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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/814/2023

JTAPI/844/2023 du 09.08.2023 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR;INTÉRÊT PUBLIC
Normes : LPA.65A.al2; LEI.30.al1.letb; OASA.32; LEI.96
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/814/2023

JTAPI/844/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 9 août 2023

 

dans la cause

 

Madame A______, agissant en son nom et celui de sa fille mineure, B______, représentées par Me Lorenzo CROCE, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1973 et sa fille, B______, née le ______ 2009, sont ressortissantes du Koweït.

2.             Le 22 décembre 2021, Mme A______ a déposé, pour son compte et celui de sa fille, une demande d'autorisation de séjour pour motifs culturels importants auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

B______, née à Genève, virtuose du piano, étudiait au plus haut niveau au J______ et était une étudiante extraordinaire. Malgré son jeune âge, elle s'était déjà produite dans de nombreux concours internationaux notamment à C______, D______, E______, F______, G______ ainsi qu'à Genève et avait reçu de nombreuses récompenses. Elle faisait régulièrement l'objet d'articles à son éloge dans la presse et avait notamment joué avec l'H______ en 2019.

Domiciliées en France voisine depuis 2018, mère et fille éprouvaient d'importantes difficultés d'ordre organisationnel en raison des distances à effectuer quotidiennement entre leur domicile, l'école de B______ dans le canton de Vaud et les cours de piano à Genève. Dans la mesure où le Conservatoire de musique de Genève constituait le point central du quotidien de B______, un déménagement dans le canton de Genève était souhaité, étant relevé qu'elle serait scolarisée à l'I______. Elle n'aurait alors plus besoin de passer plusieurs heures par jour dans les transports.

Au vu de l'emploi du temps chargé et particulier de B______ en plus des divers déplacements à effectuer, il n'était pas envisageable qu'elle vive en internat sans sa mère. Un permis de séjour devait donc pouvoir être accordé à Mme A______ jusqu'à ce que B______ soit pleinement autonome. Mme A______ se dédiait pleinement à l'éducation de sa fille et la soutenait au quotidien. Elle disposait de moyens financiers suffisants pour vivre à Genève sans avoir besoin de travailler et sans risquer de devoir faire appel à des prestations d'aide publique.

Le permis français de la famille arrivant à échéance en février 2022 et étant temporaire, il ne serait pas prolongé. Dans la mesure où B______ n'étudiait ni ne pratiquait le piano en France et partant n'avait jamais noué aucun lien avec ce pays, les autorités françaises n'avaient aucun intérêt à leur octroyer un permis de séjour. Faute de permis de séjour, B______ serait contrainte de rentrer au Koweït où elle ne pourrait plus s'adonner au piano avec la même intensité qu'aujourd'hui.

En définitive, l'octroi d'un permis de séjour permettrait de contribuer au rayonnement national et international du canton de Genève sur le plan culturel, mettant en avant plus particulièrement le J______.

Divers documents ont été joints à la demande notamment deux formulaires M, une copie des diplômes obtenus par B______, les prix et distinctions lui ayant été décernés, des articles de presse la concernant ainsi que des lettres de recommandation de ses professeurs.

3.             Par courrier du 7 juin 2022, l'OCPM a informé Mme A______ et sa fille de son intention de refuser l'octroi d'une autorisation de séjour en leur faveur et de prononcer leur renvoi de Suisse. Un délai de trente jours leur a été imparti pour faire valoir leur droit d'être entendues.

À ce jour, B______ ne bénéficiait pas encore d'une notoriété internationale dans le monde des arts ou de la culture. Sans remettre en cause son talent ni douter de son futur prometteur, elle n'était aujourd'hui pas notablement connue au point que sa présence en Suisse offrirait un rayonnement significatif à ce pays. Ainsi, elle ne pouvait représenter un intérêt culturel important au sens de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) tel que retenu par le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) (ATAF F-5189/2018 du 27 juillet 2020). Les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour pour études (art. 27 LEI) pour B______ ou en vertu d'une situation de rigueur (art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), pour elle et sa mère n'étaient pas remplies, ce qui n'était d'ailleurs pas allégué à l'appui de la demande.

4.             Le 27 juin 2022, Mme A______ ainsi que sa fille ont fait valoir leur droit d'être entendues.

L'état de fait de l'ATAF précité portait sur un requérant majeur de quarante ans et non sur une enfant. Le Tribunal fédéral ne s'étant jamais penché sur la question, le cas de B______ était inédit et non tranché à ce jour.

Le Tribunal fédéral avait eu l'occasion de juger que la LEI n'imposait en principe aucune limite d'âge générale au-delà de laquelle une autorisation de séjour déterminée n'entrerait plus en ligne de compte, ni un âge minimal avant lequel l'octroi d'une autorisation de séjour serait exclu.

Si on pouvait réserver l'octroi d'un permis de séjour à une personnalité notablement connue du monde des arts offrant un rayonnement significatif à la Suisse, on ne saurait exiger le même degré de notoriété d'un enfant, d'un jeune adulte ou d'un artiste en fin de carrière. En effet, il était objectivement impossible qu'un enfant mineur puisse jouir de la même reconnaissance internationale qu'un adulte. Dans ce cas, il convenait donc, sous peine de faire preuve de discrimination, de replacer le curseur par rapport à la notoriété qu'un enfant du même âge pourrait avoir dans le cadre de son domaine artistique. Admettre le contraire revenait à empêcher de facto et de jure tout enfant ou adolescent d'obtenir un permis de séjour pour motifs d'intérêts culturels importants en Suisse.

Peu de personnes de son âge pouvaient se targuer d'un palmarès tel que le sien, de sorte qu'il convenait de retenir qu'elle jouissait d'une réputation internationale correspondant à une enfant de son âge.

Si B______ pouvait prétendre à un permis étudiant, il n'était pas envisageable de la placer en internat à son âge au risque de mettre en péril son talent, à défaut d'un encadrement approprié et du suivi qui s'imposait.

La présence en Suisse de Mme A______ visait uniquement à lui permettre de s'occuper de sa fille quelques années le temps que cette dernière soit suffisamment grande pour être autonome. Rien n'empêchait l'OCPM d'octroyer à cet effet un permis de séjour d'une durée d'une année renouvelable et conditionné à l'évolution de B______.

Le Kowait ne disposait pas de conservatoire de musique prêt à accueillir B______ ni de professeurs capables d'assurer sa formation. La condition précaire de la femme dans ce pays serait également un handicap pour B______ si elle devait y être renvoyée. La seule solution consisterait à l'envoyer étudier au Royaume-Uni, en Allemagne ou aux États-Unis ce qui paraissait disproportionné pour une personne née et intégrée en Suisse.

À titre subsidiaire, elles demandaient à l'autorité intimée de considérer l'octroi d'un permis de séjour sur la base de l'art. 19 al. 4 let. b OASA. Il était indéniable que B______ était une artiste au sens des directives du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) et qu'elle se produisait dans le cadre d'évènements organisés par la Conservatoire de Genève. Aucun contrat de travail n'était requis et la durée de séjour ne saurait excéder huit mois, conditions parfaitement remplies au vu du cursus scolaire de B______ et des retours au Kowait pour les vacances.

À l'appui de leur courrier, elles ont produit une invitation de l'Opéra d'Oman, des lettres de recommandation de l'Atelier K______, un tableau récapitulatif des concerts et compétitions auxquels B______ avait participé.

5.             Le 5 juillet 2022, les recourantes ont transmis à l'OCPM des justificatifs complémentaires, à savoir deux lettres de recommandation.

6.             Par décision du 2 février 2023, l'OCPM, reprenant en substance l'argumentation développée dans sa lettre d'intention, a refusé l'octroi d'une autorisation séjour en faveur de Mme A______ et de sa fille, et a prononcé leur renvoi de Suisse, tout en leur impartissant un délai au 23 avril 2023 pour quitter le territoire helvétique et l'ensemble des territoires des États membres de l'union européenne ainsi que des États associés à Schengen.

Concernant la demande subsidiaire visant une autorisation de séjour en application de l'art. 19 al. 4 let. b OASA, cette disposition n'était pas applicable compte tenu de l'âge de B______ et du fait que le but de son séjour en Suisse était les études et non l'exercice d'une activité lucrative.

Enfin, Mme A______ ne remplissait pas non plus les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour sans activité en application des dispositions des art. 31 ou 32 OASA.

7.             Par acte du 6 mars 2023, agissant en son nom et en celui de sa fille mineure, Mme A______, par le biais de son mandataire, a formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant principalement à son annulation et à l'octroi en leur faveur d'une autorisation de séjour sans activité lucrative d'une durée d'un an renouvelable. Préalablement, elles sollicitaient leur comparution personnelle en vue d'une tentative de conciliation ; subsidiairement, à ce qu'il soit constaté qu'elles remplissaient les conditions des art. 30 al. 1 let. b LEI et 32 OASA ; le tout sous suite de frais et dépens.

L'OCPM avait fait une appréciation erronée des faits en retenant que B______ ne jouissait pas d'une notoriété internationale dans le monde des arts et de la culture.

D'une part, en ne tenant pas compte de l'âge de B______ (13 ans) dans le cadre de son analyse, l'OCPM avait violé le principe de l'égalité de traitement et l'art. 32 al. 1 let. a OASA qui n'imposait aucune restriction d'âge dans l'octroi d'un permis de séjour pour des motifs culturels importants. D'autre part, en ne leur octroyant pas un permis de séjour, l'OCPM avait fait preuve d'une mauvaise pesée des intérêts en présence et violé le principe de la proportionnalité, notamment sous l'angle de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (CDE ; RS 0.107) et l'intérêt culturel du canton de Genève. Pour le surplus, elles reprenaient leur argumentation développée le 27 juin 2022.

8.             En date du 9 mai 2023, l'OCPM a transmis son dossier au tribunal ainsi que ses observations, concluant au rejet du recours.

Tel qu'opportunément étayé dans la décision querellée, et bien que B______ eut déjà participé à de nombreux concours internationaux et reçu des récompenses, elle ne bénéficiait pas encore d'une notoriété internationale qui représenterait un intérêt culturel important pour la réputation de la Suisse vis-à-vis de l'étranger au sens des dispositions légales et de la Directive LEI. La notion juridique indéterminée de motifs d'intérêts culturels importants relevait davantage de l'opportunité. Pour le surplus, l'octroi d'une autorisation n'apparaissait également pas justifié sous l'angle d'autres dispositions de droit interne.

9.             Les recourantes n'ont pas répliqué.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Les recourantes sollicitent la tenue d'une audience de comparution personnelle en vue d'une tentative de conciliation. Sans conclure formellement à une audience d'enquêtes, elles ont également soumis une liste de témoins au tribunal.

5.             Les juridictions administratives peuvent en tout temps procéder à une tentative de conciliation (art. 65A al. 1 LPA). Elles peuvent déléguer un de leurs magistrats à cet effet (art. 65A al. 2 LPA). L’art. 65A LPA est une disposition potestative et l’autorité saisie n’est donc pas tenue de donner suite à une requête de conciliation présentée par l’une des parties (Stéphane GRODECKI, Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 817).

6.             Tel que garanti par les art. 29 al. 2 la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) - qui n’a pas de portée différente dans ce contexte - le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 I 484 consid. 2.1 ; 138 I 154 consid. 2.3.2 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_374/2018 du 15 août 2018 consid. 3.2 ; 8C_472/2014 du 3 septembre 2015 consid. 4.1 ; ATA/80/2016 du 26 janvier 2016 consid. 2 ; ATA/134/2015 du 3 février 2015 ; ATA/66/2015 du 13 janvier 2015).

Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_842/2014 du 17 février 2015 consid. 6.2 ; 2C_597/2013 du 28 octobre 2013 consid. 5.3 ; 1C_272/2010 du 16 mars 2011 consid. 2.5 ; ATA/158/2016 du 23 février 2016 consid. 2a ; ATA/80/2016 du 26 janvier 2016 consid. 2).

Par ailleurs, il ne confère pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_374/2018 du 15 août 2018 consid. 3.2 ; ATA/1057/2018du 9 octobre 2018 consid. 2a).

7.             En l’espèce, à teneur des prises de positions des deux parties, le tribunal considère qu’une tentative de conciliation serait, à ce stade, vaine et ne ferait que retarder l’issue de la procédure.

En outre, le tribunal dispose de tous les éléments pertinents pour se déterminer sur l’issue du litige, qui est circonscrit à la question de savoir si c'est à juste titre que l’autorité intimée a retenu que B______ ne bénéficiait pas d'une notoriété internationale dans le monde des arts et de la culture qui représenterait un intérêt culturel important pour la Suisse, de sorte qu’il n’y a pas lieu de donner suite à la demande des recourantes tendant à la convocation d'une comparution personnelle et d'enquêtes, cet acte d’instruction, en soi non obligatoire, ne s’avérant pas nécessaire pour trancher le litige.

8.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

9.             La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA). Mais ce principe n’est pas absolu, sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 et références citées ; ATA/860/2015 du 25 août 2015 consid. 12 ; ATA/792/2012 du 20 novembre 2012 consid. 6a).

10.         Il incombe en effet à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'il est le mieux à même de connaître, notamment parce qu'ils ont trait spécifiquement à sa situation personnelle (arrêts du Tribunal fédéral 1C_205/2012 du 6 novembre 2012 consid. 2.1 ; 1B_152/2008 du 30 juin 2008 consid. 3.2). Le Tribunal fédéral a même qualifié cette obligation de « devoir de collaboration spécialement élevé » lorsqu'il s'agit d'éléments ayant trait à la situation personnelle de l'intéressé, puisqu'il s'agit de faits qu'il connaît mieux que quiconque (not. arrêts 1C_58/2012 du 10 juillet 2012 consid. 3.2 et la référence citée ; 2C_703/2008 du 8 janvier 2009 consid. 5.2 ; 2C_80/2007 du 25 juillet 2007 consid. 4 et les références citées).

11.         La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Koweït.

12.         Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) afin de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

13.         En l'occurrence, seule cette seconde hypothèse entre en ligne de compte, les conditions pour la reconnaissance d'un cas d'une extrême gravité n'étant à l'évidence pas réunies, ce que ne contestent d'ailleurs pas les recourantes.

14.         Il ressort de la formulation de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, qui est rédigé en la forme potestative, que l'étranger n'a aucun droit à l'octroi d'une dérogation aux conditions d'admission en raison d’intérêts publics majeurs et, partant, à l'octroi d'une autorisation de séjour fondée sur cette disposition (cf. mutatis mutandis ATF 138 II 393 consid. 3.1 et 137 II 345 consid. 3.2.1).

15.         Selon l'art. 32 al. 1 OASA, une autorisation de courte durée ou une autorisation de séjour peut être accordée en vue de préserver des intérêts publics majeurs. Lors de l’appréciation, il convient notamment de tenir compte des intérêts culturels importants (let. a), des motifs d’ordre politique (let. b), des intérêts cantonaux majeurs en matière de fiscalité (let. c), et de la nécessité de la présence d’un étranger dans une procédure pénale (let. d).

16.         L’expression « intérêts publics majeurs » au sens de l’art. 30, let. b, LEI et de l’art. 32 OASA constitue une notion juridique indéterminée. Une application trop large serait incompatible avec la LEI et l’OASA (voir JAAC 67.63; 60.87 en relation avec l’ancien art. 13 al. 1 let. f OLE). Dans des cas particuliers, le canton peut accorder à un étranger une autorisation de séjour. L’autorité cantonale doit cependant démontrer qu’elle a un intérêt particulièrement important, notamment dans le domaine culturel, économique ou fiscal, à l’octroi d’une telle autorisation. Un intérêt culturel important (art. 32 al. 1 let. a, OASA) peut par exemple exister lorsqu’une personnalité notablement connue du monde des arts offre, de par sa présence en Suisse, un rayonnement significatif à notre pays. Il faut que cette personne jouisse d’une notoriété internationale dans le monde des arts ou de la culture (cf. arrêt du TAF F-5189/2018 du 27 juillet 2020, consid. 7 ; Directives et commentaires SEM dans le domaine des étrangers, état au 1er mars 2023, p. 91-92)

17.         Dans l'arrêt précité, le TAF a eu l'occasion de souligner que l'objectif premier de la législation fédérale sur les étrangers était de régler l'entrée en Suisse et la sortie de Suisse, le séjour des étrangers ainsi que le regroupement familial, et non de protéger des intérêts culturels. C'était à dessein que le législateur avait défini de manière restrictive la marge de manœuvre concernant l'admission des ressortissants d'États tiers. L’octroi d’une autorisation de séjour fondée sur l’art. 32 al. 1 let. a OASA devait permettre, avant tout, de sauvegarder un intérêt public majeur d’ordre culturel ou, du moins, de poursuivre un tel but. La reconnaissance dont bénéficiait le requérant devait relever de la notoriété, c’est-à-dire qu’elle devait dépasser le seul milieu artistique et culturel et revêtir un caractère universel (consid. 7.1).

18.         Les recourantes reprochent à l'autorité intimée d'avoir procédé à une appréciation erronée des faits en retenant que B______ ne jouirait pas d'une notoriété internationale dans le monde des arts et de la culture et en particulier de n'avoir pas tenu compte de son âge pour apprécier le degré de sa célébrité invoquant à ce sujet la violation du principe de l'égalité de traitement et celui de la proportionnalité.

19.         Selon l'art. 8 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), qui traite de l'interdiction des discriminations, nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d'une déficience corporelle, mentale ou psychique.

20.         Une discrimination au sens de l'art. 8 al. 2 Cst. est réalisée lorsqu'une personne est juridiquement traitée de manière différente, uniquement en raison de son appartenance à un groupe déterminé historiquement ou dans la réalité sociale contemporaine, mise à l'écart ou considérée comme de moindre valeur. La discrimination constitue une forme qualifiée d'inégalité de traitement de personnes dans des situations comparables, dans la mesure où elle produit sur un être humain un effet dommageable, qui doit être considéré comme un avilissement ou une exclusion, car elle se rapporte à un critère de distinction qui concerne une part essentielle de l'identité de la personne intéressée ou à laquelle il lui est difficilement possible de renoncer (ATF 145 I 73 consid. 5.1 et les arrêts cités).

21.         Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI).

22.         Lorsque les conditions légales pour se prévaloir d’un droit à l’autorisation de séjour ne sont pas remplies, les autorités ne jouissent pas d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à cette disposition, à un examen de la proportionnalité. Admettre l’inverse aurait pour effet de déduire de l’art. 96 LEI un droit à l’obtention ou au renouvellement de l’autorisation, ce qui ne correspond pas à la lettre de cette disposition, qui prévoit uniquement que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du 14 janvier 2020 consid. 3.2).

23.         En l'occurrence, il n'est pas contesté que B______ s'est produite à diverses reprises à l'étranger, accompagnée d'orchestres réputés et qu'elle remporté de nombreuses récompenses. Il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agissait majoritairement de représentations dans le cadre de concours et d'évènements réunissant d'autres musiciens également talentueux et non pas de représentations dont elle aurait été l'artiste principale, voire la tête d'affiche. Si des articles de presse ont relaté les performances de B______ et en ont fait l'éloge, il n'apparait toutefois pas que leur diffusion ait eu un écho international. Ces éléments qui témoignent sans aucun doute du talent de la jeune fille voire d'un potentiel remarquable dans l'exercice de son art, ne permettent pas de considérer qu'elle bénéficie d'une reconnaissance dépassant le seul milieu artistique et culturel et revêtant un caractère universel. Contrairement à ce que tentent de soutenir les recourantes, l'âge de B______ ainsi que le fait qu'elle soit en début de carrière, ne permettent pas de mesurer sa notoriété différemment et c'est en vain qu'elles invoquent la violation du principe de discrimination.

Dans ces circonstances, l'OCPM n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en retenant que la notoriété de B______ était insuffisante pour apporter à la Suisse un rayonnement significatif. Partant, c'est à juste titre que l'autorité intimée a constaté qu'il n'existait, en l'occurrence, pas d'intérêt culturel important au sens de l'art. 32 al. 1 let. a OASA propre à fonder un intérêt public majeur à ce que B______ et sa mère soient autorisées à séjourner en Suisse.

Ainsi, l'intérêt privé des recourantes, quand bien même B______ soit née en Suisse, qu'elle ait étudié dans ce pays durant quatre années et que sa mère et elle-même disposent de moyens largement suffisants pour vivre en Suisse, doit céder le pas sur l'intérêt public à la correcte application du droit.

24.         Enfin, c'est en vain qu'elles invoquent l'art. 3 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (CDE - RS 0.107, entrée en vigueur pour la Suisse le 26 mars 1997), lequel ne saurait ne saurait fonder une prétention directe à l'octroi ou au maintien d'une autorisation (ATF 140 I 145 consid. 3.2 p. 148 ; arrêts 2C_165/2017 du 3 août 2017 consid. 3.3 et 2C_520/2016 du 13 janvier 2017 consid. 4.3).

25.         Au vu de l'ensemble des circonstances, l'OCPM n'a violé ni le droit conventionnel, ni le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son large pouvoir d'appréciation en considérant que les recourantes ne satisfaisaient pas aux conditions strictes requises pour l'octroi d'une dérogation aux conditions d'admission. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit respecter la latitude de jugement conférée à l'OCPM, ne saurait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA).

26.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d'une autorisation de séjour, l'autorité ne disposant à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

27.         En l'espèce, dès lors que l'autorisation de séjour sollicitée par les recourantes leur a été refusée, l'OCPM devait ordonner leur renvoi de Suisse en application de l'art. 64 al. 1 let. c LEI, aucun élément ne laissant pour le surplus supposer que l'exécution de cette mesure ne serait pas possible, pas licite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 83 LEI).

28.         Compte tenu de ce qui précède, le recours, mal fondé, sera rejeté.

29.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourantes, qui succombent sont condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

30.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 6 mars 2023 par Madame A______, agissant en son nom et celui de sa fille mineure B______, contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 2 février 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourantes un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière