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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2425/2003

ATA/640/2004 du 24.08.2004 ( TPE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2425/2003-TPE ATA/640/2004

A/2454/2003-TPE ATA/641/2004

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 24 août 2004

dans la cause

 

COMMUNAUTÉ DES COPROPRIÉTAIRES ______, soit pour elle :

Monsieur D______ T______

Monsieur G______ T______

Monsieur J______ T______

Monsieur S______ T______
représentés par Me Pierre Louis Manfrini, avocat

et

ASSOCIATION O______

B______ & CIE S.A.

C______ S.A

A______ & CIE

H______ S.A.

N______ S.A. GENÈVE

V______ S.A.

F______ MONSIEUR (K______)

M______ S.A.

R______ S.A.

I______ S.A.

Y______ S.A

Madame P______

Madame E______ P______

SOCIETE FIDUCIAIRE ET D’ADMINISTRATION, F______

X______ A.G.
représentés par Me François Membrez, avocat

contre

VILLE DE GENEVE

et

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

et

DÉPARTEMENT DE L’AMÉNAGEMENT, DE L’ÉQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

et

ASSOCIATION L______

représentée par Me Olivier Schulthess, avocat

et

EGLISE Z______

et

U______ SUISSE

représenté par Me Yves Bonard, avocat

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

EN FAIT

1. a. Les derniers aménagements effectués dans le secteur ______ remontent aux années 1913 à 1921. Plus de 35 projets ont été successivement proposés sans qu’aucune réalisation n’ait été menée à bien. En mars 1980, une initiative a été déposée. Elle proposait l’aménagement suivant : un ensemble d’habitations, une liaison Basse-Ville/Vieille-Ville par une batterie de quatre ascenseurs et un parking d’environ 600 places, le but étant d’éliminer la circulation liée à la quête de places de stationnement. La réalisation de ce projet nécessitait la démolition de l’Alhambra.

b. Lors de sa séance du 21 octobre 1994, le Grand Conseil a adopté le projet de loi n° 5606 (ci-après : le contre-projet). Il prévoyait le maintien de D______, l’aménagement de liaisons entre la basse et la haute ville, la création d’une zone protégée dans le secteur ______, avec la possibilité d’édifier un ensemble de bâtiments comprenant des habitations, ainsi que des locaux à usage administratif et un garage collectif souterrain.

Le 12 mars 1995, les citoyens genevois ont accepté le contre-projet.

2. Dès 1998, le groupe de concertation (ci-après : le groupe) concernant la circulation et l’aménagement en Vieille-Ville a décidé d’inclure le secteur de la Rôtisserie à ses réflexions. Ce groupe rassemblait des associations riveraines représentant des habitants, des usagers et des commerçants (association des intérêts Verdaine-Madeleine-Rôtisserie, association des futures zones piétonnes, association des fonctionnaires et employés du pouvoir judiciaire, association des habitants du centre et de la Vieille-Ville, association de la Vieille-Ville et Société d’art public) ainsi que le département de justice, de police et des transports, devenu depuis lors le département de justice, police et sécurité (ci-après : le DJPS), la gendarmerie et les architectes et ingénieurs en transport mandatés par la Ville de Genève (ci-après : la Ville).

3. Le 24 juin 1998, le DJPS a édicté un arrêté de circulation. Le périmètre de la Rôtisserie a été placé en zone de « rues résidentielles » et comprenait les artères suivantes :

- la rue du Vieux-Collège ;

- la rue du Purgatoire ;

- la rue de la Madeleine ;

- la rue de la Rôtisserie ;

- la rue de la Fontaine ;

- la rue Frank-Martin ;

- le tronçon bas de la rue de la Palisserie ;

- la place des Trois-Perdix.

4. La notion de « rue résidentielle » a disparu de la législation fédérale, le 1er janvier 2002, pour être remplacée par celle de « zone de rencontre ».

Le signal « zone de rencontre » désigne des routes situées dans des quartiers résidentiels ou commerciaux, dans lesquels des règles spéciales de la circulation s’appliquent (art. 22b de l’ordonnance sur la signalisation routière du 5 septembre 1979 - OSR - RS 741.21). Les piétons bénéficient de la priorité mais ne doivent pas gêner inutilement la circulation des véhicules. La vitesse maximale autorisée est de 20 km/h et le stationnement n’est autorisé qu’aux endroits désignés par des signaux ou des marques. Ce statut confère au secteur de la Rôtisserie un régime de circulation sans restriction quant aux catégories de véhicules.

5. De nouveaux aménagements étaient nécessaires pour concrétiser le statut de « zone de rencontre ». Le DJPS souhaitait créer une « zone 30 km/h », plus adaptée à la situation dans laquelle se trouvait le périmètre. De son côté, la Ville a proposé la mise en œuvre, à l’essai, de seuils de ralentissement afin de soutenir le nouveau statut conféré au secteur. Une concertation a eu lieu avec les riverains à cette occasion. Le 16 févier 2001, l’office des transports et de la circulation (ci-après : l’OTC) du département de l’intérieur, de l’agriculture et de l’environnement (ci-après : le DIAE) a approuvé la proposition d’aménagement provisoire de la Ville (LER 2695).

6. Parallèlement à la mise en place des éléments de modération du trafic, une enquête a été entreprise en 1999 par le service d’aménagement urbain et d’éclairage public auprès des riverains (habitants, commerçants et entreprises). L’enquête a permis de déceler trois problèmes : la non-diminution de la densité du trafic, le stationnement illicite et l’utilisation non partagée de la chaussée. Pour remédier à ces inconvénients, une restructuration complète de la Rôtisserie devait être envisagée.

7. a. En juin 2001, la Ville a publié un document intitulé « Aménagement du secteur Rôtisserie », dont l’objet principal était de donner aux espaces publics se déroulant entre la rue d’Italie et la Place des Trois-Perdrix l’aspect d’un ensemble cohérent et harmonieux dans sa longueur et dans ses rapports transversants avec la ville, les rues basses et la haute Ville.

Le projet était composé de deux volets, soit l’aménagement construit et l’aménagement lié à l’usage. Le premier répondait principalement aux questions liées à la topographie, à la forme des espaces, aux relations avec les bâtiments, à l’écoulement des eaux et à la nature des revêtements de sol (consid. b). Le second permettait d’adapter constamment le secteur aux modifications et transformations des usages, en prévoyant des composants (mobilier, accessoires, marquages et signalisation) à caractère amovible, léger, adaptable et éphémère (consid. c). Sa réalisation nécessitait également une réglementation de la circulation locale (consid. d).

b. L’aménagement de l’espace public proposé par la Ville visait, d’une part, à donner une certaine homogénéité aux espaces du secteur et, d’autre part, à concrétiser le statut de « zone de rencontre ».

Ainsi, il était prévu de supprimer les trottoirs et de mettre la rue à niveau, de façade à façade. Différentes dalles de pierres et un caniveau revêtiraient le sol sur l’ensemble du périmètre. L’aire de stationnement au bas du Perron (rue de la Rôtisserie) serait revêtue de gravier, permettant ainsi d’accueillir des manifestations temporaires. Une surélévation, de la hauteur d’une marche, sécuriserait cet espace par rapport à l’aire de circulation. Les arbres et le mur actuel seraient maintenus et renforcés et la place de la Madeleine prolongée jusqu’au droit de la rue en contrebas. Il était prévu d’entourer le Temple de la Madeleine d’un chemin de ronde. La topographie de la place des Trois-Perdrix subirait de nombreux changements, puisque les trottoirs et le stationnement des deux-roues disparaîtraient pour laisser place à un espace libre. A son entrée, deux bornes rétractables limiteraient l’accès aux véhicules à partir de 11h 30, à l’exception de ceux se rendant dans le parking souterrain de Confédération Centre et de ceux effectuant des livraisons spéciales. L’aménagement s’étendrait également à la rue d’Italie, sur son tronçon compris entre la rue du Vieux-Collège et la rue de Rive. Les divers-restaurants pourraient profiter de l’espace libre pour installer des terrasses.

c. Le projet prévoyait également la disposition en alternance de mobilier urbain mobile (bacs à arbres et bancs), afin de faire respecter la vitesse limitée à 20 km/h. Ce dispositif devait permettre d’adapter la rue aux besoins variables des usages et aux circonstances.

d. Quant aux modifications de la circulation, il était prévu de mettre la rue Frank-Martin, le tronçon bas de la rue de la Palisserie et celui de la rue de la Fontaine en « zone piétonne ». La rue d’Italie changerait de statut et deviendrait une « zone de rencontre ».

Le périmètre concerné constituant un cul-de-sac, il ne générait pas de trafic de passage, mais plutôt un trafic important de 6'000 véhicules (3'000 entrées et 3'000 sorties), lié à la recherche de places de stationnement. A l’époque des faits, le secteur Rôtisserie et la zone Alhambra/Palisserie comportaient 75 places, dont 18 se trouvaient sur le domaine public et 57 sur un domaine privé appartenant à la Ville (41 places dans la zone Ahlambra/Palisserie et 16 dans la zone du Perron/place de la Rôtisserie, sur les parcelles n° ______ et n° ______). Pour diminuer les nuisances dues au trafic, il était projeté de supprimer l’ensemble des places de stationnement pour véhicules automobiles situées dans le secteur, à l’exception de 5 places devant la poste, 10 à la rue Verdaine, 4 pour les personnes handicapées et 2 pour les taxis. Le nombre de cases réservées aux deux roues serait inchangé. Les places de livraison seraient réorganisées.

8. La mise en œuvre de ce projet d’aménagement a nécessité l’ouverture de trois procédures : une requête en autorisation de construire portant sur les aménagements routiers (consid. 9), une requête en autorisation portant sur l’aménagement du périmètre lui-même (consid. 10) et l’adoption d’une réglementation du trafic (consid. 11).

9. a. La Ville a déposé, le 20 août 2001, les requêtes en approbation et en autorisation de construire DD n° ______ et LER n° ______ auprès du département de l’aménagement, de l’équipement et du logement (ci-après : le DAEL).

b. Ces requêtes ont été publiées dans la Feuille d’avis officielle (ci-après : F.A.O.) le 24 août 2001.

c. En septembre 2001, l’Association O______ (ci-après : l’association), B______ & Cie S.A., C______ S.A., X______ A.G., A______ & Cie, H______ S.A., C______ S.A. Genève, V______ S.A., F______ (Monsieur K______), M______ S.A., R______ S.A., T______ S.A., Y______ S.A., Madame P______, Madame E______ P______, la Société fiduciaire et d’administration F______. S.A. (ci-après : les consorts) ainsi que la communauté des copropriétaires ______ (ci-après : la communauté) ont déposé auprès du DAEL des observations relatives aux requêtes susmentionnées.

10. Dans le cadre des procédures d’autorisation et LER, le projet a été soumis aux différentes autorités compétentes pour qu’elles rendent un préavis. Il a été modifié à trois reprises.

a. Le service de sécurité et de salubrité a rendu un préavis favorable au projet initial en août 2001.

b. En octobre 2001, le service sécurité civile, service du feu du DIAE, et l’OTC ont fait de même.

c. Le service nature et paysage a réservé son préavis favorable au respect des conditions d’abattage d’un arbre (cf. préavis du 26 octobre 2001). Ces dernières ont été spécifiées dans l’autorisation d’abattage qui a été délivrée le 23 janvier 2003.

d. Le service des contrôles d’assainissement a rendu un préavis positif concernant le projet initial (cf. préavis du 18 septembre 2001 et du 2 novembre 2001).

e. La commission d’architecture n’a plus eu d’objections au second plan proposé, sous réserve d’une garantie d’accessibilité des personnes handicapées à l’ensemble des espaces publics (cf. préavis du 29 octobre 2002).

f. Dans un troisième plan d’aménagement, il a été tenu compte des modifications demandées par la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : la CMNS) dans les préavis de la direction du patrimoine et des sites (cf. préavis du 11 décembre 2001 et du 6 novembre 2002). Cette dernière, de même que la direction de l’aménagement du DAEL, ont rendu un préavis positif.

g. Le 14 octobre 2002, la Ville a déposé auprès du DAEL un projet d’aménagement comportant le mobilier urbain. Le DAEL a considéré que les composants à caractère amovible n’étaient soumis ni à une autorisation de construire ni à une approbation LER. Par conséquent, il a annulé le plan prévoyant le mobilier urbain. Le 3 novembre 2002, un plan d’aménagement du secteur Rôtisserie, sans mobilier, a été enregistré au DAEL.

11. a. La restructuration du périmètre nécessitait une adaptation de la réglementation de la circulation et du stationnement. Ainsi, le directeur de l’OTC a formulé, le 1er mai 2002, une proposition de réglementation des rues en question. Elle a été mise à l’enquête publique (EP 2029) le 15 mai 2002.

L’intitulé mentionnait que les rues du Vieux-Collège, du Purgatoire, de la Madeleine, de la Rôtisserie, de la Fontaine, Frank-Martin, de la rue de la Palisserie (tronçon compris entre la rue Frank-Martin et la rue de la Rôtisserie) et la place des Troix-Perdrix étaient déjà réglementées en tant que « rues résidentielles », sous la nouvelle désignation « zone de rencontre ». Il était également précisé qu’au regard de la demande d’autorisation de construire LER n°______, la Ville devait réaménager ces rues, de sorte que certaines conservaient leur statut et d’autres allaient devenir des « zones piétonnes ».

b. Le 22 mai 2002, l’enquête publique du DIAE a été publiée dans la F.A.O..

c. En juin 2002, la communauté ainsi que l’association et les consorts ont déposé leurs observations auprès du DIAE.

d. La procédure de réglementation du trafic étant pendante devant le DIAE, aucune décision n’a été prise à ce jour.

12. a. Le 3 janvier 2003, le DAEL a autorisé l’aménagement du secteur de la Rôtisserie selon la troisième version du projet. Le plan visé « ne varietur » prévoyait la suppression des trottoirs, la mise à niveau de façade à façade, le revêtement unitaire du sol en pierres naturelles sur la rue du Vieux-Collège jusqu’à la rue Frank-Martin avec un calepinage différent sur le côté allant de la place du Perron à l’Alhambra, un caniveau en pierre permettant de récolter la pluie, le revêtement en concassé sur le tronçon-bas de la place du Perron, une borne fontaine à la Place des trois Perdrix et l’emplacement des arbres entourés de grille ou de bac et des bancs. En revanche, le chemin projeté qui devait entourer le Temple de la Madeleine a été supprimé. Les deux bornes escamotables à l’entrée de la place des Trois-Perdrix ont été remplacées par deux bornes télescopiques télécommandées.

b. Cette décision a été publiée dans la F.A.O. le 8 janvier 2003.

13. La communauté ainsi que l’association et les consorts ont recouru auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la commission) contre l’approbation LER n° ______ et l’autorisation définitive n° ____. U______ suisse section genevoise (ci-après : U______) a saisi la commission séparément. L’association L______ et l’Eglise Z______ ont appuyé les recours, à titre d’intervenants. Les causes ont été jointes.

Les recourants ont invoqué les griefs suivants : la violation du principe de coordination formelle et matérielle, de l’article 7 de la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10) ainsi que la violation des articles 19, 22 et 24 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT – RS 700).

14. Par décision du 24 octobre 2003, la commission a déclaré irrecevables les recours formés par U______ et l’association. Les autres recours et interventions ont été déclarés infondés.

La commission a estimé que le principe de coordination avait été respecté par le DAEL, puisqu’il avait délivré les autorisations de construire DD ______ et l’approbation LER ______simultanément après une enquête portant sur l’ensemble des faits de tout l’aménagement. Elle a considéré que le projet ne prévoyait pas de modifications importantes de la voie publique et que le DAEL pouvait, avec raison, exclure le mobilier urbain de l’autorisation et de l’approbation, puisqu’il ne produisait aucun effet durable et important sur l’aménagement du secteur.

15. Le 17 décembre 2003, la communauté a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision de la commission. L’association et les consorts ont fait de même par un seul et même acte du 19 décembre 2003.

Les recourants ont invoqué les griefs suivants : violation du principe de coordination formelle et matérielle, de l’obligation de créer des liaisons entre la Basse et la Haute Ville, du droit d’être entendu et, enfin, la violation de l’obligation de soumettre toute construction ou installation au régime de l’autorisation.

16. Le Tribunal de céans a invité toutes les parties ainsi que U______ et l’association L______ à déposer leurs observations.

a. U______ a intégralement appuyé le recours de la communauté. Quant à l’association L______, elle conclut à l’annulation des deux décisions litigieuses, au motif qu’elles ne respectent pas pleinement l’article 6 LRoutes. Enfin, dans leurs réponses du 30 janvier, respectivement du 3 février 2004, la Ville et le DAEL concluent au rejet des recours.

b. La cause a été gardée à juger en l’état du dossier.

EN DROIT

1. Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours du 19 décembre (cause A/2454/2003-TPE) et du 27 décembre 2003 (cause A/2425/2003-TPE) contre la décision de la commission du 24 octobre 2003 sont recevables (art. 56A al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 – LOJ – E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 décembre 1985 – LPA – E 5 10).

2. Lorsque différentes affaires se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune, l’autorité peut d’office les joindre en une même procédure (art. 70 al. 1 LPA).

Les causes A/2425/2003-TPE et A/2454/2003-TPE se rapportent à la même cause juridique et seront donc jointes sous n° A/2425/2003-TPE.

3. Le tribunal examinera en premier lieu si l’association a qualité pour agir devant les juridictions administratives. En effet, à défaut de cette qualité, la décision de la commission déclarant irrecevable le recours de l’association devra être confirmée et le recours en question rejeté.

a. Une association peut recourir soit pour la défense de ses propres intérêts, soit pour la défense des intérêts de ses membres, si ses statuts prévoient un tel but et si un grand nombre de ses membres ont eux-mêmes la qualité pour agir (ATF 125 I 71 consid. 1b p. 75 ; 121 II 39 consid. 2c/aa p. 43; ATA/35/2002 du 15 janvier 2002, confirmé par ATF 1A.47/2002 du 16 avril 2002 et les références citées). A teneur de l’article 60 lettre b LPA, toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée dispose de la qualité pour recourir.

b. En l’espèce, sous la dénomination « Association O_______ », il a été constitué, en date du 16 octobre 1996 et par modifications successives des statuts, une association corporative régie par les articles 60 et suivants du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC – RS 210; art 1 des statuts; art. 60 al. 1 CC). Tous les membres de l’association sont domiciliés dans le périmètre de la Rôtisserie. Elle s’est fixée comme but la sauvegarde des intérêts de ses membres et de ses commerçants contre toute atteinte, qu’elle soit d’origine publique ou privée, susceptible de réduire ou d’entraver l’activité commerciale des rues Verdaine, de la Fontaine, du Vieux-Collège, de la place de la Madeleine et du quartier de la Rôtisserie (art. 2 des statuts).

Le plan d’aménagement concernant ce secteur, les membres de l’association sont donc touchés par l’autorisation et l’approbation délivrées par le DAEL. En effet, un aménagement routier est susceptible d’entraver ou de réduire une activité commerciale, dans la mesure où les rues sont le seul moyen d’accéder aux commerces, que ce soit pour effectuer des livraisons ou pour le déplacement de la clientèle .

En conséquence, l’association a qualité pour recourir.

4. Les recourants soutiennent que les normes permettant de créer une « zone de rencontre » ont été violées, de sorte que le projet, concrétisant ce statut, est illégal.

a. Le statut de « rue résidentielle » a été décidé par arrêté le 24 juin 1998 du DJPS (art. 1 al. 1 du règlement d’application de la législation fédérale sur la circulation routière - H 1 05.01; art. 2 al. 1 de la loi d’application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 dans sa teneur avant le 1er janvier 2003 - LaLCR - H 1 05). Cette décision était susceptible de recours au Conseil d’Etat (art. 6A LaLCR avant la modification du 1er janvier 2003). L’arrêté est entré en force, faute d’avoir fait l’objet d’un recours.

b. Le passage du statut de « zone résidentielle » à celui de « zone de rencontre » s’est fait de par la loi (art. 22b al. 3 OSR cum les dispositions finales de la modification du 28 septembre 2001 alinéa 3 OSR). Par conséquent, les rues du Vieux-Collège, du Purgatoire, de la Madeleine, de la Rôtisserie, de la Fontaine, Frank-Martin, de la Palisserie sur son tronçon compris entre la rue Frank-Martin et la rue de la Rôtisserie et la place des Trois-Perdrix sont des zones de rencontre, selon la réglementation actuellement en vigueur. Le projet de la Ville vise à concrétiser ce statut en aménageant les rues, de sorte que les piétons puissent utiliser la chaussée prioritairement, sans que l’accès aux véhicules, en particulier les camions de livraison, ne soit limité. La suppression des places de stationnement a pour objectif la réduction du trafic, dont l’importance est injustifié au regard de la réglementation actuellement en vigueur.

c. Le projet de la Ville ne crée pas de « zones de rencontre ». Partant, le grief des recourants à cet égard est mal fondé.

5. Les recourants invoquent la violation du principe de coordination formelle et matérielle. En l'espèce, l'informalité reprochée découle du fait que l'autorisation de construire DD ______ et l’approbation LER ______ ont été délivrées avant l’adoption d’une réglementation locale du trafic par le DIAE.

a. Le principe de coordination formelle et matérielle est ancré à l'article 25a LAT. Il garantit que tous les aspects d'un projet de construction soient traités de manière coordonnée pour que les autorisations ne fassent l'objet que d'une seule procédure de recours (ATF 116 Ib 50; ATF 120 Ib 400; ATF 122 I 120). Il est repris à l'article 12A LPA.

Dans une jurisprudence maintenant bien établie et ayant fait l'objet de nombreuses publications, le Tribunal fédéral a dégagé les principes imposant une coordination matérielle et formelle des décisions fondées, en tout ou partie, sur le droit fédéral de l'environnement ou de l'aménagement du territoire. Ainsi, lorsque pour la réalisation d'un projet différentes dispositions légales sont simultanément applicables et qu'il existe entre elles une imbrication telle qu'elles ne sauraient être appliquées indépendamment les unes des autres, il y a lieu d'assurer leur coordination matérielle (ATF 118 Ib 381; 118 Ib 326; 117 Ib 35; 116 Ib 175; 116 Ib 50; 114 Ib 125; A. MARTI, Verfahrenrechtliche Möglichkeiten der Koordination bei der ersten Instanz, DEP 1991 pp. 226 ss; T. TANQUEREL/R. ZIMMERMANN, Les recours, in Droit de l'environnement : mise en oeuvre et coordination, 1992 pp. 124-125; C.-A. MORAND, La coordination matérielle des décisions : espoir ultime de systématisation du droit des politiques publiques, in ibid. pp. 167 ss; J.-A. MEYLAN, La coordination formelle, in ibid. pp. 179 ss; A. KÖLZ/H. KELLER, Koordination umweltrelevanter Bewilligungsverfahren als Rechtsproblem, DEP 1990 pp. 385 ss; ATA/32/2002 du 15.01.2002 ; ATA du 20 septembre 1994 en la cause R.). De l'exigence de coordination matérielle naît une obligation de coordination formelle (ATF 117 Ib 35 et 325).

En principe, les décisions approuvant des travaux d’aménagements routiers ou autorisant une construction doivent être coordonnées avec la réglementation du trafic, dans le cadre des procédures de mise à l’enquête et de publication, lorsqu’il s’agit d’un projet global formant un tout indissociable (ACE A. du 4 décembre 1995, consid. 3b, résumé in SJ 1997, p. 40 s.).

b. En l’espèce, la concrétisation du projet a nécessité l’ouverture de trois procédures. Les procédures d’autorisations DD ______ et LER ______ avaient pour objet l’aménagement physique des rues alors que la troisième visait la réglementation du trafic. Il faut donc déterminer si le projet global, tel que proposé dans le document « Aménagement du secteur Rôtisserie », forme un tout indissociable (aménagement routier et réglementation de la circulation).

c. La question qui se pose en l’espèce est de savoir si les constructions prévues par le projet peuvent être réalisées sans l’adoption de la réglementation de la circulation qui a été soumise à l’enquête publique EP 2029.

En l’occurrence, la suppression des trottoirs favorise l’utilisation de toute la chaussée par les piétons. Le revêtement en dallage permet la circulation de tous les véhicules, tout en incitant au respect de la limite de vitesse (20 km/h). Sa nature n’empêche pas le marquage du sol. La place de la Rôtisserie, recouverte de concassé selon le projet, peut servir d’espace accueillant des manifestations ou faire office de parking. Le prolongement de la place de la Madeleine n’empêche pas la circulation des voitures dans les deux sens, même si la rue est plus étroite à ce niveau. La configuration future des rues laisse ouverte la possibilité de prévoir des places de stationnement sur le domaine public et la circulation n’est pas entravée par le nouvel aménagement des espaces, au cas où la réglementation, telle que proposée dans le projet n’est pas adoptée, notamment la constitution d’une « zone piétonne» à la place des Trois-Perdrix. En effet, la pose de deux bornes rétractables est le seul point qui est en lien direct avec une réglementation du trafic. Si le passage de ce tronçon en zone piétonne est refusé, les bornes pourront rester rétractées, laissant ainsi un espace ouvert se prêtant parfaitement au statut actuellement en vigueur.

En ce qui concerne les places de livraison, les recourants prétendent qu’il est projeté de les supprimer.

Le Tribunal administratif relèvera que ces dernières seront simplement réorganisées, puisque les livraisons sont possibles partout dans « une zone de rencontre ». Par ailleurs, la suppression des places de stationnement laissera un plus grand espace pour les livraisons. Le DAEL n’étant pas compétent pour réglementer cet aspect du projet, ces places n’ont pas été prévues sur les plans qui ont fait l’objet de cette procédure.

Le plan d’aménagement approuvé et autorisé concrétise en tous points le statut actuel du secteur Rôtisserie. Si la réglementation future de ce périmètre ne prévoit ni le passage de la rue Frank-Martin et le bas de la rue de la Palisserie en « zone piétonne », ni la suppression des places de stationnement, la nouvelle configuration du secteur n’est pas pour autant compromise. Partant, le plan n’est pas indissociablement lié à la future réglementation du trafic.

Au surplus, le tribunal relèvera que les recourants pourront faire valoir leurs griefs contre la décision relative à la réglementation locale du trafic, prise par le DIAE, dans un délai de 30 jours suivant sa publication dans la F.A.O. (art. 6a LaLCR).

d. Partant, le DAEL n’a pas violé le principe de coordination en rendant les décisions d’approbation et d’autorisation de construire avant que le DIAE n’ait statué sur le projet de réglementation locale du trafic.

6. Selon les recourants, le plan viole l’article 93A de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI – L 5 05).

a. Cette disposition a été inscrite dans la loi, suite à l’acceptation par le peuple du contre-projet. Dans le secteur Rôtisserie-Palisserie, il ne peut être édifié qu’un ensemble de bâtiments comprenant des habitations, ainsi que des locaux à usage administratif et un garage collectif souterrain, dont les modalités d’exploitation sont fixées par le Conseil d’Etat (art. 93A al. 1 LCI). Les constructions doivent s’harmoniser avec celles de la zone protégée de la Vieille-Ville et du secteur sud des anciennes fortifications, ainsi qu’avec la salle de spectacle existante de l’Alhambra. Des liaisons entre la basse et la haute ville doivent être aménagées (art 93A al.2 LCI).

b. Il faut rappeler que l’initiative proposait la réalisation d’un parking souterrain d’environ 600 places et une liaison par ascenseur entre la basse et la haute ville, alors que l’article 93A alinéa 2 LCI prévoit l’aménagement de liaisons, sans spécifier si elles doivent obligatoirement permettre la circulation des véhicules. Le plan approuvé et autorisé modifie la configuration des rues sans supprimer de liaisons déjà existantes.

La mise en zone piétonne de la rue Frank-Martin et du tronçon bas de la rue de la Palisserie n’a pas fait l’objet des approbations et autorisation litigieuses. Elle fera l’objet d’un arrêté de l’office des transports et de la circulation.

c. Au vu de ce qui précède, les décisions du DAEL ne violent pas l’article 93A LCI.

7. Les recourants estiment que le DAEL et la commission se sont mépris en admettant que le projet de la Ville n’impliquait pas de modifications importantes de la voie publique. Selon eux, la suppression des places de stationnement des véhicules automobiles, la création partielle d’une zone piétonne, le réaménagement des places de livraison et la limitation des livraisons dans le temps sont autant de mesures qui modifient de manière importante les voies publiques concernées.

a. Il appartient au DAEL, dans chaque cas d’espèce et dans les limites de son pouvoir, d’évaluer l’importance du projet soumis à son approbation, c’est-à-dire de décider d’utiliser ou non la procédure de l’article 8 LRoutes. L’importance du projet doit être appréciée à la lumière de la longueur du tronçon de route, de l’importance des travaux exigés, des conséquences du projet sur la sécurité du trafic, les besoins des piétons, ceux des deux-roues et des véhicules des transports publics ainsi que sur l’environnement et sur la protection des bâtiments et installations avoisinants (ATA A. du 14 décembre 1988 publié in SJ 1989, p. 409, 410).

Le DAEL statue sur les projets de création ou de modification de voies publiques cantonales et communales ainsi que des voies privées, y compris leurs dépendances avant leur exécution (art. 7 al. 2 LRoutes). Tout projet important de création ou de modification de voies publiques est soumis à l’enquête publique, selon la procédure définie pour l’adoption des plans localisés de quartier au sens des articles 1 et suivants de la loi sur l’extension des voies de communication et l’aménagement des quartiers ou localités du 9 mars 1929 (LExt – L 1 40) et au préavis de la commission d’urbanisme. L’enquête publique n’a cependant pas lieu si le projet est compris à l’intérieur du périmètre d’un plan localisé de quartier ou d’un plan de site déjà adopté (art. 7 al. 6 LRoutes).

b. En l’espèce, le plan visé « ne varietur » ne crée pas de nouvelle voie publique mais modifie le revêtement de la chaussée et la configuration de la voie publique, en prévoyant la suppression des trottoirs.

Au regard de la jurisprudence, les places de stationnement pour les automobiles et pour les livraisons ne constituent pas un critère à la lumière duquel le DAEL doit apprécier l’importance d’un projet. Dans le cas d’espèce, la suppression des places de stationnement ne modifie pas de manière importante la configuration actuelle du secteur. Cette mesure ouvre un espace plus grand pour la circulation des véhicules et des piétons. Quant à la limitation des livraisons dans le temps, elle ne découle pas de l’aménagement des rues puisque les bornes télescopiques permettent l’accès en tout temps aux usagers munis d’une carte magnétique. Les mesures auxquelles les recourants se réfèrent pour déterminer l’importance de la modification qu’implique le plan, visé « ne varietur », concernent principalement la réglementation de la circulation et du stationnement. Or, cette dernière ne figure pas sur le plan soumis au tribunal de céans puisqu’elle fait l’objet d’une autre procédure. Par ailleurs, la proposition de réglementation du DIAE a, elle, été mise à l’enquête publique le 15 mai 2002.

Le projet d’aménagement, visé « ne varietur » le 3 janvier 2003, concerne un tronçon relativement long (500 mètres) mais il ne modifie en rien le tracé de la route. Les travaux de construction (suppression des trottoirs, pose du revêtement en dallage, installation des bornes rétractables) transforment uniquement la chaussée elle-même sans toucher aux bâtiments. Le projet a pour objectif de concrétiser les besoins des piétons dans une zone où ils sont prioritaires sans toutefois empêcher la circulation d’autres véhicules.

Par ailleurs, les procédures prévues aux articles 5 LExt et 3 LCI prévoient toutes les deux la possibilité pour les personnes concernées de consulter les projets et de faire des observations. En l’espèce, une large concertation a été menée avant et pendant la création du projet. Les demandes d’autorisation et d’approbation ont été publiées de sorte que les recourants ont pu communiquer leurs observations au DAEL et exercer leur droit d’être entendu.

c. En choisissant de ne pas soumettre le projet à la procédure prévue par l’article 5 LExt, le DAEL n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation.

8. Selon les recourants, l’objet des requêtes de construire et LER, sur lequel ils ont pu se prononcer, ne correspond pas aux plans visés « ne varietur » le 3 janvier 2003. Par conséquent, ils considèrent ne pas avoir pu exercer valablement leur droit d’être entendus. De plus, ils reprochent aux plans en question de ne prévoir ni le mobilier urbain, ni les terrasses, de sorte que la consultation de ces derniers ne leur a pas permis de se faire une idée précise de l’affectation future du périmètre de la Rôtisserie.

a. La publicité de la procédure d’autorisation permet également à des particuliers touchés par le projet de formuler leur opposition. Cette possibilité ne constitue pas une voie de droit à proprement parler, mais permet l’exercice formel du droit d’être entendu au sens de l’article 29 alinéa 2 de la constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. féd. – RS 101; P. ZEN-RUFFINEN, C. GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, Berne 2001, p. 401 – 404 et les références citées).

Selon l’article 3 alinéa 1 LCI, toute les demandes d’autorisation sont rendues publiques par une insertion dans la F.A.O. Cette publication permet à chacun de consulter, pendant un délai de 30 jours à compter de la publication, les demandes et les plans au département et de transmettre à ce dernier ses observations par une déclaration écrite (art. 3 al. 2 LCI ; art. 17, 18 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 – L 5 05.01).

b. Le Tribunal de céans constate que l’aménagement routier, tel qu’il ressort des plans visés « ne varietur », prévoit clairement la suppression des trottoirs, la mise à niveau de façade à façade, le revêtement unitaire en dallage sur tout le périmètre, à l’exception de l’aire au bas du Perron (revêtement en gravier), l’installation de deux bornes télescopiques ainsi que l’emplacement des arbres, qui sont pour la plupart déjà existants, et des bancs. Ces éléments n’ont pas subi de modifications fondamentales suite aux différents préavis, de sorte que les recourants ont pu exercer valablement leur droit d’être entendus suite à la publication des requêtes en autorisation et LER. Par ailleurs, les recourants ne contestent qu’une de ces constructions ou installations, à savoir les bornes télescopiques. Or, celles-ci devaient être escamotables dans le document intitulé « Aménagement du secteur Rôtisserie », ce qui limitait passablement l’accès au parking de Confédération Centre. Sur les plans autorisés et approuvés, sont dessinées des bornes télescopiques magnétiques afin de faciliter le passage aux personnes autorisées (usagers du parking de Confédération Centre et livraisons spéciales) tout en laissant un espace fermé.

c. Les terrasses sont soumises à concession (art. 13 et suivants de la loi sur le domaine public du 24 juin 1961 – L 1 05 ; art. 1 et suivants du règlement concernant l’utilisation du domaine public du 21 décembre 1988 – LDP – L 1 10.12). Le DAEL ne pouvait pas approuver et autoriser des plans contenant des indications de ce genre.

d. En ce qui concerne le mobilier urbain, la question se pose de savoir si le DAEL pouvait valablement autoriser et approuver un plan qui ne prévoyait pas de mobilier urbain.

Il faut rappeler qu’à teneur de l’article 22 alinéa 1 LAT, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever une construction ou une installation (art. 1 al. 1 LCI). Cette notion est indéterminée, laissant ainsi à la jurisprudence le soin de la définir. Selon elle, il faut entendre par là « tous les aménagement durables créés par la main de l’homme, qui sont fixés au sol et qui ont une incidence sur son affectation, soit qu’ils modifient sensiblement l’espace extérieur, soit qu’ils aient des effets sur l’équipement ou qu’ils soient susceptibles de porter atteinte à l’environnement ». La notion de construction et d’installation étant de droit fédéral, les cantons ne peuvent s’en écarter (P. ZEN-RUFFINEN, C. GUY-ECABERT , op. cit., p. 213-214 et les références citées).

Le caractère mobile d’un aménagement n’est pas suffisant pour le dispenser de l’assujettissement au régime de l’autorisation (P. ZEN-RUFFINEN, C. GUY-ECABERT, op. cit., p. 215-216 et les références citées; art. al. 1 du règlement d’application de la loi sur les constructions et installations du 27 février 1978 – RALCI - L 5 05.01). Par ailleurs, le Tribunal administratif a considéré que des bacs à fleurs, amovibles et emboîtés les uns dans les autres de manière à former un muret continu, représentaient « une barrière architecturale » modifiant sensiblement la configuration des lieux, pour laquelle un permis de bâtir était nécessaire (ATA E. du 28 août 1991). Selon le Tribunal fédéral : «Cette solution n’est pas arbitraire. Selon l’article 1 alinéa 1 RALCI, toute chose immobilière ou mobilière élevée au-dessus ou au-dessus du sol est considérée comme une construction. Il importe peu à cet égard que les bacs ne soient pas fixés dans le sol et puissent être déplacés facilement ; tels qu’ils sont disposés, ils présentent le même aspect et remplissent la même fonction qu’un muret, lequel serait indiscutablement soumis à l’exigence d’une autorisation en vertu de l’article 1 alinéa 1 lettre a LCI, en relation avec les articles 1 alinéa 1 lettre b et 1A alinéa 1 lettre a RALCI. » (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.663/1991 du 17 février 1992, consid. 2c).

Les bacs à plantes sont en principe destinés à décorer l’espace urbain. Dans le cas d’espèce, la Ville leur attribue clairement un autre but. En effet, le mobilier urbain servira à modérer le trafic pour faire respecter la limitation de vitesse à 20 km/h. Les bacs peuvent être assimilés à des seuils de ralentissements. Dès lors, un aménagement destiné à modérer le trafic devrait être soumis à autorisation (FAO du 14 mai 2004, requête n° 98798 ; FAO du 14 juin 2004, requête APA 23073). Par conséquent, le caractère mobile d’un aménagement qui, de part son poids et sa taille ne peut être enlevé ou déplacé sans l’aide d’une machine, n’est pas pertinent pour déterminer s’il doit être soumis à autorisation.

Le plan ne prévoyant pas de mobilier urbain, il est difficile de se représenter la configuration future du secteur de la Rôtisserie. Le plan, tel qu’approuvé et autorisé, ne peut pas mettre en œuvre le statut de « zone de rencontre » dans le secteur. A le regarder, l’on pourrait croire que la Ville souhaite aménager une route, qui facilite la circulation des véhicules puisqu’il n’y aurait aucun obstacle. Or, il ressort clairement du projet global (« Aménagement du secteur Rôtisserie ») que l’objectif du nouvel aménagement du secteur de la Rôtisserie est de concrétiser la réglementation en vigueur, soit le statut de « zone de rencontre ». Le nouveau revêtement de la chaussée et la suppression des trottoirs ne suffisent pas pour faire respecter la vitesse (limitée à 20 km/h). Le respect de cette dernière est une condition nécessaire pour assurer la priorité et la sécurité des piétons. L’aménagement d’un mobilier urbain composé, notamment de bacs à plantes, servira à modérer le trafic. Il faut admettre que pour répondre à un besoin de cohérence, l’aménagement routier et l’aménagement mobilier sont indissociablement liés ; le premier ne prend tout son sens qu’avec la réalisation du second.

Le DAEL a violé la principe de coordination matérielle en approuvant et en autorisant un plan qui ne contient aucun mobilier urbain. Le respect de ce principe commande que l’aménagement mobilier d’une telle importance pour la réalisation du but du projet global, doit figurer sur le plan prévoyant l’aménagement routier.

9. Par conséquent, les recours seront admis. La cause sera renvoyée au DAEL pour l’octroi d’une nouvelle autorisation portant aussi bien sur l’aménagement routier que sur l’aménagement du mobilier, dans le sens des considérants. Une indemnité de CHF 2'000.- sera allouée à la communauté, soit pour elle MM. T______, qui y ont conclu, à charge de la ville de Genève.

Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu.

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevables le recours interjetés le 17 décembre 2003 par Messieurs D______ T______, G______ T______, J______ T______ et S______ T______ et le 19 décembre 2003 par l’Association O______, B______ & Cie S.A., C______ S.A., A______ & Cie, H______ S.A., C______ S.A. Genève, V______ S.A., F______ (Monsieur K______), M______ S.A., R______ S.A., I______ S.A., Y______ S.A., Madame E______ P______, Madame P______, Société fiduciaire et d’administration F______ S.A., X______ A.G., contre la décision de la commission de recours en matière de construction du 24 octobre 2003;

préalablement :

prononce la jonction des procédures A/2425/2003-TPE et A/2454/2003-TPE sous n° A/2425/2003-TPE ;

au fond :

admet les recours;

annule la décision du département de l’aménagement, de l’équipement et du logement du 3 janvier 2003 ainsi que celle de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 24 octobre 2003 ;

renvoie le dossier au département de l’aménagement, de l’équipement et du logement dans le sens des considérants ;

alloue à la communauté des propriétaires ______, soit pour elle Messieurs D______ T______, G______ T______, J______ T______ et S______ T______. une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à charge de la Ville de Genève ;

ne perçoit aucun émolument;

dit que conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il est adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Membrez, à Me Pierre Louis Manfrini, avocats des recourants, à la commission cantonale de recours en matière de constructions, au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, à Me Olivier Schulthess, avocat de l'association L______, à l'Eglise Z____________, ainsi qu'à Me Yves Bonard, avocat de U______, et à la Ville de Genève.

Siégeants :

M. Paychère, président, Mme Bovy, M. Schucani, Thélin, juges, M. Grant, juge suppléant.

Au nom du Tribunal Administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :