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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1918/2011

ATA/695/2012 du 16.10.2012 sur JTAPI/1072/2011 ( LDTR ) , ADMIS

Descripteurs : ; RÉNOVATION D'IMMEUBLE ; TRAVAUX DE CONSTRUCTION ; LOGEMENT ; PÉNURIE ; PRIMAUTÉ DU DROIT FÉDÉRAL ; LÉGALITÉ ; GARANTIE DE LA PROPRIÉTÉ ; INTÉRÊT PUBLIC ; PROPORTIONNALITÉ ; PESÉE DES INTÉRÊTS ; ÉGALITÉ DANS L'ILLÉGALITÉ
Normes : LDTR.3.al1.leta ; LDTR.9.al1 ; LDTR.45.al5 ; ArAppart.1.al1 ; Cst.49.al1
Parties : ASLOCA ASSOCIATION GENEVOISE DE DEFENSE DES LOCATAIRES / BRAUNSCHWEIGER Mario, DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION
Résumé : La réunion des deux appartements contigus de deux et trois pièces de l'intimé soustrairait au marché locatif pour une durée indéterminée deux logements correspondant aux besoins prépondérants de la population. La création d'un appartement unique destiné à être occupé par l'intimé et sa famille pour éviter de passer par le palier d'étage pour se rendre d'un logement à l'autre relève de la convenance personnelle ne pouvant pas prévaloir sur l'intérêt public à la préservation du parc locatif. Les travaux projetés (suppression des deux cuisines existantes, transformation de celles-ci en chambres à coucher et déplacement de la nouvelle cuisine dans le hall d'entrée) ainsi que leur coût (CHF 60'000.-) sont si importants que la réversibilité des transformations est difficile à assurer, malgré l'engagement écrit de l'intimé dans ce sens.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1918/2011-LDTR ATA/695/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 octobre 2012

 

dans la cause

 

ASSOCIATION GENEVOISE DE DÉFENSE DES LOCATAIRES (ASLOCA)
représentée par Me Christian Dandrès, avocat

contre

Monsieur Mario BRAUNSCHWEIGER
représenté par Me Serge Patek, avocat

et

DÉPARTEMENT DE L'URBANISME

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 septembre 2011 (JTAPI/1072/2011)


EN FAIT

1) Monsieur Mario Braunschweiger est propriétaire, depuis le 21 janvier 2011, de deux appartements contigus au 5ème étage de l'immeuble sis à l'avenue Dumas 5, à Genève, parcelle n° 1758, feuille n° 71. L'un compte trois pièces et une surface de 76 m2 (lot 121), dans lequel il habite avec son épouse ; l'autre est constitué de deux pièces et d'une surface de 37 m2 (lot 122), où vivent ses deux fils.

Il a été autorisé à acquérir lesdits appartements par arrêté du 19 octobre 2010 du département des constructions et des technologies de l'information, devenu le département de l'urbanisme (ci-après : le département), n'ayant fait l'objet d'aucun recours (VA 11136).

2) Le 10 décembre 2010, M. Braunschweiger a déposé auprès du département une demande d'autorisation de construire en procédure accélérée, ayant pour objet la réunion et la transformation des deux appartements précités (APA 34073-1). Il souhaitait procéder à une rénovation intérieure « cosmétique », à la création d'une douche et au déplacement de la cuisine, le coût des travaux étant estimé à CHF 60'000.-.

3) Le 28 janvier 2011, l'office de l'urbanisme a indiqué à M. Braunschweiger que la transformation projetée - à savoir la suppression des deux cuisines existantes, le déplacement de la nouvelle cuisine dans le hall d'entrée de l'appartement de trois pièces et la transformation des cuisines existantes en chambres à coucher ne répondait pas aux conditions de sécurité, de salubrité, d'intérêt public, d'intérêt général et de nécessité. Il était invité à modifier son projet en conséquence.

4) Le 17 février 2011, M. Braunschweiger a répondu qu'il faisait suite à l'accord intervenu entretemps avec l'office de l'urbanisme : son projet de transformation avait été accepté ; il n'y avait donc pas lieu de le modifier.

Il a joint l'engagement qu'il avait pris le même jour, selon lequel la liaison entre les deux appartements était autorisée à titre provisoire. Il utiliserait ceux-ci au titre d'habitation principale. En cas de location ou de départ, il avait l'obligation de rétablir la séparation totale existant préalablement entre les deux appartements avant leur réunion et d'effectuer les travaux nécessaires à leur utilisation indépendante, à ses frais et de sa propre initiative. A défaut, le département considérerait la situation ainsi créée comme illicite, avec les conséquences prévues par la loi. Cette restriction ferait l'objet d'une inscription au registre foncier (ci-après : RF).

5) Par décision du 13 mai 2011, publiée le 18 mai 2011 dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève, le département a autorisé M. Braunschweiger à réunir et transformer ses deux appartements (APA 34073-1), en reprenant les conditions précitées.

Faisaient notamment partie intégrante de l'autorisation les préavis suivants :

-          favorable, émis le 23 décembre 2010 par la police du feu ;

-          favorable, sous réserve, émis le 18 janvier 2011 par la sous-commission : s'agissant d'une opération réversible, elle n'avait pas d'objection à l'ouverture proposée dans le mur séparant les deux logements. Les alimentations et écoulements de la cuisine supprimée devaient être maintenus pour assurer la réversibilité de l'opération. Afin de respecter les éléments architecturaux d'origine, les portes à panneaux devaient être réutilisées pour les nouveaux aménagements. Les parquets, les boiseries, les moulures et les corniches devaient être maintenus et soigneusement restaurés ;

-          le 15 avril 2011, le service juridique chargé de l'application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) n'a pas formulé d'observations.

La décision pouvait faire l'objet d'un recours dans les trente jours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

6) Par acte posté le 17 juin 2011, l'Association genevoise de défense des locataires (ci-après : l'ASLOCA) a recouru contre l'autorisation précitée auprès du TAPI, concluant à son annulation.

L'immeuble était soumis à la LDTR. Il n'était pas possible de réunir des appartements en propriété par étages (ci-après : PPE), même à titre provisoire. En période de pénurie, il fallait mettre à disposition des logements de trois à cinq pièces et non des logements spacieux.

7) Le 21 juillet 2011, M. Braunschweiger a conclu au rejet du recours.

S'il ne pouvait pas réunir les deux appartements, il serait contraint de passer par le palier d'étage pour se rendre de l'un à l'autre, ce qui serait absurde et entraverait considérablement sa vie quotidienne et celle de sa famille.

Son intérêt privé à la réunion des deux appartements ne se heurtait pas à l'intérêt public consistant à maintenir une éventuelle affectation locative. La pénurie de logements concernait tant les appartements de cinq pièces, principalement recherchés par des familles avec enfants, que les appartements de deux ou trois pièces, prisés par des personnes seules.

Le principe de proportionnalité était respecté : l'obligation de séparer à nouveau des deux appartements en cas de départ permettait d'atteindre le but fixé par la LDTR, à savoir le maintien des logements à usage locatif. Cette solution portait l'atteinte la moins grave à ses intérêts privés.

8) Le 25 juillet 2011, l'ASLOCA a indiqué que l'immeuble sis à l'avenue Dumas 5 était « d'origine locatif ». En le soumettant au régime de la PPE, les copropriétaires avaient mis en vente des appartements, dont les deux acquis par M. Braunschweiger pour le montant exorbitant de CHF 1'225'000.-. Ces aliénations et la réunion des deux appartements de M. Braunschweiger violaient la LDTR. Le département devait produire les arrêtés concernant toutes les acquisitions et ventes d'appartements de l'immeuble en question.

9) Le 4 août 2011, M. Braunschweiger a indiqué que l'arrêté du 19 octobre 2010 était entré en force et ne pouvait être remis en cause. Les nouvelles conclusions de l'ASLOCA excédaient l'objet du litige. La requête en production des arrêtés devait être rejetée.

10) Le 27 septembre 2011, le TAPI a entendu les parties en audience.

a. L'ASLOCA a persisté dans son recours. Elle n'avait pas recouru contre l'arrêté du 19 octobre 2010 autorisant la vente des deux appartements à M. Braunschweiger. L'autorisation querellée soustrayait un appartement au marché locatif.

b. M. Braunschweiger a indiqué que les deux appartements qu'il occupait avec sa famille communiquaient par le palier d'étage, où il y avait deux autres logements. Il ne souhaitait pas supprimer une des deux entrées. Il avait vendu son précédent appartement de cinq pièces, occupé par son nouveau propriétaire. Lorsqu'il avait acquis les deux appartements, ils étaient vides.

c. Les représentantes du département ont confirmé l'autorisation et se sont opposées à la production des pièces demandées par l'ASLOCA. Le maintien des deux entrées remplissait la condition d'une réunion d'appartements provisoire. Ladite réunion était nécessaire vu que l'intéressé vivait dans les logements et devait traverser le palier commun pour se rendre de l'un à l'autre. Si M. Braunschweiger vendait les deux appartements et que le nouvel acquéreur souhaitait maintenir un logement unique, une nouvelle analyse de la situation serait effectuée. En cas de non respect des conditions de l'autorisation, une procédure d'infraction pouvait être ouverte.

11) Par jugement du 27 septembre 2011, notifié aux parties le 11 octobre 2011, le TAPI a rejeté le recours de l'ASLOCA et confirmé l'autorisation de réunir les deux appartements à titre provisoire et personnel, jusqu'au départ de M. Braunschweiger. L'intéressé et sa famille habitant déjà les deux logements, le nombre d'appartements sur le marché locatif n'était pas diminué. Aucun bail n'avait dû être résilié en raison de la réunion des deux appartements en cause. En délivrant l'autorisation de réunir ceux-ci à des conditions strictes, l'autorité n'avait pas violé la LDTR, ni abusé de son pouvoir d'appréciation.

Le jugement pouvait faire l'objet d'un recours dans les trente jours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

12) Par acte posté le 11 novembre 2011, l'ASLOCA a recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement précité et conclu à son annulation, ainsi qu'à la condamnation de M. Braunschweiger et du département « aux frais d'instance, y compris une participation équitable aux honoraires d'avocat » de son conseil.

Le département avait violé la loi en accordant à M. Braunschweiger l'autorisation d'acquérir les deux appartements, puis en l'autorisant à réunir ces derniers. Les appartements en PPE n'étaient pas forcément retirés du marché locatif, puisque de nombreux propriétaires les mettaient en location. Le département ne pouvait pas autoriser la réunion de deux logements, que ceux-ci soient en location ou en PPE, tous deux soumis à la LDTR. La réunion provisoire était illégale : il n'était pas certain que le propriétaire rétablirait la situation initiale à son départ ; il était difficile de procéder à cette vérification et le risque existait que l'autorisation devienne définitive. La revente de deux appartements réunis était susceptible de procurer une importante plus-value au propriétaire. La réunion des deux appartements pour en faire un seul logement de luxe violait la loi et constituait un changement d'affectation, non autorisé par le département. Les transformations devaient permettre l'augmentation du nombre de logements ou le maintien du nombre existant ; elles ne pouvaient pas supprimer des logements.

13) Le 17 novembre 2011, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

14) Le 15 décembre 2011, le département a conclu au rejet du recours. La demande d'autorisation avait fait l'objet d'un examen complet et était soumise à la LDTR. Il autorisait les réunions provisoires d'appartements, ceux-ci étant de facto retirés du marché locatif, dans la mesure où ils étaient occupés par leur propriétaire. Cette pratique récente s'appliquait aux PPE servant d'habitation principale que le propriétaire s'engageait à remettre en état à ses frais en cas de départ ou de location. Les conditions devaient être respectées. La réunion provisoire d'appartements ne constituait pas un changement d'affectation, vu que ceux-ci restaient des logements. La situation était temporaire et réversible, vu l'engagement du propriétaire de remettre les appartements en l'état à son départ et l'inscription au RF. La création du logement projeté répondait aux besoins prépondérants de la population au sens de l'art. 9 al. 2 LDTR et servait d'habitation principale. Les travaux étaient nécessaires pour le propriétaire et sa famille, qui vivaient sur deux paliers séparés.

15) Le 16 décembre 2011, M. Braunschweiger a conclu au rejet du recours et à la condamnation de l'ASLOCA « en tous les frais et dépens (...) lesquels [comprendraient] une équitable indemnité à titre de participation aux honoraires » de son conseil.

Il avait vendu son précédent logement pour acquérir les deux appartements à l'avenue Dumas, dans le but d'y habiter avec sa famille. Il souhaitait pouvoir les réunir « pour des raisons de commodité évidentes », faute de quoi sa famille et lui-même seraient contraints de passer par le palier pour se rendre d'un appartement à l'autre. Son intérêt privé à la réunion des logements ne se heurtait pas à l'intérêt public consistant à maintenir l'affectation locative. La réunion des appartements permettait à toute la famille de vivre dans un logement de cinq pièces. La pénurie concernait tant les appartements de deux et trois pièces que ceux de cinq pièces. Il n'avait pas « pris la place de locataires en acquérant les objets litigieux ». La réunion provisoire de ceux-ci respectait donc la LDTR et le principe de la proportionnalité.

16) Le 20 décembre 2011, le juge délégué a imparti à l'ASLOCA un délai au 13 janvier 2012 pour formuler toute requête complémentaire et a informé les parties que la cause serait ensuite gardée à juger en l'état du dossier.

17) Le 13 janvier 2012, l'ASLOCA a persisté dans son recours. La LDTR ne permettait pas d'autoriser provisoirement la réunion d'appartements. En période de pénurie, chaque appartement devait être maintenu. L'intérêt public l'emportait sur l'intérêt privé de M. Braunschweiger.

18) Le 20 janvier 2012, le juge délégué a transmis aux intimés une copie de l'écriture de l'ASLOCA du 13 janvier 2012 et a informé les parties que l'affaire était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, l'ASLOCA a la qualité pour recourir au sens de l'art. 45 al. 5 LDTR (ATA/270/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/130/2007 du 20 mars 2007 ; ATA/571/2006 du 31 octobre 2006).

3) La recourante estime que les autorisations accordées par le département à l'intimé pour acquérir les deux appartements sis à l'avenue Dumas 5 et pour réunir ceux-ci provisoirement violent la LDTR.

4) Le droit administratif connaît les principes de la force et de l'autorité de chose jugée ou décidée : une décision administrative prise par une autorité ou un jugement rendu par un tribunal devenus définitifs par l'écoulement du délai de recours, ou par l'absence de toute autre possibilité de recours ordinaire notamment, ne peuvent plus être remis en cause devant une autorité administrative ou judiciaire (ATA/480/2012 du 31 juillet 2012 ; ATA/376/2012 du 12 juin 2012 ; ATA/276/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/451/2011 du 26 juillet 2011).

L'arrêté du département du 19 octobre 2010 autorisant M. Braunschweiger à acquérir les deux appartements n'ayant fait l'objet d'aucun recours, il est entré en force. Il n'y a donc pas lieu de revenir sur l'autorisation y relative.

Au vu de ce qui précède, le litige porte uniquement sur l'autorisation de réunir les deux appartements délivrée à l'intimé par le département le 13 mai 2011 et confirmée par le TAPI le 27 septembre 2011.

5) La LDTR s'applique à tout bâtiment situé dans l'une des zones de construction prévues par l'art. 19 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) ou construit au bénéfice d'une norme de l'une des 4 premières zones de construction en vertu des dispositions applicables aux zones de développement (art. 2 al. 1 let. a LDTR), et comportant des locaux qui, par leur aménagement et leur distribution, sont affectés à l'habitation (art. 2 al. 1 let. b LDTR).

Cette loi est dès lors applicable à l'immeuble dans lequel sont situés les appartements de l'intimé.

6) La LDTR a pour but de préserver l'habitat et les conditions de vie existants ainsi que le caractère actuel de l'habitat dans les zones visées expressément par la loi (art. 1 al. 1 LDTR). La loi prévoit notamment à cet effet, tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d'appartements, des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 2 let. a LDTR). Plus spécifiquement, la LDTR vise à éviter la disparition à long terme de logements à usage locatif (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.406/2005 du 9 janvier 2006 consid. 3.3 ; ATA/270/2012 précité).

7) a. Selon l'art. 9 al. 1 LDTR, une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation au sens de l'art. 3 al. 1 LDTR, soit notamment pour tous les travaux ayant pour objet de modifier l'architecture, le volume, l'implantation, la destination, la distribution intérieure de tout ou partie d'une maison d'habitation (art. 3 al. 1 let. a LDTR). L'autorisation est accordée lorsque l'état du bâtiment comporte un danger pour la sécurité et la santé de ses habitants ou des tiers ; lorsque la réalisation d'opérations d'aménagement ou d'assainissement d'intérêt public le commande ; lorsque les travaux permettent la réalisation de logements supplémentaires ; lorsque les travaux répondent à une nécessité ou qu'ils contribuent au maintien ou au développement du commerce et de l'artisanat, si celui-ci est souhaitable et compatible avec les conditions de vie du quartier ; pour les travaux de rénovation (art. 9 al. 1 let. a à e LDTR).

b. A teneur de l'art. 9 al. 2 LDTR, le département accorde l'autorisation si les logements transformés répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population.

c. Selon l'al. 1 de l'article unique de l'arrêté déterminant les catégories d'appartements où sévit la pénurie en vue de l'application des art. 25 à 39 LDTR du 27 juillet 2011 (ArAppart - L 5 20.03), il y a pénurie au sens de ces dispositions dans toutes les catégories des appartements de une à sept pièces inclusivement.

8) a. Le droit fédéral prime le droit cantonal dans les domaines de la compétence de la Confédération et que celle-ci a effectivement réglementés (art. 49 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101). Les règles cantonales qui seraient contraires au droit fédéral, notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en oeuvre, doivent ainsi céder le pas devant le droit fédéral. Ce principe n'exclut cependant toute réglementation cantonale que dans les matières que le législateur fédéral a réglées de façon exhaustive, les cantons restant au surplus compétents pour édicter, quand tel n'est pas le cas, des dispositions de droit public dont les buts et les moyens envisagés convergent avec ceux prévus par le droit fédéral (ATF 130 I 82 consid. 2.2, 169 consid. 2.1, 279 consid. 2.2, et les arrêts cités).

b. Si, dans les domaines régis en principe par le droit civil fédéral, les cantons conservent la compétence d'édicter des règles de droit public en vertu de l'art. 6 du Code civil suisse du 10 décembre l907 (CCS - RS 210), c'est à condition que le législateur fédéral n'ait pas entendu régler une matière de façon exhaustive, que les règles cantonales soient motivées par un intérêt public pertinent et qu'elles n'éludent pas le droit civil, ni n'en contredisent le sens ou l'esprit (ATF 130 I 169 consid. 2.1 ; 129 I 330 consid. 3.1, 402 consid. 2, et les arrêts cités).

c. En matière de législation sur le logement, il est interdit aux cantons d'intervenir dans les rapports directs entre les parties au contrat de bail, réglés exhaustivement par le droit fédéral (ATF 117 Ia 328 consid. 2b ; 113 Ia 126 consid. 9d ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.20/2005 du 18 mars 2005 consid. 2.2). Cela étant, les cantons demeurent libres d'édicter des mesures destinées à combattre la pénurie sur le marché locatif, par exemple en soumettant à autorisation la démolition, la transformation et la rénovation de maisons d'habitation (ATF 135 I 233 consid. 8.2 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.20/2005 du 18 mars 2005 consid. 2.2), étant précisé toutefois que les règles de droit cantonal se doivent non seulement d'être rédigées, mais aussi interprétées et appliquées de manière conforme au droit supérieur (ATF 137 I 167 consid. 3.4 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_222/2010 du 29 juillet 2010 consid. 3.3 ; ATA/270/2012 précité).

d. Selon la jurisprudence, la réglementation mise en place par la LDTR est en soi conforme au droit fédéral et à la garantie de la propriété (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_358/2010 du 18 janvier 2011 consid. 3.3 ; ATF 116 Ia 401 consid. 9 ; ATA/270/2012 précité). Il se peut néanmoins que des décisions prises sur la base de cette loi heurtent le droit fédéral (pour un exemple, cf. Arrêt du Tribunal fédéral 1C_250/2010 du 26 août 2010 consid. 3.3).

9) a. Dans sa jurisprudence rendue au sujet de l'art. 9 LDTR, la chambre de céans a parfois considéré qu'il convenait de refuser une autorisation de réunion d'appartements du fait que celle-ci soustrayait du marché locatif un ou plusieurs appartements de une à sept pièces (ATA/270/2012 précité ; ATA/362/2005 du 24 mai 2005, confirmé par Arrêt du Tribunal fédéral 1P.406/2005 du 9 janvier 2006 ; ATA/72/2004 du 20 janvier 2004 ; ATA/789/2003 du 28 octobre 2003 ; ATA/700/2000 du 14 novembre 2000).

b. Dans d'autres cas, la réunion d'appartements a en revanche été admise (ATA/966/2004 du 14 décembre 2004, recours admis dans la mesure où il n'y avait pas de soustraction aux besoins prépondérants de la population, et où une remise en état, malgré une violation caractérisée de la législation en matière de constructions et de logement, n'avait plus de sens ; ATA/750/2002 du 3 décembre 2002, dans lequel l'addition de deux pièces provenant d'un local commercial à un appartement de deux pièces revenait à mettre sur le marché locatif, à terme, davantage de surface locative).

10) Le principe de la légalité de l'activité administrative prévaut en principe sur celui de l'égalité de traitement. En conséquence, le justiciable ne peut généralement pas se prétendre victime d'une inégalité devant la loi lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas, alors qu'elle aurait été faussement, voire pas du tout appliquée dans d'autres cas. Cela présuppose cependant, de la part de l'autorité dont la décision est attaquée, la volonté d'appliquer correctement à l'avenir les dispositions légales en question. Le citoyen ne peut prétendre à l'égalité dans l'illégalité que s'il y a lieu de prévoir que l'administration persévérera dans l'inobservation de la loi. Il faut encore que l'autorité n'ait pas respecté la loi selon une pratique constante, et non pas dans un ou quelques cas isolés, et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant n'impose de donner la préférence au respect de la légalité. C'est seulement lorsque toutes ces conditions sont remplies que le citoyen est en droit de prétendre, à titre exceptionnel, au bénéfice de l'égalité dans l'illégalité (ATF 136 I 78 consid. 5.6 ; 132 II 510 consid. 8.6 ; 131 V 9 consid. 3.7 ; 127 I 1 consid. 3a ; 125 II 152 consid. 5 ; 122 II 446 consid. 4a ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_434/2011 du 2 février 2012 consid. 6.1 ; 1C_482/2010 du 14 avril 2011 consid. 5.1).

11) Vu l'absence d'éléments permettant d'établir le nombre de demandes de réunions d'appartements déposées au département et admises par celui-ci ces dernières années, la chambre de céans a récemment dénié l'existence d'une pratique nouvelle et constante consistant à accorder des autorisations aux propriétaires désireux de réunir leurs appartements, s'ils les occupent personnellement et s'engagent à remettre les lieux en l'état en cas de départ (ATA/270/2012 précité).

12) En l'espèce, la réunion des deux appartements de l'intimé, constitués respectivement de deux et trois pièces, soustrairait pour une durée indéterminée deux appartements au marché locatif. A cet égard, le nombre de pièces et la surface de l'appartement après réunion importent peu, chacun des deux appartements actuels comprenant entre une et sept pièces et étant donc concerné par la pénurie (art. 1 al. 1 ArAppart).

La délivrance d'une autorisation de réunir les deux logements viole l'art. 9 LDTR car elle soustrait du marché locatif deux appartements, correspondant aux besoins prépondérants de la population, pour créer un appartement unique destiné à être occupé par l'intimé et sa famille, dans le but d'éviter à ces derniers de devoir passer par le palier d'étage pour se rendre d'un logement à l'autre. S'agissant de motifs relevant de la convenance personnelle, ceux-ci ne peuvent pas prévaloir sur l'intérêt public.

Il n'existe pas, dans le cas d'espèce, un intérêt privé prépondérant qui justifierait, en application du principe de la proportionnalité, le prononcé d'une mesure moins incisive. L'intérêt privé de l'intéressé doit céder le pas devant l'intérêt public à la préservation du parc locatif. L'engagement du propriétaire de rétablir les deux logements à son départ ne peut pas se substituer au but poursuivi par la LDTR. Les travaux projetés (la suppression des deux cuisines existantes, la transformation de celles-ci en chambres à coucher et le déplacement de la nouvelle cuisine dans le hall d'entrée) ainsi que leur coût (CHF 60'000.-) sont si importants que la réversibilité des transformations est difficile à assurer.

En l'absence d'un motif énoncé à l'art. 9 al. 1 LDTR permettant l'octroi d'une autorisation, une transformation doit être refusée, aucune autre mesure moins incisive n'étant prévue. En l'occurrence, aucune des conditions n'étant réalisée, l'autorisation demandée ne pouvait pas être délivrée et aurait dû être refusée. L'engagement signé par l'intimé et le caractère provisoire de l'autorisation ne permettent pas d'aboutir à une solution différente au regard de la LDTR.

Il est sans importance que les logements soient pour le moment soustraits au marché locatif en raison de leur occupation par le propriétaire et sa famille. Le but de la loi est d'éviter une disparition à long terme des logements à usage locatif et rien n'exclut que ces appartements soient loués un jour (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.406/2005 du 9 janvier 2006, consid. 3.4).

Pour le surplus, l'autorisation délivrée à l'intimé ne constituant pas une pratique constante du département, le principe de l'égalité dans l'illégalité ne s'applique pas en l'espèce.

13) Au vu de ce qui précède, le recours sera admis. Le jugement querellé ainsi que l'autorisation délivrée par le département seront annulés.

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de M. Braunschweiger (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de CHF 500.-, à charge de M. Braunschweiger et une indemnité de CHF 500.- à la charge de l'Etat de Genève seront allouées à l'ASLOCA (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 novembre 2011 par l'ASLOCA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 septembre 2011 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 septembre 2011 ;

annule la décision du département des constructions et des technologies de l'information du 13 mai 2011 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur Mario Braunschweiger ;

alloue à l'ASLOCA une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de Monsieur Mario Braunschweiger et une indemnité de CHF 500.-, à la charge de l'Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Dandrès, avocat de l'ASLOCA, à Me Serge Patek, avocat de Monsieur Mario Braunschweiger, au département de l'urbanisme, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction a.i. :

 

 

C. Sudre

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :