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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/559/2022

JTAPI/165/2023 du 09.02.2023 ( LCI ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : DÉLAI DE RECOURS;DROIT DE S'EXPLIQUER;MOTIVATION DE LA DÉCISION;MAXIME INQUISITOIRE;ADMINISTRATION DES PREUVES;APPRÉCIATION DES PREUVES;INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE;ZONE AGRICOLE
Normes : LDFR; ODFR.4a; LPA.46.al1; LPA.47; LPA.62.al1.leta; Cst.29.al2; LPA.4.al1.letb; LAT.24c.al1; LCI.1; Cst.9; LCI.129
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/559/2022 et A/2271/2022

JTAPI/165/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 9 février 2023

 

dans la cause

 

Madame A______, Monsieur B______ et Monsieur C______, représentés par Me François BELLANGER, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             La parcelle n° 1______, feuille 2______ de la commune de D______, est propriété de Madame A______, et Messieurs B______ et C______ (ci-après : les propriétaires). Feu Madame E______ en était l’usufruitière.

Cette parcelle est située en zone agricole.

2.             Le 21 avril 2021, Mme E______ a déposé auprès de la Commission foncière agricole (ci-après : CFA) une requête en non-assujettissement de la parcelle précitée à la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11).

3.             Le 7 septembre 2021, la CFA a transmis ce dossier, muni d’un préavis positif, à l’office des autorisations de construire (ci-après : OAC) pour raison de compétence.

4.             Par courrier du 7 octobre 2021, adressé au conseil des propriétaires, l’OAC a indiqué que, conformément à l’art. 4a de l’ordonnance sur le droit foncier rural du 4 octobre 1993 (ODFR - RS 211.412.110), il appartenait au département du territoire (ci-après : DT), en qualité d'autorité compétente en matière de constructions hors de la zone à bâtir, de statuer, en application du droit de l'aménagement du territoire, sur l'affectation des constructions et installations situées sur les parcelles considérées. Dans cette mesure, il procèderait aux vérifications d’usage, établirait un constat des constructions et installations existantes et vérifierait les informations recueillies au regard des archives. Les intéressés pourraient, cas échéant, être entendus.

Au terme de cette instruction, il rendrait une décision sur la légalité de la situation constatée. Cette dernière leur serait notifiée et ils pourraient éventuellement la contester devant l’autorité compétente, étant précisé que la CFA ne pourrait se prononcer en matière d’autorisation au sens de la LDFR, qu’une fois cette décision exécutoire (art. 4a al. 2 ODFR). Enfin, si le DT constatait que des constructions ou installations étaient illégales, soit parce qu'elles n’avaient jamais été autorisées, soit parce qu'elles n’étaient pas conformes à une autorisation délivrée, des mesures visant à rétablir une situation conforme au droit pourraient alors être ordonnées.

5.             Suite au constat effectué sur place le 12 novembre 2021, en présence du représentant de Mme E______, l’OAC a établi un rapport d’enquête le 14 décembre 2021, à teneur duquel la parcelle d’une superficie de 17'813 m2 comportait quinze constructions et installations, à savoir :

Objet A :

Un bâtiment n° 60, situé au nord de la parcelle, en maçonnerie de 292 m2, de deux et trois niveaux plus combles, comprenant un logement et un garage, datant du 16ème siècle selon le représentant des propriétaires. Les transformations avaient été réalisées en 1958, (autorisation DD 3______ du 13 août 1958 portant sur la transformation et la restauration du bâtiment ainsi que la construction d’une fosse digestive). Il était visible sur la photo aérienne de 1932.

Objet B :

Un bâtiment n° 96, situé au sud-ouest de la parcelle, en maçonnerie de 21 m2 de plain-pied, comprenant un local à outils (autorisation DD 4______ du 22 janvier 1970 portant sur un couvert à outils), non daté par le représentant des propriétaires.

Objet C :

Un bâtiment n° 95, situé au sud-ouest de la parcelle, en bois, de 14 m2, de plain-pied, comprenant un local à outils (autorisation DD 5______ du 28 juin 1978 portant sur l’agrandissement du dépôt à outils), non daté par le représentant des propriétaires.

Objet D :

Un bâtiment n° 1119, situé au nord de la parcelle, en maçonnerie, de 7 m2, de plain-pied, comprenant un local de stockage, non autorisé, daté de 1960 selon le représentant des propriétaires. La date de construction ne pouvait être vérifiée, les photos aériennes historiques étant imprécises.

Objet E :

Un jardin à la française situé devant la façade sud du bâtiment n° 60, de 1'000 m2, non autorisé, non daté par le représentant des propriétaires, visible sur la photo aérienne dès 1946.

Objet F :

Un chemin situé au centre de la parcelle, en gravier, de 800 m2, non autorisé, non daté par le représentant des propriétaires, visible sur la photo aérienne dès 1946.

Objet G :

Une terrasse située devant la façade est du bâtiment n° 60, en gravier, de 430 m2, non autorisée, non datée par le représentant des propriétaires, visible sur la photo aérienne de 1932.

Objet H :

Une terrasse située devant la façade ouest du bâtiment n° 60, en gravier de 270 m2, non autorisée, non datée par le représentant des propriétaires, visible sur la photo aérienne de 1932.

Objet I :

Un portail situé au nord de la parcelle, en métal, de 6 ml, non autorisé, daté d'avant 1900 selon le représentant des propriétaires. La date de construction ne pouvait être vérifiée, les photos aériennes historiques étant imprécises

Objet J :

Un portail situé au nord de la parcelle, en bois de 3 ml, non autorisé, daté de 1960 selon le représentant des propriétaires. La date de construction ne pouvait être vérifiée, les photos aériennes historiques étant imprécises.

Objet K :

Un portail, situé au sud de la parcelle, en métal, de 3.50 ml, non autorisé, daté de 1960 selon le représentant des propriétaires. La date de construction ne pouvait être vérifiée, les photos aériennes historiques étant imprécises.

Objet L :

Un portail situé à côté du bâtiment n° 60, en métal, de 3.50ml, non autorisé, daté de 1900 selon le représentant des propriétaires. La date de construction ne pouvait être vérifiée, les photos aériennes historiques étant imprécises.

Objet M :

Un mur situé au centre de la parcelle, en maçonnerie, de 35 ml, non autorisé, daté de 1900 selon le représentant des propriétaires. La date de construction ne pouvait être vérifiée, les photos aériennes historiques étant imprécises.

Objet N :

Une clôture périphérique, en métal, de 460 ml, non autorisé, datée de 1960 selon le représentant des propriétaires. La date de construction ne pouvait être vérifiée, les photos aériennes historiques étant imprécises.

Objet O :

Un mur, situé au nord de la parcelle, en maçonnerie, de 35 ml, non autorisé, daté de 1900 selon le représentant des propriétaires, visible sur la photo aérienne de 1932.

Les dossiers relatifs aux autorisations de construire DD 6______ du 7 janvier 1942, portant sur un mur de clôture, et DD 7______ du 20 avril 1959, portant sur un mur, avaient été détruits.

Il apparaissait ainsi que les constructions/installations A, G, H, I, L, M et O avaient été construites avant toute législation en matière d’aménagement du territoire et que les constructions/installations B et C avaient été dûment autorisées.

Quant aux constructions et installations D, E, F, J, K et N qui avaient été construites sans autorisation, le DT ordonnerait, par décision séparée, le rétablissement d'une situation conforme au droit.

6.             Le 14 janvier 2022 l’OAC, a adressé aux propriétaires une « Proposition de décision ».

Reprenant la teneur du rapport précité, il a constaté que les constructions/installations A, G, H, I, L, M et O avaient été construites avant toute législation en matière d’aménagement du territoire, que les constructions/installations B et C avaient été dûment autorisées et que les constructions et installations D, E, F, J, K et N avaient été construites sans autorisation, de sorte que le DT ordonnerait, par décision séparée, le rétablissement d'une situation conforme au droit.

Il a également précisé que « La présente détermination va[lait] décision de constatation au sens de l’art. 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ».

7.             Par courrier du 31 janvier 2022, les propriétaires, sous la plume de leur conseil, ont reproché à l’OAC d’avoir violé les art. 41 et 46 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), dans la mesure où ils n’avaient pas été consultés avant le prononcé de la décision du 14 janvier 2022, laquelle ne mentionnait pas les voies de recours. Cette dernière devait ainsi être annulée.

Cela étant, les objets E et F faisaient parties du jardin à la française qui se trouvait devant la propriété. Il ressortait de la décision qu’ils étaient très anciens dès lors qu’ils étaient visibles sur une photo aérienne dès 1946. Il s’agissait d'aménagements du terrain qui pouvaient être légalement réalisés à l'époque. Leur présence avait d'ailleurs été relevée dans le cadre de la décision du département des travaux publics du 16 décembre 1986, approuvant l'inscription à l'inventaire du bâtiment n° 60 sur la parcelle n° 1______ de la commune de D______ dans laquelle il était fait état d'un parc richement arborisé. La situation de ces objets était d'ailleurs identique à celle du bâtiment lui-même dont la décision relevait qu'il était visible sur la photo aérienne de 1932, ou encore de la terrasse située devant la façade est du bâtiment n° 60 en gravier, identifiée comme l'objet G, également visible sur la photo aérienne de 1932. Ces éléments étaient antérieurs au 1er juillet 1972, date de la séparation entre le territoire bâti et non-bâti avec l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur les eaux. Un traitement différent ne pouvait donc être appliqué à ces objets. Partant, le jardin à la française et l'allée le desservant, à supposer qu’ils puissent être considérés comme des constructions soumises à autorisation - ce qui était contesté - devaient être maintenues en l'état.

S’agissant de l’objet J, sur la photo aérienne datant de 1963, l’accès à la route de la propriété était clairement visible. Selon les propriétaires, le portail fermant cet accès existait depuis 1960, ce qui était cohérent avec l’existence d’un accès sur la propriété. Dès lors que tout accès nécessitait un portail dans une propriété de cette nature, il n’était pas concevable que l’allée centrale ait été fermée par un portail et que les autres accès ne l’aient pas été. Cet objet devait également être maintenu et il en allait de même pour l’objet K. Il correspondait en effet au débouché du chemin d’accès visible sur les photos de 1963 et son existence ne pouvait être remise en cause.

Enfin, l’affirmation des propriétaires selon laquelle l’objet N, soit la clôture bordant la propriété, existait depuis 1960, ne pouvait être raisonnablement contestée, une propriété de ce type n’étant pas laissée sans protection.

Il apparaissait ainsi que les éléments E, F, J, K et N étaient licites et devaient être maintenus. En revanche, les propriétaires étaient disposés à démolir l’objet D qui était plus récent.

L’OAC était ainsi invité à retirer sa décision du 14 janvier 2022 et à rendre, après avoir respecté le droit d’être entendu des propriétaires, une nouvelle décision limitant la constatation de constructions non conformes à l'objet D, et prenant acte de l'engagement des propriétaires de procéder à sa démolition.

8.             Par acte du 16 février 2022, les propriétaires (ci-après : les recourants), sous la plume de leur conseil, ont recouru contre la décision du 14 janvier 2022, devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, sous suite de frais et dépens, à la constatation de sa nullité, subsidiairement à son annulation. Ils ont également sollicité un délai pour compléter leur recours.

Compte tenu du courrier qu’ils avaient adressé à l’OAC le 31 janvier 2022 dans lequel ils lui demandaient de constater la nullité de la décision attaquée, voire de la reconsidérer, le présent recours pouvait devenir sans objet. Ce courrier était toutefois resté sans réponse à ce jour.

Cependant, les vices qui affectaient la décision litigieuse étaient nombreux. Elle avait été prise en violation de leur droit d’être entendu car ils n’avaient pas été consultés avant son prononcé. De plus, s’il s’agissait effectivement d’une décision de constatation au sens de l’art. 4 al. 1 LPA, elle ne mentionnait pas les voies de recours, en violation de l’art. 46 al. 1 LPA. Il convenait de relever à cet égard que la pratique de l’OAC qui consistait à ne pas admettre de recours contre ce type de décision avait été sanctionnée par le Tribunal fédéral, car elle était contraire au droit fédéral.

S’agissant des objets D, E, F, J, K et N, ils ont repris les arguments précédemment développés, soutenant que les objets E, F, J, K et N étaient licites et qu’ils étaient disposés à démolir l’objet D.

Les recourant ont produit diverses pièces à l’appui de leur recours.

9.             Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/559/2022.

10.         Par décision du 1er mars 2022, l’OAC a refusé d’entrer en matière sur la demande en reconsidération du 31 janvier 2022, les conditions de l’art. 48 LPA n’étant pas remplies. Il a ajouté, qu’à sa connaissance, aucun recours n’était pendant contre la décision du 14 janvier 2022.

11.         Le 22 mars 2022, les recourants, sous la plume de leur conseil, ont complété le recours A/559/2022.

Après avoir rappelé l’historique du dossier et repris les griefs de nature formelle formulés à l’encontre de la décision du 14 janvier 2022, ils ont invoqué la violation de l’art. 24c de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700). Ils ne contestaient pas que l’objet D n’aurait pas été autorisé et étaient disposé à le démolir. En revanche, la position de l’autorité intimée sur les autres objets était illégale, voire arbitraire. En effet, il était impossible de comprendre la raison pour laquelle elle admettait la licéité des objets G et H, soit deux terrasses en gravier qui n’avaient pas été autorisées et pas celle des objets E et F, alors qu’ils dataient de la même période. De plus, aucun élément dans la législation de l’époque ne permettait de considérer qu’un jardin à la française et son allée de gravier auraient été sujets à autorisation, ce d’autant plus que l’autorité intimée admettait que les terrasses en gravier n’étaient pas sujettes à autorisation. Il s’agissait dans les quatre cas d’aménagements du terrain qui pouvaient être légalement réalisés à l’époque. Ils n’avaient d’ailleurs jamais été remis en cause depuis près de 80 ans, étant précisé que leur présence avait été relevée dans le cadre de la décision du département des travaux publics du 16 décembre 1986 approuvant l’inscription à l’inventaire du bâtiment n° 60, qui faisait état d’un jardin richement arborisé. Cela démontrait que le parc, et donc le jardin à la française, de même que l’allée et les terrasse avaient fait l’objet d’un examen par l’autorité. Les objets E et F étaient ainsi licites et bénéficiaient de la garantie de la situation acquise, en application de l’art. 24c al. 1 LAT. Cette disposition visait les bâtiments construits légalement avant le 1er juillet 1972, date d’entrée en vigueur de la loi fédérale sur la protection des eaux contre la pollution du 8 octobre 1971, qui avait introduit pour la première fois une séparation stricte des territoires constructibles de ceux qui ne l’étaient pas.

L’autorité intimée traitait également différemment l’objet L, soit un portail non autorisé qui daterait de 1900, qu’il considérait licite, et les objets J et K qui n’avaient pas été non plus été autorisés et qui dateraient de 1960. Or, ces trois objets étaient antérieurs au 1er juillet 1972, de sorte qu’ils étaient licites, de même que l’objet N (clôture périphérique).

Enfin, la propriété avait entièrement été rénovée et transformée entre 1958 et 1960 et il était totalement invraisemblable que la question de ses accès et donc des portails n’ait pas été traitée. Une telle propriété nécessitait une fermeture de ses accès et donc des portails et leur présence n’avait pu qu’être constatée lors de l’octroi du permis d’occuper.

Ils ont repris pour le surplus les arguments précédemment invoqués et ont produit diverses pièces relatives à leurs allégations.

12.         Par courrier recommandé du 29 avril 2022, le département du territoire (ci-après : DT) a fait savoir aux propriétaires que, lors du constat du 12 novembre 2021 effectué sur la parcelle considérée, il avait été constaté qu’un ou plusieurs éléments soumis à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) auraient été réalisés sans autorisation, à savoir :

- la construction du bâtiment cadastré n° 1119 (D) ;

- l'aménagement d'un jardin à la française (E) ;

- l'aménagement d'un chemin (F) ;

- l'installation d'un portail (J) ;

- l'installation d'un portail (K) ;

- l'installation d’une clôture périphérique (N).

Ces éléments apparaissaient sur le plan SITG annexé.

Un délai de dix jours leur était accordé pour faire part de leurs éventuelles explications et/ou observations quant à ces faits, étant précisé que toutes mesures et/ou sanction justifiées par la situation demeuraient réservées.

13.         Le 6 mai 2022, les propriétaires se sont déterminés, sous la plume de leur conseil.

Ils avaient hérité de cette parcelle qui comportait une demeure historique datant du XVIe siècle. Leur père l’avait acquise en 1958 et il avait procédé à d'importants travaux de rénovation. Il ressortait des recherches effectuées auprès du service des archives de l'OAC, qu’une autorisation de construire avait été accordée le 15 août 1958 (DD 3______) portant sur la transformation et la rénovation du bâtiment existant, ainsi que la construction d’une annexe. Les travaux ayant duré plusieurs années, le permis d'habiter avait été délivré le 14 décembre 1961. L'état actuel du bâtiment correspondait à cette autorisation.

Selon les photos aériennes de 1963, accessibles sur le SITG, la propriété se présentait alors avec la demeure rénovée et agrandie, le jardin à la française devant le bâtiment, l'allée dans le prolongement du jardin et la fermeture tout autour de la propriété.

En 1959, l’autorisation relative à un mur avait été requise (DD 7______), le dossier avait toutefois été détruit, selon les archives de l’OAC.

Le 22 janvier 1970, sur la base d’une requête déposée le 19 novembre 1969, l’autorisation de construire DD 4______ portant sur la construction d'un couvert à outils avait été délivrée. Le plan cadastral de 1969 illustrait parfaitement la connaissance des lieux par les autorités. Sur ce document, l’emplacement du jardin à la française devant la maison était marqué par un rectangle en pointillés, l'allée devant le jardin et la fermeture tout autour de propriété, y compris les portails, étaient identifiées par un trait en pointillés.

Le 28 juin 1978, l’autorisation de construire DD 5______ portant sur l'agrandissement d'un dépôt à outils avait été accordée.

Enfin, le 16 octobre 1986, le bâtiment n° 60 sis sur la parcelle et ses abords, y compris le jardin à la française, avaient été inscrits à l’inventaire.

Ces constatations et les arguments développés dans leur courrier du 31 janvier 2022 les amenaient une nouvelle fois à la conclusion que les objets E, F, J, K et N étaient licites. S’agissant de l’objet D, ils ont réitéré être disposés à le démolir.

Les recourant ont notamment produit les dossiers d’autorisations ainsi que divers plans.

14.         L’OAC a présenté ses observations le 13 mai 2022.

Il ne niait pas que la décision du 14 janvier 2022 ne respectait pas toutes les exigences qui s’imposaient, au vu de la jurisprudence fédérale. Cet arrêt était toutefois très récent et l’OAC n’avait pas pu mettre ses principes en pratique lorsqu’il avait rendu la décision litigieuse. Il l’avait toutefois fait postérieurement.

Cela étant, la procédure d’infraction était en cours et une décision relative aux mesures à prendre à l’encontre des constructions et des installations mentionnées dans la décision en constatation serait rendue dans les prochains jours.

Comme cette nouvelle décision ferait très vraisemblablement l’objet d’un recours, l’OAC se questionnait sur l’intérêt de se déterminer dans le cadre de la présente procédure car, « au final, c’é[tait] la décision relative au dossier d’infraction qui aura[ait] un éventuel impact pour les recourants ». Au regard du principe d’économie de procédure, il sollicitait la suspension de la procédure jusqu’à ce que la décision sur infraction soit rendue, afin que l’intérêt pratique et actuel des recourants à maintenir le recours A/559/2022, voire celle de la jonction des causes, puisse alors être examinée. Si cette demande ne devait pas être acceptée, il sollicitait un délai pour se déterminer sur le fond.

15.         Le 25 mai 2022, invités par le tribunal à se déterminer, les recourants, sous la plume de leur conseil, se sont opposés à la suspension de la procédure.

La demande de suspension de l’OAC se fondait sur une prémisse contraire au droit fédéral et cantonal. En effet, un ordre de remise en état, notamment de démolition, ne pouvait exister sans un constat préalable du caractère illicite d’une construction (art. 129 et 130 LCI). Ce constat pouvait être inclus dans la décision ordonnant le rétablissement d’une situation conforme au droit. Dans un tel cas, tant la constatation de l’état illicite que la conséquence de cette constatation étaient incluses dans la même décision et faisaient l’objet d’une seule procédure de recours. Ce constat pouvait également être inclus, comme en l’espèce, dans une décision distincte de l’ordre de remise en état et antérieure à celui-ci, cet ordre ne pouvant toutefois être donné qu’après que la décision de constatation soit devenue exécutoire. La seconde décision relative à la remise en état était une conséquence de la première décision qui était alors une condition nécessaire sine qua non de l’existence de la seconde. Le Tribunal fédéral avait jugé que la décision de constatation était une décision finale et qu’elle était susceptible d’un recours dans un délai de trente jours. Ce n’était ainsi qu’à l’issue de la procédure de recours que l’OAC pouvait, si la décision de constatation était confirmée et devenait exécutoire, prendre une nouvelle décision relative à la remise en état des constructions. Partant, la procédure suivie par l’OAC était fausse et contraire au droit fédéral. Dans le cas d’espèce, il était nécessaire de trancher la prétendue illicéité des constructions ou aménagements de manière définitive et exécutoire avant d’entamer une procédure fondée sur les art. 129 et 130 LCI. Si l’OAC engageait prochainement une telle procédure, il violerait gravement l’art. 4a ODFR et sa décision devrait être annulée.

16.         Dans ses observations complémentaires du 17 juin 2022, l’OAC a conclu au rejet du recours.

Avant la nouvelle jurisprudence fédérale, il considérait que les décisions rendues dans le cadre des procédures de désasujettissement engagées auprès de la CFA étaient de nature incidente. Dans l’affaire soumise au Tribunal fédéral, la procédure concernait une décision rendue par la commission foncière agricole. Dans la mesure où elle avait été traitée par l’office cantonal de l’agriculture et de la nature, l’OAC n’avait malheureusement pas eu connaissance de l’arrêt du Tribunal fédéral lorsqu’il avait prononcé la décision contestée. Pour cette raison, c’était dans le cadre de la procédure d’infraction que l’OAC avait notamment donné l’occasion aux recourants de se prononcer plus largement sur les constatations effectuées dans le cadre de la procédure de désasujettissement.

Cela étant, concernant la violation du droit d’être entendu, il ne contestait pas que les propriétaires n’avaient eu l’occasion de se prononcer sur les constats effectués que dans le cadre de la procédure relative à l’infraction et non celle de désasujettissement. Néanmoins, ils avaient pu faire valoir ce droit devant le tribunal de céans qui bénéficiait du même pouvoir d’examen que l’autorité intimée. Ainsi, en application de la jurisprudence, même si un vice devait être constaté, il aurait été réparé, dans la mesure où les recourants avaient valablement pu s’exprimer. Un renvoi à l’OAC constituerait ainsi une vaine formalité et serait contraire au principe de l’économie de procédure.

Sous l’angle de la motivation de la décision litigieuse, les recourants ne pouvaient lui faire aucun reproche. Quant aux voies de recours, elles n’avaient pas été indiquées pour les raisons exposées précédemment. En tout état, les recourants, représentés par leur avocat, avaient tout de même été en mesure d’agir en justice, si bien qu’ils ne pouvaient se prévaloir d’aucun préjudice qui conduirait à l’annulation de la décision litigieuse.

Par ailleurs, les recourants alléguaient que rien dans la législation de l’époque ne permettait de considérer que les constructions ou installations érigées ou transformées sur leur parcelle aurait été sujettes à autorisation. Or, ils ne citaient aucune disposition légale et ne démontraient pas leurs allégations, alors que la LCI du 9 mars 1929 était déjà en vigueur. Les éléments qui ressortaient de l’inscription à l’inventaire ne signifiaient pas pour autant qu’ils avaient été autorisés.

Concernant les distinctions effectuées, elles provenaient du fait que l’OAC n’était pas en mesure de démontrer que les deux terrasses en gravier qui figuraient sur les premières photographies aériennes disponibles, soit celles de 1932, n’avaient pas déjà été réalisées avant l'entrée en vigueur de la LCI du 9 mars 1929 (première loi adoptée en matière d'aménagement du territoire). En revanche, la date de construction du jardin à la française et de l'allée d'accès qui avaient été réalisés postérieurement, n'avait pas été communiquée et il n’avait pas non plus été établi qu’ils étaient conformes au droit en vigueur à l'époque.

S’agissant des objets I, L (portails) et M et O (murs), l’OAC avait fait preuve de tolérance en admettant que les affirmations du représentant des recourants, selon lequel ces éléments avaient été érigés en 1900, étaient plausibles. Ces éléments avaient ainsi pu bénéficier du même régime que les terrasses susmentionnées.

Compte tenu des indications du représentant des recourants à propos des objets K et L (portails) et N (clôture périphérique), l’OAC avait considéré qu’ils étaient postérieurs à 1932 et les recourants n’avaient pas non plus démontré qu’ils avaient été réalisés conformément au droit alors en vigueur.

Dans ces circonstances, il ne pouvait être reproché à l’autorité intimée d’avoir rendu une décision arbitraire. Même si la réalisation de ces constructions et installations apparaissait nécessaire à ce genre de propriété, selon l’expérience de la vie et le cours ordinaire des choses, il n’en demeurait pas moins qu’il leur appartenait de prouver la date à laquelle elles avaient été réalisées, ainsi que leur conformité au droit en vigueur à l’époque. Le fait que l’autorité ne soit pas intervenue avant la procédure de désasujettissement ne signifiait pas qu’elles avaient été tolérées. En effet, il était impossible au DT de s'assurer que l'ensemble des constructions et installations érigées sur tout le territoire du canton étaient bien conformes au droit qui était applicable au jour de leur réalisation. De plus, selon la jurisprudence fédérale, dans l’hypothèse où l'autorité aurait renoncé à rétablir un état conforme au droit, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, cela ne modifiait en rien le caractère illégal des constructions ou installations concernées.

Enfin, si la décision de constatation devait être annulée, la procédure de désasujettissement devrait alors être considérée comme étant irrégulière.

17.         Par décision du 24 juin 2022, l’OAC, après avoir accusé bonne réception du courrier des recourants du 6 mai 2022 et pris acte de leurs observations relatifs aux faits relevés dans le courrier du 29 avril 2022, a confirmé que la réalisation des objets D, E, F, K et N était soumise à l’obtention d’une autorisation de construire (art. 1 LCI) et leur a ordonné, en application de l’art. 129 LCI, de requérir, dans un délai de trente jours une autorisation de construire définitive complète et en bonne et due forme par le biais d'un mandataire professionnellement qualifié, sous réserve de l'art. 2 al. 3 de la LCI, en stipulant clairement sur le formulaire de requête dans la description du projet « Demande de régularisation I-8______ », suivi du détail.

S’ils ne souhaitaient pas tenter de régulariser la situation par l’obtention d’une autorisation de construire, il leur était loisible de procéder à la mise en conformité des lieux en procédant à la suppression et à l'évacuation des objets précités dans un délai de 30 jours. Dans ce cas, un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de cette mise en conformité devrait parvenir au DT dans le même délai. En l’absence de dépôt d'une requête en autorisation de construire dans le délai imparti et à défaut d’une mise en conformité complète, ils s’exposaient à toutes autres mesures et/ou sanctions justifiées par la situation.

Après l’instruction d'une éventuelle requête déposée auprès de la direction des autorisations de construire ou en l’absence d’une telle requête dans le délai imparti, il statuerait par décision séparée sur les mesures applicables visant au rétablissement d’une situation conforme au droit. Quant à la sanction administrative portant sur la réalisation de travaux sans droit, elle ferait également l'objet d’une décision à l'issue du traitement du dossier I-8______, raison pour laquelle elle demeurait en l’état réservée.

Cette décision pouvait enfin faire l’objet d’un recours auprès du tribunal dans un délai de dix jours.

18.         Par acte du 7 juillet 2022, les recourants, sous la plume de leur conseil, ont recouru contre cette décision auprès du tribunal, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation.

Après avoir rappelé l’historique du dossier, tel qu’exposé dans la procédure A/559/2022, ils ont fait grief à l’OAC d’avoir adopté une attitude manifestement abusive. Alors qu’une procédure était déjà pendante et sans annuler la première décision, il en avait rendu une nouvelle, qui n’était même pas motivée, les contraignants ainsi à déposer un nouveau recours et à gérer deux procédures pour le même objet.

Cela étant, cette nouvelle décision qui mentionnait un délai de recours de dix jours laissait supposer un caractère incident qui était erronée. Il s’agissait en effet d’une décision finale, ce qui avait d’ailleurs été confirmée par le Tribunal fédéral dans l’arrêt 2C_458/2021 du 2 décembre 2021.

Pour le surplus, les recourants ont repris en substance les arguments invoqués dans le cadre du recours A/559/2022, considérant que les objets E, F, K et N étaient licites et qu’ils bénéficiaient de la garantie de la situation acquise. S’agissant de l’objet D, ils ne contestaient pas qu’il n’aurait pas été autorisé et ont réaffirmé qu’ils étaient disposés à le démolir.

Les recourants ont produit un chargé contenant, pour l’essentiel, les pièces produites dans le cadre de la procédure A/559/2022.

19.         Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/2271/2022.

20.         Le 13 juillet 2022, les recourants, sous la plume de leur conseil, ont répliqué dans le cadre du recours A/559/2022.

Compte tenu de la teneur du courrier du 29 avril 2022, ils avaient présumé que l’OAC avait pris la mesure des violations commises lorsqu’il avait prononcé la décision du 14 janvier 2022. Or, ce dernier avait non seulement persisté à défendre cette décision dans ses observations du 17 juin 2022, mais il avait également rendu une nouvelle décision le 24 juin 2022 sans annuler la précédente, passant ces éléments sous silence. Ainsi, soit le service juridique ignorait ce qui se passait à l’OAC, soit il agissait en toute mauvaise foi en dissimulant au tribunal une procédure parallèle. Dans les deux cas, l'attitude de l’OAC était manifestement abusive et constitutive d'un acharnement injustifié à leur encontre, et devait être sanctionnée.

Cela étant, l’OAC n’avait tiré aucune leçon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral. Il affirmait vouloir se conformer au droit tout en continuant à violer sciemment le droit, dans sa pratique actuelle.

En outre, il n’avait pas indiqué les motifs pour lesquels il considérait que les objets E et F étaient soumis à autorisation de construire. Une fois ces motifs exposés, les recourants devraient pouvoir se déterminer en vertu de leur droit à la réplique.

En tout état, ces objets avaient été aménagés entre 1932 et 1946. À supposer qu’ils datent de 1946, ils étaient antérieurs à toute législation en matière d’aménagement du territoire et en particulier à la date clef du 1er juillet 1972. Avant le 27 avril 1940, les constructions étaient régies par la loi modifiant la loi générale sur les routes, la voirie, les constructions, les cours d'eau, les mines et l'expropriation du 15 juin 1895, puis par la LCI du 9 mars 1929. Ces lois permettaient de comprendre qu'une construction ou une installation était un « bâtiment » et en aucun cas un jardin ou une allée. L’art. 1 de la LCI du 27 avril 1940 définissait les constructions et installation, notamment le fait de réaliser des apports de terre modifiant la configuration d’un terrain (let. d). Il s'agissait de modifications importantes du sol impliquant un terrassement substantiel assimilable à une construction, tel qu’un remblayage changeant le niveau naturel du terrain, comme dans le cas traité dans l'ATA/1335/2019.

La réalisation des objets E et F n’avait nécessité aucun mouvement de terre. Sous le régime de la loi de 1940, de tels aménagements n'étaient pas sujets à autorisation. Ils avaient donc été érigés légalement et bénéficiaient de la garantie de la situation acquise. Compte tenu des travaux entrepris par leur père et de l’autorisation de construire DD 3______, il était évident que si l’OAC avait constaté une illégalité à l’époque, il serait intervenu, étant précisé que l’état actuel du bâtiment correspondait à l’autorisation délivrée, comme en attestaient les photos aériennes de 1963. Dans la mesure où toutes les constructions et tous les aménagements étaient légaux, l’OAC n’avait rien fait durant quarante-quatre ans, soit jusqu’en 2022. À présent, il se bornait à analyser les constructions et aménagements au regard de la définition posée par le Tribunal fédéral depuis l'entrée en vigueur de la LAT, alors qu'elle n'était pas applicable à l’époque. L’autorité intimée utilisait d'ailleurs cette définition de manière inégale puisqu'elle admettait la licéité des objet G et H. Or, la seule différence entre ces deux objets et les objets E et F était que les premiers étaient visibles sur la photo de 1932. Même s’ils n’avaient pas exactement la même date de réalisation, ils avaient un point commun essentiel, car ils avaient tous été érigés légalement en vertu du régime légal applicable à l'époque.

Dans ces circonstances, l’OAC avait, de manière abusive et contraire au droit, remis en cause la validité de constructions et aménagements réalisés légalement avant 1946, en dépit du fait qu'il les avait admises ensuite en 1958 et 1961, puis en 1986, respectivement dans le cadre de l’autorisation de construire DD 3______ et de la procédure de mise à l'inventaire de la propriété.

S’agissant des autres objets litigieux (D, J, K, N) ils ont repris les arguments développés dans leurs précédentes écritures.

21.         Dans sa duplique du 20 juillet 2022, dans le cadre de la procédure A/559/2022, l’OAC a persisté dans ses conclusions, contestant le fait que le DT avait eu l’intention de dissimuler l’instruction en parallèle d’une procédure d’infraction.

22.         Dans ses observations du 9 septembre 2022, dans le cadre de la procédure A/2271/2022, l’OAC a conclu au rejet du recours, précisant que la décision contestée devait effectivement être considérée comme une décision finale pouvant faire l’objet d’un recours dans un délai de trente jours.

S’agissant de l’art. 1 al. 1 LCI du 27 avril 1940, à teneur duquel, sur tout le territoire du canton, nul ne pouvait sans avoir adressé une requête au département compétent et avoir obtenu de celui-ci une autorisation « procéder à des fouilles en pleine masse, ou à des apports de terre qui modifient la configuration d'un terrain », cette loi apportait une modification importante aux « objets soumis à autorisation », sans pour autant que les travaux préparatoires de l’époque ne l’aient commentée (Mémorial du Grand Conseil pour les années 1938 à 1940 faisant référence au projet de modification de la loi sur les constructions et les installations diverses). Les recherches menées n’avaient certes pas permis de déterminer la définition de la notion de « configuration du terrain ». Cependant, selon le dictionnaire de l’académie française, il s’agissait « d’aspect général » ce qui laissait supposer que non seulement le nivellement du terrain devait être pris en compte, mais également son apparence extérieure. Or, l'apport de gravier nécessaire à la création du jardin à la française et du chemin d'accès avait eu un impact visuel et esthétique sur la parcelle susmentionnée qui était située à l'époque en cinquième zone à bâtir, soit celle exclusivement réservée « aux villas, aux exploitations rurales et aux grands domaines de plaisance » (art. 13 al. 9 LCI du 27 avril 1940). Il apparaissait ainsi, qu’à l’époque déjà, les objets E et F étaient soumis à autorisation de construire, ce que confirmait la jurisprudence constante actuellement applicable.

S’agissant des objets J, K et N, l’art. 1 LCI du 27 avril 1940 précisait clairement que sur tout le territoire du canton, nul ne pouvait, sans avoir adressé une requête au département compétent et avoir obtenu de celui-ci une autorisation « élever ou modifier des clôtures, murs et portails ». Contrairement aux allégations des recourants, ces constructions étaient bien soumises à autorisation de construire.

En outre, même si le dossier portant sur l’autorisation de construire DD 7______ n'était malheureusement plus disponible, force était de constater que la demande ne concernait ni des portails (objets J et K) ni une clôture (objet N) mais un mur. Il était ainsi peu probable que d'autres constructions aient été envisagées dans le cadre de cette demande. En tout état, si l'édification de ces constructions et installations apparaissait nécessaire à ce genre de propriété, selon l'expérience de la vie et le cours ordinaires des choses, il n’en demeurait pas moins qu’il appartenait aux recourants d'apporter la preuve de la date de leur réalisation et de leur conformité au droit alors applicable, ce qu'ils n’étaient apparemment pas en mesure de faire.

Finalement, il prenait bonne note de la position des recourants s’agissant de l’objet D.

23.         Le 10 octobre 2022, les recourants ont dupliqué, sous la plume de leur conseil.

L’autorité intimée tentait de modifier a posteriori le contenu de la décision attaquée, qui ne concernait que les objets E, F, K et N, en affirmant qu’elle concernait également l’objet J. Un tel comportement était contraire à l’effet dévolutif du recours et toute l'argumentation juridique concernant cet objet, non visé par le litige, devait être écartée.

Cela étant, aucun élément ne permettait d’affirmer que l’art. 1 al. 1 let. d LCI du 27 avril 1940 s’appliquait aux objets E et F. La jurisprudence citée par l’autorité intimée exprimait, non pas la conception de 1940 mais celle de 2022 qui s’était développée après l’entrée en vigueur de la LAT, le 1er janvier 1980, et la jurisprudence relative à l’art. 22 al. 1 LAT selon laquelle, pour déterminer si une mesure de construction était suffisamment importante pour être soumise à la procédure d'autorisation de construire, il fallait déterminer si, en général, selon le cours ordinaire des choses, elle avait des conséquences spatiales si importantes qu'il existait un intérêt du public ou des voisins à un contrôle préalable. Cette jurisprudence n’existait pas en 1940. Il avait fallu plusieurs arrêts du Tribunal fédéral pour admettre qu'une gravière ou une glaisière impliquait des mouvements de terre si importants que cela justifiait l'assujettissement à autorisation, ce n'était manifestement pas une question qui se posait en 1940. La voie proposée par l’OAC allait donc à l’encontre de la jurisprudence fédérale.

S’agissant des jardins, le Tribunal fédéral ne prenait en considération que les plantations d’arbres, le critère déterminant étant le remplacement d'un terrain agricole libre de tout aménagement ou plantation par un parc paysager. En l’occurrence, s’agissant des objets E et F, la comparaison entre la photo de 1932 et celle de 2020 démontrait qu’il n’y avait aucun changement d’affectation d’un terrain agricole en jardin d'agrément. Il s'agissait simplement du réaménagement d'un jardin qui existait déjà devant la maison. Il n'y avait donc aucun impact sur le paysage ni de changement d'affectation. Il n'y avait pas non plus d'exclusion d'une activité agricole qui n'existait pas en 1932 ni très probablement depuis de nombreuses années avant cette date, au vu l'arborisation de la parcelle. Il était ainsi impossible de considérer qu'un tel jardin ou le chemin puissent être sujets à autorisation.

En outre, l’autorité intimée tentait de faire une distinction qui n’existait pas entre les terrasses en gravier et le jardin à la française ainsi que l'allée. En effet, en 1932, les terrasses en gravier étaient de dimension réduite par rapport à celles réalisées après la rénovation en 1960. À cette époque, du gravier avait été posé tant sur les terrasses que dans le jardin à la française. Il s'agissait d'un revêtement de sol perméable qui ne changeait pas sa nature et qui n’était pas soumis à autorisation, que ce soit en zone agricole ou en zone villa. Or, si l’OAC admettait des terrasses, elle devait aussi admettre les terrasses en gravier et le jardin à la française, de même que l'allée, sauf à violer gravement le droit à l'égalité de traitement.

S’agissant des objets K et N (portails), l’OAC considérait qu’ils n’avaient pas été autorisés, au motif qu’ils n’étaient pas inclus dans l’autorisation de construire DD 7______. Or, il ne pouvait pas se prévaloir de sa propre faute, soit la destruction du dossier DD 7______ pour affirmer que ces objets avaient été réalisés sans autorisation, étant relevé que quand on réalisait une enceinte autour d'une propriété historique, on prévoyait des accès, si bien qu’il ne pouvait pas y avoir d'enceinte sans portail.

La situation était similaire pour la clôture périphérique qui était formée de fils métalliques attachés à des poteaux en bois, sans aucun ancrage en béton et noyés dans la végétation. Même à admettre qu’elle était assujettie à autorisation de construire, il y avait lieu de retenir qu’elle devait être incluse dans l’autorisation de construire DD 7______.

Les recourants ont enfin mentionné une jurisprudence relative à une affaire dans laquelle le DT se prévalait de plans d’autorisation qui avaient disparu pour contester les dimensions d’un manège. Or, sur la base des faits, de photos et d’autres documents, il avait été admis que la taille réelle du manège était nettement supérieure à celle retenue par le DT, même en l’absence de plans.

24.         Dans sa duplique du 1er novembre 2022, l’OAC a intégralement persisté dans ses conclusions, précisant qu’il avait effectivement renoncé à demander aux recourants de remettre en état l’un des deux portails, soit l’objet J et qu’il avait fait référence à cet objet dans ses observations du 9 novembre 2022, par simple inadvertance.

25.         Dans le dossier relatif à l’autorisation de construire DD 5______ figurent notamment les pièces suivantes :

-          Un courrier du département des travaux publics daté du 1er octobre 1979, à teneur duquel un contrôle avait été effectué par un inspecteur qui avait constaté que les travaux avaient été exécutés conformément à l’autorisation de construire délivrée ;

-          la requête en permis d’habiter ou d’occuper datée du 28 août 1979 (délivrée le 1er octobre 1979), accompagnée d’un tableau de mutation comprenant un tableau intitulé « Etat des contenances ». Dans la colonne « Bâtiments natures » figurent notamment « Place, jardin, parc, champs, prés ».

26.         Au dossier figurent notamment les photographies aériennes datant de 1932 et de 1946. Sur la première, le rectangle situé devant la maison est de couleur foncée (identique à celle de la végétation alentour), alors que sur la deuxième, ce rectangle a visiblement subi des modifications. Le jardin à la française (objet E) dont les contours apparaissent en blanc est clairement visible, de même que l’allée (objet F), également en blanc, qui n’apparaissaient pas sur la photographie datant de 1932.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Les recours A/559/2022 et A/2271/2022 se rapportant à un même état de fait et à une cause juridique commune, ils seront joints sous le numéro de procédure A/559/2022.

3.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, les recours sont recevables au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

4.             Les recourants font valoir des griefs d’ordre formel qu’il convient d’examiner en premier.

5.             Dans le cadre du recours A/559/2022, ils reprochent tout d'abord à la décision litigieuse de ne pas mentionner les voies et délais de recours. Il convient à cet égard de souligner que, nonobstant le libellé imprécis de cet acte, il s'agit bien d'une décision dont la qualification comme telle est admise par les parties. Les recourants relèvent par ailleurs, dans le cadre de leur recours A/2271/2022, que la décision du 24 juin 2022 indiquait un délai de recours erroné. Les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA).

D'après un principe général du droit, protégeant la bonne foi du citoyen, et concrétisé par l'art. 47 LPA, le défaut d'indication ou l'indication incomplète ou inexacte des voies de droit ne doit en principe entraîner aucun préjudice pour les parties (cf. ATF 138 I 49 consid. 8.3.2).

L'erreur peut consister dans l'indication fausse, peu claire ou équivoque de l'autorité compétente ou du délai à respecter, mais aussi de la voie à suivre. En revanche, le renseignement ne peut évidemment créer un recours qui n'existe pas. Mais le remède peut varier (délai respecté ou restitution, transmission à l'autorité compétente, etc.). Le principe est que la possibilité de recourir ne saurait être restreinte ni écartée; l'administré ou le justiciable ne doit pas subir un dommage (ATF 117 Ia 297 consid. 2 et les références citées).

Il y a lieu d'examiner, d'après les circonstances du cas concret, si les parties intéressées ont réellement été induites en erreur par l'irrégularité de la notification et ont, de ce fait, subi un préjudice (arrêt du Tribunal fédéral 2D_16/2016 du 14 novembre 2016 consid. 3.1).

6.             En l'occurrence, malgré le fait que la décision du 14 janvier 2022 n'indiquait ni voie, ni délai de recours et que celle du 24 juin 2022 indiquait un délai de recours erroné de dix jours au lieu de trente (arrêt du Tribunal fédéral 2C_458/2021 du 2 décembre 2021 et art. 62 al. 1 let. a LPA), les recourants, assisté de leur conseil, ont tout de même été en mesure de contester ces deux décisions devant l’autorité compétente et dans les délais prescrits, de sorte qu’ils n’ont subi aucun préjudice.

Par conséquent, les violations qu'emportent ces deux décisions aux art. 46 al. 1 et 62 al. 1 let. a LPA restent sans conséquences, de sorte qu'il n'y a pas lieu de les annuler pour ce motif.

7.             Les recourants relèvent ensuite qu'ils n'ont pas été consultés par l'autorité intimée avant qu'elle ne prenne la décision du 14 janvier 2022, de sorte que leur droit d'être entendu avait été violé. Cette violation découlerait également de l'absence de motivation de cette décision, qui ne permettrait pas de comprendre pour quelle raison certains objets seraient considérés comme illicites et d'autres pas.

8.             Garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références). Il inclut notamment le droit, pour le justiciable, de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment (art. 41 LPA), de produire des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

Le droit d'être entendu implique aussi, pour l'autorité, l'obligation de motiver sa décision. Selon une jurisprudence constante, l'obligation de motiver n'impose pas à l'autorité d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_298/2017 du 30 avril 2018 consid. 2.1). Il suffit, au regard de ce droit, qu'elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que les intéressés puissent se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 139 IV 179 consid. 2.2 ; 138 I 232 consid. 5.1). La portée de l'obligation de motiver dépend des circonstances concrètes, telles que la nature de la procédure, la complexité des questions de fait ou de droit, ainsi que la gravité de l'atteinte portée à la situation juridique des parties. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée. En outre, la motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 IV consid. 3.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_415/2019 du 27 mars 2020 consid. 2.1 et les arrêts cités ; 1C_298/2017 du 30 avril 2018 consid. 2.1). Il n'y a ainsi violation du droit d'être entendu que si l'autorité ne satisfait pas à son devoir minimum d'examiner et de traiter les problèmes objectivement pertinents (ATF 139 IV 179 consid. 2.2 ; ATF 134 I 83 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_72/2020 du 1er mai 2020 consid. 3.3.1 ; 2C_56/2015 du 13 mai 2015 consid. 2.1).

9.             La jurisprudence admet qu'une violation du droit d'être entendu en instance inférieure peut être réparée lorsque l'intéressé a eu la faculté de se faire entendre en instance supérieure par une autorité disposant d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 134 I 331 consid. 3.1 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; 130 II 530 consid. 7.3 et les arrêts cités). Une telle réparation dépend de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 126 I 68 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_819/2018 du 25 janvier 2019 consid. 3.8). Elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C/72/2019 du 13 mai 2019 consid. 3. 1 ; ATA/779/2021 du 27 juillet 2021 consid. 4b ; ATA/1194/2019 du 30 juillet 2019 consid. 3c et les arrêts cités). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/779/2021 du 27 juillet 2021 consid. 4b ; ATA/1108/2019 du 27 juin 2019 consid. 4c et les arrêts cités).

10.         En l’espèce, les recourants n’ont effectivement pas eu l’occasion de se déterminer avant que la décision du 14 janvier 2022 ne soit rendue. Ils ont toutefois eu la possibilité de faire valoir leurs arguments pendant l'instruction du recours A/559/2022 aussi efficacement qu'ils auraient pu le faire avant le prononcé de cette décision. En outre, ils ont été invités à se déterminer avant que l'autorité intimée ne prenne la décision du 24 juin 2022, qui concerne les mêmes objets que la précédente, de sorte qu'en tout état, leur droit d'être entendu a été réparé déjà à ce stade. Cette réparation devrait également être constatée au stade de la présente procédure, vu les échanges intervenus entre les parties et le plein pouvoir de cognition du tribunal. Dans ces conditions, le renvoi de la cause à l’autorité intimée pour violation du droit d'être entendu ne constituerait qu’une vaine formalité.

11.         S’agissant de la motivation de la décision du 24 juin 2022, elle est certes très succincte. L’OAC s’est néanmoins expressément référé au constat établi le 12 novembre 2021, à son courrier du 29 avril 2022, ainsi qu’à celui des recourants du 6 mai 2022. Dans la mesure où la décision du 14 janvier 2022 reprenait la teneur du rapport établi suite au constat du 12 novembre 2021 et au vu de la teneur des courriers précités, les recourants, représentés par leur conseil, étaient en mesure de comprendre les raisons qui avaient amené l’OAC à prendre cette décision.

Ils ont d’ailleurs pu motiver leur recours de manière complète. Pour sa part, l’autorité intimée s'est expliquée en détail dans ses observations du 9 septembre 2022 et les recourants ont pu répliqué le 10 octobre 2022. Il convient de préciser à cet égard qu’un éventuel défaut de motivation peut être réparé par la prise de position de l'autorité intimée, suite à un recours, si, comme en l’espèce, l'administré se voit offrir la possibilité de s'exprimer à son sujet et que l'autorité de recours peut examiner librement les questions de fait et de droit (cf. ATF 133 I 201 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_272/2010 du 16 mars 2011 consid. 2.6.2 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1577 p. 522 et les arrêts cités).

Ce grief sera également écarté.

12.         Sur le fond, il convient de définir l'objet du litige et de délimiter le champ des questions juridiques que le tribunal doit examiner.

13.         Comme en conviennent les parties, la décision du 14 janvier 2022 est une pure décision constatatoire au sens de l'art. 4 al. 1 let. b LPA, qui constate uniquement l'illicéité de certaines constructions, sans impliquer en elle-même aucun droit ou obligation pour les recourants. La décision du 24 juin 2022 comporte quant à elle deux volets. D'une part, elle reprend les constatations faites par la décision du 14 janvier 2022 (en en restreignant la portée puisqu'elle renonce à considérer l'objet J comme illicite) et, d'autre part, elle ordonne aux recourants, alternativement, de déposer une demande d'autorisation pour tenter de régulariser les objets illicites, ou de les supprimer.

14.         Dans la mesure où la seconde décision reprend la première et en restreint le champ, elle constitue une reconsidération de celle-ci et l'annule implicitement, de sorte que le recours interjeté dans la procédure relative à la décision du 14 janvier 2022 n'a plus d'objet, ce qu'il conviendra de constater.

15.         Il convient par ailleurs de relever que, dans la mesure où les recourants se sont déclarés disposés à démolir l'objet D et que l'OAC a renoncé à demander la remise en état de l'objet J, l’examen du tribunal ne portera que sur les objets E, F, K et N qui seuls demeurent litigieux.

Concernant ces quatre objets, les parties s'opposent sur la question de savoir si leur construction était soumise à autorisation. Les recourants le contestent en rappelant tout d'abord la jurisprudence fédérale rendue au sujet de l'art. 24c LAT, concernant les constructions érigées légalement avant le 1er juillet 1972.

Il convient donc d'examiner la portée de cette argumentation.

16.         Selon la LAT, aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente. L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 1 et 2 let. a LAT).

17.         Aux termes de l'art. 24c al. 1 LAT, hors de la zone à bâtir, les constructions et installations qui peuvent être utilisées conformément à leur destination mais qui ne sont plus conformes à l'affectation de la zone bénéficient en principe de la garantie de la situation acquise.

Le champ d'application de l'art. 24c LAT est restreint aux constructions et installations qui ont été érigées ou transformées conformément au droit matériel en vigueur à l'époque, mais qui sont devenues contraires à l'affectation de la zone à la suite d'une modification de la législation ou des plans d'aménagement. La date déterminante est en principe celle du 1er juillet 1972, date de l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 8 octobre 1971 sur la protection des eaux contre la pollution, qui a introduit le principe de la séparation du territoire bâti et non bâti (ATF 129 II 396 consid. 4.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_491/2020 du 10 mai 2021 consid. 2.1 et les références citées). L’art. 41 al. 1 OAT précise qu’il s’agit de constructions et installations « érigées ou transformées légalement avant l’attribution du bien-fonds à un territoire non constructible au sens du droit fédéral ». Les possibilités offertes par l'art. 24c LAT ne peuvent être utilisées qu'une seule fois (arrêt du Tribunal fédéral 1C_347/2014 du 16 janvier 2015 consid. 3.5). La garantie de la situation acquise de l'art. 24c LAT profite ainsi aux constructions érigées ou transformées de manière conforme au droit matériel alors en vigueur et elle ne saurait s'appliquer aux constructions et installations transformées ou érigées illégalement, même si le rétablissement de l'état conforme au droit n'a pas pu être effectué pour des raisons de proportionnalité, de prescription ou de péremption (Bernhard Waldmann/Peter Hänni; Raumplanungsgesetz, 2006, n. 4 ad art. 24c LAT; Piermarco Zen-Ruffinen/Christine Guy-Ecabert, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, n. 598 p. 280 et les références) (arrêt du Tribunal fédéral 1C_502/2008 du 10 juin 2009 consid. 2.1). La non-conformité doit résulter d'une modification de la situation juridique (cf. RUDOLF MUGGLI, Commentaire LAT, 2010, n. 11 ad art. 24c LAT) (arrêt du Tribunal fédéral 1C_249/2017 du 14 novembre 2017 consid. 5.1).

18.         En l'occurrence, l'art. 24c LAT et la jurisprudence rendue en application de cette disposition légale n'apparaissent pas déterminants. Il faut relever que les quatre objets litigieux sont, comme en conviennent les deux parties, antérieurs au 1er juillet 1972 et que la question de leur licéité ne se pose donc qu'en regard des normes cantonales en vigueur au moment où ils ont été érigés.

19.         C'est ainsi sous l'angle des normes de droit des constructions applicables dans le canton de Genève à l'époque de l'édification de chacun de ces objets que le dispositif de la décision du 24 juin 2022 doit être examiné.

20.         L’art. 1 de l’ancienne LCI du 9 mars 1929 (ROLG 1928-1929 P. 114 s) prévoyait que "sur tout le territoire du canton, nul ne peut élever une construction, modifier tant en hauteur qu’en surface un immeuble, en changer la distribution, élever ou modifier des clôtures bordant les voies publiques, sans avoir adressé au département des travaux publics une requête et avoir obtenu de celui-ci une autorisation".

21.         Cette disposition a ensuite été modifiée par loi du 27 avril 1940, entrée en vigueur le 8 juin 1940. Elle prévoyait alors que " sur tout le territoire du canton, nul ne peut sans avoir adressé une requête au département chargé des travaux publics et avoir obtenu de celui-ci une autorisation, élever une construction telle que bâtiments d'habitation, industriels ou agricoles (let. a), modifier tant en hauteur qu'en surface un immeuble en changer, même partiellement, la distribution ou la destination ou apporter des modifications à l'architecture extérieure et à la couleur des façades (let. b), élever ou modifier des clôtures, murs et portails (let. c) ou procéder à des fouilles en pleine masse ou à des apports de terre qui modifient la configuration d’une parcelle ou d’un terrain (let. d).

22.         L’art. 3 al. 2 RCI du 3 novembre 1942, adopté en application de la LCI du 27 avril 1940, prévoyait que "les apports de terre de nature à modifier sensiblement le terrain naturel, les fouilles en pleine masse, tunnels et, en général, tous travaux de terrassement en remblais ou déblais font l’objet d’une requête au département des travaux publics indiquant la nature exacte des travaux".

La LCI du 27 avril 1940 a ensuite été remplacée par une nouvelle loi du 1er avril 1959, mais l'art. 1 a été repris tel quel d'une loi à l'autre.

23.         Enfin, la LCI actuelle, adoptée le 14 avril 1988, prévoit à son art. 1 al. 1 que sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a), modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (let. b), démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation (let. c), modifier la configuration du terrain (let. d).La notion de construction ou installation est indéterminée, laissant ainsi à la jurisprudence le soin de la définir. Selon elle, il faut entendre par là tous les aménagement durables créés par la main de l’homme, qui sont fixés au sol et qui ont une incidence sur son affectation, soit qu’ils modifient sensiblement l’espace extérieur, soit qu’ils aient des effets sur l’équipement ou qu’ils soient susceptibles de porter atteinte à l’environnement ; la notion de construction et d’installation étant de droit fédéral, les cantons ne peuvent s’en écarter (ATA/61/2011 du 1er février 2011 ; ATA/640/2004 du 24 août 2004).

Cette définition jurisprudentielle comporte quatre conditions cumulatives. Tout d'abord, la création par la main de l'homme, excluant toute modification naturelle du terrain. Ensuite, l'aménagement doit revêtir un caractère durable, contrairement à une construction provisoire qui peut être enlevée sans frais excessifs et dont l'existence est limitée dans le temps de manière certaine. Il convient encore de tenir compte de la condition de la fixation au sol de la construction. Le fait que la construction ou l’installation soit amovible ne suffit pas pour les dispenser de l’assujettissement au régime de l’autorisation (ATA/640/2004 du 24 août 2004). Le fait qu'un élément ait un caractère mobilier ou puisse être facilement enlevé ou déplacé n'est pas relevant. En effet, le Tribunal administratif a considéré que des bacs à fleurs, amovibles et emboîtés les uns dans les autres de manière à former un muret continu, représentaient « une barrière architecturale » modifiant sensiblement la configuration des lieux, pour laquelle un permis de construire était nécessaire (ATA E. du 28 août 1991). Le Tribunal fédéral, dans son arrêt 1P.663/1991 du 17 février 1992, consid. 2c, a estimé que cette solution n’était pas arbitraire. Par exemple encore, un terrain de pétanque et une cabane de jardin ont été considérés comme des constructions soumises à autorisation (ATA/832/2005).

24.         La loi fédérale n'énonce pas non plus de critères détaillés pour distinguer les constructions et installations soumises à une autorisation ordinaire fondée sur l'art. 22 LAT ou à une autorisation dérogatoire au sens des art. 24 ss LAT des aménagements qui en sont dispensés. La notion de constructions ou d'installations a fait l'objet de nombreuses précisions jurisprudentielles. Sont considérés comme des constructions ou installations au sens de l'art. 22 al. 1 LAT tous les aménagements durables et fixes créés par la main de l'homme, exerçant une incidence sur l'affectation du sol, soit parce qu'ils modifient sensiblement l'espace extérieur, soit parce qu'ils chargent l'infrastructure d'équipement ou soit encore parce qu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'environnement (ATF 140 II 473 consid. 3.4.1 ; 123 II 256 consid. 3 ; 119 Ib 222 consid. 3a). Une autorisation est ainsi nécessaire non seulement pour les constructions proprement dites, mais aussi pour les simples modifications du terrain, si elles sont importantes. La modification du terrain par nivellement, excavation ou comblement n'est d'ailleurs pas seule déterminante pour l'assujettissement de travaux à la procédure d'autorisation; celui-ci dépend avant tout de leur importance globale du point de vue de l'aménagement du territoire. La procédure d'autorisation doit permettre à l'autorité de contrôler, avant la réalisation du projet, sa conformité aux plans d'affectation et aux diverses réglementations applicables.

Pour déterminer si l'aménagement prévu est soumis à cette procédure, il faut évaluer si, en général, d'après le cours ordinaire des choses, cet aménagement entraînera des conséquences telles qu'il existe un intérêt de la collectivité ou des voisins à un contrôle préalable (ATF 139 II 134 consid. 5.2 ; 123 II 256 consid. 3 ; 119 Ib 222 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_50/2020 du 8 octobre 2020 consid. 6.1). L'art. 103 de la loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions va dans le même sens en soumettant à une autorisation de construire tout travail de nature à modifier de façon sensible la configuration, l'apparence ou l'affectation du sol (cf. Benoît Bovay, Le permis de construire en droit vaudois, 2e éd., Lausanne 1988, p. 35) (arrêt du Tribunal fédéral 1A.276/2006 du 25 avril 2007 consid. 5.1).

Ainsi, un jardin potager et des plantations ne sont pas des constructions, au sens ordinaire de bâtiments; il n'est toutefois pas exclu de les assimiler à des installations, au même titre que les modifications apportées au terrain ou au paysage (clôtures, barrières, mares, étangs, etc.). Contrairement au cas du terrain laissé à l'abandon, où la végétation s'installe peu à peu, la plantation d'arbres pourrait, selon les cas, impliquer une modification sensible du paysage, par la main de l'homme, par nature durable et rattachée au sol. Cette question doit être résolue non pas de manière théorique, mais en fonction de l'impact concret que peut avoir ce genre de plantations sur l'affectation du sol, et, en particulier, sur l'esthétique du paysage. Entrent notamment en considération l'importance et le type de plantations, leur surface, leur densité et leur agencement, de même que leur situation dans l'environnement existant. Ainsi, un agrandissement modeste d'un jardin privatif, par la plantation de quelques arbres dans l'environnement proche de la maison d'habitation, pourrait échapper à l'assujettissement. En revanche, la création d'un véritable parc paysager d'une certaine étendue, sur une surface auparavant libre de toute plantation, comporte un impact important sur le paysage, ainsi qu'un changement d'affectation: le caractère d'agrément deviendrait alors prépondérant et exclurait durablement toute exploitation agricole (arrêt 1A.77/2003 du 18 juillet 2003 consid. 3.3; voir aussi arrêt 1A.36/2001 du 29 janvier 2002 consid. 3.2, s'agissant d'un terrain planté en vigne aménagé en jardin d'agrément).

La question de l'assujettissement à une autorisation doit être examinée de cas en cas à la lumière des critères susmentionnés (arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2011 du 5 septembre 2011 consid. 3.3).

L'assujettissement a ainsi été admis pour divers travaux de remblayage ou de creusement (arrêt du 2 mai 2001 publié in Pra 2001 126 753 et la jurisprudence citée), mais aussi en l'absence de toute modification de terrain, lorsque le projet a une incidence sur l'affectation du sol. Il peut s'agir d'un impact esthétique, par effet de contraste sur l'environnement; tel est le cas des clôtures et barrières hors de la zone à bâtir (ATF 118 Ib 49). Il en va de même pour des aménagements extérieurs tels que des balustrades préfabriquées, des colonnes en pierre ou une terrasse (arrêt 1A.156/2004 du 5 novembre 2004 consid. 3.3; cf. également les nombreux exemples cités par WALDMANN/HÄNNI, Raumplanungsgesetz, Handkommentar, 2006, n° 15 ad art. 22 LAT; RUCH, op. cit., n° 24 ad art. 22 LAT; ZEN-RUFFINEN/GUY-ECABERT, op. cit., p. 214 ss).

De même, le Tribunal fédéral a jugé que les constructions/installations suivantes étaient soumises à autorisation :

Un tissu géotextile de 5’773m2 recouvrant des talus replantés de vignes en terrasse en zone viticole protégée, dès lors que même si le tissu géotextile ne modifiait pas la vocation agricole de la parcelle, il exerçait une influence sur l'affectation du sol par une modification sensible de l'espace extérieur (arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2011 du 5 septembre 2011 consid. 3.3) ;

Dans le cadre de la transformation d’un chalet de week-end démontable, situé en partie en zone de protection du paysage et en partie en zone forestière, parmi diverses autres modifications effectuées sans autorisation, l’aménagement d’une terrasse constituée de quelques dalles posées sur une surface d'environ 10 à 15 m2 qui aggravait l'illégalité des modifications effectuées et modifiait les abords du chalet (arrêts 1C_162/2019, 1C_163/2019 du 25 novembre 2019 consid. 3.5) ;

Un jardin potager de 750 m2, en zone agricole, soit une surface relativement importante qui était soustraite durablement à une utilisation agricole. Il s’agissait d’un jardin d’agrément et peu importait à cet égard que la surface puisse être aisément rétablie à un usage agricole conforme à la zone. Un tel critère n'entrait pas en considération pour décider de la soumission d'un tel aménagement à une autorisation de construire. L'impact d'un jardin potager d'une telle ampleur sur le paysage et sur l'utilisation agricole du fonds n'était pas négligeable (arrêt du Tribunal fédéral 1A.276/2006 du 25 avril 2007 consid. 5.3) ;

Un paddock de 720 m2 (carré de sable) et son chemin d’accès construits en zone agricole (arrêt du Tribunal fédéral 1C_170/2008 du 22 août 2008).

25.         Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_1156/2018 du 12 juillet 2019 consid. 3.3 et les arrêts cités).

26.         Lorsque les preuves font défaut ou s'il ne peut être raisonnablement exigé de l'autorité qu'elle les recueille pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2 ; 1C_170/2011 du 18 août 2011 consid. 3.2 et les références citées ; ATA/99/2020 du 28 janvier 2020 consid. 5b). Il appartient ainsi à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l'administration de démontrer l'existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a ; ATA/1155/2018 du 30 octobre 2018 consid. 3b et les références citées).

Par ailleurs, en procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_2/2020 du 13 mai 2020 consid. 3.1 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre de celles-ci qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b et les arrêts cités), aucun moyen de preuve ne s'imposant à lui (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 6B_58/2017 du 21 août 2017 consid. 2.1 ; 6B_564/2013 du 22 avril 2014 consid. 2.3).

27.         En l’espèce, ni les recourants ni le département n’ont été en mesure d’établir l’année de construction du jardin à la française (objet E) et de l’allée en gravier (objet F). Leur construction peut toutefois être située entre 1932 et 1946 car ils n’apparaissent pas sur la photographie aérienne de 1932 mais ils sont visibles sur celle de 1946. Les diverses recherches menées par le tribunal n’ont pas non plus permis de dater leur année de construction (notamment sur le site internet https://www.swisstopo.admin.ch/), indication qui est d’importance.

28.         Cette question peut cependant rester indécise, car même à supposer l'applicabilité de la LCI du 27 avril 1940 au moment de la construction de ces deux objets, on ne saurait considérer qu'ils ont entraîné des modifications sensibles du terrain naturel au sens de l'art. 1 al. 1 let. d de cette loi et de l'art. 3 al. 2 de son règlement d'application, que ce soit en termes de fouilles, terrassement ou apports de terre. Ainsi qu'en attestent les photographies aériennes du périmètre, la parcelle en cause est essentiellement plate et l'on ne voit pas quels travaux de remblais ou de déblais d'une certaine importance auraient été nécessaires pour l'aménagement des allées et du jardin à la française, ni de l'allée de gravier menant de la demeure jusqu'à l'extrémité de la parcelle.

29.         Par conséquent, c'est à tort que l'autorité intimée a retenu dans sa décision que les objets E et F avaient été construit de manière illicite.

Il en va autrement des objets K (portail) et N (clôture périphérique) qui ont été datés de 1960 par le représentant des propriétaires. En effet, ces objets sont incontestablement des constructions ou installations qui nécessitaient des autorisations, en application de l’art. 1 al. 1 let. c LCI du 1er avril 1959 qui, reprenant de manière inchangée l'art. 1 al. 1 let. c de la LCI du 27 avril 1940, visait explicitement de tels aménagements.

30.         Or, il ne ressort pas du dossier que des autorisations aient été obtenues, ni même demandées et aucun élément ne permet d’affirmer que ces objets auraient été inclus dans l’autorisation de construire DD 7______ du 20 avril 1959 qui portait uniquement sur un mur. Le raisonnement que tiennent les recourants au sujet du fait que la rénovation complète de la demeure, à la même époque, devait nécessairement impliquer l'édification d'un portail d'accès au domaine, ainsi que d'une clôture, et que ces objets devaient donc être inclus dans l'une des autorisations de construire délivrées à cette époque, ne suffit pas pour constituer une preuve, différentes hypothèses contraires pouvant également être retenues (comme par exemple la présence sur les lieux d'un gardien, le souhait du propriétaire de pouvoir circuler en entrant et sortant de son domaine sans avoir à ouvrir ou fermer à chaque fois un portail, la plantation d'une haie plutôt que d'une clôture, de manière à s'abriter visuellement du voisinage, etc.) En l'absence de preuve apportée par les propriétaires sur le fait que les objets K et N ont été construits au bénéfice d'une autorisation de construire, force est de constater qu'ils ont été édifiés de manière illégale. Les recourants reprochent à l’autorité intimé d’avoir traité différemment deux portails non autorisés, soit les objet L et K, en retenant que le premier était licite, contrairement au second.

31.         La protection contre l'arbitraire (art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) et celle de l'égalité (art. 8 Cst.) sont étroitement liées. Un acte - une décision ou un arrêté - est arbitraire lorsqu'il ne repose pas sur des motifs sérieux et objectifs ou n'a ni sens ni but. Il viole le droit à l'égalité ancré à l'art. 8 Cst. lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente ; cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 142 I 195 consid. 6.1 ; 139 I 242 consid. 5.1 ; 138 I 265 consid. 4.1 ; 136 I 297 consid. 6.1 ; 135 I 130 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_285/2015 du 27 avril 2016 consid. 5). L'inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 141 I 153 consid. 5.1 ; 140 I 77 consid. 5.1 ; 137 V 334 consid. 6.2.1 ; 134 I 23 consid. 9.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_285/2015 du 27 avril 2016 consid. 5).

32.         En l’espèce, l’autorité intimée a expliqué dans ses écritures les motifs pour lesquels il avait considéré que l’objet L était licite à la différence de l’objet K.

En effet, le représentant des propriétaires avait daté l’objet L de 1900 alors qu’il avait daté l’objet K de 1960 et l’autorité intimée avait fait preuve de tolérance en admettant qu’il était plausible que l’objet L datait de 1900, soit avant l’entrée en vigueur de la LCI du 9 mars 1929.

Dans la mesure où les objets K et L ne datent pas de la même année et qu’ils ne sont donc pas soumis à la même législation, c’est à bon droit que l’autorité intimé les a traités différemment.

Ce grief sera donc rejeté.

33.         Aux termes de l'art. 129 LCI, le département peut ordonner les mesures suivantes à l’égard des constructions, des installations ou d’autres choses : la suspension des travaux (let. a) ; l’évacuation (let. b) ; le retrait du permis d’occupation (let. c) ; l’interdiction d’utiliser ou d’exploiter (let. d) ; la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (let. e).

Ces mesures peuvent être prises lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la loi, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 130 LCI).

L'art. 131 LCI stipule que les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI.

Lorsqu'il constate qu’une construction a été érigée sans droit, le département peut inviter l’intéressé à déposer une autorisation de construire, ce qui peut constituer une alternative à une remise en état (ATA/1548/2017 du 28 novembre 2017 consid. 4a).

34.         En l’espèce, dans sa décision du 24 juin 2022, l’OAC a notamment indiqué que la réalisation des objets D, E, F, K et N était soumise à l’obtention d’une autorisation de construire et a ordonné aux recourants de requérir une autorisation de construire définitive dans un délai de trente jours ou de procéder, dans le même délai, à la mise en conformité des lieux en procédant à la suppression et à l’évacuation des objets précités.

Compte tenu des développements qui précèdent et dès lors que les objets E et F ne sont, au terme du présent jugement, plus concernés, il conviendra de confirmer cette décision en tant qu’elle concerne les objets D, K et N.

C'est le lieu de préciser que le présent jugement se contente d'examiner si les objets litigieux étaient soumis à autorisation au moment de leur édification et s'ils ont été érigés au bénéfice d'une telle autorisation. Comme la décision querellée laisse aux recourants le choix de tenter de régulariser ces objets plutôt que d'en entreprendre d'emblée la démolition, il est prématuré d'examiner si un ordre de démolition que l'autorité intimée souhaiterait ultérieurement prononcer contre deux objets de peu d'importance construits en 1960 respecterait le principe de proportionnalité. Le tribunal ne se prononcera donc pas à ce stade sur cette question.

S’agissant de l’objet D, les recourants se sont déclarés disposés à le démolir, ce dont le tribunal leur donne acte.

35.         Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision du 24 juin 2022 sera annulée en tant qu’elle concerne les objet E et F. Elle sera confirmée pour le surplus.

36.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, dont le premier recours est devenu sans objet suite à la seconde décision du département et dont le second recours est partiellement admis, sont condamnés, pris solidairement, au paiement d’un émolument réduit s'élevant à CHF 600.- ; il est couvert par les avances de frais totalisant CHF 1'800.- versées à la suite du dépôt des recours. Le solde des avances de frais, soit CHF 1'200.-, sera restitué aux recourants. Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure réduite de CHF 800.- sera allouée aux recourants, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui l'autorité intimée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             ordonne la jonction des recours enregistrés sous les numéros de procédure A/559/2022 et A/2271/2022 sous le numéro de procédure A/559/2022.

2.             déclare recevables les recours interjetés les 16 février et 7 juillet 2022 par Madame A______, Monsieur B______ et Monsieur C______ contre les décision du département du territoire des 14 janvier et 24 juin 2022 ;

3.             constate que la décision rendue le 14 janvier 2022 par le département du territoire a été entièrement remplacée par la décision rendue par cette autorité le 24 juin 2022 ;

4.             déclare sans objet le recours dirigé contre la décision rendue le 14 janvier 2022 par le département du territoire ;

5.             admet partiellement le recours dirigé de la décision du département du territoire du 24 juin 2022 ;

6.             annule la décision du département du territoire du 24 juin 2022 en ce qu'elle concerne les objets qu'elle vise sous lettres E et F ;

7.             rejette pour le surplus le recours dirigé contre la décision du département du territoire du 24 juin 2022 ;

8.             donne acte aux recourants de ce qu’ils se sont déclarés disposés à démolir l’objet que cette décision désigne sous lettre D ;

9.             met à la charge des recourants, pris solidairement, un émolument de CHF 600.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

10.         ordonne la restitution aux recourants du solde de l’avance de frais de CHF 1’200.- ;

11.         condamne l'État de Genève, soit pour lui le département du territoire, à verser à aux recourants une indemnité de procédure de CHF 800.-

12.         dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Parick BLASER et Saskia RICHARDT VOLPI, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière