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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1638/2023

ATA/184/2024 du 06.02.2024 sur JTAPI/963/2023 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1638/2023-ICCIFD ATA/184/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 février 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et intimées

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 septembre 2023 (JTAPI/963/2023)


EN FAIT

A. a. Par décision sur réclamation du 30 mars 2023 l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a déclaré irrecevable la réclamation de A______
(ci-après : le contribuable) relative aux années fiscales de 2017 à 2021.

b. Par acte du 5 mai 2023, le contribuable a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

c. Par lettre recommandée du 26 mai 2023, le TAPI a imparti au contribuable un délai échéant le 25 juillet 2023 pour procéder au paiement d’une avance de frais de CHF  700.-, sous peine d’irrecevabilité.

Selon les données émanant des services financiers du Pouvoir judiciaire, le paiement de l’avance de frais a été effectué le 26 juillet 2023.

d. Par courriers des 7 et 24 août 2023 le TAPI a invité le contribuable à produire tout justificatif démontrant la date à laquelle il s'était acquitté du paiement de l'avance de frais, sous peine d’irrecevabilité.

e. Le 29 août 2023, le contribuable a produit un relevé de compte du CREDIT SUISSE, faisant état d’un ordre de paiement de CHF 700.- donné par lui-même le 25 juillet 2023 à 12h27 et d’un débit du même montant effectué le 26 juillet 2023.

f. Par jugement du 5 septembre 2023, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

Il ressortait de l’instruction du dossier que l’ordre de paiement avait été saisi le 25 juillet 2023, mais que son compte bancaire n’avait été débité que le 26 juillet 2023. Le versement n’avait ainsi pas été effectué dans le délai imparti, étant relevé que le contribuable était en mesure de se renseigner auprès de sa banque au sujet du moment d’exécution du paiement saisi. Il ne pouvait ainsi se prévaloir de l’absence de toute faute.

B. a. Par acte posté le 29 septembre 2023, le contribuable a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, sans prendre de conclusions formelles.

Il demandait à la chambre de céans de l’excuser pour le retard de son paiement. Il ignorait qu’un paiement saisi après 12h00 n’était exécuté par la banque que le lendemain. Cela faisait quelques années qu’il était traité pour une « grosse dépression ». Sa maladie l’entravait dans ses démarches administratives, en ce sens qu’il « laissait tout au dernier moment ».

Il a notamment produit un certificat médical daté du 4 octobre 2023 du docteur B______, psychiatre, selon lequel il était traité pour un « épisode dépressif majeur, d’intensité modérée à sévère, avec plus d’un an d’évolution engourdie », qui avait « affecté de manière significative son fonctionnement familial, social et professionnel et aussi son travail quotidien ».

b. Le 24 octobre 2023, l’AFC-GE s'en est rapportée à justice, considérant ne pas être compétente en matière d'avance de frais.

c. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10). Malgré l'absence de conclusions formelles, il ressort du recours qu'est matériellement demandée l'annulation du jugement d'irrecevabilité, de telle sorte qu'il peut être entré en matière.

2.             Le litige porte sur le bien-fondé du jugement d’irrecevabilité prononcé par le TAPI pour non-paiement de l’avance de frais dans le délai imparti.

2.1 L'exigence de l'avance de frais et les conséquences juridiques en cas de
non-paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal. Les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d'organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral 
2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/1262/2017 du 5 septembre 2017 consid. 2a et les références citées).

En vertu de l'art. 86 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l'avance de frais n'intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l'al. 1 de cette disposition laisse une certaine marge d'appréciation à l'autorité judiciaire saisie (ATA/1043/2021 du 5 octobre 2021 consid. 3b ; ATA/184/2019 du 26 février 2019 consid. 3c).

2.2 Selon la jurisprudence constante, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé (ATA/158/2020 du 11 février 2020 ; ATA/38/2020 du 14 janvier 2020 ; ATA/636/2017 du 6 juin 2017 consid. 4b et les références citées).

Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid 2c ; ATA/378/2014 du 20 mai 2014 consid. 3d ; ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 consid. 4b). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 et la jurisprudence citée ; ATA/1028/2016 précité ; ATA/916/2015 précité consid. 2c ; ATA/735/2015 du 14 juillet 2015 consid. 3b et la jurisprudence citée), partant de son représentant. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé (ATA/544/2013 du 27 août 2013 ; ATA/397/2013 du 25 juin 2013 consid. 9 ; Danielle YERSIN/Yves NOËL, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2008, n. 14 et 15 ad art. 133).

En revanche, la maladie n’est admise comme motif d'excuse que si elle empêche le recourant d'agir par lui-même ou de donner à un tiers les instructions nécessaires pour agir à sa place (ATA/50/2009 du 27 janvier 2009 consid. 3c). Ainsi, selon la jurisprudence de la chambre de céans, le seul état de santé déficient au moment de la notification de la décision est insuffisant (ATA/212/2014 du 1er avril 2014), de même qu’une dépression importante (ATA/660/2015 du 23 juin 2015). Même le cas d’un administré atteint d’un cancer dont la situation de santé se péjorait et le traitement s’alourdissait, nonobstant un certificat mentionnant la nécessité de soins de l’intéressé et son incapacité à pouvoir gérer sa vie professionnelle et personnelle pendant six mois n’a pas été considéré comme cas de force majeure (ATA/888/2014 du 11 novembre 2014).

Selon la jurisprudence, le moment déterminant pour constater l'observation ou l'inobservation du délai est celui auquel la somme a été versée en faveur de l'autorité à la Poste suisse (que ce soit au guichet d'un bureau de poste ou lors d'un transfert depuis l'étranger) ou celui auquel l'ordre de paiement en faveur de l'autorité a été débité du compte postal ou bancaire du recourant ou de son mandataire
(ATF 139 III 364 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_884/2017 du 22 février 2018 consid. 3.1.1 et les arrêts cités ; ATA/1170/2019 du 19 juillet 2019 consid. 3b).

Il découle en outre de la jurisprudence que tant la partie que son mandataire doivent avoir un comportement exempt de toute faute (ATF 119 II 86 consid. 2 ; 114 II 181 consid. 2). Les principes de la représentation directe déploient tous leurs effets (arrêt du Tribunal fédéral 2C_511/2009 du 18 janvier 2010 consid. 5.3).

2.3 Selon l'art. 16 al. 2 LPA, le délai imparti par l’autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration.

2.4 La jurisprudence a tiré de l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et de l’obligation d’agir de bonne foi à l’égard des justiciables (art. 5 et 9 Cst.) le principe de l’interdiction du déni de justice formel, qui comprend la prohibition de tout formalisme excessif. Un tel formalisme existe lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique sans raison objective la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_254/2016 du 9 mai 2016 consid. 5.2). L'excès de formalisme peut résider soit dans la règle de comportement imposée au justiciable, soit dans la sanction qui lui est attachée (ATF 132 I 249 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_382/2015 du 21 mai 2015 consid. 5.1 ; ATA/49/2017 du 24 janvier 2017). Ainsi en va-t-il lorsque la violation d’une règle de forme de peu d’importance entraîne une sanction grave et disproportionnée, telle par exemple une décision d’irrecevabilité (ATF 133 V 402 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_328/2014 du 8 mai 2014 consid. 4.1 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 261 n. 2.2.4.6 et les références citées).

De manière générale, la sanction du non-respect d'un délai de procédure n'est pas constitutive de formalisme excessif, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_6/2016 du 1er juin 2017 consid. 3.2 ; ATA/564/2012 du 21 août 2012). De jurisprudence constante, la sanction de l’irrecevabilité du recours pour défaut de paiement à temps de l’avance de frais ne procède pas d’un excès de formalisme ou d’un déni de justice, pour autant que les parties aient été averties de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le versement et des conséquences de l’inobservation de ce délai (ATF 104 Ia 105 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1 ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 1002 ad art. 86 LPA).

Enfin, la gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation du recourant n'est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_703/2009 du 21 septembre 2010 consid. 4.4.2 ; 2C_645/2008 du 24 juin 2009 consid. 2.2 ; 2C_450/2008 du 1er juillet 2008 consid. 2.3.4).

2.5 En l’espèce, le recourant ne conteste pas avoir été informé du délai imparti pour verser l'avance de frais, du caractère suffisant dudit délai, ainsi que des conséquences d'une absence de versement en temps voulu.

Il résulte des pièces au dossier que si l'ordre de paiement a bien été donné le 25 juillet 2023, son compte bancaire n'a été débité que le lendemain, soit au-delà du délai imparti. Ainsi que l’a relevé le TAPI, le fait qu’il ignorait que, selon le règlement de sa banque, un paiement saisi après 12h00 n’était exécuté que le lendemain, ne constitue pas un motif justifiant une restitution du délai de versement de l’avance de frais.

Devant la chambre de céans, le recourant invoque une « grosse dépression » le rendant incapable de faire face à ses obligations dans les délais. La chambre de céans observe toutefois que le certificat médical produit par l’intéressé, s’il évoque un « épisode dépressif majeur », affectant « de manière significative son fonctionnement familial, social et professionnel », il ne fait pas état d’effets invalidants de l’affection ni ne mentionne de limitations fonctionnelles telles qu’une incapacité absolue d’accomplir des tâches ou des démarches administratives. S’ajoute à cela que le contenu du certificat médical ne permet pas de démontrer que le recourant était également empêché de confier la gestion de ses affaires à un tiers. Force est d’ailleurs de constater que l’intéressé, qui a recouru dans le délai légal, a su s’acquitter en temps utile de la demande d’avance de frais sollicitée par la chambre de céans. Le recourant échoue ainsi à établir qu’il se serait trouvé empêché d’acquitter à temps l’avance de frais réclamée par le TAPI en raison d’un cas de force majeure.

Dans ces circonstances, la chambre de céans ne peut que constater que, l'avance de frais n'ayant pas été acquittée dans le délai imparti, le TAPI était fondé à déclarer le recours irrecevable, conformément à l'art. 86 al. 2 LPA.

3.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 septembre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 septembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à l’administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :