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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/472/2022

ATA/182/2024 du 06.02.2024 sur JTAPI/710/2023 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 13.03.2024, 9C_171/2024
Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;IMPÔT SUR LE BÉNÉFICE DES ENTREPRISES;DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL);PERSONNE PROCHE;PRESTATION APPRÉCIABLE EN ARGENT;DISTRIBUTION DISSIMULÉE DE BÉNÉFICES;PROCÉDURE FISCALE;SOUSTRACTION D'IMPÔT;TAXATION CONSÉCUTIVE À UNE PROCÉDURE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;CONSULTATION DU DOSSIER;MOTIVATION DE LA DÉCISION;AMENDE;PRESCRIPTION;PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
Normes : CEDH.6 § 2; Cst.29.al2; Cst.32.al1; CO.717.al1; CP.47; CP.48; CP.106.al3; LIFD.27; LIFD.57; LIFD.58; LIFD.114; LIFD.120.al1; LIFD.120.al3.leta; LIFD.120.al3.letd; LIFD.120.al4; LIFD.124.al2; LIFD.126.al1; LIFD.151.al1; LIFD.151.al2; LIFD.152.al1; LIFD.152.al3; LIFD.175; LIFD.176; LIFD.181.al1; LIFD.184.al1.letb.ch1; LIFD.184.al1.leta; LIFD.184.al2; LHID.24.al1.leta; LHID.42.al1; LHID.47.al1; LHID.53.al2; LHID.53.al3; LHID.56.al1; LHID.56.al2; LHID.57.al1; LHID.58.al1; LHID.58.al2.leta; LHID.58.al3; LHID.78f; LIPM.12.leta; LIPM.12.leth; LPFisc.17; LPFisc.22.al1; LPFisc.22.al3.leta; LPFisc.22.al3.letd; LPFisc.22.al4; LPFisc.26.al2; LPFisc.31.al1; LPFisc.59.al1; LPFisc.59.al2; LPFisc.61.al1; LPFisc.61.al3; LPFisc.69.al1; LPFisc.69.al2; LPFisc.70.al1; LPFisc.70.al2; LPFisc.74.al1; LPFisc.77
Résumé : recours d'une société contre le jugement du TAPI confirmant les décisions de taxation de l’AFC et les amendes prononcées à son encontre. La société n'a pas respecté les termes du ruling fiscal dont elle bénéficiait et a concédé à un proche des prestations appréciables en argent, si bien que le montant y relatif doit être comptabilisé dans son bénéfice net imposable (reprise). En outre, les déductions opérées par la société pour le paiement des honoraires d'un de ses proches ne sont pas conformes au principe de périodicité et ne peuvent ainsi être admises à titre de déductions. Les amendes sont fondées dans leur principe et leur montant. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/472/2022-ICCIFD ATA/182/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 février 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Mes Xavier OBERSON et Lysandre PAPADOPOULOS, avocats

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et intimées

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 juin 2023 (JTAPI/710/2023)


EN FAIT

A. a. A______ SA (ci-après : A______) est inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 31 janvier 2007. Selon ses statuts du même jour, modifiés le 27 avril 2022, elle a pour but notamment la création, la fabrication et la commercialisation de produits d'horlogerie, de bijouterie, d'orfèvrerie et de composants horlogers et industriels ainsi que le commerce de composants horlogers, de diamants et de métaux précieux.

B______ a été l'un des administrateurs de la société jusqu'en octobre 2017.

b. Le groupe de sociétés C______ (ci-après : le groupe) est actif dans la conception, la fabrication et la distribution de montres de luxe. En font partie notamment A______, D______ SA, sise à I______, E______ LTD, sise dans J______, et F______ LTD, sise à K______.

c. De 1999 à 2006, avant la création de A______, le groupe a comptabilisé l’essentiel de son chiffre d'affaires auprès de ses deux sociétés étrangères, E______ LTD et F______ LTD.

Les administrations fiscales cantonale (ci-après : AFC-GE) et fédérale ont assujetti les sociétés précitées aux impôts à Genève et en Suisse, ce qui a donné lieu à un litige entre les différents intervenants.

d. Afin de mettre un terme à ce litige, le groupe et l'AFC-GE ont notamment convenu, par accord du 22 décembre 2006 (complété par un second accord approuvé le 28 octobre 2009), que le premier créerait à Genève, dès la période fiscale 2007, une société principale afin d'y pérenniser l’imposition de son chiffre d’affaire en Suisse.

Selon ledit accord, la nouvelle société supporterait les risques liés à la distribution des montres de la marque G______. Les fonctions et responsabilités assumées par E______ LTD étaient la détention, le développement, la protection ainsi que le maintien de la valeur de la marque, des designs et des logos G______.

À la suite de la mise en place de la nouvelle structure, toutes les fonctions stratégiques liées à la distribution seraient exclusivement centralisées dans la nouvelle société principale. La distribution des produits serait assurée principalement par des sociétés étrangères de distributions régionales que le groupe envisageait de constituer. Ces dernières vendraient les produits en leur nom et pour leur propre compte. Néanmoins, elles dépendraient économiquement de la société principale puisque cette dernière supporterait les risques et serait responsable de manière centralisée pour les fonctions liées à la distribution.

Les parties ont en particulier convenu que :

-          le bénéfice de l'activité commerciale réalisé avec des distributeurs tiers ou réalisé en Suisse, ainsi que les bénéfices provenant de placements financiers ou tout autre bénéfice non commercial, seraient entièrement soumis à l'impôt en Suisse dans le chef de la société principale ;

-          un pourcentage forfaitaire de 50% du bénéfice résultant de l'activité commerciale avec les distributeurs du groupe à l'étranger serait imposable en Suisse dans le chef de la société principale.

La nouvelle société a été mise au bénéfice d’un statut de société principale, à partir du 1er janvier 2007 et jusqu'en 2016, ce statut restant valable tant qu’elle remplissait les conditions suivantes :

-          elle devait être assujettie en Suisse de manière illimitée en vertu d'un rattachement personnel ;

-          les fonctions, responsabilités et risques liés à l'activité concernée devaient être centralisées à l'intérieur du groupe dans la nouvelle société ;

-          les produits devaient être vendus par des sociétés du groupe qui agissaient comme commissionnaires ou sous contrat « stripped buy/sell ». Dans les deux cas, les sociétés dépendaient économiquement de la société principale, et le risque d'entreprise devait être supporté par cette dernière.

e. En janvier 2007, et conformément à l'accord précité, le groupe a créé la société principale, soit A______.

f. Dans les courriers qu’ils ont adressés les 4 septembre et 6 octobre 2009 à l'AFC‑GE, lesquels ont complété l'accord initial (approbation le 28 octobre 2009), les représentants du groupe ont notamment indiqué que :

-          lors de la constitution de A______, des stocks de montres lui avaient été transférés par F______ LTD, pour une valeur comptable de CHF 24'409'685.-, et par D______ SA, pour une valeur comptable de CHF 50'732'582.- ;

-          ledit prix de transfert, de CHF 24'409'685.-, correspondait à la valeur vénale ;

-          les provisions sur stocks de composants et de montres étaient justifiées par la sévérité de la crise économique qui créait un sur-stockage très important par rapport aux ventes prévisibles à moyen terme ;

-          conformément au ruling du 22 décembre 2006, les montres détenues au 31 décembre 2006 par D______ SA et E______ LTD avaient été cédées en 2007 à la valeur comptable à A______.

g. Le 19 novembre 2010, l'AFC-GE a confirmé que l'accord du 22 décembre 2006 (complété par celui du 28 octobre 2009) était valable pour une durée de cinq ans, renouvelable, dès la période fiscale 2007.

h. Par courriers séparés du 21 février 2014, le groupe a indiqué à l'AFC-GE que l'activité déployée par E______ LTD consistait principalement en la gestion de la propriété intellectuelle de la marque G______, la gestion des licences liées à ses droits de propriété et la gestion de la trésorerie et les aspects comptables et administratifs y relatifs.

La production des montres était assumée par D______ SA dans une structure indépendante. Toutes les autres fonctions stratégiques liées à la distribution étaient centralisées dans une seule société, à savoir A______. Cette dernière supportait tous les risques liés à la distribution des produits.

B. a. Le 20 novembre 2006, B______ et H______ SA, holding faitière du groupe, ont conclu une convention de « consultant ».

Selon ce document, B______ acceptait d'assister le groupe en tant que consultant dans les domaines suivants : conception et fabrication de montres (1) ainsi que représentation et promotion de la marque G______ et du groupe C______ (2), étant précisé que cette dernière activité serait couverte par un contrat de consultant avec E______ LTD.

En contrepartie de ses services, H______ SA lui verserait des honoraires forfaitaires de CHF 2'500'000.- par an.

b. Le 5 novembre 2012, B______ et A______ ont également conclu une convention de « consultant ».

Selon ce document, B______ acceptait d'assister le groupe en tant que consultant pour la représentation et promotion de la marque G______ et du groupe.

En contrepartie de ses services, A______ lui verserait des honoraires forfaitaires de CHF 2'500'000.- par an pour les années 2012 et 2013. Dès le 1er janvier 2014, ces honoraires forfaitaires annuels seraient de CHF 1'250'000.-.

C. a. Pour les années fiscales 2010 et 2011, l'AFC-GE a taxé A______ sur un bénéfice imposable de respectivement CHF 0.- et CHF 106'052'400.- et sur un capital propre imposable de respectivement CHF 500'000.- et CHF 124'266'731.-.

b. Le 26 juin 2017, l'AFC-GE a informé A______ de l’ouverture à son encontre de procédures en rappel et en soustraction d’impôt pour l'année 2011 et en tentative de soustraction pour les années 2012 à 2015, des éléments ayant été portés à sa connaissance permettant d'envisager des déclarations inexactes ou incomplètes.

c. L'AFC-GE a procédé à un contrôle sur place les 28 et 30 août 2017. À cette occasion, des documents concernant A______ et D______ SA ont été mis à disposition des enquêteurs, à savoir notamment l'organigramme du groupe, les grands livres 2011 – 2015, les pièces comptables 2011 à 2015, celles liées à la clôture des exercices 2011 à 2015 ainsi que les directives et instructions sur la comptabilisation du stock ainsi que le détail de l'inventaire.

d. Le 11 septembre 2017, lors d'un entretien dans les locaux de l'AFC-GE, A______ a remis aux autorités plusieurs documents, notamment un document intitulé « ventes réalisées depuis les stocks en consignation chez les distributeurs ».

e. Le 19 décembre 2017, l'AFC-GE a informé A______ qu'elle avait décidé d'étendre le contrôle aux années fiscales 2007 à 2010.

Selon les rulings, l'entier du stock détenu auparavant par E______ LTD aurait dû être transféré à A______ en 2007. Or, selon les explications données le 11 septembre 2017, une partie du stock était restée auprès de E______ LTD, qui avait enregistré des ventes y relatives.

f. Le 17 septembre 2019, faisant suite à un entretien dans les locaux du groupe, l'AFC-GE a prié ce dernier de lui transmettre de nouveaux documents, en particulier le contrat de consultant conclu avec B______ le 20 novembre 2006, ce que le groupe a fait.

g. Le 4 décembre 2019, l'AFC-GE a fait savoir à A______ que les ventes de montres effectuées par E______ LTD apparaissaient problématiques et qu'elle n'arrivait pas à réconcilier les chiffres avec les affirmations de A______. Elle l'a priée d'illustrer sa position avec des éléments comptables.

h. Le 17 décembre 2019, un nouvel entretien a eu lieu dans les locaux de A______.

Celle-ci a donné des explications sur le stock de montres vendues par E______ LTD et a remis à l'AFC-GE de nouveaux documents.

i. Dans le cadre de l’instruction desdites procédures, l'AFC-GE a notamment établi que :

-          avant le 31 décembre 2006, E______ LTD avait acquis de D______ SA des montres fabriquées par cette dernière, puis les avait revendues aux sociétés distributrices et comptabilisé leur vente ;

-          en 2006, E______ LTD avait constitué des provisions sur débiteurs et, dès 2007, avait décidé, dans le but de réduire les soldes des débiteurs ouverts, de reprendre la propriété d'une partie des produits déjà vendus aux distributeurs, tout en leur laissant les stocks de montres invendues (stocks en consignation) ;

-          la valeur desdits stocks s’élevait à plus de CHF 169'000'000.- ;

-          des notes de crédits avaient été émises auprès des distributeurs ;

-          les distributeurs s’étaient engagés à informer E______ LTD s'ils parvenaient à vendre les stocks de montres et à lui verser les recettes ;

-          dès 2007, dite société créditait son stock en consignation, puis enregistrait une créance envers le distributeur, la compensait dès le paiement par ce dernier et extournait la provision y relative, ce qui générait un produit ;

-          A______ avait pris à sa charge des honoraires de consultant versés à B______, pour les services que celui-ci rendait, selon le contrat du 11 novembre 2006, à E______ LTD.

j. Les 1er mars et 26 avril 2021, l'AFC-GE a notifié à A______ :

-          des bordereaux de rappel d’impôt pour les années 2010 et 2011, faisant état de suppléments d’impôt de CHF 1'440'991.- pour l'impôt cantonal et communal (ci‑après : ICC) 2010, CHF 564’102.50 pour l'impôt fédéral direct (ci‑après : IFD) 2010, CHF 3'586’863.40 pour l'ICC 2011 et CHF 1'410’974.50 pour l'IFD 2011) ;

-          des bordereaux d’amende ICC et IFD 2010 et 2011 correspondant à une fois les montants précités ;

-          des bordereaux de taxation ICC et IFD 2012 à 2015, compris entre CHF 920'210.- et CHF 9'165'812.45 ;

-          des bordereaux d’amende pour tentative de soustraction des ICC et IFD 2012 à 2015 correspondant à deux tiers des impôts soustraits, les montants des amendes étant compris entre CHF 39'989.- et CHF 1'210'178.-.

Les reprises sur le bénéfice – opérées pour honoraires de consultant non justifiés et prestations à des tiers proches – s’élevaient à :

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Honoraires de consultant

1'250'000.-

0.-

15'250'000.-

0.-

Prestations à des tiers proches

24'929'960.-

5'347'400.-

3'370'220.-

3'409'515.-

1'825'225.-

1'859'773.-

Les amendes étaient infligées au motif que A______ avait choisi de racheter des montres à des distributeurs puis de les revendre à travers E______ LTD, située dans une juridiction offshore, ce qui avait abouti à une taxation insuffisante. De plus, la contribuable avait passé en charge des frais liés à la marque G______, alors qu’ils auraient dû être supportés par cette même entité offshore, parce que son but au sein du groupe était la détention et la protection des droits de propriété intellectuelle, dont la marque. Les honoraires de consultant y relatifs ne constituaient ainsi pas des charges justifiées par l'usage commercial pour A______.

Pour la fixation de la quotité des amendes, il était tenu compte de l’importance des montants soustraits, au titre de circonstance aggravante, et de la bonne collaboration de A______, comme circonstance atténuante.

k. Les 30 mars et 25 mai 2021, A______ a formé réclamation contre ces bordereaux et a notamment produit la convention de « consultant » du 5 novembre 2012 qu'elle avait conclue avec B______.

Conformément au principe de déterminance, l'AFC-GE aurait dû s’en tenir à ses comptes commerciaux. Les produits repris n’ayant pas été comptabilisés par elle‑même, mais par E______ LTD, les reprises ne pouvaient être opérées auprès d’elle. De plus, il s’agissait des ventes effectuées avant le 31 décembre 2006 par cette société. E______ LTD n'avait procédé à aucune vente après 2007, « sous réserve de l'encaissement des produits en consignation ». Dès lors, les revenus y relatifs ne pouvaient être imposés après cette date, puisqu’ils avaient déjà fait l’objet des reprises ayant mené aux accords d'octobre 2009.

 

Dès le 1er janvier 2007 et afin d’éviter des risques résultant des activités antérieures à 2007, E______ LTD n'avait eu d'autre choix que de constituer des provisions sur débiteurs. Ce plan de règlement avait été mis en œuvre par la conclusion d'accords de consignation avec les distributeurs concernés, en vertu desquels E______ LTD avait repris la propriété des montres – tout en les laissant en consignation chez les distributeurs – et décidé d'émettre des notes de crédit auprès de ces derniers, ce qui leur avait permis de revenir à des « niveaux débiteurs acceptables ». Le « plan de règlement » avait permis aux distributeurs d'acheter de nouveaux produits auprès d’elle, ce qui n'aurait pas été possible dans la même mesure si les soldes débiteurs étaient restés à leur niveau à fin 2006.

En tout état, si les produits litigieux devaient lui être attribués, les charges commerciales y relatives devaient alors l’être également. De plus, les ventes des produits en consignation chez les distributeurs, qui avaient été effectivement encaissées en 2010 par E______ LTD, se montaient à CHF 9'977'670.-, et non pas à CHF 24'929'960.-.

S’agissant des honoraires de consultant, B______ s’était certes engagé à assister le groupe dans le domaine de la promotion de la marque. Toutefois, ses honoraires ne se rattachaient pas à la promotion de la marque proprement dite, mais bien à ses activités à elle, soit la distribution et la promotion de la vente des produits. Subsidiairement, l'AFC‑GE ne pouvait reprendre une partie « limitée » des honoraires. En effet, dans la mesure où elle-même les avait comptabilisés et qu’ils avaient une « connexité objective » avec son activité commerciale, ils étaient justifiés par l’usage commercial dans une mesure « prépondérante ».

Les produits repris n’étant pas imposables et les conditions de la soustraction fiscale n’étant ainsi pas remplies, les amendes devaient être annulées.

l. L'AFC-GE a accordé à A______ l'accès au dossier le 22 juillet 2021.

m. Par décision du 7 janvier 2022, l'AFC-GE a admis partiellement la réclamation, les amendes ICC et IFD 2010 étant annulées pour cause de prescription, et l'a rejetée pour le surplus.

L'un des objets des accords était que E______ LTD cessât de comptabiliser le chiffre d'affaires du groupe, puisque c’était A______ qui devait le faire. Or, E______ LTD avait continué à vendre des montres depuis 2007. Le fait qu’il s’agissait des ventes antérieures à 2006 n’était pas déterminant, puisque E______ LTD savait déjà, lors de la clôture de ses comptes 2006, que ces ventes seraient annulées en 2007, si elles n’étaient pas payées, et feraient l'objet de notes de crédit. Les accords conclus ne mentionnaient pas, à tort, qu'il avait subsisté un stock de montres au sein de E______ LTD et que cette dernière aurait pu l'écouler en parallèle de la structure principale. Or, l'idée de ces accords consistait à « rapatrier » le chiffre d'affaires en Suisse, moyennant la constitution de A______, et de mettre fin à des années pendant lesquelles les bénéfices avaient été indûment déplacés vers des sites offshores. En procédant, après 2007, à des ventes pour des montants substantiels par le biais de E______ LTD, le groupe avait continué ses pratiques consistant à défiscaliser des revenus qui devaient revenir au canton de Genève. Ce procédé allait à l'encontre des engagements pris par le groupe.

Les honoraires payés à B______ que E______ LTD avait comptabilisés jusqu’à fin 2011 avaient été repris par la contribuable en 2012. De plus, dans la mesure où B______ avait rendu au groupe des services de conception et de fabrication, les honoraires y relatifs auraient dû être supportés par D______ SA, et non pas par la contribuable. De même, les honoraires liés à des services de représentation et de promotion de la marque que B______ avait rendus devaient être supportés par E______ LTD. La déduction, en 2012, du montant de CHF 12'750'000.- devrait être refusée en application du principe d'étanchéité des exercices, puisque seul un montant de CHF 2'500'000.- concernait cette période fiscale. Les honoraires n'étaient pas en corrélation directe avec les fonctions de A______.

Les conditions objectives et subjectives de la soustraction fiscale et des tentatives de soustraction étaient réunies. A______ avait comptabilisé des charges qui devaient être supportées par une autre entité du groupe et omis de comptabiliser des produits. Elle ne pouvait ignorer qu'il en résulterait un bénéfice imposable trop bas, si bien que sa faute était intentionnelle.

D. a. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à celle des bordereaux y relatifs. Elle a repris et complété l'argumentation formulée dans sa réclamation.

b. L'AFC-GE a conclu à ce qu’il lui soit donné acte de ce qu'elle annulait, à hauteur de CHF 2'500'000.-, le redressement des honoraires de consultant 2012 pour la période fiscale 2012. Pour le surplus, elle a conclu au rejet du recours, reprenant également l'argumentation formulée dans sa décision sur réclamation et précisant ce qui suit.

La mise en place de la structure de société principale impliquait le transfert de l'entier du stock de montres de E______ LTD à A______, y compris les stocks des montres invendues laissées en consignation auprès des distributeurs. Lors de la signature des accords, le groupe savait qu'il existait en son sein un sur‑stockage de composants et de montres très important, ce dont elle aurait dû être informée, ainsi que du fait que le montant de CHF 24'409'685.-, articulé dans les accords, ne tenait pas compte des stocks d'invendus laissés en consignation. Les ventes auraient dû être comptabilisées par A______. Le principe comptable de déterminance devait donc céder le pas à une règle correctrice de droit fiscal relative à des produits non comptabilisés.

Il était incorrect de prétendre que seule la marge pouvait faire l'objet d'une imposition. En effet, les charges afférentes aux ventes des montres avaient déjà été prises en compte dans le chef de E______ LTD à l'époque où celle-ci était imposée à Genève.

S'agissant des honoraires de B______, en vertu du principe de la périodicité, les redressements fiscaux de CHF 1'250'000.- pour l'année 2010 et de CHF 12'750'000.- pour l'année 2012 devaient être maintenus. En revanche, il convenait d'annuler le redressement des honoraires relatifs à l’exercice 2012 (CHF 2'500'000.-), la convention du 5 novembre 2012 ayant été conclue entre A______ et B______.

L'AFC-GE a informé le TAPI qu'elle tenait certaines pièces du dossier à sa disposition, en cas de besoin.

c. Le TAPI a informé A______ que le dossier transmis par l'AFC‑GE était à sa disposition pour consultation au greffe.

d. Par jugement du 26 juin 2023, le TAPI a partiellement admis le recours et renvoyé le dossier à l'AFC-GE pour nouvelles décisions de « rappel d'impôt » et d'amende ICC et IFD 2012, dans le sens admis par l'autorité fiscale.

Le droit de procéder aux rappels d’impôt 2010 et 2011, et à la taxation 2013 [recte : 2012] à 2015, n'était pas périmé. De même, en application du nouveau droit, la poursuite pénale de la soustraction d'impôt consommée pour l’année fiscale 2011 n'est pas prescrite. L'application de l'ancien droit n'était pas plus favorable à la contribuable.

A______ avait eu un accès illimité à toutes les pièces sur lesquelles l'AFC-GE s’était fondée pour opérer les reprises et amendes litigieuses. Le dossier que celle-ci avait transmis au TAPI ne contenait que ces pièces et il était loisible à A______ de les consulter auprès de ce dernier.

Il incombait à A______ de comptabiliser l’intégralité du commerce de montres du groupe. Au cours des années fiscales en cause, les recettes découlant de ventes de stocks avaient toutefois été comptabilisées par E______ LTD. Or, la validité du ruling était conditionnée par le transfert à A______ de la valeur de tous les stocks invendus. En renonçant à réclamer à ladite société les recettes litigieuses, A______ avait renoncé à des produits au profit d’un proche, sans contreprestation correspondante. Les distributeurs tiers auraient pu tout aussi efficacement « revenir à des niveaux débiteurs acceptables », si A______ avait elle-même comptabilisé et dissout les provisions y relatives, ce qu’elle aurait pu faire si elle avait repris les stocks concernés.

C’était précisément en vertu du droit commercial qu’il incombait à A______ de comptabiliser le chiffre d’affaires en question. Les autorités fiscales étaient dès lors légitimées à appliquer les règles correctrices. Les reprises sur les recettes devaient être confirmées tant dans leur principe que dans leur quotité, A______ se limitant à faire valoir en déduction des charges y relatives, sans préciser leur montant ni démontrer leur justification commerciale. Il en allait de même des reprises des honoraires de consultant puisque pour la période 2007 à 2011, A______ n’avait conclu aucun contrat avec B______ qui aurait permis de déterminer les services qu’il devait lui fournir ainsi que leur prix.

La comptabilité et les déclarations d'impôt A______ pour les années 2010 à 2015 étaient irrégulières, car, d’une part, elles ne mentionnaient pas les recettes correspondant aux prestations appréciables en argent et, d’autre part, elles tenaient compte de charges injustifiées. Les organes de A______ avaient violé leur obligation de remplir la déclaration fiscale de manière conforme à la vérité et avaient intentionnellement commis une faute. En effet, les comptes de la société n'étaient pas conformes au droit civil, puisqu'ils n’incluaient pas les recettes en cause. En outre, les organes de la contribuable, rompus aux affaires, ne pouvaient ignorer les conséquences fiscales de l'octroi des prestations dans des conditions s'écartant manifestement de celles qui auraient prévalu entre tiers. Partant, le prononcé des amendes était fondé dans son principe. La quotité des amendes était également justifiée. Les circonstances aggravantes imputables à la recourante (résidant notamment dans le fait que les infractions avaient été commises sur six [sic] périodes fiscales), n'étaient contrebalancées par aucune autre circonstance atténuante que celle de sa bonne collaboration. Si l'infraction la plus ancienne remontait certes à plus de dix ans, A______ n'avait pas démontré s'être comportée correctement vis‑à-vis du fisc depuis 2015.

E. a. Par acte remis à la poste le 26 juillet 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre ce jugement, concluant principalement à son annulation. Elle a repris et complété l'argumentation formulée jusque-là.

Son droit d'accès au dossier avait été violé. Devant le TAPI, elle n'avait pas pu accéder à un dossier complet constitué en bonne et due forme, puisque le dossier que l'AFC-GE avait remis à la juridiction était incomplet et ne correspondait pas à celui auquel elle avait eu accès dans le cadre de la procédure de réclamation.

Les recettes découlant des opérations d'encaissement ne lui étaient pas attribuables et, il n'y avait, en tout état, aucun bénéfice imposable découlant des opérations d'encaissement. De plus, la totalité des honoraires de consultant de B______ était déductible dans son chef. Le prononcé d'amendes pour soustraction d'impôt pour la période fiscale 2011 était d'ailleurs prescrit.

Le TAPI avait violé le principe de la présomption d'innocence à plusieurs égards.

Elle n'avait pas remis des renseignements inexacts à l'AFC-GE, si bien qu'aucune infraction ne pouvait lui être reprochée. Toute intention de soustraire ou de tenter de soustraire des montants était contestée. Le montant de l'impôt soustrait ne pouvait pas être pris en compte comme élément pour fixer la peine.

b. L'AFC-GE a conclu au rejet du recours, se référant à ses précédentes explications.

c. Dans sa réplique, A______ a relevé que le TAPI ne pouvait pas se contenter des suggestions de l'AFC-GE, selon lesquelles les pièces que cette dernière avait produites étaient les seules pertinentes. Pour le reste, les montres se trouvaient toujours dans les stocks en consignation et n'avaient pas été vendues en 2010, si bien qu'il ne pouvait y avoir de reprises.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a, 63 al. 1 let. b et 63 al. 2 let. e de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

Il convient de préciser que la juridiction inférieure a confirmé les bordereaux de rappel d’impôt 2010 et 2011, de taxation 2013 à 2015 et d’amende 2011 et 2013 à 2015. Elle a pour le surplus renvoyé le dossier à l'intimée, soit l'AFC-GE, pour nouvelles décisions de taxation et d’amende ICC et IFD 2012, les rectifications admises par l'intimée dans le cadre de la procédure devant être prises en compte.

Dès lors, ledit renvoi ne donne aucune marge d'appréciation à l'intimée. L'arrêt querellé constitue donc une décision finale (art. 57 let. a LPA) et non une décision incidente au sens de l'art. 57 let. c LPA (ATF 144 II 359 consid. 2.2.1 ; 138 I 143 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1085/2018 du 12 décembre 2018 consid. 4.3). La recevabilité du recours n'est par conséquent ni soumise à l'existence d'un préjudice irréparable ni à la condition que l'admission du recours puisse conduire immédiatement à une décision finale qui permettrait d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. Il convient donc d'entrer en matière sur le fond sans procéder à l'analyse de ces conditions.

2.             Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner avant les griefs au fond, la recourante se plaint de ne pas avoir eu accès à un dossier complet et suffisamment ordonné devant le TAPI. Elle reproche également à ce dernier d'avoir statué sur la base d'un dossier incomplet puisque certaines pièces contenues dans le dossier que l'intimée lui avait fourni (à la recourante) dans le cadre de la procédure de réclamation auraient été retranchées du dossier transmis au TAPI.

2.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision ne soit prise, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_157/2018 du 28 mai 2018 consid. 3.1 et les références citées). Le droit d'être entendu n'empêche toutefois pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2022 du 20 avril 2023 consid. 3.1 et les références citées).

2.2 Le devoir général de tenue de dossiers qui incombe aux autorités est également une composante de l'art. 29 al. 2 Cst. Toute autorité a l'obligation de constituer un dossier complet de la procédure, afin de permettre à toute personne concernée d'en prendre connaissance dans les meilleures conditions et, en cas de recours, de pouvoir le transmettre à l'autorité de recours. L'autorité intimée est par conséquent tenue de consigner dans le dossier tous les éléments essentiels pour l'issue du litige. La garantie constitutionnelle à une tenue claire et ordonnée des dossiers oblige les autorités et les tribunaux à veiller au caractère complet de la documentation produite ou établie en cours de procédure (ATF 138 V 218 consid. 8.1.2). La gestion du dossier doit être ordonnée, claire et complète (ATA/541/2021 du 25 mai 2021 consid. 2c et l'arrêt cité).

2.3 En matière d'ICC, l’art. 17 LPFisc fixe les règles fiscales en matière de consultation des dossiers fiscaux et est applicable par renvoi de l'art. 86 LPFisc, qui reprend les principes décrits ci-dessus. Il prévoit que le contribuable peut prendre connaissance des autres pièces du dossier une fois les faits établis et à condition que la sauvegarde d'intérêts publics ou privés ne s'y oppose pas. En matière d'IFD, les principes sont identiques (art. 114 LIFD ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_133/2020 du 15 juillet 2020 consid. 3.1).

 

2.4 Dans le domaine fiscal, il peut arriver que, même après l'instruction menée par l'autorité, un fait déterminant pour la taxation reste incertain. Ce sont les règles générales du fardeau de la preuve qui s'appliquent pour déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un tel fait. En matière fiscale, ce principe veut que l'autorité fiscale établisse les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment (ATF 143 II 661 consid. 7.2 ; 140 II 248 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1087/2018 du 29 juillet 2019 consid. 4.1). S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2020 du 8 juin 2020 consid. 3.5).

2.5 En l'espèce, l'intimée a donné accès au dossier de la cause à la recourante avant de rendre sa décision sur réclamation, ce qui n'est pas contesté. Elle lui a remis à cet effet un bordereau de pièces. Devant le TAPI, l'intimée a produit un dossier, comprenant également de nombreuses pièces mais dont le bordereau diffère dans une moindre mesure de celui remis dans la cadre de la procédure de réclamation. Elle a informé le TAPI qu'elle tenait à sa disposition certaines pièces.

Cela étant, rien ne laisse penser que des pièces déterminantes pour l'issue du litige et sur lesquelles l'intimée se serait fondée pour rendre sa décision n'auraient pas été transmises au TAPI par la précitée. La recourante ne prétend d'ailleurs pas, ni a fortiori ne démontre, que des documents qui auraient pu être de nature à amener l'instance précédente à trancher en sa faveur n'auraient pas été remis à celle-ci ou ignorés à un quelconque stade de la procédure. Quand bien même de tels documents existeraient, il incombait à la recourante de les produire, le contribuable devant prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment.

En outre, s'agissant des pièces que l'intimée n'a pas transmises au TAPI, l'informant toutefois qu'elle les tenait à sa disposition, elles émanent de la recourante, si bien que celle-ci en disposait et pouvait sans restriction les produire devant le TAPI si elle l'avait jugé nécessaire. De même, procédant à une appréciation anticipée des nombreuses preuves déjà disponibles, ce dernier pouvait renoncer à les réclamer à l'intimée.

Rien ne permet donc de retenir que le TAPI aurait statué sur la base d'un dossier incomplet. Ce reproche est par conséquent infondé.

S'agissant des reproches d'ordre formel relatifs à la tenue du dossier, l'intimée a transmis au TAPI un dossier muni d'un bordereau de pièces numérotées, et ce dans l'ordre chronologique, à l'exception certes du document n° 45, qui fait toutefois l'objet d'un dossier séparé car il contient de nombreuses pièces (listées au moyen des lettres a à j) remises par la recourante à l'intimée le 11 septembre 2017. Dès lors, et quand bien même il aurait été souhaitable, pour des questions pratiques, que les pièces du dossier soient regroupées dans des classeurs, ce dernier n'est pas difficilement utilisable, comme la chambre de céans a d'ailleurs pu elle-même le constater. On ne saurait par conséquent retenir que ledit dossier serait désordonné ou peu clair, ni a fortiori que la recourante aurait été empêchée de le consulter dans de bonnes conditions, étant précisé qu'elle a d'ailleurs été invitée par le TAPI à le consulter, ce qu'elle a très vraisemblablement fait au vu du grief soulevé.

Les griefs tirés de la violation du droit d'accès au dossier devront donc être écartés.

3.             Sous couvert d'une violation du principe de la présomption d'innocence, la recourante reproche au TAPI d'avoir validé, sans examen, les amendes prononcées pour tentative de soustraction. Ce faisant, elle se plaint en réalité d'un défaut de motivation et donc d'une violation de son droit d'être entendue.

3.1 Le droit d’être entendu au sens de l’art. 29 al. 2 Cst. implique également pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision. Il suffit qu’elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de sa portée et l’attaquer en connaissance de cause (ATF 143 III 65 consid. 5.2). La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_586/2021 du 20 avril 2022 consid. 2.1). En revanche, une autorité se rend coupable d’un déni de justice formel lorsqu’elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_564/2020 du 24 février 2022 consid. 2.1).

3.2 En l’espèce, contrairement à ce que soutient la recourante, le TAPI n'a pas validé, sans examen, les amendes prononcées pour tentative de soustraction. En effet, au consid. 26 du jugement attaqué (page 28), il a exposé de façon détaillée en quoi les éléments objectifs et subjectifs de la « soustraction fiscale » pour les années 2010 à 2015 étaient à son sens remplis, étant précisé que les périodes fiscales faisant l'objet des tentatives de soustraction sont les années 2012 à 2015 et sont donc comprises dans cette analyse. Dans la mesure où le comportement illicite réprimé par la tentative de soustraction au sens de l'art. 176 LIFD, correspond, sur le plan objectif, à celui de la soustraction fiscale au sens de l'art. 175 LIFD (arrêt du Tribunal fédéral 2C_733/2022 du 13 décembre 2022 consid. 7.1 et l'arrêt cité), le TAPI a ainsi examiné les éléments constitutifs objectifs de la tentative de soustraction reprochée à la recourante pour les années 2012 à 2015. De même, il ressort explicitement de son jugement qu'il a retenu que la recourante a agi intentionnellement au cours des périodes fiscales 2010 à 2015 (de facto au cours des périodes 2012 à 2015) et qu'elle remplissait ainsi également l'élément subjectif de la tentative de soustraction, soit l'intention (arrêt du Tribunal fédéral 2C_81/2022 et 2C_102/2022 du 25 novembre 2022 consid. 10. 2 et les arrêts cités).

Le jugement attaqué contient donc sur le point concerné – à tout le moins – une argumentation détaillée qui permet de comprendre les motifs sur lesquels le TAPI s'est fondé pour confirmer les amendes prononcées pour tentative de soustraction. L’intéressée, de surcroît représentée par des avocats spécialisés dans le domaine fiscal, était par conséquent en mesure de contester devant la chambre de céans les reproches qui lui sont adressés, ce qui exclut une violation de l’art. 29 al. 2 Cst.

Le grief sera donc écarté.

4.             Se pose la question du droit applicable.

4.1 En l'absence d'une réglementation expresse contraire, le droit applicable à la taxation est celui en vigueur pendant la période fiscale en cause. Le rappel d’impôt relevant du droit matériel, le droit applicable obéit aux mêmes règles (ATF 140 I 68 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_715/2022 du 19 juillet 2023 consid. 5). En revanche, en ce qui concerne la poursuite pénale pour soustraction fiscale, le nouveau droit, entré en vigueur le 1er janvier 2017, s'applique au jugement des infractions commises au cours de périodes fiscales précédant son entrée en vigueur s'il est plus favorable que le droit en vigueur au cours de ces périodes fiscales (principe de la lex mitior ; art. 205f LIFD et 78f de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_674/2021 du 27 avril 2022 consid. 5).

4.2 En l'espèce, le litige porte sur les rappels d'impôts ICC et IFD pour les périodes 2010 et 2011, sur les taxations IFD et ICC pour les années fiscales 2012 à 2015 ainsi que sur les amendes prononcées par l'intimée pour les périodes fiscales 2011 à 2015. La cause est ainsi régie par le droit en vigueur durant ces périodes, à savoir, s'agissant de l'IFD, par les dispositions de la LIFD et, pour ce qui est de l'ICC, par celles de la loi sur l'imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), de la LHID et de la LPFisc, sous réserve des amendes, pour lesquelles le principe de la lex mitior s'applique le cas échéant.

La question à trancher dans le cadre du recours étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme l'admet la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1).

5.             Se pose la question de la prescription et de la péremption, étant précisé que la recourante allègue que le prononcé d'amendes pour soustraction d'impôt pour la période fiscale 2011 serait prescrit, dans la mesure où le seul prononcé d'une amende ne pourrait valoir jugement de première instance sauvegardant la prescription.

5.1 La prescription ou la péremption sont des questions de droit matériel que la chambre administrative examine d'office (ATF 138 II 169 consid. 3.2 ; ATA/976/2021 du 21 septembre 2021 consid. 2a) tant pour l'IFD que les ICC, lorsque celles-ci se fondent sur le droit fédéral (ATF 138 II 169 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 4).

L'art. 152 al. 1 LIFD prévoit que le droit d'introduire une procédure de rappel d'impôt s'éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète. Le droit de procéder au rappel d'impôt s'éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (art. 152 al. 3 LIFD ; ATF 140 I 68 consid. 6.1). Les art. 61 al. 1 et 3 LPFisc et 53 al. 2 et 3 LHID posent les mêmes principes. La problématique peut donc être examinée conjointement pour l'IFD et l’ICC (ATA/761/2023 du 11 juillet 2023 consid. 4.1, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_578/2023 du 27 novembre 2023).

Selon la jurisprudence, toutes les mesures des autorités tendant à la fixation de la prétention fiscale et portées à la connaissance du contribuable, de même que de simples lettres ou injonctions, interrompent le délai de prescription. La notion d'acte tendant au recouvrement de la créance peut même comprendre des communications officielles qui n'annoncent qu'une taxation ultérieure et dont le but se limite précisément à interrompre le cours de la prescription (ATF 139 I 64 consid. 3.3 ; 137 I 273 consid. 3.4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_810/2017 du 16 août 2018 consid. 4.1 et 4.2).

5.2 Les art. 120 al. 1 LIFD, 47 al. 1 LHID et 22 al. 1 LPFisc prévoient que le droit de procéder à la taxation se prescrit par cinq ans à compter de la fin de la période fiscale. Selon les art. 120 al. 3 let. a et d LIFD et 22 al. 3 let. a et d LPFisc, un nouveau délai de prescription commence à courir (a) lorsque l'autorité prend une mesure tendant à fixer ou faire valoir la créance d'impôt et en informe le contribuable ou une personne solidairement responsable avec lui du paiement de l'impôt, ainsi que (d) lorsqu'une poursuite pénale est introduite ensuite de soustraction d'impôt consommée ou de délit fiscal. La prescription du droit de procéder à la taxation est acquise dans tous les cas quinze ans après la fin de la période fiscale (art. 120 al. 4 LIFD et 22 al. 4 LPFisc). Ces dispositions s'appliquent également à la tentative de soustraction, l'information de l'ouverture d'une procédure pour tentative de soustraction d'impôt constituant une mesure par laquelle l'autorité fiscale signale au contribuable sa volonté de procéder par la suite à sa taxation (ATF 139 I 64 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_74/2021 du 26 juillet 2021 consid. 4.2).

5.3 En l'espèce, comme l'a retenu à juste titre le TAPI, les 26 juin et 19 décembre 2017, des avis d'ouverture de procédures de rappel d’impôt 2010 et 2011 ainsi que de tentative de soustraction d’impôt 2012 à 2015, ont été notifiés à la recourante. Le délai de péremption de dix ans des art. 152 al. 1 LIFD, 61 al. 1 LPFisc et 53 al. 2 LHID a ainsi été respecté. De même, le délai de quinze ans n'étant pas écoulé, le droit de procéder aux rappels d’impôt 2010 et 2011 n'est pas périmé. Il en va de même du droit de procéder à la taxation 2012 à 2015, étant précisé que la notification, le 26 juin 2017, de l'avis d'ouverture de la procédure relative à la tentative de soustraction d’impôt 2012 à 2015, ainsi que les avis de taxation concernant ces années, notifiés le 21 mars 2021, ont eu pour effet de faire partir de nouveaux délais de prescription de cinq ans, lesquels n'ont jamais été dépassés.

5.4 Avant le 1er janvier 2017, la poursuite pénale de la soustraction d'impôt consommée se prescrivait dans tous les cas par quinze ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'avait pas été effectuée ou l'avait été de façon incomplète, ce délai ne pouvant être prolongé (art. 184 al. 1 let. b aLIFD en relation avec l’ATF 134 IV 328). La prescription, qui était, en cas de soustraction d’impôt consommée, de dix ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’avait pas été effectuée ou l’avait été de façon incomplète, était en outre interrompue par tout acte de procédure tendant à la poursuite du contribuable (art. 184 al. 2 aLIFD). La poursuite de la tentative de soustraction se prescrivait par six ans à compter de la clôture définitive de la procédure au cours de laquelle la tentative de soustraction avait été commise (ancien art. 184 al. 1 let. a et al. 2 LIFD).

Depuis le 1er janvier 2017, la poursuite pénale se prescrit, au plus tôt, par dix ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée ou l’a été de façon incomplète (art. 184 al. 1 let. b ch. 1 LIFD).

En cas de tentative de soustraction d'impôt, la poursuite pénale se prescrit par six ans à compter de la clôture définitive de la procédure au cours de laquelle la tentative de soustraction a été commise (art. 184 al. 1 let. a LIFD). La prescription ne court plus si une décision a été rendue par l'autorité cantonale compétente avant l'échéance du délai de prescription (art. 184 al. 2 LIFD). Le prononcé d'une amende par l'administration fiscale cantonale constitue notamment une telle « décision » (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5e éd., 2021, § 47 p. 718 et la référence citée).

En vertu des art. 205f LIFD et 78f LHID, le nouveau droit est applicable au jugement des infractions commises au cours des périodes fiscales précédant le 1er janvier 2017 s'il est plus favorable que le droit en vigueur au cours de ces périodes fiscales. Dans la mesure où il empêche la prescription de courir, en particulier durant la procédure devant le Tribunal fédéral, le nouveau droit se révèle être en principe moins favorable aux contribuables que l'ancien droit. Il est en revanche plus favorable si aucune décision n'a été rendue dans les dix ans à compter de la fin de la période fiscale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 4.3 ; 2C_444/2018 du 31 mai 2019 consid. 4.3 et les références citées).

L'art. 58 al. 1, al. 2 let. a et al. 3 LHID, en vigueur depuis le 1er janvier 2017, a un contenu identique à celui de l'art. 184 LIFD ; il est directement applicable si les cantons n'ont pas adapté leur législation au 1er janvier 2017. Tel est le cas du canton de Genève (art. 77 LPFisc, dont l’al. 1 let. a et 2 diffèrent de l'art. 58 LHID).

5.5 En l'occurrence, en application du nouveau droit, la poursuite pénale de la soustraction d'impôt consommée reprochée au recourant pour la période fiscale 2011 n'est pas prescrite, dès lors que l'intimée lui a notifié les bordereaux d'amende y relatifs le 1er mars 2021, soit avant l’échéance du délai de dix ans après la fin de cette période fiscale. En effet, conformément à la doctrine précitée, ces amendes constituent une « décision » au sens de l'art. 184 al. 2 LIFD dont le prononcé a pour effet d'arrêter le cours de la prescription.

L'application de l'ancien droit, rappelé ci-avant, n’est pas plus favorable à la recourante. En effet, même si celui-ci devait être appliqué selon le principe de la lex mitior, la poursuite pénale de la soustraction d'impôt consommée pour la période fiscale 2011 ne serait pas non plus prescrite, dès lors que la prescription a été interrompue avant son avènement par la notification les bordereaux d'amende le 1er mars 2021, ceux-ci devant être considérés comme un acte de procédure tendant à la poursuite de la contribuable (art. 184 al. 2 aLIFD). Par ailleurs, et pour autant que cela soit pertinent, l'argument de la recourante selon lequel le seul prononcé d'une amende ne pourrait pas se comprendre comme un jugement de première instance sauvegardant la prescription (art. 97 al. 3 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP – RS 311.0] et art. 333 al. 6 let. b aCP) ne peut être accueilli favorablement puisque, d’après le message relatif à l’adaptation de la LIFD et de la LHID aux dispositions générales du code pénal (FF 2012 2649, 2656), pour la soustraction d’impôt, le prononcé d’amende de l’administration fiscale cantonale compétente a valeur de jugement de première instance, dans la mesure où, dans le cadre de la procédure en soustraction d’impôt, cette autorité rend une décision une fois l’instruction terminée (Pietro SANSONETTI/Danielle HOSTETTLER in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [édit.], Commentaire romand de la LIFD, 2e éd., 2017, n. 27 ad art. 184). Cette dernière condition ne pose en l'occurrence pas de problème puisque les amendes ont été prononcées à la suite d'une instruction menée entre 2017 et 2019 et ayant fait l'objet de nombreux actes d'instruction ainsi que d'entretiens et d'échanges écrits entre les différentes parties.

Enfin, le délai de prescription de la poursuite pénale pour tentative de soustraction des ICC et IFD 2012 à 2015 n'a pas encore commencé à courir, puisque la procédure de taxation au cours de laquelle la tentative de soustraction aurait été commise n'est pas encore close, dès lors qu'elle fait l'objet du présent litige.

6.             La recourante ne conteste pas l’ouverture des procédures en rappel d'impôt (2010 et 2011). Il incombe néanmoins à la chambre de céans d’examiner si les conditions qui les fondent sont réunies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_60/2020 du 27 avril 2021 consid. 8.4).

6.1 Lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus de l’autorité fiscale lui permettent d’établir qu’une taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou qu’une taxation entrée en force est incomplète ou qu’une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l’autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l’impôt qui n’a pas été perçu, y compris les intérêts (art. 151 al. 1 LIFD et 59 al. 1 LPFisc).

Lorsque le contribuable a déposé une déclaration complète et précise concernant son revenu, sa fortune et son bénéfice net, qu’il a déterminé son capital propre de façon adéquate et que l’autorité fiscale en a admis l’évaluation, tout rappel d’impôt est exclu, même si l’évaluation était insuffisante (art. 151 al. 2 LIFD et 59 al. 2 LPFisc).

6.2 Les conditions régissant le rappel d'impôt sont réglementées de manière similaire aux plans fédéral et cantonal (ATA/1162/2018 du 30 octobre 2018 consid. 7b) si bien que la jurisprudence développée dans l’application des dispositions de la LIFD sur le rappel d’impôt ou la littérature publiée peut être appliquée par analogie à la procédure de rappel de droit cantonal.

6.3 Le contribuable doit faire tout ce qui est nécessaire pour assurer une taxation complète et exacte (art. 126 al. 1 LIFD, 42 al. 1 LHID et 31 al. 1 LPFisc). Il doit en particulier remplir la formule de déclaration d’impôts de manière conforme à la vérité et complète (art. 124 al. 2 LIFD et 26 al. 2 LPFisc).

Le rappel d’impôt est soumis à des conditions objectives. Il faut d'abord qu'une taxation n'ait, à tort, pas été établie ou soit restée incomplète, de sorte que la collectivité publique a subi une perte fiscale. Le rappel d’impôt suppose ensuite l'existence d'un motif de rappel, en particulier la découverte de moyens de preuve ou de faits qui ne ressortaient pas du dossier dont disposait l’autorité fiscale au moment de la taxation. Le rappel d’impôt ne peut porter que sur les points pour lesquels l’autorité fiscale dispose de nouveaux éléments (ATF 144 II 359 consid. 4.5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_396/2022 du 7 décembre 2022 consid. 6.1.2 ; 2C_116/2021 du 8 juillet 2021 consid. 6.1).

6.4 L'autorité fiscale peut, en principe, considérer que la déclaration d’impôts est exacte et complète et elle n'est pas tenue, à défaut d'indices correspondants, de rechercher des informations complémentaires. En raison de la maxime inquisitoire, l'autorité doit cependant procéder à une analyse plus approfondie, lorsqu'il ressort manifestement du dossier que les faits déterminants sont incomplets ou peu clairs. Lorsque l'autorité fiscale aurait dû se rendre compte de l'état de fait incomplet ou inexact, le rapport de causalité adéquate entre la déclaration lacunaire et la taxation insuffisante ou incomplète est interrompu et les conditions pour procéder ultérieurement à un rappel d’impôt font défaut (ATF 144 II 359 consid. 4.5.1 et les arrêts cités). Ce ne sont que des défauts évidents – soit des erreurs clairement reconnaissables, respectivement manifestes – qui conduisent à reconnaître une violation du devoir d'instruction de l'autorité et qui ont pour conséquence de retenir qu'il n'existe pas de « faits inconnus » au sens de l'art. 151 al. 1 LIFD pour justifier un rappel d’impôt (arrêt du Tribunal fédéral 2C_116/2021 du 8 juillet 2021 consid. 6.2 et les arrêts cités).

6.5 En l'espèce, rien ne permet de retenir que les déclaration fiscales 2010 et 2011 de la recourante contiendraient des inexactitudes flagrantes, si bien que l'intimée pouvait, au moment de la taxation, partir du principe qu’elles étaient conformes à la vérité et taxer celle-ci sur la base des éléments y figurant, sans rechercher des informations complémentaires.

Selon les pièces fournies par l'intimée, celle-ci a appris, le 11 septembre 2017 seulement, qu'une partie du stock était restée auprès de E______ LTD, qui avait enregistré des ventes y relatives, contrairement aux accords qui avaient été conclus avec la recourante. Dès lors, et compte tenu également des déclarations de celle-ci – dans le cadre des négociations – concernant le transfert des stocks de montres, le fisc ne pouvait avoir connaissance de l'existence dudit stock au moment de la taxation, si bien que sa découverte quelques années plus tard constitue un fait nouveau et donc un motif de rappel.

L'absence de comptabilisation, dans la déclaration fiscale de la recourante, du chiffre d'affaires découlant des ventes précitées est de nature à avoir engendré une taxation incomplète, dans la mesure où ce chiffre d'affaires, s'il avait été pris en compte, aurait eu pour conséquence d'augmenter son bénéfice net imposable (art. 58 LIFD). Il en va de même de la déduction des charges liées aux honoraires de consultant de B______ opérée par la recourante, puisque le bénéfice net imposable de celle-ci aurait été plus important si elle n'avait pas déduit ces charges. Il sera précisé que le rappel pouvait également porter sur cet élément, puisque l'intimée ignorait, jusqu'à l'ouverture – en 2017 – de la procédure de rappel d'impôt, l'existence du contrat conclu en 2006 entre B______ et la holding faitière du groupe et ses termes, lequel constitue dès lors également un fait nouveau.

Au vu de ce qui précède, les conditions régissant le rappel d'impôt sont réunies.

7.             La recourante se plaint d'une violation des art. 57 et 58 al. 1 let. a, b et c LIFD en lien avec les recettes découlant du commerce de montres. Elle soutient notamment que la vente initiale des produits aux grossistes détaillants avait déjà été réalisée et comptabilisée auprès de E______ LTD, si bien que les recettes y relatives ne lui étaient pas attribuables et ne constituaient pas un bénéfice imposable. Il convenait par ailleurs de s'en tenir à ses comptes commerciaux, qui ne contenaient pas les produits allégués, conformément au principe de déterminance. Comme elle n'avait pas procédé aux ventes initiales des montres, qu'elle n'était pas créancière des distributeurs tiers ni n'avait acquis la propriété des montres litigieuses, elle ne pouvait avoir fait une attribution au titre d'une prestation appréciable en argent. Une correction selon l'art. 58 al. 1 let. b in fine LIFD était donc exclue. À titre subsidiaire, les charges relatives aux recettes devaient être déduites d'un prétendu chiffre d'affaires. Pour l'année 2010, les ventes des produits en consignation chez les distributeurs effectivement encaissées par E______ pour l'année 2010 s'élevaient à CHF 9'977'670.-, et pas à CHF 24'929'960.-, puisque les encaissements litigieux ne comprenaient pas la note de crédit de CHF 14'952'290.- – établie en 2007 et en lien avec la distribution de montres lors de cette même année –, qui ne concernait que l'annulation des ventes aux L______.

7.1 L’impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net (art. 57 LIFD).

Selon l’art. 58 al. 1 LIFD, dans sa teneur applicable en l'occurrence, le bénéfice net imposable comprend notamment le solde du compte de résultats (let. a), ainsi que tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultats, qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial (let. b). Au nombre de ces prélèvements figurent les distributions dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l’usage commercial (let. b 5e tiret). Le bénéfice net imposable comprend également les produits qui n’ont pas été comptabilisés dans le compte de résultats, y compris les bénéfices en capital, les bénéfices de réévaluation et de liquidation, sous réserve de l’art. 64. Le transfert à l’étranger du siège, de l’administration, d’une entreprise ou d’un établissement stable est assimilé à une liquidation.

La jurisprudence rendue en matière d'IFD est en principe également valable pour l'application des dispositions cantonales harmonisées correspondantes (ATF 140 II 88 consid. 10 et les références citées ; 130 II 65 consid. 3.1 et 3.2).

7.2 De jurisprudence constante, il ressort des art. 57 et 58 LIFD que le droit fiscal renvoie au droit comptable pour déterminer le bénéfice net imposable et que les comptes établis conformément aux règles du droit comptable lient les autorités fiscales, à moins que des normes impératives du droit commercial ne soient violées ou que des normes fiscales correctrices ne l'exigent (autorité du bilan commercial ou principe de déterminance ; ATF 141 II 83 consid. 3 ; 137 II 353 consid. 6.2). Le respect du droit comptable, qui résulte des art. 957 ss CO, est donc une condition préalable nécessaire, mais non suffisante, de la justification commerciale d'une dépense, les règles fiscales correctrices devant également être respectées, ce dont doit s'assurer l'autorité fiscale. L'art. 58 al. 1 let. b LIFD fait partie de ces règles fiscales correctrices (arrêt du Tribunal fédéral 9C_671/2022 du 16 août 2023 consid. 6.2.1). Celles-ci permettent de reprendre dans le résultat fiscal des éléments qui n'apparaîtraient pas dans les comptes commerciaux ; ces reprises peuvent concerner aussi bien des charges comptabilisées à tort que des produits réintégrés dans le compte de résultats. Le défaut de comptabilisation d'un élément nécessaire revient, en principe, à violer une norme impérative du droit commercial et justifie une correction du bilan par les autorités fiscales (arrêt du Tribunal fédéral 2C_733/2022 précité consid. 6.2 et les arrêts cités ; ATA/790/2023 du 18 juillet 2023 consid. 3.5 et les références citées).

Si la comptabilisation se fait de manière contraire au droit commercial, une correction de bilan est possible jusqu'à l'entrée en force de la déclaration d'impôt. La correction de bilan peut intervenir en faveur ou en défaveur du contribuable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_857/2020 du 11 février 2021 consid. 4.1 et les arrêts cités).

7.3 De jurisprudence constante, il y a distribution dissimulée de bénéfice constitutive de prestation appréciable en argent lorsque les quatre conditions cumulatives suivantes sont remplies : 1) la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; 2) cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le ou la touchant de près ; 3) elle n'aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers ; 4) la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que les organes de la société auraient pu se rendre compte de l'avantage qu'ils accordaient (ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_181/2020 du 10 août 2020 consid. 5.2).

Il convient ainsi d’examiner si la prestation aurait été accordée dans la même mesure à un tiers étranger à la société, soit si la transaction a respecté le principe de pleine concurrence (« dealing at arm’s length » ; ATF 140 II 88 consid. 4.1). Le droit fiscal suisse ne connaissant pas, sauf disposition légale expresse, de régime spécial pour les groupes de sociétés, les opérations entre sociétés d’un même groupe doivent également intervenir comme si elles étaient effectuées avec des tiers dans un environnement de libre concurrence. En conséquence, il n’est pas pertinent que la disproportion d’une prestation soit justifiée par l’intérêt du groupe (ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_181/2020 du 10 août 2020 consid. 5.2).

Une prestation appréciable en argent peut prendre la forme d’une renonciation à un produit, qui conduit à une diminution correspondante du résultat chez la société. Tel est par exemple le cas lorsqu’une société renonce totalement ou en partie à un revenu qui lui revient en faveur d’un détenteur de part ou d’un proche, ou qu’elle n’obtient pas, pour la prestation qu’elle a effectuée, la contre-prestation qu’elle aurait exigée d’un tiers (ATF 138 II 57 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_377/2014 du 26 mai 2015 consid. 9.4.1 ; ATA/533/2021 du 18 mai 2021 consid. 5b).

7.4 Un ruling est une approbation anticipée par l'autorité fiscale compétente d'un traitement proposé par le contribuable en référence à une opération envisagée à l'avenir (arrêts du Tribunal fédéral 2C_137/2016 du 13 janvier 2017 consid. 6.2 ; 2C_664/2013 du 26 avril 2014 consid. 4.2). Cette procédure a pour but de garantir la sécurité juridique pour le contribuable en rapport avec la mise en œuvre d'un état de fait. Elle peut prendre différentes formes ; dans la majorité des cas, le contribuable soumet à l'autorité concernée un document décrivant l'opération prévue de façon circonstanciée et les conséquences fiscales devant en découler ; le fisc signe ce document « pour accord », s'il estime que le traitement fiscal exposé correspond au droit applicable. Il est donc primordial que le contribuable y mentionne tous les faits pertinents, y compris ceux qui lui sont défavorables (ATA/1239/2021 du 16 novembre 2021 consid. 6b).

7.5 En l'espèce, la recourante est, depuis le 22 décembre 2006, au bénéfice d'un ruling fiscal. En vertu de cet accord, complété à plusieurs reprises, elle est la société principale du groupe. Elle a pour tâche le commerce des produits de celui-ci, tandis que E______ LTD est chargée de la protection de la propriété intellectuelle du groupe.

L'accord prévoit que le bénéfice de l'activité commerciale réalisé avec des distributeurs tiers ou réalisé en Suisse est entièrement soumis à l'impôt en Suisse, dans le chef de la recourante. De plus, au vu des circonstances, la conclusion du ruling impliquait que l'ensemble des montres détenues par les sociétés du groupe lui soient cédées, ce qui ressort également implicitement des déclarations de la recourante en octobre 2009, la précitée ayant indiqué que « conformément au ruling sur la société principale, les montres détenues au 31.12.2006 par D______ SA et E______ LTD avaient été cédées en 2007 à la valeur comptable à A______ SA ».

Dans ces conditions, il appartenait à la recourante de comptabiliser, dès sa constitution, l’intégralité du commerce de montres du groupe, y compris les recettes découlant des ventes réalisées par des distributeurs tiers dès 2007. À cet égard, il n'est pas déterminant que les montres aient été, avant cette année-là, distribuées par l'agent exclusif de E______ LTD. En effet, la recourante n'existait pas encore à ce moment-là ; elle a été créée dans le but de devenir la société principale du groupe et d'assumer en conséquence tous les risques liés à la vente, dès 2007, des produits de ce dernier. Les ventes litigieuses ont par ailleurs été réalisées par les distributeurs tiers après l'année précitée. Enfin et surtout, le bénéfice de l'activité commerciale réalisé avec des distributeurs tiers devait être, conformément au ruling, entièrement soumis à l'impôt en Suisse, dans le chef exclusif de la recourante. Pour ce dernier motif, et contrairement à ce que soutient l'intéressée, l'activité d'encaissement liée aux ventes des montres du groupe par les distributeurs tiers la concerne pleinement, ce d'autant plus que l'activité d'encaissement du groupe relevait de son but social. De même, son grief – selon lequel les ventes de montres antérieures au 31 décembre 2006 ne pourraient pas faire l'objet d'une imposition après cette date dès lors qu'elles avaient déjà fait l'objet des reprises ayant mené aux accords de 2006 et 2009 – n'est pas pertinent puisqu'il ressort des pièces du dossier et des explications de la recourante que la propriété des montres concernées, que les distributeurs tiers n'ont en réalité pas réussi à vendre avant le 31 décembre 2006, a été reprise après cette date par E______ LTD et que les distributeurs tiers ont vendu lesdites montres également après cette date, E______ LTD comptabilisant ensuite le produit des ventes y relatives.

Comme l'a retenu à juste le TAPI, les justifications comptables de la recourante ne permettent pas de remettre en cause ce qui précède. En effet, les distributeurs tiers auraient pu « revenir à des niveaux débiteurs acceptables » aussi efficacement si la recourante avait comptabilisé et dissout les provisions y relatives, ce qu’elle pouvait faire si elle avait repris, à la place de E______ LTD, les stocks concernés. Dans la mesure où la conclusion du ruling impliquait, dès 2007, que l'ensemble des montres détenues par les sociétés du groupe lui soient cédées, la recourante aurait dû le faire. En outre, le fait que E______ LTD ait détenu pour elle‑même les stocks litigieux avant 2007 n'empêchait pas la recourante de reprendre à son compte « les soldes débiteurs » comptabilisés par ladite société puisque les ventes litigieuses sont intervenues tant après cette année-là qu'après la conclusion du ruling. Pour le reste, le fait que les comptes commerciaux de la recourante ne contenaient pas les produits allégués n'est pas déterminant puisque l'art. 58 al. 1 let. b LIFD fait partie des règles fiscales correctrices qui permettent de s'écarter du principe de déterminance et que cette disposition trouve application dans la présente situation. En effet, en omettant de comptabiliser le produit des ventes litigieuses, la recourante a violé une norme impérative du droit commercial, ce qui justifiait et permettait une correction du bilan, conformément à la jurisprudence précitée.

En ce qui concerne la période fiscale 2010, pour laquelle la recourante demande subsidiairement à la chambre de céans de prendre en compte un montant (reprises sur le bénéfice) inférieur à celui retenu par l'intimée puis par le TAPI (CHF 24'929'960.-), il apparaît que les explications fournies par l'intéressée ne permettent pas d'établir un lien entre la note de crédit n° 07147 établie en 2007 et les ventes réalisées en 2010, dont la recourante a elle‑même indiqué initialement que les recettes s'élevaient à CHF 24'929'960.-. Il n'y a donc pas lieu de retrancher un quelconque montant des reprises effectuées par l'intimée pour la période fiscale 2010.

Vu les développements qui précèdent, le produit des ventes réalisées par les distributeurs tiers entre 2007 et 2015 – à tout le moins – aurait dû entrer dans le bénéfice imposable de la recourante, et, a contrario, les recettes litigieuses n'auraient pas dû être comptabilisées dans E______ LTD, ce d'autant plus que celle-ci n'assurait alors plus que des activités liées à la valeur de la marque, aux designs et aux logos de G______.

La recourante a ainsi renoncé à des produits importants au profit d'une société du même groupe, soit un proche, ce qui a entraîné une diminution correspondante de son résultat comptable, sans contre-prestation correspondante. Elle a donc consenti à E______ LTD des prestations appréciables en argent qui, en vertu de l'art. 58 al. 1 LIFD, doivent être comptabilisées dans son bénéfice net imposable. Il n'y a pas lieu de déduire, dans le sens voulu par la recourante, les charges afférentes aux recettes litigieuses, l'intéressée n'articulant aucun chiffre à l'appui de sa demande et devant ainsi supporter les conséquences de l'absence de preuve de l'existence de ces charges.

Le grief sera donc écarté et les reprises sur le bénéfice pour les années 2010 à 2015 confirmées.

8.             La recourante se plaint d'une violation des art. 57 et 58 al. 1 let. a et b LIFD en lien avec les honoraires de consultant de B______. Elle soutient que ceux-ci ne se rattachaient pas à la promotion de la marque mais aux activités de distribution et de promotion de la vente de ses produits, soit une activité commerciale, si bien qu'ils avaient une connexité objective avec son activité commerciale. Elle avait du reste déposé des pièces pertinentes devant le TAPI pour prouver ses allégations, lequel n'en avait toutefois pas tenu compte.

8.1 Selon l’art. 24 al. 1 let. a LHID, l’impôt sur le bénéfice a pour objet l’ensemble du bénéfice net, y compris les charges non justifiées par l’usage commercial, portées au débit du compte de résultats. Cette règle est concrétisée en droit genevois par l’art. 12 let. a et h LIPM dans sa teneur en vigueur durant les périodes litigieuses, soit de 2010 à 2015, et qui correspond à l’art. 58 al. 1 let. a et b LIFD (ATA/731/2023 du 4 juillet 2023 consid. 5.1).

8.2 Selon la jurisprudence, sont des charges justifiées par l'usage commercial les dépenses qui, du point de vue de l'économie de l'entreprise, sont en relation immédiate et directe (organique) avec le revenu acquis. Tout ce qui, d'un point de vue commercial, peut être considéré de bonne foi comme faisant partie des frais généraux doit être reconnu fiscalement comme justifié par l'usage commercial. (ATF 124 II 29 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_671/2022 du 16 août 2023 consid. 6.2.2 et l'arrêt cité). La justification commerciale d’une dépense dépend de son contexte, sa nécessité effective pour l’entreprise n’étant pas déterminante. Il suffit qu’il existe un rapport de causalité objectif entre la dépense et le but économique de l’entreprise, à savoir lorsque la dépense aurait été consentie par un gestionnaire ordinaire faisant preuve de la diligence objective requise par le droit commercial (arrêts du Tribunal fédéral 2C_149/2022 du 13 octobre 2022 consid. 5.1 ; 2C_937/2019 du 8 juin 2020 consid. 6.2).

 

Dans la taxation des sociétés, s’agissant de charges représentant des prestations insolites, il appartient à la société contribuable d’établir leur caractère de charge justifiée par l’usage commercial, afin que les autorités fiscales puissent s’assurer que seules des raisons commerciales, et non les étroites relations personnelles et économiques entre la société et le bénéficiaire de la prestation, ont conduit à la prestation en cause (ATF 119 Ib 431 consid. 2c). Des explications générales et non étayées ne suffisent pas à établir que l’usage commercial justifie les frais en cause. En effet, conformément à la répartition du fardeau de la preuve, il incombe au contribuable d’apporter la preuve que la totalité des dépenses comptabilisées est en relation directe avec l’acquisition ou le maintien du chiffre d’affaires (arrêt du Tribunal fédéral 2A.461/2001 du 21 février 2002 consid. 3.1 ; ATA/1249/2020 du 8 décembre 2020 consid. 5b et les références citées). À cet égard, le renvoi du législateur à l'usage, commercial ou professionnel, donne à l'autorité de taxation un pouvoir d'appréciation important, renforcé par le fait qu'elle ne supporte pas le fardeau de la preuve du refus de déduction (arrêt du Tribunal fédéral 2C_760/2017 du 15 juin 2018 consid. 7.1 et les arrêts cités).

8.3 Pour décider du caractère commercialement justifié d'une opération, il faut adopter le point de vue de la société en cause, celui du groupe de sociétés auquel elle appartient n'étant pas admissible (arrêts du Tribunal fédéral 2C_985/2012 et 2C_986/2012 du 4 avril 2014 consid. 2.3). En effet, le droit suisse traite chaque société comme une entité juridiquement indépendante disposant de ses propres organes, lesquels doivent effectuer des opérations dans l'intérêt de la société concernée (art. 717 al. 1 CO) et non pas dans celui du groupe, d'autres sociétés ou de son détenteur majoritaire de parts (ATF 110 Ib 593).

Dans un groupe toutefois, les opérations entre sociétés doivent intervenir comme si elles avaient lieu avec des tiers dans un environnement de libre concurrence (principe du « dealing at arm's length » ou du « Drittvergleich »). Cette règle trouve son point d'ancrage dans celle de la « justification commerciale » de l'art. 58 al. 1 LIFD qui veut qu'une société se comporte envers ses actionnaires ou toute personne la ou les touchant de près, comme le ferait un commerçant prudent qui, dans ses relations d'affaires avec des tiers, adopte une position adéquate dans l'intérêt de la société. En d'autres termes, la société qui passe des actes juridiques avec ses actionnaires ou toute personne la ou les touchant de près doit le faire dans les mêmes conditions que celles auxquelles elle aurait accepté de traiter avec des tiers dans les mêmes circonstances, faute de quoi l'opération est contraire au principe du « dealing at arm's length » et ne s'explique que par les relations privilégiées entre les parties (arrêts du Tribunal fédéral 2C_985/2012 et 2C_986/2012 précité consid. 2.3 ; 2C_291/2013 du 26 novembre 2013 consid. 4). Cela vaut tant pour le choix des formes juridiques que pour la fixation des montants (ATF 119 Ib 116 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.355/2004 du 20 juin 2005 consid. 2.2).

8.4 Les déductions prévues par l'art. 27 LIFD sont soumises au principe de périodicité et ne sont admises que lorsqu'elles trouvent leur cause dans des événements ayant lieu durant la période de calcul (ATF 137 II 353 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_627/2014 et 2C_628/2014 du 8 janvier 2015 consid. 6.1. et les arrêts cités). Dans la mesure où les principes applicables aux déductions prévues par l'art. 27 LIFD sont les mêmes que ceux prévalant pour les déductions prévues par l'art. 59 LIFD (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5e éd., 2021, § 17 p. 266), celles-ci doivent également être soumises au principe de périodicité.

8.5 En l'espèce, le 20 novembre 2006, soit avant la création de la recourante, la holding faitière du groupe a conclu avec B______ une convention de consultant par laquelle ce dernier a accepté d'assister, moyennant rémunération, le groupe dans la représentation et promotion de la marque G______, étant précisé que cette activité serait couverte par un contrat de consultant avec E______ LTD. Le 5 novembre 2012, B______ et la recourante ont également conclu une convention de « consultant », par laquelle l'intéressé acceptait, moyennant rémunération, d'assister le groupe en tant que consultant pour la représentation et la promotion de la marque G______ et du groupe.

Dans ses déclarations fiscales, la recourante a déduit de son bénéfice, pour l'année fiscale 2010, un montant de CHF 1'250'000.- à titre d'honoraires de B______ relatifs à l'année 2006. Pour l'année fiscale 2012, elle a déduit un montant de CHF 11'250'000.- à titre d'honoraires de l'intéressé concernant les années 2007 à 2011, un montant de 1'500'000.- à titre d'intérêts sur honoraires (années 2007 à 2011) ainsi qu'un montant de CHF 2'500'000.- à titre d'honoraires portant sur l'année 2012.

L'intimée a admis la déduction du montant de CHF 2'500'000.- pour l'année 2012 mais a refusé les autres déductions revendiquées. Elle a relevé qu'en application du principe de périodicité, les honoraires de 2006 ne pouvaient pas être déduits en 2010, pas plus que ceux de 2007 à 2011 ne pouvaient l'être en 2012. En outre, les honoraires devaient être supportés exclusivement par l'entité qui avait conclu le contrat portant sur la représentation et la promotion de la marque G______ et du groupe, soit E______ LTD. Les services rendus par B______ relevaient exclusivement de la marque.

L'intimée doit être suivie sur le point du principe de la périodicité, à tout le moins. En effet, dans la mesure où les déductions prévues par l'art. 59 LIFD sont soumises audit principe, elles ne peuvent en principe être admises que lorsqu'elles trouvent leur cause dans des événements ayant lieu durant la période de calcul. Or, en l'occurrence, les honoraires de B______ déduits sur la période fiscale 2010 trouvent leur cause dans des prestations fournies en 2006, et ceux déduits sur la période fiscale 2012 trouvent la leur dans des prestations fournies entre 2007 et 2011. Ces honoraires ne trouvent ainsi pas leur cause dans des événements ayant eu lieu durant les périodes de calcul (2010 et 2012), si bien que, pour ce seul motif, ils ne peuvent être déduits.

Il apparaît donc superflu d'analyser si les charges étaient justifiées par l'usage commercial et si, le cas échéant, elles pouvaient être déduites dans le chef de la recourante. La chambre de céans relèvera cependant, en tant que de besoin, que les pièces produites par la recourante devant le TAPI puis devant elle-même ne sont pas de nature à démontrer l'existence d'une connexité objective entre les honoraires de B______ et l'activité commerciale de la recourante pour les années 2010 et 2012 puisque ces pièces, à savoir de simples photos de B______ avec des tiers ainsi que des articles de journaux dédiés au « B______ Crazy Hours 15th Anniversary Party » de 2018, ne sont pas datées ou portent sur des périodes (2018) postérieures à celles litigieuses.

Il s'ensuit que la recourante ne pouvait pas déduire les honoraires de consultant litigieux pour les activités de B______. Les reprises effectuées par l'intimée seront donc confirmées, sous réserve du montant admis en déduction par la précitée dans le cadre de la procédure devant le TAPI (CHF 2'500'000.- pour l'année fiscale 2012).

Le grief sera écarté.

9.             La recourante reproche au TAPI d'avoir violé le principe de la présomption d’innocence, ce dernier n'ayant pas pris garde à la formulation qu'il avait utilisée dans son jugement. Elle lui fait également grief d'avoir retenu à son encontre une infraction commise en 2010, alors que les amendes fixées pour cette période avaient été annulées, et d'avoir refusé à tort de prendre en compte l'écoulement du temps comme motif d'atténuation de la peine, sous prétexte qu'elle n'avait pas prouvé s'être comportée correctement vis-à-vis du fisc depuis 2015, alors qu'il ne lui appartenait pas de le démontrer.

9.1 Selon l'art. 6 par. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

Le principe de présomption d'innocence, ancré aux art. 32 al. 1 Cst. et de l'art. 6 § 2 CEDH, s'applique avant tout en matière de procédure pénale. Il interdit aux autorités d'accomplir leurs devoirs en partant de l'idée que les personnes faisant l'objet d'une enquête sont coupables des faits qui leur sont reprochés. Il oblige aussi l'accusation à supporter la charge de prouver les allégations dirigées contre la personne poursuivie (ACEDH Phillips c. Royaume Uni du 5 juillet 2001, req. n° 41087/98, § 40 ; Barbera, Messegué et Jabardo c. Espagne du 6 décembre 1988 § 77). Sur la base de ce principe, l'administration fiscale doit prouver qu'il existe des motifs d'infliger des majorations d'impôts en application des lois pertinentes (ACEDH Janosevic c. Suède du 23 juillet 2002, req.  n° 34619/97 § 98 ; ATA/919/2022 du 13 septembre 2022 consid. 34a et les arrêts cités).

9.2 Considérée comme une garantie procédurale dans le cadre du procès pénal lui‑même, la présomption d'innocence impose des conditions concernant notamment la formulation par le juge du fond ou toute autre autorité publique de déclarations prématurées quant à la culpabilité d'un prévenu (ACEDH Allen contre Royaume-Uni du 12 juillet 2013, req. n° 25424/09, § 93 ; Allenet de Ribemont contre France du 10 février 1995, série A n° 308, §§ 35-36 ; ATF 147 I 386 consid. 1.2 et les arrêts cités).

La présomption d'innocence se trouve méconnue si, sans établissement légal préalable de la culpabilité d'un prévenu et, notamment, sans que ce dernier ait eu l'occasion d'exercer les droits de la défense, une décision judiciaire le concernant reflète le sentiment qu'il est coupable. Il peut en aller ainsi même en l'absence de constat formel; il suffit d'une motivation donnant à penser que le juge ou l'agent d'État considère l'intéressé comme coupable (ACEDH Karaman contre Allemagne du 27 février 2014, req. n° 17103/ 10, § 41; Böhmer contre Allemagne du 3 octobre 2002, req. n° 37568/97, § 54 ; Minelli contre Suisse du 25 mars 1983, série A, vol. 62, req. n° 8660/79, § 37 ; ATF 147 I 386 consid. 1.2 et les arrêts cités).

9.3 L'art. 6 CEDH n'est pas applicable à la procédure de rappel d'impôt, mais son volet pénal l'est à la procédure – pénale – en soustraction d'impôt (ATF 140 I 68 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_503/2022 du 22 mars 2023 consid. 2).

9.4 En l’espèce, contrairement à ce que prétend la recourante, le jugement du TAPI ne laisse transparaître aucune violation du principe de la présomption d'innocence.

En effet, en premier lieu, le fait que le TAPI ait imputé à la recourante une infraction commise en 2010 pour examiner la quotité des amendes litigieuses ne viole pas la présomption d'innocence pour les deux motifs suivants. D'une part, dans la mesure où il est établi, comme on le verra ci-après, que des infractions ont été commises sur cinq ans, le fait que le TAPI ait considéré que les infractions ont été commises sur un an de plus ne change rien au fait qu'elles ont été commises sur une période relativement longue. D'autre part, le TAPI a considéré une période de six ans – et non cinq – en raison du fait qu'une amende pour soustraction d'impôt a été prononcée à l'encontre de la recourante pour l'année fiscale 2010 également. Dans la mesure où cette amende a été infligée pour les mêmes motifs que ceux retenus pour les autres amendes (années 2011 à 2015) et où elle a été annulée par l'intimée exclusivement pour cause de prescription, et non pour des motifs liés à des éléments constitutifs de l'infraction, il n'apparaît pas choquant que le TAPI ait pris en compte les faits qui ont été initialement retenus à l'encontre de la recourante en 2010 pour fixer la quotité des amendes litigieuses.

En second lieu, le refus du TAPI de prendre en compte l'écoulement du temps comme motif d'atténuation de la peine ne concerne pas le principe de la présomption d'innocence car il s'agit d'une question d'application du droit matériel qui sera traitée dans la suite du présent arrêt.

Enfin, le fait que la juridiction inférieure ait considéré que la recourante n'aurait pas démontré s'être comportée correctement vis-à-vis du fisc depuis 2015, – par quoi il faut comprendre à partir de la période fiscale 2016 –, n'est pas déterminant puisque les périodes litigieuses sont toutes antérieures à 2016.

Au vu de ce qui précède, le grief sera écarté.

10.         La recourante conteste le bien-fondé des amendes infligées par l’autorité pour soustraction d’impôt et tentatives de soustraction concernant respectivement l’année fiscale 2011 et les années fiscales 2012 à 2015. Elle soutient ne pas avoir transmis des renseignements inexacts au fisc, dans la mesure où le chiffre d'affaires découlant d'opérations d'encaissement ne serait pas imposable. En outre, elle conteste toute intention de soustraire ou de tenter de soustraire des montants puisque ses comptes étaient conformes au droit civil. Leur approbation par l'organe de révision le confirmait.

10.1 Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (art. 175 al. 1 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 1 LPFisc).

Pour qu'une soustraction fiscale soit réalisée, trois éléments doivent être réunis : la soustraction d'un montant d'impôt, la violation d'une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier. Les deux premières conditions sont des éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale, tandis que la faute en est un élément constitutif subjectif (arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1 et 11 ; 2C_874/2018 du 17 avril 2019 consid. 10.1).

La violation d'une obligation légale peut résulter d'une irrégularité dans la comptabilité ou du fait de remplir sa déclaration fiscale de manière non conforme à la vérité et non complète, en violation de l'art. 124 al. 2 LIFD (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1018/2015 du 2 novembre 2017 consid. 9.4.2 et les références citées).

La soustraction est punissable aussi bien intentionnellement que par négligence (ATF 135 II 86 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_874/2018 précité consid. 10.1.3 ; ATA/407/2022 du 12 avril 2022 consid. 6a et les références citées).

La preuve d'un comportement intentionnel de la part du contribuable doit ainsi être considérée comme apportée lorsqu'il est établi avec une sécurité suffisante que celui-ci était conscient du caractère erroné ou incomplet des indications fournies. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu'il a voulu tromper les autorités fiscales, afin d'obtenir une taxation plus favorable (arrêts du Tribunal 2C_792/2021 du 14 mars 2022 consid. 6.4.1 ; 2C_1052/2019 du 18 mai 2020 consid. 3.7.1). Cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l'on peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu'il sait incorrectes ou incomplètes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1066/2018 du 21 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_129/2018 précité consid. 9.1). Le dol éventuel suffit pour retenir l'intention (arrêts du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_444/2018 précité consid. 9.2). Il suppose que l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, parce qu'il s'en accommode au cas où il se produirait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1073/2018 du 20 décembre 2019 consid. 17.3.1 et les arrêts cités ; ATA/407/2022 précité consid. 6b).

Lorsque des obligations de procédure ont été violées ou qu’une soustraction ou une tentative de soustraction d’impôt a été commise au profit d’une personne morale, celle-ci est punie d’une amende (art. 181 al. 1 LIFD ; art. 57 al. 1 LHID ; art. 74 al. 1 LPFisc).

Lorsque la soustraction d’impôt est commise par une personne morale, la faute ne peut être qu’un attribut de la personne physique, en l’espèce d’un organe de la personne morale, dont le comportement doit être imputé à celle-ci (ATF 135 II 86 consid. 4.2 et les références citées).

10.2 Celui qui tente de se soustraire à l’impôt sera puni d’une amende (art. 176 al. 1 LIFD, 56 al. 2 LHID et 70 al. 1 LPFisc).

La tentative de soustraction se situe entre les actes préparatoires d'une soustraction, qui ne sont pas punissables, et la soustraction consommée (art. 175 LIFD), qui l'est. Le comportement réprimé correspond, sur le plan objectif, à celui de l'infraction de soustraction consommée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_733/2022 précité consid. 7.1 et les arrêts cités). Dans la procédure de taxation, il suffit que le contribuable donne à l'autorité fiscale des renseignements inexacts, en particulier en fournissant une déclaration d'impôt incomplète et qui n'est pas conforme à la vérité au sens de l'art. 124 al. 2 LIFD (arrêts du Tribunal fédéral 2C_149/2022 du 13 octobre 2022 consid. 6.1.1 ; 2C_370/2019 du 19 septembre 2019 consid. 5.1). Pour qu'il y ait tentative, l'autorité de taxation doit découvrir que les renseignements fournis sont inexacts avant que la décision de taxation ne soit entrée en force, car, ensuite, la soustraction est consommée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 précité consid. 6.1 et les références citées).

Sur le plan subjectif, la tentative de soustraction suppose, contrairement à la soustraction consommée, qui peut être commise par négligence, un agissement intentionnel de l'auteur. Celui-ci doit avoir agi avec conscience et volonté, le dol éventuel étant suffisant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_81/2022 et 2C_102/2022 du précité consid. 10. 2 et les arrêts cités). S'agissant de savoir si une tentative de soustraction est intentionnelle ou procède d'une négligence non punissable, l'importance des montants en cause joue un rôle non négligeable, dès lors que l'absence d'un montant sur la déclaration d'impôt peut d'autant plus difficilement échapper au contribuable que la somme est élevée (arrêts 2C_908/2011 du 23 avril 2012 consid. 3.5 ; 2C_898/2011 du 28 mars 2012 consid. 2.2 et les références citées, in RDAF 2012 II 324).

10.3 En l'espèce, la recourante s'est vu infliger des amendes pour soustraction fiscale pour l'année fiscale 2011 et tentatives de soustraction fiscale pour les années 2012 à 2015. Les éléments constitutifs objectifs de ces deux infractions sont les mêmes, si bien qu'il se justifie de les analyser conjointement.

Dans ses déclarations fiscales pour les périodes 2011 à 2015, la recourante a omis de déclarer les recettes correspondant aux ventes réalisées par les distributeurs tiers, pour un total de CHF 15'812'133.-, et a déduit à tort un montant de CHF 14'000'000.- correspondant à des charges liées aux honoraires de consultant de B______. La recourante a ainsi rempli ses déclarations fiscales de manière non conforme à la vérité et incomplète, ce qui emporte violation de son obligation prévue par l'art. 124 al. 2 LIFD. Ce faisant, elle a également soustrait, et tenté de soustraire, au fisc des montants d'impôts importants.

Les deux éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale et de sa tentative sont ainsi remplis.

S'agissant de l'élément constitutif subjectif, au vu des accords conclus avec le fisc et du statut de société principale accordé à la recourante, les organes de celle-ci savaient, ou à tout le moins ne pouvaient ignorer, qu'elle devait comptabiliser l'intégralité des ventes du groupe. De même, dans la mesure où la recourante n'était pas partie à la convention de consultant du 20 novembre 2006 conclue avec B______, mais uniquement à celle conclue le 5 novembre 2012 avec ce dernier, les organes devaient savoir, voire savaient, qu'ils ne pouvaient déduire, pour l'année fiscale 2012, que les charges liées aux honoraires de B______ payés en 2012.

Par conséquent, et dans la mesure où les administrateurs de la recourante sont rompus aux affaires commerciales, ces derniers étaient conscients qu'en omettant de comptabiliser les ventes du groupe intervenues durant les années fiscales 2011 à 2015 et en déduisant, pour l'année fiscale 2012, à tort les honoraires versés à B______ entre 2007 et 2011, ils ont fourni des indications erronées aux autorités fiscales. Ils ne pouvaient pas non plus ignorer qu'une taxation établie sur la base de ces informations permettrait à la recourante d'économiser des impôts qui auraient été dus si la taxation avait été établie sur la base d'informations correctes et complètes.

Les organes de la recourante ont donc agi intentionnellement, à tout le moins par dol éventuel, si bien que l'élément subjectif tant de la soustraction fiscale (année 2011) que de la tentative de soustraction est donné (années 2012 à 2015).

Comme l'a retenu à juste titre le TAPI, l'argument de la recourante selon lequel la conformité au droit civil de ses comptes, prétendument constatée par son organe de révision, exclurait toute intention de soustraire ou de tenter de soustraire des montants n'est pas pertinent. En effet, d'une part, il a été constaté que les comptes n'étaient pas conformes au droit civil puisque qu'ils n'incluaient pas le produit des ventes litigieuses et tenaient à tort compte de déductions pour les honoraires de B______. D'autre part, la recourante ne prétend pas, ni a fortiori ne démontre, que l'organe de révision aurait approuvé, en connaissance de cause, l'absence des recettes litigieuses dans sa comptabilité, ni qu'il aurait confirmé la justification commerciale des déductions pour honoraires de B______.

Au vu de ce qui précède, les amendes sont fondées dans leur principe et le grief correspondant sera écarté.

11.         La recourante se plaint enfin de la quotité des amendes prononcées à son encontre. Elle sollicite une réduction de celles-ci jusqu'au tiers pour la soustraction consommée et jusqu'à 2/3 pour les tentatives de soustraction. Elle fait valoir que le montant de l'impôt soustrait ne pouvait pas être pris en compte comme élément pour fixer la peine et qu'à l'inverse, il convenait de retenir en sa faveur l'écoulement du temps, les faits litigieux remontant à 2011 pour la période fiscale la plus ancienne concernée par les amendes.

11.1 En cas de soustraction consommée, l’amende est, en règle générale, fixée au montant de l’impôt soustrait. Si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 2 LPFisc). Le montant de l’impôt soustrait constitue donc le premier critère de fixation de l’amende, la faute intervenant seulement, mais de manière limitée, comme facteur de réduction ou d’augmentation de sa quotité (ATA/761/2023 précité consid. 13.4 et l'arrêt cité).

En cas de tentative de soustraction fiscale, l'amende est fixée aux deux tiers de la peine qui serait infligée si la soustraction avait été commise intentionnellement et consommée (art. 176 al. 2 LIFD et 70 al. 2 LPFisc).

11.2 La quotité précise de l'amende doit être fixée en tenant compte des dispositions de la partie générale du CP. Ainsi, conformément à l'art. 106 al. 3 CP, l'amende doit être fixée en tenant compte de la situation de l'auteur, afin que la peine corresponde à la faute commise. Les principes régissant la fixation de la peine, tels que prévus à l'art. 47 CP, s'appliquent. En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l'impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l'auteur. Les circonstances atténuantes de l'art. 48 CP sont aussi applicables par analogie (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1). Il en va ainsi du temps écoulé depuis l’infraction (art. 48 let. e CP ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_78/2019 précité consid. 9.4 ; 2C_14/2021 du 27 mai 2021 consid. 7).

Le Tribunal fédéral considère que la bonne collaboration du contribuable dans le cadre la procédure en soustraction d'impôt constitue un élément permettant de réduire la peine (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1007/2012 du 15 mars 2013 consid. 5.2). Il en va de même de l'écoulement d'un temps relativement long entre l'acte et sa découverte, durant lequel le contribuable s'est comporté correctement à l'égard du fisc (Pietro SANSONETTI/Danielle HOSTETTLER in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., n. 47 ad art. 175 et les références citées).

11.3 Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi, disposent d’un large pouvoir d’appréciation lors de la fixation de l’amende, l’autorité de recours ne censurant que l’abus du pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_12/2017 du 23 mars 2018 consid. 7.2.1 ; ATA/1002/2020 du 6 octobre 2020 consid. 9b et les références citées).

Par ailleurs, selon la jurisprudence, l'importance des montants soustraits et donc des rappels d'impôts ne constitue pas une sorte de double sanction et n'est donc pas un critère devant jouer en faveur du contribuable, le critère légal des art. 175 al. 2 LIFD et 69 al. 2 LPFisc étant celui de la gravité de la faute. Une telle approche serait contraire à la lettre et à l'esprit de ces dispositions légales. Il n'appartient pas aux administrations fiscales de s'écarter des règles des art. 175 al. 2 LIFD et 69 al. 2 LPFisc en cas de grave soustraction au motif que ce système aboutirait dans un cas d'espèce à un résultat jugé trop sévère et qu'une amende réduite constituerait déjà, selon elles, une peine suffisante, une correction (reformatio in pejus) par le juge dans le cadre d'un recours pouvant d'ailleurs s'avérer nécessaire (ATF 144 IV 136 consid. 7.3.2).

11.4 En l’espèce, l'intimée a fixé l'amende pour la soustraction fiscale (année fiscale 2011) à une fois les montants soustraits (ICC et IFD) ainsi qu'à deux tiers des impôts soustraits pour les tentatives de soustraction fiscale (années fiscales 2012 à 2015). Tant en ce qui concerne la soustraction que la tentative de soustraction, elle a pris en compte, à titre de circonstance aggravante, les montants importants des reprises, et le fait que celles-ci ont été rendues possibles dans un groupe comprenant de nombreuses sociétés présentes dans plusieurs juridictions, dont l'une offshore. À titre de circonstance atténuante, elle a tenu compte de la bonne collaboration de la recourante durant la procédure.

La quotité fixée et l'appréciation de l'intimée, confirmées par le TAPI, ne prêtent pas le flanc à la critique.

En effet, en ce qui concerne les circonstances aggravantes, les montants soustraits, ou qui auraient été soustraits en l'absence de procédure ouverte à l'endroit de la recourante, sont considérables puisqu'ils atteignent plusieurs dizaines de millions de francs suisses. À cet égard, et contrairement à ce que prétend la recourante, le montant de l’impôt soustrait doit être pris en compte comme élément pour fixer la peine puisque, de jurisprudence constante, il en constitue le premier critère et que l'importance des montants soustraits et donc des rappels d'impôts ne constitue pas une double sanction.

Ensuite, la soustraction et les tentatives de soustraction s'étendent sur cinq périodes fiscales, soit une période relativement longue qui doit être prise en compte en défaveur de la recourante. À cela doit s'ajouter le fait que celle-ci a contrevenu à un ruling fiscal dont elle a elle-même proposé les termes. Cet accord avait du reste pour objet de mettre fin à un précédent litige qui opposait déjà son groupe aux autorités fiscales. Il convient donc également de tenir compte, au détriment de la recourante, des antécédents fiscaux des organes du groupe, qui sont pour la grande majorité les mêmes que les siens, en ce sens que leur comportement à l'égard des autorités fiscales n'est pas exempt de tout reproche, et ce même pour des périodes antérieures à celles litigieuses.

En ce qui concerne les circonstances atténuantes, la recourante a fait preuve d'une bonne collaboration au cours de la procédure ouverte à son encontre, ce qui n'est du reste pas contesté et doit être retenu en sa faveur. L'écoulement du temps depuis les infractions considérées doit en revanche être relativisé puisque les autorités fiscales ont ouvert une procédure à l'endroit de la recourante seulement quelques mois après la commission de la dernière infraction reprochée. Il importe donc peu que la première infraction considérée ait été commise désormais plus de dix ans auparavant.

Pondérées avec les circonstances aggravantes, plus nombreuses, retenues à l'endroit de la recourante, les circonstances atténuantes jouant en sa faveur ne sauraient justifier une réduction de la quotité des amendes, étant par ailleurs relevé que la faute est grave, compte tenu des circonstances susmentionnées et notamment du caractère intentionnel des agissements reprochés à la recourante.

L'intimée, qui a respecté le cadre légal, n'a donc pas abusé de son pouvoir d'appréciation dans la fixation de la quotité des amendes. Le grief sera donc écarté.

Il résulte de ce qui précède que le recours, entièrement mal fondé, sera rejeté et le jugement du TAPI confirmé. La chambre de céans relèvera, pour le surplus, qu'une erreur de plume, qui ne porte pas à conséquence, s'est glissée dans le dispositif du jugement précité. Son ch. 3, libellé « renvoie le dossier à l’administration fiscale cantonale pour nouvelles décisions de rappel d’impôt et d’amende ICC et IFD 2012 » doit ainsi être corrigé de la façon suivante : « renvoie le dossier à l’administration fiscale cantonale pour nouvelles décisions de taxation et d'amende ICC et IFD 2012 ».

12.         Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 3'500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 juillet 2023 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 juin 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ SA un émolument de CHF 3'500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Xavier OBERSON et Lysandre PAPADOPOULOS, avocats de la recourante, à l'administration fiscale cantonale, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’à l'administration fédérale des contributions.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges.

 

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :