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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/164/2024

JTAPI/68/2024 du 29.01.2024 ( MC ) , ADMIS PARTIELLEMENT

REJETE par ATA/232/2024

Descripteurs : INTERDICTION DE PÉNÉTRER DANS UNE ZONE
Normes : LEI.74
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/164/2024 MC

JTAPI/68/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 29 janvier 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Roxane SHEYBANI, avocate, avec élection de domicile

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


EN FAIT

1.            Le 12 novembre 2023, Monsieur A______, né le ______ 2001, ressortissant d’Algérie, a été arrêté à Bâle en raison d'un avis d'arrestation et de recherche émis par le Ministère public de Genève pour le vol d'un téléphone portable ainsi que la somme de CHF 60.- dans une voiture, et la perception indue de sommes de prestations sociales.

2.            Entendu par la police du canton de Genève le 13 novembre 2023, M. A______ a admis la commission de cette infraction et expliqué à ce sujet qu'il marchait dans le quartier B______ avec deux amis lorsqu'ils étaient passés à côté d'un taxi qui avait la fenêtre ouverte. Il avait profité qu'il n'y ait personne autour pour plonger sa main à l'intérieur du véhicule. Il avait pris le téléphone et la somme d'argent, qu'il avait donnés à l'un de ses amis. À la question de savoir s'il avait des antécédents judiciaires en Suisse ou à l'étranger, ou s'il avait occupé des services de police, il a déclaré qu'il était connu en Espagne pour être tombé du deuxième étage après avoir cambriolé un appartement. Il a également admis avoir menti au sujet de son identité lorsqu'il était arrivé en Suisse, car il souffrait de la cheville et avait appris que s'il prétendait être mineur, il serait soigné. Grâce à cela, il avait pu bénéficier d'un plâtre pendant 15 jours. Démuni de moyens financiers et de documents d’identité, il a ajouté qu'il n'avait aucune famille ou attache en Suisse.

3.            Prévenu notamment de vol (art. 139 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0)) et d’infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), M. A______ a été mis à disposition du Ministère sur ordre du commissaire de police, puis maintenu en arrestation provisoire à la prison de Champ-Dollon le 14 novembre 2023.

4.            Par jugement du 10 janvier 2024 du Tribunal de police, l'intéressé a notamment été reconnu coupable de vol, puis libéré et remis en mains des services de police.

5.             Le 10 janvier 2024 à 17h30, en application de l'art. 74 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), le commissaire de police a prononcé à l'encontre de M. A______ une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée (interdiction d'accès au canton de Genève) pour une durée de douze mois.

6.            Le 16 janvier 2024, M. A______ a formé opposition, par l'intermédiaire de son conseil, contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI ou le tribunal).

7.            Le 16 janvier 2024 également, le Ministère public du canton de Genève a prononcé à l'encontre de M. A______ une ordonnance pénale le reconnaissant coupable d'infraction aux art. 115 al. 1 let. b et 119 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), notamment pour être demeuré sur le territoire du canton de Genève en date du 15 janvier 2024, nonobstant la décision d'interdiction territoriale prise à son encontre le 10 janvier précédent. Cette ordonnance pénale indique que lors de son audition à la police à ce sujet, M. A______ avait indiqué être sorti de Chandelon le 10 janvier 2024 et avoir « raté » le train qu'il voulait prendre pour se rendre à Lyon. Il était ensuite tombé malade et des amis lui avaient proposé de dormir dans un foyer, ce qu'il avait accepté. S'il n'avait pas été arrêté par la police, il serait parti en France de 16 janvier 2024.

8.            Par l'intermédiaire de son conseil, M. A______ a fait opposition le jour même à cette ordonnance pénale.

9.             Lors de l'audience tenue par le tribunal le 25 janvier 2024, M. A______ ne s'est pas présenté. Son conseil a indiqué qu'elle avait vu ce dernier le 16 janvier 2024. Il lui avait alors dit qu'il quittait la Suisse et qu'il n'avait pas l'intention d'y revenir étant donné qu'il n'avait pas de titre de séjour. Cependant, il avait déposé une demande d'asile le 10 septembre 2023 et cette procédure était actuellement toujours pendante. M. A______ disposait quoi qu'il en soit d'un intérêt actuel à ce que la question de la légalité de la mesure d'éloignement soit examinée, ne serait-ce que parce qu'il avait été condamné pour violation de cette mesure par ordonnance pénale du 16 janvier 2024. Elle a déposé un rapport médical établi par les HUG le 15 septembre 2023 au sujet d'une consultation que M. A______, sous son alias de C______, avait reçue le 29 août 2023. Sur question du tribunal, le conseil de M. A______ a confirmé que c'était en rapport avec le plâtre qu'il avait porté durant 15 jours selon ses déclarations à la police. Sur question de la représentante du commissaire de police, elle a confirmé que son mandant avait déjà annoncé son appel du jugement rendu par le tribunal de police du 10 janvier 2024.

Elle a conclu principalement à l'annulation de la décision d'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève et, subsidiairement, au fait qu'un avertissement soit prononcé en lieu et place contre M. A______.

La représentante du commissaire de police a conclu au rejet de l'opposition et à la confirmation de l'interdiction pour une durée de douze mois.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner sur opposition la légalité et l’adéquation de l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prononcée par le commissaire de police à l'encontre d'un ressortissant étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. a de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             L'opposition ayant été formée dans le délai de dix jours courant dès la notification de la mesure querellée, elle est recevable sous l'angle de l'art. 8 al. 1 LaLEtr.

3.             Statuant ce jour, le tribunal respecte en outre le délai de vingt jours que lui impose l'art. 9 al. 1 let. b LaLEtr.

4.             Selon l'art. 74 al. 1 LEI, qui a repris l'art. 13e de l'ancienne loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931 (aLSEE- RS 142.20 ; cf. message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur les étrangers du 8 mars 2002 in FF 2002 3469, p. 3570), l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou de ne pas pénétrer dans une région déterminée dans les cas suivants :

a. l'étranger n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement et trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics ; cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants ;

b. l'étranger est frappé d'une décision de renvoi ou d'expulsion entrée en force et des éléments concrets font redouter qu'il ne quittera pas la Suisse dans le délai prescrit ou il n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire ;

c. l'exécution du renvoi ou de l'expulsion a été reportée (art. 69 al. 3 LEI).

Conformément à l'art. 74 al. 2 LEI, la compétence d'ordonner ces mesures incombe au canton qui exécute le renvoi ou l'expulsion ; s'agissant de personnes séjournant dans un centre d'enregistrement ou dans un centre spécifique au sens de l'art. 26 al. 1bis de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31), cette compétence ressortit au canton sur le territoire duquel se trouve le centre ; l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée peut aussi être prononcée par le canton dans lequel est située cette région.

5.             De son côté, l'art. 6 al. 3 LaLEtr précise que l'étranger peut être contraint à ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou à ne pas pénétrer dans une région déterminée, aux conditions prévues à l'art. 74 LEI, notamment suite à une condamnation pour vol, brigandage, lésions corporelles intentionnelles, dommage à la propriété ou pour une infraction à la LStup.

6.             Les mesures d'assignation d'un lieu de séjour et d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée répondent à deux préoccupations. Elles permettent d'intervenir pour protéger la sécurité et l'ordre publics - plus particulièrement dans les domaines qui ne peuvent guère être couverts par le droit pénal - à l'encontre de ressortissants étrangers dont le départ ne peut pas être exigé en raison d'une demande d'asile pendante ou de l'absence de titre de voyage. En outre, elles peuvent être ordonnées à l'égard d'étrangers dont le renvoi est durablement entravé et pour lesquels il est nécessaire de les tenir éloignés d'un endroit déterminé ou de pouvoir les surveiller (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 rendu sous l'égide de l'art. 13 aLSEE, remplacé par l'art. 74 al. 1 LEI - cf. supra).

7.             L'étranger est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire s'il n'observe pas les mesures qui lui sont imposées dans ce cadre (cf. art. 119 LEI).

8.             Les mesures prévues par l'art. 74 al. 1 LEI visent à prévenir les atteintes à la sécurité et à l'ordre publics plutôt qu'à sanctionner un comportement déterminé de ressortissants étrangers dont le départ ne peut pas être exigé en raison d'une demande d'asile pendante ou de l'absence de titre de voyage (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 2a).

D'après la jurisprudence, le simple soupçon qu'un étranger puisse commettre des infractions dans le milieu de la drogue justifie même une mesure prise en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 ; 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1 ; 2A.347/2003 du 24 novembre 2003 consid. 2.2). En outre, de tels soupçons peuvent découler du seul fait de la possession de stupéfiants destinés à sa propre consommation (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 ; 2A.148/2003 du 30 mai 2003 consid. 3.3). Les étrangers qui sont mêlés au commerce des stupéfiants doivent s'attendre à faire l'objet de mesures d'éloignement, la protection de la collectivité publique face au développement du marché de la drogue présentant incontestablement un intérêt public prépondérant justifiant l'éloignement d'un étranger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_530/2007 du 21 novembre 2007 consid. 5).

9.             A l'instar de l'art. 13e aLSEE, l'art. 74 al. 1 LEI constitue par ailleurs une clause générale permettant de prendre des mesures également à l'encontre d'étrangers qui ont gravement violé les prescriptions de police des étrangers qui tendent à garantir l'ordre public en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3a et la référence citée cum FF 2002 3469, 3570).

10.         Les mesures d'assignation à un lieu de séjour et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée doivent respecter le principe de la proportionnalité énoncé à l'art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.- RS 101) (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4), lequel se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/3019/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

Pour être conforme au principe de la proportionnalité, une restriction d'un droit fondamental, en l'occurrence la liberté de mouvement, doit être apte à atteindre le but visé, ce qui ne peut être obtenu par une mesure moins incisive. Il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; 136 I 197 consid. 4.4.4 : arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1).

Les mesures d'assignation à un lieu de séjour et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée doivent ainsi être nécessaires et suffisantes pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés ; les moyens doivent être proportionnés au but poursuivi, au regard notamment de la délimitation géographique et de la durée de la mesure (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2002 consid. 2c).

Le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles ; elles ne peuvent en outre pas être ordonnées pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1 ; 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3c). Cela étant, le périmètre d'interdiction peut inclure l'ensemble du territoire d'une ville (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.2 ; 2A.647/2006 du 12 février 2007 consid. 3.3 pour les villes d'Olten et de Soleure ; 2A.347/2003 du 24 novembre 2003 consid. 4.2 pour la ville de Berne).

Les étrangers dépourvus d'autorisation de séjour n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement. S'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle, le seuil pour ordonner les mesures d'assignation d'un lieu de séjour et d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée n'a pas été placé très haut. Pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics, il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police. Des indices concrets de délits commis dans le milieu de la drogue suffisent, de même que la violation grossière des règles classiques de la cohabitation sociale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 et la référence citée ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 2b et les références citées ; ATA/45/2014 du 27 janvier 2014 ; ATA/778/2012 du 14 novembre 2012).

11.         La jurisprudence de la chambre administrative de la Cour de justice (CJCA) est d'une lecture incertaine sous l'angle de la proportionnalité de la durée d'une mesure d'interdiction territoriale, mais il s'avère en réalité, en comparant les arrêts rendus par cette juridiction en 2023, que c'est également, voire principalement la pratique du Commissaire de police qui semble fluctuante, les durées d'interdiction prononcées pour l'ensemble du territoire cantonal étant tantôt de six, douze, dix-huit ou vingt-quatre mois, sans que l'on puisse clairement rattacher les cas de très peu de gravité uniquement aux durées les moins longues.

La CJCA a ainsi confirmé un jugement du tribunal réduisant de douze à neuf mois la durée d'interdiction de pénétrer sur l'ensemble du territoire cantonal prononcée à l'encontre d'une personne condamnée à une reprise pour vol, utilisation frauduleuse d'un ordinateur et infractions contre la LEI (ATA/5/2023 du 10 janvier 2023).

Elle confirmé un jugement du tribunal réduisant de vingt-quatre à douze mois la durée d'interdiction de pénétrer sur l'ensemble du territoire cantonal prononcée à l'encontre d'une personne condamnée à neuf reprises en Suisse entre avril 2020 et janvier 2023, notamment pour vol et recel, vol, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, ainsi que lésions corporelles simples (ATA/105/2023 du 31 janvier 2023).

Elle a confirmé un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction cantonale d'une durée de six mois prononcés contre une personne condamnée une première fois pour infractions contre la LEI puis une seconde fois pour délit et contravention contre la LStup (ATA/133/2023 du 8 février 2023).

Elle a confirmé un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction cantonale d'une durée de dix-huit mois prononcée contre une personne ayant fait l'objet d'une précédente interdiction cantonale d'une durée de douze mois, puis de deux condamnations pénales pour violation de cette injonction, d'une troisième pour contravention contre la LStup et enfin d'une quatrième pour utilisation frauduleuse ordinateur et délit contre la LStup (ATA/152/2023 du 14 février 2023).

Elle a confirmé un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction cantonale d'une durée de douze mois prononcée contre une personne condamnée pénalement une première fois pour délit contre la LStup et ayant fait l'objet suite à cette condamnation d'une interdiction cantonale d'une durée de six mois, puis condamnée une deuxième fois pour la violation de cette interdiction et une troisième fois pour délit contre la LStup (ATA/251/2023 du 14 mars 2023).

Elle a annulé un jugement du tribunal réduisant de douze à six mois une interdiction cantonale prononcée contre une personne condamnée une première fois notamment pour délit contre la LStup, et contre laquelle était en cours une seconde procédure pénale l'impliquant dans un trafic de drogue (ATA/337/2023 du 31 mars 2023).

Elle a confirmé un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction cantonale d'une durée de dix-huit mois prononcée contre une personne condamnée à 12 reprises entre 2013 et 2022, essentiellement pour des vols et des infractions contre la LEI (ATA/607/2023 du 8 juin 2023).

Elle a annulé un jugement du tribunal réduisant de vingt-quatre à dix-huit mois une interdiction de périmètre prononcée à l'encontre d'une personne qui avait fait l'objet de 11 condamnations pénales depuis 2019, notamment pour des infractions à la LStup, ainsi que tu ne précédentes décision d'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de 12 mois (ATA/609/2023 du 9 juin 2023).

Elle a annulé un jugement du tribunal confirmant une interdiction de périmètre de six mois prononcée à l'encontre d'une ressortissante française qui avait volé différentes marchandises pour une valeur d'environ CHF 1'150.-, prononçant à la place un avertissement, au motif que l'interdiction de périmètre restreignait excessivement ses possibilités de recherche d'emploi dans le canton de Genève (ATA/709/2023 du 29 juin 2023).

Elle a confirmé un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction de périmètre prononcée pour une durée de six mois contre une personne condamnée à une reprise notamment pour délits et contraventions contre la LStup (ATA/1003/2023 du 14 septembre 2023).

Elle a confirmé un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction de périmètre prononcée pour une durée de douze mois contre une personne condamnée à cinq reprises, notamment pour délit contre la LStup (ATA/1263/2023 du 23 novembre 2023).

Elle a confirmé un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction de périmètre prononcée pour une durée de douze mois contre une personne extra-européenne titulaire d'un titre de séjour espagnol, condamnée à cinq reprises depuis 2015, notamment pour exercice illicite de la prostitution et délits contre la LStup, sans attache à Genève (ATA/1264/2023 du 23 novembre 2023).

Elle a annulé un jugement du tribunal prononçant un avertissement au lieu de l'interdiction de périmètre prononcée par le Commissaire de police pour une durée de douze mois à l'encontre d'une personne arrêtée et condamnée pour le vol de deux parfums d'une valeur totale de CHF 330.-, sans attache à Genève (ATA/1319/2023 du 8 décembre 2023).

12.         Il résulte de cette revue de la jurisprudence que certains cas de très peu de gravité, c'est-à-dire n'impliquant qu'une seule condamnation pour un vol d'importance relative ou pour le trafic de quelques grammes de drogues dures, font l'objet, de la part du commissaire de police, d'interdictions territoriales pour une durée de six mois, tandis que le même type de situation peut parfois faire l'objet d'interdictions territoriales pour une durée de douze mois. Des cas plus graves, impliquant deux ou trois, voire plusieurs condamnations pénales, ainsi que des situations dans lesquelles des interdictions territoriales avaient déjà été prononcées une première fois (et dans certains cas violées) ont, quant à eux, fait parfois l'objet d'interdictions territoriales pour des durées de douze à dix-huit mois, et non pas systématiquement pour des durées de vingt-quatre mois.

13.         Ayant procédé à cette revue de la jurisprudence, le tribunal a ainsi récemment réduit de dix-huit à six mois une mesure d'éloignement du territoire du canton de Genève prise à l'encontre d'une personne condamnée à une seule reprise en Suisse, pour faux dans les certificats et infractions contre la LEI, et contre laquelle deux autres procédures pénales étaient en cours, dont l'une concernait une infraction contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) (JTAPI/1453/2023 du 21 décembre 2023). Ce jugement n'a apparemment pas fait l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative.

14.         Dans le cas d'espèce, s'agissant des conditions d'application de l'art. 74 LEI, M. A______ a reconnu, lors de son audition à la police le 13 novembre 2023, qu'en passant dans la rue avec deux amis, il avait passé la main par la fenêtre ouverte d'une voiture afin de s'emparer d'un téléphone et d'une somme d'argent. Quand bien même l'ordonnance pénale qui, pour ces motifs, l'a reconnu coupable de vol, fait l'objet d'une opposition, il n'en demeure pas moins que ces éléments permettent à ce stade de soupçonner la commission de cette infraction. Conformément à la jurisprudence rappelée plus haut, un tel soupçon est suffisant pour légitimer une mesure d'éloignement au sens de l'art. 74 LEI et l'on peut ainsi retenir que, par son comportement, M. A______ a déjà troublé et est susceptible de troubler à nouveau l'ordre public. On rappellera également que de son propre aveu, il a eu affaire à la police en Espagne en raison d'un cambriolage, ce qui ne fait que renforcer le soupçon dont il est question.

15.         Contrairement à ce qu'il soutient, le fait que ce vol a été commis sans violence ni mise en danger de la santé d'autrui, ou encore son jeune âge, ne sont pas des éléments dont il y a lieu de tenir compte dans la présente procédure, car s'ils peuvent entrer en considération dans le cadre d'une décision pénale, l'art. 74 LEI se contente d'énoncer une condition objective sans lien avec les éléments susmentionnés. L'ATA/709/2023 du 29 juin 2023, cité par M. A______ en soulignant son jeune âge et le fait qu'il est venu à Genève pour obtenir des soins médicaux, ne lui d'aucun secours au stade de l'examen de la légalité de la décision litigieuse, puisque cet arrêt a simplement constaté la disproportion de la mesure d'éloignement.

16.         Enfin, les circonstances de la commission de l'infraction qui lui est reprochée, pour n'avoir pas respecté la décision qui fait l'objet du présent litige et être demeuré à Genève entre le 10 et le 15 janvier 2024, ne jouent aucun rôle dans cette affaire, mais uniquement dans le cadre de la procédure pénale ouverte pour ce motif.

17.         Par ailleurs, M. A______ ne dispose d'aucune autorisation de séjour en Suisse.

18.         Par conséquent, l'ensemble des conditions légales d'une mesure d'éloignement au sens de l'art. 74 al. 1 let. a LEI sont réalisées en l'espèce.

19.         S'agissant en revanche de la proportionnalité de cette mesure, le tribunal constate que, comme dans le JTAPI/1453/2023 du 21 décembre 2023 cité plus haut, on a affaire ici à des troubles de très peu de gravité contre l'ordre public. M. A______ fait certes l'objet de deux condamnations en Suisse, mais aucune d'elles n'est pour l'heure entrée en force. En outre, l'une des deux se rapporte à des infractions contre la LEI et à des périodes pénales très courtes. Par conséquent, en référence à la pratique rappelée plus haut, le tribunal considère qu'il ne se justifiait pas de prononcer une mesure s'étendant sur une durée de douze mois et qu'une durée de six mois apparaît davantage conforme au principe de proportionnalité.

20.         Partant, le tribunal confirmera l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise à l'encontre de M. A______, mais pour une durée de six mois.

21.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

22.         Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 10 al. 1 LaLEtr).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable l'opposition formée le 16 janvier 2024 par Monsieur A______ contre la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 10 janvier 2024 pour une durée de douze mois ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             confirme la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 10 janvier 2024 à l'encontre de Monsieur A______, mais la réduit à une durée de six mois ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

5.             dit qu’un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière