une autorisation de séjour.

Ce recours a été ouvert sous le n° de cause A/1______/2023.

18.         Le 13 avril 2023, l’OCPM a informé le tribunal ne pas être opposé à la suspension de la procédure.

19.         Par décision du 24 avril 2023 (DITAI/2______/2023), le tribunal a suspendu la procédure jusqu’à droit connu sur la demande de reconsidération de la recourante.

20.         Le 10 août 2023, l'OCPM a informé le tribunal avoir refusé, par décisions des 25  avril et 27 juillet 2023, d’entrer en matière sur la demande de reconsidération de sa décision du 15 février 2023, respectivement, la demande de permis pour études de la recourante. Il sollicitait dès lors la reprise de la procédure.

Il a joint ses décisions précitées, lesquelles sont entrées en force.

21.         Par courrier du 24 août 2023, la recourante a fait valoir qu’elle remplissait les quatre critères suivants : a) attestation de formation professionnelle, b) contrat de travail, c) contrat de logement, d) attestation de langue et requis un délai d’un mois pour produire ces documents.

22.         Dans ses observations du 12 septembre 2023, accompagnées de son dossier, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

La recourante ne satisfaisait pas aux strictes conditions nécessaires à l’octroi d’un permis humanitaire, pour les motifs déjà développés dans sa décision du 15 février 2023. Quant à sa demande de regroupement familial, l’absence de titre de séjour des membres de sa famille empêchait tout octroi d’une autorisation de séjour sous cet angle, que ce soit selon l’art. 44 LEI ou l’art. 8 CEDH. Aucun élément du dossier n’indiquait enfin que son renvoi au Nicaragua serait inexécutable.

23.         Par réplique du 2 octobre 2023, la recourante a fait valoir que sa mère et ses sœurs étaient dans l’attente d’une réponse à leur demande de regroupement familial via leur père, respectivement compagnon, laquelle ne saurait tarder. Elle était pour le surplus inscrite en formation initiale soit en CFC d’employée de commerce depuis la rentrée 2023/2024, formation qui durerait trois ans.

Elle a joint des pièces relatives à sa formation, débutée en janvier 2020, ainsi que son curriculum vitae.

24.         Invité à dupliquer, l’OCPM a informé le tribunal n’avoir pas d’observations complémentaires à formuler.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24  avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             La recourante conteste l'appréciation à laquelle l'OCPM a procédé au sujet des conditions nécessaires à l'octroi d'une autorisation de séjour à titre de regroupement familial.

6.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas en l'espèce.

7.             Selon l'art. 44 al. 1 LEI, le conjoint étranger du titulaire d'une autorisation de séjour ainsi que ses enfants étrangers de moins de 18 ans peuvent obtenir une autorisation de séjour et la prolongation de celle-ci aux conditions cumulatives (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3721/2017 du 29 octobre 2018 consid. 5.2) suivantes : ils vivent en ménage commun avec lui (let. a) ; ils disposent d'un logement approprié (let. b) ; ils ne dépendent pas de l'aide sociale (let. c) ; ils sont aptes à communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile (let. d) ; la personne à l'origine de la demande de regroupement familial ne perçoit pas de prestations complémentaires annuelles au sens de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30) ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement familial (let. e).

8.             L’art. 44 LEI pose les conditions de base qui doivent impérativement être remplies pour qu'une autorisation de séjour puisse être accordée dans ce cadre. L'examen du respect des autres conditions, en particulier de celles qui figurent à l'art. 47 LEI (plus précisément à l'art. 73 OASA pour ce qui est du regroupement familial invoqué en relation avec l'art. 44 LEI), n'intervient qu'une fois que les conditions de base sont réalisées (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-5031/2019 du 22  juin 2020 consid. 7.2 et la référence citée).

9.             Sous l’angle du droit au respect de la vie familiale, d'après une jurisprudence constante, les relations visées par l'art. 8 CEDH sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire, soit celles qui existent entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (cf. ATF 144 II 1 consid. 6.1 p. 12).

10.         L’art. 8 CEDH peut ainsi conférer un droit de séjourner en Suisse aux enfants étrangers mineurs dont les parents bénéficient d'un droit de présence assuré en Suisse, voire aux enfants majeurs qui se trouveraient dans un état de dépendance particulier par rapport à ces derniers, en raison par exemple d'un handicap ou d'une maladie grave (ATF 144 II 1 consid. 6.1; 140 I 77 consid. 5.2; 137 I 113 consid. 6.1 p. 118).

11.         En l'espèce et en premier lieu, point n’est besoin de déterminer si la recourante était majeure ou mineure au moment du dépôt de sa demande d’autorisation de séjour pour regroupement familial, l’intéressée ne pouvant en tout état pas se prévaloir de l’art. 44 LEI dès lors que sa mère n’est pas au bénéficie d’une autorisation de séjour.

Il n’en va pas différemment sous l’angle de l’art. 8 CEDH dès lors que ni sa mère ni ses sœurs ne bénéficient d'un droit de présence assuré en Suisse.

12.         Reste encore à examiner si la situation de la recourante remplit les critères relatifs à un cas de rigueur.

13.         Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte, notamment, de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).

À teneur de l’art. 58a al. 1 LEI, pour évaluer l’intégration, l’autorité compétente tient compte des critères suivants ; le respect de la sécurité et de l’ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (let. d).

14.         Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; 137 II 1 consid. 1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017), d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (cf. ATA/1669/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7b).

15.         Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu'ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6a ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1020/2017 du 27 juin 2017 consid. 5b ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3 ; 2C_222/2017 du 29 novembre 2017 consid. 1.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (cf. ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6a ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

16.         La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATAF F-6322/2016 du 1er mai 2018 consid. 4.6 et les références citées ; ATA/353/2019 précité consid. 5d ; ATA/38/2019 précité consid. 4d).). Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; 2A.166/2001 du 21 juin 2001 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ; ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1538/2017 du 28  novembre 2017 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017 ; ATA/287/2016 du 5 avril 2016).

17.         Selon la jurisprudence, le fait de renvoyer une femme seule dans son pays d'origine où elle n'a pas de famille n'est généralement pas propre à constituer un cas de rigueur, à moins que ne s'y ajoutent d'autres circonstances qui rendent le retour extrêmement difficile. Un cas de rigueur peut notamment être réalisé lorsque, aux difficultés de réintégration dues à l'absence de famille dans le pays d'origine, s'ajoute le fait que l'intéressée est affectée d'importants problèmes de santé qui ne pourraient pas être soignés dans son pays, le fait qu'elle serait contrainte de regagner sa patrie qu'elle avait quitté dans des circonstances traumatisantes ou encore le fait qu'elle laisserait derrière elle une partie importante de sa proche parenté (parents, frères et soeurs) appelée à demeurer durablement en Suisse, avec qui elle a partagé pendant longtemps les mêmes vicissitudes de l'existence (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5271/2009 du 5 octobre 2010 consid. 6.4.3 et les références citées). Inversement, une telle séparation pourra d'autant mieux être exigée que les perspectives de réintégration dans le pays d'origine apparaîtront plus favorables (cf.  arrêts du Tribunal fédéral 2A.183/2002 du 4 juin 2002 consid. 3.2 ; 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.446/1997 du 24 avril 1998 consid. 3b). Des cas de rigueur ont par ailleurs été admis s'agissant de mères d'enfants mineurs n'ayant plus aucune famille dans leur pays d'origine, qu'elles avaient, de surcroît, quitté dans des circonstances traumatisantes (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2A.582/2003 du 14 avril 2004 consid. 3.1 et 2A.394/2003 du 16  janvier 2004 consid. 3.1).

18.         En l'absence de liens d'une certaine intensité avec la Suisse, l'aspect médical et les éventuelles difficultés de réintégration de la personne concernée dans le pays d'origine ne sauraient justifier, à eux seuls, l'octroi d'un permis humanitaire pour cas de rigueur (arrêts du TAF C-2712/2012 du 9 juillet 2014 consid. 5.7 ; C- 3216/2010 du 29 janvier 2014 consid. 3.6). Le cas échéant, ces critères ne peuvent en effet être pris en considération que dans le cadre de l'examen de la licéité et de l'exigibilité de l'exécution du renvoi (arrêts du TAF F.4125/2016 du 26 juillet 2017 consid. 5.4.1; C-2712/2012 précité consid. 5.7 ; ATA/1162/2020 précité consid. 6c ; ATA/801/2018 du 7 août 2018 consid. 8b).

19.         Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI). Sauf prescription particulière de la loi ou d'un traité international, l'étranger n'a donc en principe aucun droit à la délivrance et au renouvellement d'un permis de séjour pour cas de rigueur. L'autorité compétente dispose d'un très large pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'examen des conditions de l'art. 31 al. 1 OASA, dont elle est tenue de faire le meilleur exercice en respectant les droits procéduraux des parties. Le contrôle de l'usage du pouvoir d'appréciation de l'autorité intimée par le tribunal de céans doit donc s'exercer avec retenue et se limiter au cas de l'excès ou de l'abus du pouvoir d'appréciation. Le tribunal ne saurait ainsi substituer sa propre appréciation des preuves à celle de l'autorité intimé en l'absence d'une appréciation manifestement contraire au droit, voire choquante.

20.         En l'espèce, les déclarations de la recourante ont varié s’agissant de sa date d’arrivée en Suisse. Cela étant, même en retenant la date du 19 décembre 2019 qui lui est le plus favorable et qui parait plausible, elle ne justifiait, au moment du dépôt de sa demande d'autorisation de séjour, le 29 janvier 2020, que d'un séjour d'un peu plus d’un mois. Une telle durée ne correspond à l'évidence pas à une très longue durée au sens des critères légaux et jurisprudentiels rappelés plus haut, au terme de laquelle il faudrait nécessairement retenir que le renvoi de Suisse constituerait pour la personne concernée un véritable déracinement et donc une mesure disproportionnée. Depuis le dépôt de sa demande d'autorisation, son séjour, désormais de quatre ans, se poursuit au bénéfice d'une simple tolérance. Elle ne peut dès lors tirer parti de la durée de son séjour en Suisse pour bénéficier d'une dérogation aux conditions d'admission.

Dans une telle situation, comme développé plus haut, seule une intégration professionnelle et/ou socioculturelle exceptionnelle permet de retenir, dans de rares cas, que la personne concernée s'est créée en Suisse une situation professionnelle si extraordinaire ou un enracinement socioculturel si profond que le fait de prononcer son renvoi de Suisse constituerait une mesure disproportionnée. Alternativement, à défaut d'une telle intégration professionnelle ou socioculturelle, de très graves difficultés auxquelles devrait faire face la personne concernée à son retour dans son pays peuvent encore conduire à considérer le renvoi comme disproportionné, étant rappelé que la loi et la jurisprudence ne permettent pas de prendre en considération des difficultés, même d'une certaine importance, qui sont inhérentes à la situation politique, économique ou sociale à laquelle l'ensemble de la population dudit pays est soumise.

Or, si certes la recourante vit désormais en Suisse depuis quatre ans, qu’elle y a été scolarisée depuis janvier 2020 en classe d’accueil, d’orientation professionnelle puis d’insertion professionnelle et qu’elle a pu renforcer ses liens avec sa mère et ses sœurs, ces éléments sont la conséquence du fait qu’elle a placé les autorités devant le fait accompli et ils ne sauraient, à ce titre, constituer à eux seuls un élément décisif. Son intégration socio-professionnelle en Suisse ne saurait être qualifiée de remarquable ou d’exceptionnelle, puisqu’elle dépend entièrement de sa mère et du compagnon de cette dernière, eux-mêmes dépendants de l’HG, à teneur des pièces du dossier. Elle suit actuellement une formation d'employée de commerce à Genève qui devrait durer trois ans. Il n’apparaît en outre pas qu’elle se soit investie d'une quelconque manière dans la vie associative ou culturelle genevoise durant son séjour.

S'agissant de ses possibilités de réintégration dans son pays d'origine, la recourante est arrivée en Suisse en décembre 2019, soit à l'âge de 17 ans et 5 mois, après avoir passé l'ensemble de son enfance et de son adolescence au Nicaragua. Elle en maitrise ainsi de toute évidence la langue ainsi que les us et coutumes. En outre, si elle allègue ne disposer d'aucun tissu familial au Nicaragua, aucun élément du dossier ne permet d'attester de la véracité de cette allégation. Au contraire, elle y a encore vraisemblablement sa grand-mère, vu les termes de sa demande de visa du 14 décembre 2023. En tout état, aujourd'hui âgée de bientôt 22 ans, elle est en principe en mesure de vivre de manière indépendante. À cela s'ajoute qu'elle a appris le français et acquis des connaissances dans le cadre de sa scolarisation en Suisse qu’elle pourra mettre à profit et qui constitueront un atout supplémentaire pour sa réintégration. Sa mère et le compagnon de cette dernière pourront en outre, au besoin, lui fournir un appui financier depuis la Suisse et elle pourra maintenir des relations familiales avec sa mère et ses sœurs - si celles-ci devaient être autorisées à séjourner durablement en Suisse - par le biais des moyens de communication modernes ou par des séjours touristiques.

Ainsi, au vu de l'ensemble de ces circonstances, l'appréciation que l'autorité intimée a faite de la situation de la recourante sous l'angle des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA apparaît parfaitement admissible. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit respecter la latitude de jugement conférée à l'OCPM, ne saurait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA).

A toutes fins utiles, le tribunal relèvera encore que l’application de l’art. 30a OASA à la recourante a été examinée et écartée par l’OCPM dans sa décision du 27 juillet 2023, en force, les conditions requises n’étant manifestement pas remplies. Il n’y a dès lors plus lieu d’y revenir.

21.         Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, l’autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée.

Elle ne dispose à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5268/2008 du 1er juin 2011 consid. 10 ; C-406/2006 du 2 septembre 2008 consid. 8 et la référence citée ; ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a ; ATA/991/2020 du 6 octobre 2020 consid. 6b).

22.         En l’occurrence, dès lors qu’il a refusé de délivrer une autorisation de séjour à la recourante, l’OCPM devait en soi ordonner son renvoi de Suisse en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI.

23.         Le renvoi d’un étranger ne peut être ordonné que si l’exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution du renvoi n’est pas possible lorsque l’intéressé ne peut quitter la Suisse pour son État d’origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n’est pas licite lorsque le renvoi serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l’étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

24.         En l’espèce, il n’est, à juste titre, pas allégué que l’exécution du renvoi de la recourante au Nicaragua serait impossible, illicite ou inexigible au regard de l’art.  83 LEI ; le dossier ne laisse pas non plus apparaître d’éléments qui tendraient à démontrer que tel serait le cas.

25.         Partant, entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

26.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

27.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

28.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 20 mars 2023 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 15 février 2023 ;

2.             le rejette;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière