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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1496/2022

JTAPI/1069/2023 du 03.10.2023 ( LDTR ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : DÉLAI;REMISE EN L'ÉTAT;PROPORTIONNALITÉ;CHANGEMENT D'AFFECTATION;TRAVAUX DE CONSTRUCTION;RÉTABLISSEMENT DE L'ÉTAT ANTÉRIEUR
Normes : LDTR.7; LDTR.44; LCI.129.lete
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1496/2022 LDTR

JTAPI/1069/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 3 octobre 2023

 

dans la cause

 

A______ AG, représentée par Me François BELLANGER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

 


EN FAIT

1.             A______ AG (ci-après : A______) est propriétaire de la parcelle n° 1______, feuille 17, de la commune de B______, à l'adresse ______, rue C______, sur laquelle est édifié un immeuble à vocation principalement administrative et commerciale, hormis le dernier étage (sous les combles) qui est affecté à du logement. À l'origine, l'ensemble de ce bâtiment était destiné au logement.

2.             Le 1er octobre 1996, le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu le département du territoire (ci-après: le département ou DT), a délivré au propriétaire de l'époque – la société D______, actuellement la Banque E______ SA (ci-après: la banque) – une autorisation de construire (APA 2______) visant la transformation des huit studios existants au 6ème étage en deux appartements de fonction.

3.             Le 8 janvier 2018, A______ a acquis ce bien immobilier de la banque.

4.             Le 6 mai 2021, A______ a déposé auprès du département une demande d'autorisation de construire portant sur la rénovation et la transformation de l'immeuble, y compris des installations techniques en toiture, des pompes à chaleur et une climatisation. Cette demande a été enregistrée sous la référence DD 3______.

Le courrier d'accompagnement du 20 avril 2021 précisait que l'affectation administrative/commerciale actuelle du bâtiment était maintenue, avec pour particularité une mise en conformité de l'étage des combles, utilisé comme bureaux, afin de le réaffecter à du logement.

5.             Le 4 mars 2022, le département a délivré l'autorisation de construire sollicitée, laquelle est entrée en force.

6.             Parallèlement à l'instruction de cette autorisation de construire, une procédure d'infraction a été ouverte par le DT sous la référence I-4______, ce dernier ayant constaté un changement d'affectation non autorisé du dernier étage de l'immeuble en bureaux.

7.             Par décision du 25 mars 2022, le département a informé A______ que l'autorisation de construire DD 3______ régularisait l'infraction I-4______.

Un délai de six mois lui était imparti pour se conformer à l'autorisation de construire précitée, une attestation globale de conformité, accompagnée des plans conformes à l'exécution, devant lui être transmise dans le même délai.

8.             Par courrier du 30 mars 2022, A______, sous la plume de son conseil, a indiqué au DT qu'elle avait acquis l'immeuble de la banque avec comme condition la possibilité pour cette dernière de continuer à occuper l'immeuble comme locataire jusqu'à ce qu'elle puisse déménager à son nouveau siège, en cours de construction, à F______. La demande d'autorisation de construire DD 3______ avait été déposée par anticipation, de manière à pouvoir engager les travaux une fois les locaux libérés.

Elle n'était pas à l'origine de l'infraction I-4______. Suite à sa découverte, elle avait tout mis en œuvre pour la régulariser. Elle entreprendrait les travaux de rénovation et de transformation une fois en possession de l'immeuble. Elle ne pouvait donc pas respecter le délai de six mois imparti.

Elle sollicitait qu'un délai de six mois lui soit accordé pour ouvrir le chantier, puis dès l'ouverture de celui-ci, l'octroi d'un délai de dix-huit mois pour se conformer à la DD 3______.

9.             Le 8 avril 2022, le département a pris acte du fait qu'A______ n'était pas perturbatrice par comportement et qu'elle collaborait de manière active au rétablissement d'une situation conforme au droit. Néanmoins, les accords entre cette dernière et la banque relevant du droit privé n'interféraient pas dans le processus de régularisation de l'infraction commise. Par conséquent, les délais sollicités n'étaient pas accordés.

10.         Par acte du 10 mai 2022, sous la plume de son conseil, A______ a formé recours contre la décision du 25 mars 2022 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens.

Son droit d'être entendue avait été violé, dès lors qu'avant le prononcé de la décision litigieuse, elle n'avait pas été interpellée par le département et n'avait pas eu la possibilité de se déterminer sur l'ordre de remise en état. Cette violation était grave et ne pouvait être réparée.

Si les studios avaient été convertis en bureaux par la locataire actuelle de l'immeuble, elle n'en était pas responsable, puisqu'elle avait acquis l'immeuble après le changement d'affectation non autorisé. Elle avait informé le département de cette découverte et avait pris toutes les mesures possibles pour rétablir une situation conforme au droit, après le départ de la locataire. C'était sur cette base que l'autorisation de construire DD 3______ avait été sollicitée et aucun élément ne permettait de considérer qu'elle ne la respecterait pas. Aucun motif légal n'imposait l'exécution anticipée de cette dernière. De plus, elle était dans l'impossibilité de le faire tant que la locataire occupait les locaux. La mesure ordonnée par le département était donc illégale et disproportionnée.

11.         Le 12 juillet 2022, le département a transmis ses observations au tribunal, concluant au rejet du recours.

S'il n'avait pas formellement laissé la possibilité à la recourante de se prononcer avant de rendre la décision querellée, celle-ci avait néanmoins pu faire valoir ses observations dans le cadre de l'instruction de l'autorisation de construire. De plus, si la violation du droit d'être entendu devait être reconnue, celle-ci avait été réparée dans le cadre de la procédure de recours, ce d'autant qu'un renvoi du dossier ne ferait que prolonger inutilement la procédure.

Même si A______ n'était pas à l'origine de l'infraction, de par sa qualité de perturbatrice par situation, elle devait se conformer à l'autorisation de construire DD 3______. La mise en œuvre et le respect des art. 1 et ss de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) représentait un intérêt public important, raison pour laquelle il avait été exigé de sa part que la mise en conformité des appartements situés dans les combles soit rapidement réalisée.

Enfin, concernant la convention qui liait la recourante à la locataire actuelle de l'immeuble, selon les principes généraux du droit, il n'appartenait pas à l'administration de s'immiscer dans les conflits de droit privé. De plus, la recourante n'apportait aucune preuve démontrant qu'il lui serait impossible de se conformer à l'autorisation de construire délivrée dans le délai imparti.

12.         Le 26 août 2022, la recourante a répliqué.

Le département admettait ne pas lui avoir formellement laissé l'opportunité de s'exprimer avant le prononcé de la décision querellée et il omettait qu'elle ne pouvait s'attendre ni à se voir imparti un délai de six mois pour réaliser les travaux conformément à l'autorisation de construire, ni à l'ouverture d'une procédure d'infraction. Le département ne pouvait dès lors pas affirmer qu'elle s'était exprimée sur la question dans le cadre de la procédure d'autorisation de construire. Cette violation du droit d'être entendu devait être qualifiée de grave.

S'agissant de l'ordre de remise en état, le département n'avait pas procédé à une pesée complète de tous les intérêts en présence. Les travaux concernés par l'autorisation de construire délivrée portaient sur l'ensemble de l'immeuble, soit une rénovation de tous les étages et l'ajout d'installations techniques, ce qui dépassait la simple régularisation de l'infraction. Ainsi, en ordonnant de se conformer à l'autorisation de construire DD 3______ dans un délai de six mois, la décision du département dépassait l'objet de l'infraction. En outre, une autorisation de construire donnait droit à l'administré de réaliser un projet de construction mais ne l'y obligeait pas, celui-ci étant libre d'y renoncer. De plus, le département n'avait pas constaté par lui-même l'infraction et n'avait pas ordonné au propriétaire de déposer une demande d'autorisation de construire visant sa régularisation. Le dossier du département transmis au tribunal ne contenait aucune information sur la découverte de l'infraction, la date d'ouverture de la procédure y relative ou encore les documents usuels, tels qu'un rapport d'infraction ou un reportage photographique. Ainsi, il aurait pu renoncer à l'autorisation de construire et uniquement ordonner la remise en état conformément à l'autorisation antérieure (APA 2______). De surcroît, les deux appartements avaient été autorisés comme logements de fonction, alors que l'autorisation de construire DD 3______ prévoyait la réalisation de trois logements, librement accessibles à chacun.

Le délai pour exécuter l'autorisation de construire avait été fixé arbitrairement à six mois, sans aucune motivation hormis l'invocation générale de l'intérêt public, alors qu'elle avait déjà affirmé sa volonté de se conformer à cette autorisation de construire. Au demeurant, la validité d'une telle autorisation pouvait être, le cas échéant, prolongée après l'échéance du délai légal de deux ans. En particulier, aucun motif de sécurité ou de salubrité n'imposait une modification presque immédiate d'une situation qui perdurait depuis plus de 15 ans et dont le département n'aurait manifestement jamais eu connaissance si elle ne l'avait pas spontanément annoncée dans le cadre de son projet de construction.

La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative) avait considéré qu'il était possible de prévoir un délai de remise en état différé sur une plus longue période, mais inscrit au Registre foncier afin d'en assurer l'exécution. Il existait ainsi d'autres possibilités pour le département de s'assurer de l'exécution de l'ordre de remise en état et de la protection des intérêts publics, tout en préservant les intérêts du propriétaire de bonne foi qui héritait d'une situation qui n'était pas de son fait. Un délai de six mois pour exécuter intégralement l'autorisation de construire DD 3______ était en toute hypothèse insuffisant et irréaliste compte tenu de l'ampleur des travaux à réaliser. Au mieux, cet ordre était prématuré, vu ses engagements à se conformer à l'autorisation de construire délivrée.

En outre, l'immeuble faisait également l'objet de mesures de protection du patrimoine découlant de sa situation dans le secteur G______, ce qui nécessitait le respect de conditions assorties à l'autorisation de construire par la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS), notamment : maintenir et restaurer soigneusement les boiseries, parquets, plafonds, cheminées, ainsi que les sols anciens et les corniches qui pourraient être trouvés ou apparaître dans le cadre des travaux ; organiser des visites avec la déléguée du service des monument et des sites lors des différentes étapes du chantier ; valider l'installation de panneaux solaires par la CMNS avant l'établissement des appels d'offre et/ou commande des travaux, ainsi que pour les teintes, matériaux et détails d'exécution ; ou encore faire réaliser les travaux de restauration et de conservation par des entreprises spécialisées. Il ne s'agissait dès lors pas d'un chantier ordinaire, auquel s'ajoutaient les difficultés liées à la crise sanitaire, en particulier en termes d'approvisionnement en matériaux et en matière première, rendant les délais de livraison incertains. Même si l'immeuble n'était pas occupé par sa locataire, la réalisation d'un tel projet en six mois serait illusoire et impossible.

Sa bonne foi était également à prendre en compte, dès lors que c'était grâce à une annonce spontanée de la situation découverte que le DT avait eu connaissance de l'affectation non-conforme du 5ème étage [recte : 6ème étage].

Les coûts d'une éventuelle résiliation immédiate du contrat de bail avec la locataire actuelle, en violation des rapports de droit privé, n'étaient certes pas déterminants, mais devaient être pris en compte. En outre, elle risquait de devoir indemniser la société locataire, de défendre une résiliation anticipée du bail ou de s'opposer à une prolongation du bail, voire d'introduire une procédure d'évacuation.

Les travaux de réaffectation ne pourraient également pas être réalisés en présence de la locataire, puisque ceux-ci portaient sur tous les étages, occupés par cette dernière, et sur la structure du bâtiment. De surcroît, la locataire était une banque, et traitait des informations sensibles, ce qui s'opposait à toute intervention de tiers.

Enfin, l'acquisition de l'immeuble poursuivait un objectif de rendement, de sorte qu'il était dans son intérêt de réaliser les travaux avec célérité une fois le bâtiment inoccupé. Elle ne cherchait dès lors pas à maximiser son profit en faisant perdurer une situation non conforme au droit.

13.         Le 19 septembre 2022, le département a dupliqué.

La mise en œuvre et le respect de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20), procédant d'un intérêt public important, justifiait une restriction du droit de propriété.

S'il ne pouvait être reproché à la recourante d'avoir réalisé ces travaux, il convenait d'exiger de sa part que la mise en conformité des appartements concernés soit rapidement exécutée afin que ceux-ci puissent être disponibles sur le marché locatif, comme ils auraient dû l'être à l'origine.

Il avait constaté qu'une infraction avait été commise. Si la réalisation de l'autorisation de construire délivrée concernait l'ensemble du bâtiment, au vu notamment de l'ajout de nouvelles installations techniques, aucune autre mesure moins incisive n'aurait pu être prise.

Les logements avaient perdu leur affectation d'origine depuis de nombreuses années, de sorte que les travaux de remise en état devaient être réalisés rapidement, le délai de six mois à cet effet étant suffisant.

C'était surtout l'étage accueillant les appartements ainsi que la toiture qui étaient concernés par ces travaux, de sorte que la recourante pouvait réaliser ces travaux dans les délais, aucun élément du dossier ne permettant de retenir le contraire.

Enfin, outre le fait qu'il n'appartenait pas à l'administration de s'immiscer dans les conflits de droit privé, la recourante avait hérité de cette situation de la part de sa locataire actuelle, ce qui permettait de supposer qu'un accord pourrait être trouvé afin que cette surface soit rapidement libérée en vue de la réalisation des travaux.

14.         Le 14 mars 2023, le tribunal a entendu les parties.

Le représentant du département a précisé que l'ordre de remise en état visait la remise en conformité de l'affectation des combles de l'immeuble en question. Il maintenait le délai de six mois fixé dans la décision litigieuse.

Le représentant de la recourante a expliqué qu'à sa connaissance le nouveau siège de la banque devrait être achevé autour des mois d'octobre ou novembre 2024. Le déménagement de son personnel devrait intervenir par étapes, durant le premier semestre 2025.

Le conseil de la recourante a précisé que le nouveau siège de la banque accueillerait l'ensemble de son personnel, actuellement réparti dans plusieurs immeubles de la ville, de sorte que le déménagement consisterait en une opération d'envergure, ce qui en expliquait la durée. Il soulignait qu'avant d'accueillir le personnel, le nouveau bâtiment devrait être entièrement équipé.

L'architecte mandaté par la recourante a expliqué que le bâtiment qu'elle avait acquis datait des années 1900. Il ne répondait dès lors plus, à ce jour, à de nombreuses normes de sécurité, énergétiques etc. Concernant les combles, ils avaient vraisemblablement été transformés en chambres de bonnes, puis en bureaux sous la forme de diverses pièces qui n'avaient jamais constitué des logements. Pour les réaffecter en logements, il ne suffisait donc pas d'ajouter un sanitaire mais bien d'opérer une transformation complète impliquant la création d'une cuisine et de sanitaires notamment. Si les combles et le 5ème étage devaient être affectés à du logement, sans transformation conséquente, les appartements ne répondraient pas aux normes actuelles qu'il s'agisse des jours, de la sécurité contre le feu et de l'isolation thermique notamment.

La réfection des 6ème et 5ème étages nécessiterait des travaux lourds qui ne pourraient, selon toute vraisemblance, être effectués en présence de locataires. La toiture devait être totalement transformée ce qui aurait des impacts sur la charpente actuelle. Les planchers devraient être entièrement repris pour répondre à aux normes antisismiques ou en matière de protection contre les incendies. À ce sujet, chaque logement et chaque étage devrait être adapté pour former une « unité feu », ce qui n'était pas le cas actuellement puisque le bâtiment ne comportait qu'un compartiment feu.

En outre, les combles actuels ne répondaient pas non plus aux normes énergétiques et la transformation de cet espace impliquerait la réfection de la toiture et une isolation thermique. Elle nécessiterait la mise à nu de la charpente notamment. En outre, le nouveau toit serait entièrement recouvert de panneaux solaires.

Le conseil de la recourante a confirmé que celle-ci était en mesure de s'engager devant le tribunal à exécuter l'autorisation de construire délivrée dès que le bâtiment serait libéré de ses occupants actuels.

L'architecte de la recourante a indiqué que selon le planning, la réalisation des travaux devrait pouvoir s'étendre sur 24 mois environ. Il rappelait toutefois que compte tenu de la particularité du bâtiment en question, l'ensemble des réfections devrait être exécuté avec un soin particulier, sous le contrôle de la CMNS.

Il précisait que l'autorisation délivrée couvrait l'ensemble des travaux envisagés dans et sur le bâtiment.

Le représentant de la recourante a indiqué que la prolongation de l'autorisation de construire serait vraisemblablement sollicitée. A______ était dans une position d'attente, en particulier de la résiliation du bail par la banque, laquelle devait intervenir 18 mois avant la restitution des locaux. Ces 18 mois donneraient à A______ le temps d'initier le processus de construction, sachant qu'elle avait déjà les plans de soumission.

À la demande de département, le tribunal a imparti à celui-ci un délai pour indiquer les suites qu'il entendait donner à la présente procédure.

15.         En date du 6 avril 2023, le département a indiqué au tribunal qu'il persistait dans sa décision relative à l'obligation de se conformer à l'autorisation de construire délivrée. Il acceptait néanmoins que le commencement des travaux soit différé au 1er juillet 2025, date à laquelle l'immeuble concerné devraient avoir été vidé de ses occupants conformément aux explications fournies par la recourante.

16.         Le 4 mai 2023, la recourante a indiqué au tribunal qu'elle appréciait que le département ait compris l'impossibilité matérielle de réaliser les travaux de remise en état avant, d'une part, le départ de sa locataire, et, d'autre part, la réalisation complète des travaux de rénovation du bâtiment. En revanche, elle ne pouvait accepter d'être liée par la date du 1er juillet 2025 proposée par l'autorité intimée, dans la mesure où elle n'avait, aujourd'hui, qu'une estimation de la date de départ de sa locataire. La date définitive dépendait de celle de l'achèvement des travaux en cours du nouveau siège de la banque et du déménagement progressif de l'ensemble des services de celle-ci.

En conséquence, elle priait le tribunal de bien vouloir prendre acte de l'accord du département quant au report de la date d'effet de l'ordre de remise en état, et de fixer la date de début d'exécution de l'ordre de remise en état à trois mois après que l'immeuble ait été vidé par sa locataire actuelle. Étant précisé que les travaux dureraient le temps de la rénovation complète du bâtiment.

17.         En date du 16 mai 2023, le département a persisté dans les termes de son courrier du 6 mai précédent tout en suggérant à la recourante d'inviter sa locataire à se prononcer par écrit sur la date à laquelle il entendait pouvoir restituer l'immeuble occupé afin que l'autorisation de construire puisse être mise en œuvre.

18.         Le 25 mai 2023, la recourante a expliqué qu'il lui était impossible d'obtenir des informations précises de la part de la banque quant à la date son départ des locaux. Celle-ci dépendait de son propre chantier, qui était en cours à F______ et dont la date d'achèvement n'était pas connue. Le seul élément certain était que dès que son nouveau siège serait achevé, elle quitterait l'immeuble litigieux.

Elle ne pouvait dès lors accepter d'être liée par la date du 1er juillet 2025 proposée par le département, n'étant pas certaine de pouvoir la respecter puisqu'elle n'en avait pas la maîtrise. Elle ne pouvait dès lors que s'engager à débuter les travaux dès le départ de la banque. Elle faisait l'effort de s'engager sur ce terme précis alors qu'elle prévoyait normalement par sécurité un battement de trois mois. Elle s'engageait également à informer le département dès qu'elle aurait reçu la résiliation du bail par la banque afin que l'office des autorisations de construire puisse contrôler l'ouverture du chantier, 18 mois plus tard.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LDTR et de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05, art. 143 et 145 al. 1 LCI ; art. 45 al. 1 LDTR).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), en soi non réalisée dans le cas d'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

4.             La recourante fait valoir tout d’abord une violation de son droit d’être entendu au motif qu'elle n'aurait pas été consultée par l’autorité intimée avant que celle-ci ne rende sa décision.

5.             Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision ne soit prise, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 138 II 252 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_588/2014 du 22 juin 2015 consid. 2.1). En tant que droit de participation, le droit d'être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 136 I 265 consid. 3.2). L'étendue du droit de s'exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu. L'idée maîtresse est qu'il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATF 111 Ia 273 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_861/2012 du 20 août 2013 consid. 5.2).

6.             Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée, sans égard aux chances de succès du recours sur le fond. Ce moyen doit dès lors être examiné en premier lieu (ATF 137 I 195 consid. 2.2). La jurisprudence admet qu’une violation du droit d’être entendu en instance inférieure peut être réparée lorsque l’intéressé a eu la faculté de se faire entendre en instance supérieure par une autorité disposant d’un plein pouvoir d’examen en fait et en droit et si l’examen de ces questions ne relève pas de l’opportunité, car l’autorité de recours ne peut alors substituer son pouvoir d’examen à celui de l’autorité de première instance (ATF 145 I 167 consid. 4.4). Une telle réparation dépend de la gravité et de l’étendue de l’atteinte portée au droit d’être entendu et doit rester l’exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_819/2018 du 25 janvier 2019 consid. 3.8). Elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/779/2021 du 27 juillet 2021 consid. 4b).

7.             En l'espèce, rien n'indique que le département aurait invité la recourante à se déterminer préalablement au prononcé de la décision querellée, ce qu'il admet par ailleurs. De ce fait, le droit d'être entendu de la recourante a été violé. Cela étant, il n'apparait pas que la violation du droit d'être entendue de la recourante soit grave au point d'entrainer l'annulation de la décision litigieuse pour ce motif, dans la mesure où, ayant d'elle-même annoncé l'irrégularité au département, elle pouvait s'attendre à ce que celui-ci prononce une telle mesure, quand bien même elle s'était engagée à réaliser les travaux autorisés. De plus, une fois la décision querellée rendue, la recourante a pu s'exprimer sur la mesure et le délai imparti à son exécution à l'occasion de son courrier du 30 mars 2022 adressé à l'autorité, sollicitant par la même occasion un report dudit délai, ce que le département a refusé.

Dans ces circonstances, même à admettre une violation de son droit d'être entendue, celle-ci a en tout état de cause été réparée devant le tribunal de céans dans la mesure où la recourante a pu s’exprimer, dans ses déterminations et sa réplique, sur les points litigieux et produire toutes les pièces utiles. En tout état, le renvoi du dossier à l'autorité intimée ne constituerait manifestement qu'une formalité.

Partant, le grief tiré de la violation du droit d’être entendu doit être écarté.

8.             La recourante conteste ensuite la nécessité de l'ordre de se conformer à l'autorisation de construire DD 3______ ainsi que le délai de six mois imparti à cet effet qu'elle juge insuffisant. Elle allègue que tant l'ordre que le délai imparti seraient disproportionnés.

9.             La LDTR a pour but de préserver l'habitat et les conditions de vie existants ainsi que le caractère actuel de l'habitat dans les zones visées expressément par la loi (art. 1 al. 1 LDTR). La loi prévoit notamment à cet effet, tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d'appartements, des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 2 let. a LDTR). Plus spécifiquement, la LDTR vise à éviter la disparition à long terme de logements à usage locatif (arrêt du Tribunal fédéral 1P.406/2005 du 9 janvier 2006 consid. 3.3 ; ATA/66/2013 du 6 février 2013 ; ATA/695/2012 du 16 octobre 2012 ; ATA/270/2012 du 8 mai 2012).

10.         Conformément à l’art. 9 al. 1 1ère phr. LDTR, une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation au sens de l’art. 3 al. 1 LDTR.

11.         À teneur de l’art. 3 al. 1 LDTR, par transformation, on entend notamment tous les travaux qui ont pour objet : de modifier l’architecture, le volume, l’implantation, la destination, la distribution intérieure de tout ou partie d’une maison d’habitation (let. a) ; la création de nouveaux logements, notamment dans les combles (let. b) ou la création d’installations nouvelles d’une certaine importance, telles que chauffage, distribution d’eau chaude, ascenseur, salles de bain et cuisines (let. c).

12.         Selon l’art. 7 LDTR, sous réserve de l’art. 3 al. 4 LDTR, nul ne peut, sauf si une dérogation lui est accordée au sens de l’art. 8 LDTR, changer l’affectation de tout ou partie d’un bâtiment au sens de l’art. 2 al. 1 LDTR, occupé ou inoccupé.

Il y a changement d’affectation dès que l’activité envisagée dans le logement est de nature à soustraire celui-ci du marché de l’habitation (Emmanuelle GAIDE/Valérie DÉFAGO GAUDIN, La LDTR : démolition, transformation, changement d'affectation et aliénation. Immeubles de logement et appartements, 2014, n. 3.1.1 p. 346 et les réf. citées).

Par changement d’affectation, on entend toute modification, même en l’absence de travaux, qui a pour effet de remplacer des locaux à destination de logements par des locaux à usage commercial, administratif, artisanal ou industriel. Sont également assimilés à des changements d’affectation le remplacement de locaux à destination de logements par des résidences meublées ou des hôtels (art. 3 al. 3 let. a LDTR).

13.         Selon l'art. 44 LDTR, celui qui contrevient aux dispositions de la LDTR est passible des mesures et sanctions administratives prévues par les art. 129 à 139 LCI, sous réserve des peines plus élevées prévues par le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

14.         Conformément à l'art. 129 let. e LCI, le département peut ordonner, à l'égard des constructions, des installations ou d'autres choses, la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition. Ces mesures peuvent être ordonnées lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 130 LCI).

15.         Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

16.         De jurisprudence constante (ATA/1134/2022 du 8 novembre 2022 consid. 11b; ATA/463/2021 du 27 avril 2021 consid. 5b ; ATA/349/2021 du 23 mars 2021 consid. 7), pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions. Premièrement, l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur, par comportement ou par situation. Les installations en cause ne doivent ensuite pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation. Un délai de plus de trente ans ne doit pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux pour la zone à bâtir. L'autorité ne doit en outre pas avoir créé chez l'administré concerné, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi. Finalement, l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé, purement financier, de l'intéressé, voire de ses clients, au maintien des installations litigieuses.

17.         Selon la jurisprudence, le perturbateur est celui qui a occasionné un dommage ou un danger par lui-même ou par le comportement d'un tiers relevant de sa responsabilité (perturbateur par comportement), mais aussi celui qui exerce sur l'objet qui a provoqué une telle situation un pouvoir de fait ou de droit (perturbateur par situation ; ATF 139 II 185 consid. 14.3.2 ; 136 I 1 consid. 4.4.3 ; 122 II 65 consid. 6a ; ATA/70/2018 du 23 janvier 2018 consid. 7d et les arrêts cités).

La responsabilité en raison du comportement et celle qui découle de la situation peuvent coexister et l'obligation d'éliminer la perturbation peut être imposée alternativement ou cumulativement à tout perturbateur, aussi bien de comportement que de situation. L'autorité compétente doit jouir d'une certaine marge d'appréciation dans le choix de la personne à laquelle incombera l'obligation d'éliminer la perturbation (ATF 107 Ia 19 consid. 2b = JdT 1983 I 290). Dans l'examen du choix du perturbateur, le Tribunal fédéral a relevé que si la perturbation ou le danger devaient être éliminés aussi rapidement que possible afin d'éviter de trop grands dommages - cas de pollution des eaux, de danger d'effondrement d'une maison -, le choix se porterait sur le perturbateur le plus proche du foyer du danger et techniquement apte à éliminer personnellement le danger. Si en revanche le rétablissement de l'état primitif n'était pas spécialement urgent et que de toute façon l'état contraire au droit avait déjà duré un temps relativement long - par exemple une décharge non autorisée et qui ne met pas en danger l'eau souterraine -, on pouvait adopter pour l'élimination une autre réglementation, si possible plus affinée, qui ne se déterminerait pas - ou pas exclusivement - en fonction de la nécessité d'une action rapide et efficace. Par ailleurs, les perturbateurs par comportement devaient si possible entrer en considération avant les perturbateurs par situation (ATF 107 Ia 19 consid. 2b ; ATA/1334/2019 du 3 septembre 2019 consid. 2b et l'arrêt cité).

18.         L'art. 129 let. e LCI reconnaît une certaine marge d'appréciation à l'autorité dans le choix de la mesure adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faire usage dans le respect des principes de la proportionnalité, de l'égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et privés en présence (ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c et l'arrêt cité ; ATA/336/2011 du 24 mai 2011 consid. 3b et la référence citées).

La proportionnalité au sens étroit implique une pesée des intérêts. C'est à ce titre que l'autorité renonce à ordonner la remise en conformité si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire, ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle. Le constructeur qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que cette dernière se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATF 108 Ia 216 consid. 4 p. 218 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 consid. 24d et les arrêts cités); Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, Les constructions « illicites » en droit public – notions, mesures administratives, sanctions, Journées suisses du droit de la construction, Fribourg 2019, p. 218). Même si la bonne foi du constructeur peut être reconnue, elle ne saurait le prémunir contre l'intervention de l'autorité de surveillance destinée à rétablir une situation conforme au droit, lorsque cette intervention respecte le principe de la proportionnalité (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_162/2014 du 20 juin 2014 consid. 6.2 ; 1C_250/2009 du 13 juillet 2009 consid. 4.2 ; 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.3).

19.         Sous l'angle de la proportionnalité, on peut notamment prendre en compte le fait que la démolition et la remise en état des lieux engendreraient des frais excessifs que l'intéressé ne serait pas en mesure de prendre en charge (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_370/2015 du 16 février 2016 consid. 4.4 ; 1C_537/2011 du 26 avril 2012 ; 1C_101/2011 du 26 octobre 2011 consid. 2.4 ; 1C_248/2010 du 7 avril 2011 consid. 4.2 ; 1C_273/2008 du 7 octobre 2008 consid. 3.2 ; 1C_164/2007 du 13 septembre 2007 consid. 4.3). Néanmoins, un intérêt purement économique ne saurait avoir le pas sur l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_544/2014 du 1er avril 2015 consid. 4.2).

20.         Enfin, conformément au principe de la confiance, qui s'applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent recevoir le sens que l'administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 2P.170/2004 du 14 octobre 2004, in RDAF 2005 I).

21.         En l'espèce, la décision est dirigée contre la recourante. Si le département admet que celle-ci n'est pas à l'origine du changement d'affectation en bureaux non autorisé, en sa qualité de propriétaire de l'immeuble concernée, cette dernière a le statut de perturbatrice par situation, de sorte que la première condition de conformité d'un ordre de remise en état au droit est remplie.

Ensuite, à teneur des éléments du dossier, le changement d'affectation en bureaux n'a jamais été autorisé par le département, la seconde condition est donc également remplie.

S'agissant de la prescription trentenaire, peu importe de savoir quand a eu lieu le changement d'affectation non autorisé. En effet, la dernière affectation autorisée en logement de fonction du 6ème étage de l'immeuble date du 1er octobre 1996 (APA 2______), soit il y a à ce jour 27 ans. Dans cette mesure, il est indéniable que le changement d'affectation non autorisé en bureau s'est effectué il y a moins de trente ans. La troisième condition est donc également remplie.

En outre, aucun élément du dossier ne laisse apparaître que l'autorité intimée aurait d'une quelconque manière créé chez la recourante, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu'elle serait liée par le principe de la bonne foi. En tout état, il convient de rappeler que l'ordre de rétablir une situation conforme au droit découle directement de la loi. Si celle-ci interdit certaines situations, elle constitue aussi la base légale pour faire respecter ses interdictions. Un ordre de rétablir une situation illégale conformément au droit peut être prononcé même si la personne visée par la décision n'a pas commis de faute (Emmanuelle GAIDE/Valérie DÉFAGO-GAUDIN, op. cit., p. 479). La quatrième condition est donc également remplie.

Enfin, s'agissant de la proportionnalité de l'ordre de remise en état, la recourante invoque essentiellement que celui-ci irait au-delà de l'objet de l'infraction et lui imposerait de réaliser l'ensemble du projet autorisé dans le délai imparti. L'interprétation de la recourante n'est cependant pas convaincante. En effet, la décision litigieuse précise que l'autorisation de construire DD 3______ « régularise l'infraction commise ». En outre, dans son courrier d'accompagnement du 20 avril 2021, la recourante a expressément précisé que la rénovation de l'ensemble de l'immeuble concerné avait pour particularité une mise en conformité de l'étage des combles, en raison d'un changement d'affectation en bureaux non autorisé, de sorte qu'elle pouvait à tout le moins aisément comprendre que l'infraction I-4______ et l'ordre de se conformer à l'autorisation de construire DD 3______ portent uniquement sur l'affectation non autorisée du 6ème étage, et non sur l'ensemble des travaux projetés. Ainsi, en vertu du principe de la confiance, la recourante ne peut légitimement prétendre que l'ordre du département dépasse l'objet de l'infraction  I-4______, ce d'autant qu'il ressort des écritures du département que la référence à l'autorisation de construire DD 3______ dans la décision querellée résulte du fait que la recourante s'était déjà engagée à réaliser l'ensemble des travaux autorisés et que son ordre ne concernait que les travaux liés à la réaffectation du 6ème étage, sans l'obliger à procéder au reste de la rénovation de l'immeuble. En outre, comme l'indique l'autorité intimée, celle-ci a été informée de l'infraction à l'occasion de la demande d'autorisation de construire déposée par la recourante. Il est donc curieux que cette dernière prétende qu'aucune information sur la découverte de l'infraction ne serait versée à la procédure. Au demeurant, si la recourante conteste la nécessité de l'ordre de se conformer à l'autorisation de construire, celle-ci admet néanmoins que le changement d'affectation a été réalisé sans autorisation. Il n'était donc pas nécessaire pour l'autorité de produire un rapport d'infraction. Dans cette mesure, d'après les éléments du dossier, il n'apparaît pas que la décision du département soit contraire au droit. L'ordre de remise en état apparaît ainsi constituer une mesure adéquate et apte à atteindre le but visé et est ainsi conforme au principe de la proportionnalité. La cinquième et dernière condition est donc également remplie, de sorte que l'ordre de remise en état, respectivement de se conformer à l'autorisation de construire DD 3______ est fondé.

22.         Reste à examiner le délai de six mois imparti pour ce faire.

23.         Un délai de remise en état ne saurait par nature être fixé de manière abstraite, puisqu'il s'agit, tout en soumettant la personne concernée à une certaine contrainte de temps, de déterminer de manière adéquate (par application du principe de proportionnalité) le temps dont elle a besoin a minima pour se mettre en règle en faisant preuve de toute la diligence que l'on peut attendre d'elle. Il en découle que l'ampleur et la nature de la remise en état doit conduire l'autorité intimée à une appréciation au cas par cas, en prenant en considération, de manière tout à fait concrète, les difficultés auxquelles la personne concernée risque d'être confrontée, notamment sur le plan conjoncturel (JTAPI/178/2022 du 24 février 2022 consid. 16).

24.         S'il peut certes être tenu compte de situations exceptionnelles par le biais de solutions spécifiques, notamment par la fixation d'un délai de remise en état plus long, une utilisation illégale ne doit pas se poursuivre indéfiniment sur la base du simple écoulement du temps (arrêts du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.2.1 ; 1C_469/2019 consid. 5.5 et 5.6).

25.         En l'espèce, il résulte des explications convaincantes de la recourante que la réaffectation en logements des locaux situés dans les combles, seuls visés par l'ordre de remise en état litigieux - ne saurait être mise en œuvre indépendamment des travaux de rénovation de l'immeuble tels qu'autorisés par la DD 3______, lesquels comprennent notamment la transformation de la toiture et impacteront la charpente.

Il apparait par ailleurs indispensable que l'immeuble soit vidé de tous ses occupants avant de démarrer le chantier. Or, le déménagement de la banque, actuellement locataire, est lui-même tributaire de la date d'achèvement de la construction du bâtiment à F______ qui doit l'accueillir. À ce jour, la recourante ne connait pas la date exacte à laquelle son immeuble sera libre de tout occupant et selon les indications dont elle dispose, le déménagement de la banque devrait pouvoir intervenir au cours du premier semestre 2025. À ce propos, la banque s'est engagée à résilier le bail 18 mois avant la restitution des locaux à la recourante.

Suite à l'audience devant le tribunal, le département a implicitement admis que le délai de six mois fixé dans la décision litigieuse n'est pas réaliste et il a proposé que le commencement des travaux soit différé au 1er juillet 2025.

Il doit toutefois être observé à ce sujet que l'ordre de remise en état litigieux qui vise exclusivement l'obligation de réaffecter en logements des locaux situés dans les combles de l'immeuble ne pourra être considéré comme exécuté qu'une fois la « réaffectation » achevée. Or, compte tenu de l'ampleur de la rénovation de l'immeuble autorisée et dans l'hypothèse où la recourante serait en mesure d'initier le chantier le 1er juillet 2025, il est patent que l'ordre en question ne pourra pas être exécuté à cette date.

En conséquence, et compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, dont notamment l'engagement de la recourante d'informer le département de la résiliation du bail 18 mois avant la restitution du bâtiment, d'une part et celui d'autre part, de rétablir une situation conforme en ce qui concerne l'affectation des combles qui résulte d'ailleurs de l'autorisation de construire délivrée, il parait plus proportionné de fixer un délai de 24 mois à compter de la restitution des locaux par la banque à la recourante pour exécuter à satisfaction l'ordre en question. Cette solution qui tient compte des intérêts public et privé en présence consiste à maintenir la décision litigieuse sur le principe, tout en fixant le délai d'exécution à 24 mois depuis la prise de possession par la recourante de l'immeuble qui aura pu au cours des 18 mois précédents d'une part solliciter, le cas échéant, la prolongation de l'autorisation de construire et d'autre part, déterminer la date d'ouverture du chantier portant sur la construction autorisée. Cette solution maintient les intérêts publics et privés en présence dans un rapport raisonnable même dans l'hypothèse où des aléas viendraient à retarder la réalisation de la rénovation de l'immeuble.

26.         Le recours sera ainsi partiellement admis. Il appartiendra au département de veiller à l'inscription de cette obligation au registre foncier, de sorte qu'elle s'impose à tout propriétaire futur de l'immeuble.

27.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui obtient partiellement gain de cause, est condamnée au paiement d'un émolument réduit s'élevant à CHF 600.- ; il est couvert par l'avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l'avance de frais de CHF 300.- sera restitué à la recourante.

28.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure réduite de 900.- lui sera allouée, à la charge du département, soit pour lui l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 10 mai 2022 par A______ AG contre la décision du département du territoire du 25 mars 2022 ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             dit que l'obligation à laquelle la décision du département du territoire du 25 mars 2022 soumet A______ AG devra être exécutée au plus tard 24 mois après le début des travaux et invite le département à procéder à l'inscription de cette obligation au Registre foncier ;

4.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 600.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

5.             ordonne la restitution à la recourante du solde de l’avance de frais de CHF 300.- ;

6.             condamne le département du territoire, soit pour lui l'État de Genève, à verser à la recourante une indemnité de procédure de CHF 900.- ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Evis BARANYAI, Manuel BARTHASSAT, Patrick BLASER et Thierry ESTOPPEY, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière