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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3594/2022

ATA/1311/2023 du 05.12.2023 sur JTAPI/888/2023 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;PROCÉDURE FISCALE;SOUSTRACTION D'IMPÔT;TAXATION CONSÉCUTIVE À UNE PROCÉDURE;DÉCISION DE RENVOI;CHOSE JUGÉE;EXÉCUTION(PROCÉDURE);INTÉRÊT DIGNE DE PROTECTION;INTÉRÊT ACTUEL;CALCUL;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;DÉDUCTION DES INTÉRÊTS PASSIFS;DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL);OBJET DU LITIGE;DROIT D'OBTENIR UNE DÉCISION
Normes : LPA.59.letb; LPFisc.2.al2; LPA.53.al1.leta; LIFD.147.al1; LPFisc.55.al1; LPA.60.al1.letb; Cst.9; Cst.5.al3; LPA.4.al4; Cst.29.al1; LPA.62.al6
Résumé : Le litige concerne l'émission de nouveaux bordereaux à la suite d'un arrêt de la chambre administrative admettant partiellement le recours des contribuables et confirmant le jugement du TAPI pour le surplus. Dans la mesure où l'autorité intimée a procédé à de nouveaux calculs de taxation, il ne s'agit pas de mesures d’exécution des décisions. Le recours contre la décision sur réclamation est donc ouvert. Toutefois et mis à part pour une année fiscale, les recourants voient leur situation fiscale s'améliorer, puisque les nouveaux montants retenus par l'autorité intimée leur sont favorables. Ils ne peuvent donc pas s'en plaindre, sous réserve de l'année fiscale justement individualisée par le TAPI. Dans la mesure où le jugement du TAPI a acquis autorité de chose jugée, et pour des motifs de sécurité du droit, l'autorité intimée ne pouvait pas appliquer une nouvelle méthode pour la déduction des intérêts moratoires du rappel d'impôt. Refus de prise en compte de nouvelles déductions dans le cadre de la procédure de rappel d’impôts au motif qu’elles n’ont aucun lien avec les motifs de ladite procédure. Pas de déni de justice dans la mesure où il n'apparaît pas du dossier que les recourants auraient mis en demeure l'autorité intimée de statuer sur leur demande de reconsidération/révision. Recours partiellement admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3594/2022-ICCIFD ATA/1311/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 décembre 2023

4ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 août 2023 (JTAPI/888/2023)


EN FAIT

A. a. A______ et B______ (ci-après : les époux ou les contribuables) sont mariés et contribuables dans le canton de Genève.

b. Le 13 décembre 2018, l'Administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) leur a notifié des bordereaux de rappel d'impôt pour l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et l'impôt cantonal et communal (ci‑après : ICC) des périodes fiscales 2007 à 2013, ainsi que des bordereaux d'amende pour soustraction fiscale pour l’IFD et l'ICC 2008 à 2013, dont la quotité était fixée à une fois le montant de l'impôt soustrait, chacun des époux étant sanctionné pour la moitié de la soustraction commise.

Les reprises effectuées dans le revenu imposable des contribuables correspondaient aux liquidités versées sur leurs différents comptes bancaires non déclarés durant la période litigieuse, soit CHF 361'421.- pour 2007, CHF 289'391.- pour 2008, CHF 259'117.- pour 2009, CHF 386'082.- pour 2010, CHF 364'705.- pour 2011, CHF 438'805.- pour 2012 et CHF 277'558.- pour 2013. L'AFC-GE a également procédé à des reprises dans la fortune imposable des époux.

Par décision du 21 mai 2019, l'AFC-GE a rejeté la réclamation et maintenu ses bordereaux de rappels d'impôt et d’amendes.

Le 23 mai 2019, l'AFC-GE a émis des bordereaux rectificatifs pour l'IFD et l'ICC 2014. Elle leur a également fait parvenir des bordereaux d'amendes pour tentative de soustraction pour l'IFD et l'ICC 2014 d'une quotité des deux tiers des impôts soustraits, réparties par moitié entre les époux.

c. Par jugement du 12 octobre 2020, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a partiellement admis le recours contre les décisions et bordereaux précités. Les rappels d'impôt étaient confirmés dans leur principe et leur quotité, mais les reprises effectuées dans la fortune imposable entre 2009 et 2014 devaient être modifiées pour tenir compte de l'échéance, au 23 mars 2009, d'un placement à terme de EUR 50'000.-. Les amendes, de même que la quotité et la répartition de celles‑ci, étaient également confirmées, mais le montant des pénalités devait être recalculé pour tenir compte des nouveaux montants des rappels d'impôt à émettre.

Selon le jugement, les reprises sur la fortune devant être annulées s'élevaient à CHF 62'522.50 en 2009, CHF 60'695.- en 2010, CHF 60'340.- en 2011, CHF 61'275.- en 2012, CHF 60'115.- en 2013 et CHF 54'370.- en 2014 (consid. 22).

L'AFC-GE devait procéder aux calculs conformes à la jurisprudence du Tribunal fédéral des intérêts sur les rappels d'impôt et émettre ainsi des bordereaux rectificatifs pour toutes les périodes qui faisaient l'objet de la présente procédure (consid. 25). Le Tribunal fédéral (ATF 144 II 359) avait clairement statué que, lorsqu'elle procédait à des rappels d'impôts, l'AFC-GE devait admettre en déduction les intérêts moratoires sur les dettes nouvelles pour chaque période concernée.

Le dossier était ainsi renvoyé à l'AFC-GE pour qu'elle émette de nouveaux bordereaux ICC 2009 à 2014 tenant compte de la fortune corrigée, ainsi que des bordereaux ICC et IFD 2003 à 2014 admettant la déduction des intérêts sur les créances nouvelles issues des rappels d'impôt dans la détermination du revenu net imposable. L'AFC-GE devait également recalculer les bordereaux d'amendes en tenant compte des nouveaux montants des rappels d'impôt.

d. Par arrêt du 29 juin 2021, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a partiellement admis, dans la mesure de sa recevabilité, le recours des contribuables contre le jugement précité.

L'un des comptes bancaires déclarés par le couple avait été exclusivement alimenté, entre octobre 2008 et décembre 2010, par les versements de salaire de l'employeur du contribuable, si bien que la somme de CHF 164'000.- (CHF 25'000.- en 2008, CHF 50'000.- en 2009, CHF 40'000.- en 2010 et CHF 49'000.- en 2011) qui avait été transférée de ce compte vers un autre compte non déclaré avait déjà fait l'objet d'une imposition sur le revenu, et ne pouvait donc pas être taxée une seconde fois au titre de revenu imposable, mais de fortune. Le jugement était donc annulé en tant que la somme précitée devait être taxée au titre de la fortune imposable pour les années fiscales 2008 à 2011. Il était confirmé pour le surplus et le dossier renvoyé à l'AFC-GE pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Les contribuables avaient en particulier sollicité, pour la première fois devant la chambre administrative, la déduction, pour les exercices 2012 à 2014, d’une dette de CHF 20'467'487.-, des intérêts passifs à 5% l’an dès le 1er novembre 2012 ainsi que des intérêts passifs impayés accumulés du 1er novembre 2012 au 31 décembre 2014 découlant d’une procédure pénale à l’issue de laquelle le contribuable avait été définitivement condamné. Cette conclusion était toutefois irrecevable, au motif que la dette et les intérêts y relatifs n’avaient aucun lien avec la procédure en rappel d’impôt ouverte à leur encontre et qu’admettre la prise en compte de ces éléments reviendrait à autoriser une extension de l'objet de la contestation à de nouvelles déductions, ce qui n'était autorisé par aucune des règles applicables en l'espèce.

e. Par arrêt du 22 décembre 2020 (6B_815/2020), le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation du contribuable (en lien avec la dette de CHF 20'467'487.- précitée) à une peine privative de liberté de deux ans pour gestion déloyale. Il a été constaté que ce dernier n'avait tiré aucun enrichissement des actes pour lesquels il avait été condamné.

f. Par arrêt du 27 avril 2022 (2C_674/2021), le Tribunal fédéral a rejeté le recours que les contribuables avaient formé à l’encontre de l’arrêt de la chambre administrative du 29 juin 2021.

g. À la suite à cet arrêt du Tribunal fédéral, le 20 mai 2022, l'AFC-GE a notifié aux contribuables les bordereaux rectifiés IFD et ICC pour les années 2008 à 2014 (accompagnés des avis de taxation et des relevés de compte) ainsi que les bordereaux d'amende rectificatifs sur la base des modifications ordonnées par le TAPI et la chambre administrative.

B. a. Les époux ont contesté ces bordereaux.

L'AFC-GE avait établi les bordereaux rectificatifs pour les années 2008 à 2014 et pas pour la période 2007. Il convenait d'émettre ce dernier bordereau et d'utiliser les montants retenu pour report sur les exercices suivants, soit de 2008 à 2014.

Par ailleurs, des montants de rendement des années 2011 à 2014, en relation avec leur compte bancaire au C______(n° 1______), avaient été retenus de manière erronée par rapport aux relevés fiscaux du C______ qu’ils avaient remis dans le cadre de la procédure précédente. Dès lors, ils sollicitaient des corrections des reprises y relatives pour les années 2011 à 2014.

En outre, le 11 février 2021, ils avaient déposé auprès de l'AFC-GE une demande de révision/reconsidération pour les années 2012 à 2014 afin de tenir compte du jugement de la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice (ci-après : CPAR) du 26 mai 2020, condamnant le contribuable au paiement solidaire de CHF 20'460'487.- avec intérêt à 5 % l'an dès le 1er novembre 2012.

b. Par décision du 27 septembre 2022, l'AFC-GE a déclaré cette réclamation irrecevable, aux motifs que les bordereaux rectificatifs contestés constituaient des décisions d’exécution non susceptibles de recours, dans la mesure où ils ne tenaient compte que des rectifications ordonnées par les jugements du TAPI et de la chambre administrative entrés en force.

L'AFC avait constaté un décalage avec les années mentionnées dans le jugement du TAPI. Elle avait ainsi corrigé les taxations des montants suivants : CHF 74'157.50 en 2009, CHF 62'522.50 en 2010, CHF 60'695.- en 2011, CHF 60'340.- en 2012, CHF 61'275.- en 2013, CHF 60'115.- en 2014, soit une correction totale sur la fortune de CHF 379'105.- (les CHF 54'370.- avaient été corrigés sur l'année 2015).

Par ailleurs, en exécution de l’arrêt de la chambre administrative, elle avait diminué les revenus imposables d'un montant total de CHF 164'000.- (CHF 25'000.- en 2008, CHF 50'000.- en 2009, CHF 40'000.- en 2010 et CHF 49'000.- en 2011). Enfin, les dettes d’impôts, les intérêts y relatifs et les amendes avaient été recalculés sur la base des bordereaux rectificatifs.

Pour la période 2007, aucune modification ne devait être effectuée, étant donné que la dette de rappel d’impôt avait déjà été prise en compte et que les intérêts y relatifs, échus au 31 mars 2008, avaient été pris en compte dès la période 2008.

Les corrections en lien avec le compte bancaire ouvert dans les livres du C______auraient dû être requises dans le cadre des recours ordinaires devant le TAPI et la chambre administrative.

Enfin la demande de révision du 11 février 2021, en lien avec la condamnation du contribuable par la CPAR, était pendante auprès du service de taxation et ne pouvait pas être examinée dans la présente procédure.

C. a. Par acte du 28 octobre 2022, les contribuables ont recouru auprès du TAPI contre cette décision, concluant à son annulation et au renvoi du dossier à l'AGC-GE pour nouveaux bordereaux rectificatifs conformes aux rectifications ordonnées par le TAPI et la chambre administrative.

Dans son jugement du 12 octobre 2020, le TAPI avait ordonné la réduction de leur fortune imposable à concurrence de CHF 62'522.50 en 2009, CHF 60’695.- en 2010, CHF 60’340.- en 2011, CHF 61'275.- en 2012, CHF 60’115.- en 2013 et CHF 54’370.- en 2014.-. Or, dans sa décision du 27 septembre 2022, l'AFC-GE avait admis avoir effectué une correction différente, en modifiant les montants et les années correspondantes et en déduisant ainsi CHF 74'157.50 en 2009, CHF 62'522.50 en 2010, CHF 60’695.- en 2011, CHF 60'340.- en 2012, CHF 61’275,- en 2013 et CHF 60'115.- en 2014. Dans la mesure où l'AFC-GE considérait qu'une erreur s'était glissée dans le jugement du TAPI, il lui appartenait de la signaler en vue de la faire corriger, dans le délai prévu pour ce faire, ce qu'elle n'avait pas jugé utile à l'époque. Il lui appartenait désormais d'appliquer à la lettre ledit jugement.

Par ailleurs, dans son jugement, le TAPI avait ordonné à l'AFC-GE de procéder aux calculs des intérêts sur les rappels d'impôt et d'émettre ainsi des bordereaux rectificatifs pour toutes les périodes litigieuses, soit celles de 2007 à 2014. Or, dans sa décision du 27 septembre 2022, l'AFC-GE avait indiqué ne pas avoir modifié les bordereaux 2007 et avoir débuté les corrections ordonnées par le TAPI à compter de 2008, soit avec un décalage d'un an.

L'AFC-GE devait en outre se conformer à l'injonction du TAPI, prévoyant que le montant des pénalités devait être recalculé pour tenir compte des nouveaux montants des rappels d'impôt découlant des bordereaux rectificatifs qu'elle devrait émettre.

Enfin, le TAPI devait ordonner à l'AFC-GE de traiter leur demande de révision du 11 février 2021, qui portait sur les années 2012 à 2019, afin de procéder ensuite à la modification des taxations 2012 à 2014 faisant l’objet du présent litige.

b. Le 15 février 2023, l'AFC-GE s’en est remise à justice s’agissant du grief de la non-conformité des bordereaux rectificatifs par rapport au jugement du TAPI du 12 octobre 2020, concluant au rejet du recours pour le surplus.

c. Après un nouvel échange d'écritures, le TAPI a, le 21 août 2023, admis partiellement le recours, en tant qu'il était recevable et renvoyé le dossier à l'AFC‑GE pour émission de nouveaux bordereaux rectificatifs de rappel d'impôt et d'amende ICC 2012.

Il n’était pas contesté que les bordereaux rectificatifs litigieux constituaient des décisions d’exécution et que, par conséquent, le recours n’était recevable que dans la mesure où ces décisions n’exécutaient pas correctement les décisions de justice concernées. Les parties s’accordaient sur le fait que ces bordereaux tenaient compte des rectifications divergentes de celles ordonnées par le TAPI (étant précisé que l’exécution de l’arrêt de la chambre administrative n’était pas remise en cause), si bien que, dans cette mesure, le recours était recevable, en principe.

Dans son précédent jugement, le TAPI avait ordonné à l'AFC-GE de réduire la fortune imposable des contribuables à concurrence de CHF  62'522.50 en 2009, CHF 60'695.- en 2010, CHF 60'340.- en 2011, CHF 61'275.- en 2012, CHF 60'115.- en 2013 et CHF 54'370.- en 2014 (consid. 22). Or, comme les époux le relevaient, les bordereaux rectificatifs querellés tenaient compte des déductions de CHF 74'157.50 en 2009, CHF 62'522.50 en 2010, CHF 60’695.- en 2011, CHF 60’340.- en 2012, CHF 61'275.- en 2013 et CHF 60'115.- en 2014.

Toutefois, les conclusions des contribuables tendant à ce que les bordereaux du 20 mai 2022 concernant les années 2009, 2010, 2011, 2013 et 2014 soient rectifiés conformément au jugement précité étaient dénuées de tout intérêt actuel, puisque ces derniers étaient en leur faveur, dès lors qu’ils tenaient compte des déductions plus élevées que celles ordonnées par le TAPI. N’impliquant pas une diminution d’impôt, ces conclusions devient être déclarées irrecevables.

Étaient également manifestement irrecevables les conclusions relatives à la déduction de la dette de CHF 20'467'487.-, la déductibilité de celle-ci ne pouvant être examinée dans le cadre d’exécution des décisions de justice qui n’en tenaient pas compte. Les époux avaient déjà initié (en février 2021, soit bien avant le dépôt du recours) auprès de l’AFC-GE une procédure séparée portant sur cette question, soit celle de révision, si bien que le TAPI peinait à les suivre lorsqu’ils insistaient pour que cette prétention fût examinée dans le cadre de la présente procédure.

Le recours était en revanche recevable en tant qu’il visait la déduction retenue pour l’année fiscale 2012, dès lors que le montant en question (CHF 60’340.-) était moins favorable aux contribuables que celui fixé définitivement par le TAPI (CHF 61'275.-). Il incombait à l’autorité intimée de reprendre les montants entrés en force, qu’elle n’avait d’ailleurs pas contestés auprès de la chambre administrative. Le dossier lui était renvoyé pour nouveaux bordereaux rectificatifs de rappel et d’amende ICC 2012, dans la mesure où une réduction de la fortune imposable de CHF 935.- (= CHF 61'275.- - CHF 60’340.-) aboutirait effectivement à une réduction du rappel d’impôt pour cette année et de l’amende y relative.

Enfin, le grief relatif aux intérêts sur rappel d’impôt était manifestement mal fondé. En effet, dans son jugement, le TAPI avait ordonné à l'AFC-GE « de procéder aux calculs conformes à la jurisprudence du Tribunal fédéral des intérêts sur les rappels d'impôt et d'émettre ainsi des bordereaux rectificatifs pour toutes les périodes qui font l'objet de la présente procédure » (consid. 25). L'AFC-GE était ainsi tenue, au moment de l’émission des bordereaux rectificatifs du 20 mai 2022, d’appliquer la jurisprudence du Tribunal fédéral en la matière, qui confirmait la règle suivie par le canton de Genève consistant à déduire les intérêts moratoires sur rappel d'impôt de l'année « n » dès l'année « n+1 » (arrêt du Tribunal fédéral 2C_258/2017 du 2 juillet 2018 publié en partie aux ATF 144 II 359). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral avait rappelé que les intérêts sur rappel d’impôt avaient déjà commencé à courir en fonction du terme d'échéance de chaque année concernée par les rappels d'impôt. Pour l'IFD, ils avaient donc commencé à courir 30 jours après le terme initial d'échéance, c'est-à-dire durant l'année « n+1 » pour un rappel d'impôt de l'année « n » (consid. 6.8.1).

C’était à bon droit que l'AFC-GE n’avait établi aucun bordereau rectificatif pour les rappels des ICC et IFD 2007, étant donné que les intérêts y relatifs n'étaient déductibles qu’en 2008.

L'AFC-GE devrait donc établir des bordereaux de rappel d'impôt et d’amende ICC 2012, qui devraient tenir compte d’une déduction de la fortune de CHF 61'275 -.

D. a. Par acte mis à la poste le 23 septembre 2023, les contribuables ont recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à son annulation en tant que le TAPI avait écarté toutes leurs demandes à l'exception de la correction portant sur l'ICC 2012 visant à tenir compte d'une déduction de la fortune de CHF 61'275.-. Leur dossier devait être renvoyé à l'AFC-GE pour nouveaux bordereaux rectificatifs conformes aux rectifications ordonnées par le TAPI et la chambre administrative. L'AFC-GE devait procéder à la rectification des bordereaux IFD et ICC 2012 à 2014 pour tenir compte de la demande de reconsidération/révision introduite le 11 février 2021.

En l'absence de toute pièce qui démontrait que le montant de CHF 54'370.- avait été corrigé sur l'année 2015, le TAPI ne pouvait pas conclure que les corrections effectuées par l'AFC-GE leur avaient été favorables. Les corrections ordonnées par le TAPI devaient débuter en 2007, sans décalage temporel, faute pour l'AFC-GE de ne pas avoir soulevé ce point par-devant le TAPI à l'époque.

Dans la mesure où le premier jugement du TAPI était devenu définitif à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral, il n'était pas possible d'appliquer une jurisprudence fédérale ultérieure à la question du calcul des intérêts moratoires et des dettes.

Leur demande de reconsidération/révision devait, en principe, générer des crédits d'impôts substantiels qui pourraient être compensés par l'AFC-GE sur les exercices fiscaux 2007 et suivants. Il était donc primordial que celle-ci traitât cette demande afin de procéder ensuite à la modification des taxations correspondantes et à la compensation des crédits d'impôts dans les différents relevés de compte ouverts. L'AFC-GE ne pouvait pas se retrancher derrière le prétexte que leur demande était pendante auprès du service de taxation. Le fonctionnement interne de l'administration ne devait pas leur porter préjudice. En n'ayant toujours pas traité cette demande, l'AFC‑GE commettait un déni de justice, voire un abus de droit. En l'absence de tout décision attaquable, l'AFC-GE les privait de la possibilité de faire valoir leurs droits auprès d'une quelconque instance.

b. L'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Il ne découlait pas de l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_258/2017 précité que les intérêts sur les rappels d'impôt devaient être déduits en année « n », puisque le mode de déduction des intérêts sur les rappels d'impôt était laissé libre à la liberté d'interprétation des cantons, dans les limites de l'arbitraire. Il en résultait que le mode de déduction des intérêts sur rappel d'impôt en année « n + 1 » était conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral. La chambre administrative était donc libre d'interpréter d'une manière différente le doit cantonal autonome, ce qu'elle avait fait dans des arrêts postérieurs. En tout hypothèse, les recourants n'avaient pas démontré en quoi la nouvelle interprétation des normes relatives à la déduction des intérêts sur les rappels d'impôt serait arbitraire, étant rappelé que le Tribunal fédéral dans son arrêt 2C_122/2022 précité avait validé ce mode de calcul.

c. Les contribuables ont répliqué, persistant dans leurs conclusions.

Dans son jugement du 12 octobre 2020, le TAPI faisant référence à la jurisprudence du Tribunal fédéral, n'avait laissé aucune marge de manœuvre. Il avait confirmé que les intérêts moratoires devaient être déduits de chaque période concernée, respectant ainsi le principe de l'étanchéité des exercices.

L'AFC-GE estimait à tort qu'elle pouvait interpréter le jugement du TAPI et utiliser une autre méthode, alors que le TAPI lui n'avait laissé aucune liberté concernant la méthode de calcul. L'autorité intimée ne pouvait pas invoquer un arrêt de la chambre administrative du 26 avril 2022 qui avait confirmé l'autonomie du canton dans ses choix de méthodes de calcul. Cet arrêt ne pouvait pas être invoqué pour des faits antérieurs à son prononcé et justifier d'utiliser rétroactivement une méthode différente de celle imposée par le TAPI en 2020.

Il ne s'agissait pas d'une question de liberté d'interpréter d'une manière différente le droit cantonal autonome, mais d'appliquer un jugement qui précisait clairement la méthode à appliquer.

d. Le 6 novembre 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Le litige a pour origine les bordereaux de rappel d'impôt IFD et ICC pour les périodes fiscales 2008 à 2014 et d'amende pour soustraction fiscale IFD et ICC pour les périodes fiscales 2008 à 2013, notifiés aux recourants le 20 mai 2022, à la suite de l’arrêt de renvoi de la chambre administrative du 29 juin 2021, confirmé par le Tribunal fédéral par arrêt du 27 avril 2022.

Les recourants se plaignent que les bordereaux rectificatifs ne seraient pas conformes aux considérants du jugement du TAPI du 12 octobre 2020 et de l'arrêt de la chambre de céans.

2.1 Selon l’art. 59 let. b LPA, législation applicable par renvoi de l'art. 2 al. 2 LPFisc, le recours n’est pas recevable contre les mesures d’exécution des décisions. L’interdiction d’attaquer les mesures d’exécution vise à soustraire au contrôle juridictionnel les actes qui, sans les modifier ni contenir d’éléments nouveaux, ne servent qu’à assurer la mise en œuvre de décisions exécutoires au sens de l’art. 53 al. 1 let. a LPA. Le contrôle incident de ces dernières s’avère par conséquent exclu. La notion de « mesures » à laquelle se réfère le texte légal s’interprète largement et ne comprend pas seulement les actes matériels destinés à assurer l’application de décisions, mais également toutes les décisions mettant ces dernières en œuvre (ATA/1033/2023 du 19 septembre 2023 consid. 5.1 et les arrêts cités).

Une décision de base ne peut en principe pas être remise en cause, à l’occasion d’une nouvelle décision qui exécute l’acte de base (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 398 et 399 n. 1150). Le contrôle des décisions administratives en force est aussi en principe exclu, que ce soit par un tribunal ou par une autorité administrative, notamment à l’occasion d’une nouvelle décision qui exécute la décision de base (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 231 n. 640). Si un recours n’est pas formé contre une décision de principe, le requérant est forclos pour se prévaloir de sa non-validité au moment où il voudra mettre en cause les décisions prises en conséquence de cette première décision. La décision de principe ne peut donc pas être revue incidemment à l’occasion d’un recours contre des décisions d’exécution (ATA/1438/2017 du 31 octobre 2017 consid. 5b).

2.2 Un arrêt de renvoi constitue en principe une décision incidente contre laquelle aucun recours n’est ouvert, sauf lorsque l’autorité à laquelle l’affaire est renvoyée n’a aucune marge de manœuvre, notamment lorsqu’il ne lui reste plus qu’à calculer le montant de l’impôt, en appliquant les règles définies dans la décision de renvoi ; un tel arrêt est en effet considéré comme final (ATF 144 II 359 consid. 2.2.1 ; 138 I 143 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1085/2018 du 12 décembre 2018 consid. 4.3).

Lorsqu’une autorité motive le renvoi d’une affaire, ses considérants de droit lient l’autorité inférieure ainsi que les parties, en ce sens que ces dernières ne peuvent plus faire valoir dans un recours contre la nouvelle décision de première instance des moyens qui ont été rejetés dans l’arrêt de renvoi. En raison de l’autorité de la chose jugée, de tels moyens sont irrecevables (ATF 133 III 201 consid. 4 ; 120 V 233 consid. 1a). En revanche, la nouvelle décision de l’autorité inférieure peut faire l’objet d’un recours au motif qu’elle n’est pas conforme aux considérants de l’arrêt de renvoi (arrêts du Tribunal fédéral 2C_422/2017 du 22 mai 2017 consid. 4.1 ; 2C_381/2012 du 6 mai 2012).

2.3 L'autorité de la chose jugée (ou force de chose jugée au sens matériel) interdit de remettre en cause, dans une nouvelle procédure, entre les mêmes parties, une prétention identique qui a été définitivement jugée (ATF 144 I 208 consid. 3.1 ; 142 III 210 consid. 2.1). Il y a identité de l'objet du litige quand, dans l'un et l'autre procès, les parties soumettent au juge la même prétention, en reprenant les mêmes conclusions et en se basant sur le même complexe de faits. L'identité de l'objet du litige s'entend au sens matériel ; il n'est pas nécessaire, ni même déterminant que les conclusions soient formulées de manière identique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_816/2015 du 12 septembre 2016 consid. 3.1 et les références citées).

2.4 À teneur des art. 147 al. 1 LIFD et 55 al. 1 LPFisc, qui institue un cas de reconsidération obligatoire, une décision entrée en force peut être révisée (par quoi il faut entendre reconsidérée, le terme révision étant en effet destiné au réexamen des décisions judiciaires ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 494 s. n. 1433 ss) en faveur du contribuable, à sa demande ou d'office, lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a), lorsque l'autorité qui a statué n'a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu'elle connaissait ou devait connaître, ou qu'elle a violé de quelque autre manière l'une des règles essentielles de la procédure (let. b) ou lorsqu'un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c).

2.5 En l'espèce, et ainsi qu’il a été abordé supra, les bordereaux de taxation du 20 mai 2022 ont été établis à la suite de l'arrêt de renvoi de la chambre administrative du 29 juin 2021. Dans cet arrêt, la chambre de céans avait partiellement admis le recours formé par les époux contre du jugement du TAPI du 12 octobre 2020, l'avait annulé en tant que le montant de CHF 164'000.- devait être taxé au titre de fortune pour les exercices concernés et confirmé pour le surplus et renvoyé le dossier à l'AFC-GE pour cantonale pour nouvelle décision. L’arrêt du 29 juin 2021 a été confirmé par le Tribunal fédéral le 27 avril 2022.

Les recourants ne contestent pas que le point admis par la chambre de céans a bien été exécuté par l'intimée, en ce sens que la somme de CHF 164'000.- a bien été taxé au titre de fortune pour les exercices concernés.

Dans son premier jugement, le TAPI avait ordonné à l'AFC-GE de procéder à la réduction de la fortune imposable des recourants de CHF 62'522.50 en 2009, CHF 60'695.- en 2010, CHF 60'340.- en 2011, CHF 61'275.- en 2012, CHF 60'115.- en 2013 et CHF 54'370.- en 2014 (consid. 22).

Or, il ressort des explications contenues dans la décision sur réclamation du 27 septembre 2022 que l'autorité intimée a procédé à de nouveaux calculs divergents de ceux ordonnés par le TAPI. Ainsi, les taxations ont été corrigées pour arriver à une réduction de la fortune imposable des recourants de CHF 74'157.50 en 2009, CHF 62'522.50 en 2010, CHF 60'695.- en 2011, CHF 60'340.- en 2012, CHF 61'275.- en 2013, CHF 60'115.- en 2014.

Dans la mesure où l'autorité intimée a procédé à de nouveaux calculs, il ne s'agit pas de mesures d’exécution des décisions. C'est donc de manière conforme au droit que le TAPI a retenu que le recours contre la décision sur réclamation du 27 septembre 2022 était ouvert.

3.             Se pose néanmoins la question de savoir si les recourants disposent d'un intérêt digne de protection à contester ces nouveaux calculs.

3.1 Selon l'art. 2 al. 2 LPFisc, la LPA est applicable pour autant que la LPFisc n'y déroge pas.

Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

3.2 Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; ATA/1272/2017 du 12 septembre 2017 consid. 2b).

3.3 Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1157/2014 du 3 septembre 2015 consid. 5.2). L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1).

En matière fiscale, est sans intérêt actuel le recours du contribuable dont les conclusions, bien que tendant à l'annulation d'une décision de taxation, n'impliquent pas une diminution de l'impôt dû (ATA/170/2018 du 20 février 2018 consid. 3b ; ATA/1642/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3b ; ATA/1333/2017 du 26 septembre 2017 consid. 3b ; RDAF 2003 II p. 47).

3.4 En l'occurrence et mis à part pour l'année fiscale 2012 – comme l'a correctement retenu le TAPI – les recourants voient leur situation fiscale s'améliorer puisque les nouveaux montants retenus par l'autorité intimée leur sont favorables.

 

Année fiscale

Montant retenu par le TAPI

Montant retenu par l'AFC-GE

2009

CHF 62'522.50

CHF 74'157.50

2010

CHF 60'695.-

CHF 62'522.50

2011

CHF 60'340.-

CHF 60'695.-

2012

CHF 61'275.-

CHF 60'340.-

2013

CHF 60'115.-

CHF 61'275.-

2014

CHF 54'370.-

CHF 60'115.-

 

Ainsi et conformément à la jurisprudence précitée, ils ne disposent pas d'un intérêt digne de protection à obtenir les déductions telles qu'ordonnées par le TAPI, sous réserve de la période fiscale 2012 comme vu ci-avant.

Le TAPI était donc fondé à déclarer irrecevables les conclusions tendant à ce que les bordereaux du 20 mai 2022 concernant les années 2009, 2010, 2011, 2013 et 2014 soient rectifiés conformément au jugement de 2020.

L’année fiscale 2015 ne fait pas l'objet du litige – délimité matériellement par la décision attaquée (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/242/2020 du 3 mars 2020 consid. 2a). L'autorité intimée s’est néanmoins engagée devant le TAPI à procéder à la déduction de CHF 54'370.- dans le bordereau de taxation 2015 qui sera établi, étant relevé que la décision sur réclamation l’annonçait.

Le grief sera écarté.

4.             Les recourants contestent le calcul des intérêts sur les rappels d'impôt, à savoir la déduction des intérêts sur les rappels d'impôt en année « n+1 » effectuée par l'autorité intimée.

4.1 Dans l'arrêt 2C_258/2017 précité publié en partie aux ATF 144 II 359, le Tribunal fédéral s'est penché sur la problématique de la déduction des intérêts sur les rappels d'impôt.

Il a d'abord établi que les intérêts moratoires étaient déductibles du revenu en relevant que, même s'ils constituaient une catégorie d'intérêts passifs particulière, les intérêts sur les rappels d'impôt avaient pour but de compenser le fait que la somme due au titre de rappel d'impôt n'avait pas été payée au moment où elle aurait dû l'être, faute de taxation complète à l'époque, mais seulement plus tard, dans le cadre de la procédure de rappel en question. En ce sens, ils étaient en lien avec la dette pécuniaire découlant du rappel d'impôt et devaient pouvoir être déduits du revenu (consid. 6.6).

Ni la LIFD ni la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) ne donnaient d'indication précise sur la période fiscale dans laquelle pouvaient être déduits les intérêts sur les rappels d'impôt. Il fallait donc laisser en ce domaine une marge de manœuvre aux cantons, le Tribunal fédéral n'examinant la solution adoptée par les instances cantonales que sous l'angle de l'arbitraire.

Le droit cantonal, notamment les art. 23 et 27 de la loi relative à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales du 26 juin 2008 (LPGIP - D 3 18), prévoyait un système inspiré du principe de l'étanchéité des exercices fiscaux. D'après ce principe, tous les revenus effectivement réalisés ainsi que tous les frais engagés durant la période fiscale en cause étaient déterminants pour la taxation de cette période. Pour chacune des périodes fiscales en cause, le contribuable devait s'acquitter d'une somme au titre de rappel d'impôt et d'intérêts sur les rappels d'impôt y relatifs. Ces derniers, qui commençaient à courir trente jours après le terme initial d'échéance de l'impôt pour l'IFD, respectivement dès le terme général d'échéance de l'année ou de la période fiscale concernée pour l'ICC, étaient donc directement liés au montant du rappel d'impôt dû par l'intéressé pour chaque période fiscale en cause. Partant, sous l'angle de l'étanchéité des exercices fiscaux, il n'était pas insoutenable d'admettre que le contribuable pouvait les déduire de son revenu dans chacune des années fiscales sur lesquelles portaient les rappels d'impôt. Cette particularité, propre aux intérêts sur les rappels d'impôt, était à la base de ce raisonnement, qui n'est pas arbitraire (consid. 6.8).

La question du point de départ de la déductibilité des intérêts relatifs aux rappels d'impôt s'agissant de la fortune n'était pas non plus résolue par le droit fédéral. Il n'était pas insoutenable, sous l'angle de l'étanchéité des exercices fiscaux, d'admettre que le contribuable pouvait les déduire de sa fortune dans chacune des années fiscales sur lesquelles portaient les rappels d'impôt (consid. 7.4).

4.2 La chambre de céans, dans des arrêts ultérieurs à cette jurisprudence fédérale, a néanmoins retenu, qu'au vu de la marge de manœuvre des autorités fiscales dans ce domaine, l'autorité intimée était en droit de déduire les intérêts relatifs au rappel d'impôt de l'année « n » sur l’année de taxation « n+1 ». Cette façon de procéder avait été jugée conforme au droit ainsi qu'au principe de l'étanchéité des exercices fiscaux, dans la mesure où les déductions avaient été admises dans l'année fiscale qui avait suivi l'année à partir de laquelle les intérêts avaient commencé à courir. Ainsi, il ne saurait être question de calquer le montant des intérêts déductibles sur la période de calcul de ceux-ci, ce qui irait précisément à l'encontre du principe d'étanchéité (ATA/441/2022 du 26 avril 2022 consid. 4 ; ATA/248/2022 du 9 mars 2022 consid. 2f ; ATA/1369/2021 du 14 décembre 2021 consid. 7 confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_122/2022 du 15 décembre 2022).

4.3 Selon la doctrine, une distinction peut être faite entre autorité de chose décidée, qui se rapporte à la stabilité d’une décision d’une autre administration entrée en force, et autorité de chose jugée, qui se rapporte à celle d’une décision prise sur recours ou par une juridiction saisie d’une action. Dans le premier cas, la question est simplement celle de la modification d’une décision administrative. La révocation partielle ou totale d’une décision exige une pesée de l’intérêt à une application correcte du droit objectif, qui plaiderait par hypothèse pour une modification de la décision, et de l’intérêt à la sauvegarde de la sécurité du droit, qui favorise le maintien de la décision. Dans le second cas, le réexamen approfondi de l’affaire qui a dû être effectué sur recours ou par la juridiction saisie d’une action justifie de reconnaître une plus grande portée à l’autorité de chose jugée : les points tranchés sur recours ou par une juridiction ne pourront être revus, en ce qui concerne les mêmes parties, les mêmes faits et les mêmes motifs, que si des motifs de révision (art. 80 LPA) sont présents. À cet égard, il faut souligner que l’autorité de chose jugée ne se rapporte qu’aux points effectivement tranchés par l’autorité de recours ; il y aura donc lieu de se référer aux motifs de sa décision pour définir la portée de l’autorité de la chose jugée (Thierry TANQUEREL, op. cit, n. 867 à 869).

4.4 Une nouvelle jurisprudence doit s'appliquer immédiatement et aux affaires pendantes au moment où elle est adoptée (ATF 142 V 551 consid. 4.1 ; 135 II 78 consid. 3.2 ; 132 II 153 consid. 5.1 ; 122 I 57 consid. 3c/bb). Pour la sécurité du droit, il ne saurait être question de l’appliquer rétroactivement aux décisions entrées en force (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1066/2013 consid. 3.3).

4.5 En l'occurrence, dans son jugement du 12 octobre 2020, le TAPI a ordonné à l'autorité intimée de « procéder aux calculs conformes à la jurisprudence du Tribunal fédéral des intérêts sur les rappels d'impôt et d'émettre ainsi des bordereaux rectificatifs pour toutes les périodes qui font l'objet de la présente procédure » (consid. 25).

Avec les recourants, la chambre de céans constate que, dans le jugement précité, le TAPI cite l'ATF 144 II 359 à son consid. 24 dont il est question plus haut et qui retient une déduction des intérêts relatifs aux rappels d'impôt dans chacune des années fiscales sur lesquelles portaient les rappels d'impôt. Or, au moment où le TAPI a jugé la première fois, la méthode de déduction dite en année « n » avait été jugée comme étant licite. Pour des motifs de sécurité du droit, il ne saurait donc être question d'appliquer rétroactivement et automatiquement une nouvelle jurisprudence aux décisions entrées en force. Ainsi, après l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_674/2021 du 27 avril 2022 concernant les recourants faisant acquérir au jugement du TAPI autorité de chose jugée, l'autorité intimée ne disposait plus d'aucune marge de manœuvre quant à la méthode à appliquer pour les calculs des intérêts sur les rappels d'impôt.

Le grief sera donc admis et il appartiendra à l’AFC-GE de procéder à la déduction des intérêts sur les rappels d'impôts dans chacune des années fiscales sur lesquelles portent les rappels d'impôt pour toutes les périodes concernées par la procédure s’étant terminée par l’arrêt du Tribunal fédéral du 27 avril 2022, à savoir les bordereaux de rappels et d’amendes relatives aux périodes fiscales 2007 à 2014.

5.             Les recourants se plaignent du traitement de leur demande de reconsidération/révision du 11 février 2021 portant sur les années fiscales 2012 à 2019.

5.1 Le Tribunal fédéral a rappelé qu’en procédure juridictionnelle administrative ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement, d'une manière qui la lie sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par la voie d'un recours. Le juge n'entre donc pas en matière, sauf exception, sur des conclusions qui vont au-delà de l'objet de la contestation. L'objet du litige dans la procédure de recours est le rapport juridique réglé dans la décision attaquée, dans la mesure où d'après les conclusions du recours il est remis en question par la partie recourante. L'objet de la contestation (Anfechtungsgegenstand) et l'objet du litige (Streitgegenstand) sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, les rapports juridiques non litigieux sont certes compris dans l'objet de la contestation, mais non pas dans l'objet du litige. L'objet du litige peut donc être réduit par rapport à l'objet de la contestation. Il ne peut en revanche, sauf exceptions non pertinentes en l'espèce, s'étendre au-delà de celui-ci (ATF 144 II 359 consid. 4.3).

Ni la LIFD, ni la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), ni la LPFisc ne contiennent de dispositions particulières dérogeant au principe général selon lequel l'objet de la contestation définit le contenu de la procédure. Tant les art. 140 ss LIFD, qui règlent la procédure devant la première et, le cas échéant, la deuxième instance cantonale de recours, que l'art. 50 LHID, qui traite en général de la « procédure de recours », ne contiennent que les principes de la procédure en question. Quant à la LPFisc, il n'y a dans cette loi, notamment aux art. 44 à 54 LPFisc consacrés à la procédure de recours en matière fiscale, aucune règle permettant une telle dérogation. La possibilité de procéder à une reformatio in pejus, prévue expressément par l'art. 54 LPFisc, permet à l'autorité fiscale et aux autorités judiciaires d'aller au-delà des conclusions des parties et de modifier la décision au désavantage du contribuable, mais elle ne saurait pas pour autant autoriser celles-ci à dépasser le cadre strict de l'objet de la contestation. Il en va de même de la libre appréciation des faits, voire de la possibilité de tenir compte de nova (ATF 144 II 359 consid. 4.4 et les nombreuses références citées).

5.2 Selon la jurisprudence, le rappel d'impôt n'équivaut pas à un examen complet de la taxation ordinaire et doit au contraire être restreint aux points pour lesquels les conditions légales sont cumulativement remplies, c'est-à-dire, pour l'essentiel, l'existence de faits et moyens de preuve nouveaux et une imposition insuffisante. Les nouveaux arguments que le contribuable peut faire valoir de son côté pour diminuer l'imposition dans la procédure de rappel d'impôt sont limités : le contribuable ne doit pas profiter de la procédure de rappel d'impôt pour revenir librement sur l'ensemble de la taxation ; sous réserve d'une erreur manifeste, celui-ci peut uniquement demander que la taxation soit reprise en sa faveur sur les points qui, précisément font l'objet du rappel d'impôt. Le Tribunal fédéral a alors relevé que cela signifiait, dans l’affaire qui lui était soumise, que la déduction des frais et des charges liés aux revenus imposables du recourant, qui n'avait pas été demandée durant la procédure de taxation initiale, ne pouvait plus être exigée en procédure de rappel d'impôt (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1069/2019 du 14 avril 2020 consid. 6.2).

5.3 Lorsqu'une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA).

5.4 Une autorité qui n'applique pas ou applique d'une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu'elle ferme l'accès à la justice à la particulière ou au particulier qui, normalement, y aurait droit, commet un déni de justice formel. Il en va de même pour l'autorité qui refuse expressément de statuer, alors qu'elle en a l'obligation. Un tel déni constitue une violation de l'art. 29 al. 1 Cst. (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 I 6 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_59/2013 du 4 juillet 2014 consid. 2.1).

5.5 Une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 LPA (art. 62 al. 6 LPA). Toutefois, lorsque l’autorité compétente refuse expressément de rendre une décision, les règles de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.) imposent que le recours soit interjeté dans le délai légal, sous réserve éventuelle d’une fausse indication quant audit délai (ATA/939/2021 du 14 septembre 2021 consid. 3a ; ATA/1722/2019 du 26 novembre 2019 consid. 2b et les références citées).

5.6 Pour pouvoir se plaindre de l’inaction de l’autorité, encore faut-il que l’administré ait effectué toutes les démarches adéquates en vue de l’obtention de la décision qu’il sollicite (ATA/699/2021 du 2 juillet 2021 consid. 9b ; ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 2d). Les conclusions en déni de justice sont irrecevables lorsque le recourant n’a pas procédé à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 LPA (ATA/63/2023 du 24 janvier 2023 consid. 3b et la référence citée).

5.7 En l'espèce, il ressort de la décision sur réclamation que la problématique de la dette de CHF 20'467'487.-, des intérêts passifs à 5% l’an dès le 1er novembre 2012 ainsi que des intérêts passifs impayés accumulés découlant de la procédure pénale à l’issue de laquelle le recourant a été définitivement condamné est pendante auprès du service de taxation.

Comme l'avait déjà retenu la chambre de céans dans son arrêt du 29 juin 2021, les recourants ne peuvent pas faire valoir ce nouveau poste dans le cadre de la présente procédure, dans la mesure où cela conduirait à une extension de l'objet de la contestation à de nouvelles déductions.

Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier que les recourants auraient mis en demeure l'autorité intimée pour qu'elle statue sur leur demande de reconsidération/révision formulée le 11 février 2021. Ils ne peuvent ainsi pas se plaindre d'un déni de justice dans la présente procédure.

Le grief sera écarté.

Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission partielle du recours. Le jugement attaqué sera annulé concernant la déduction des intérêts sur les rappels d'impôts pour les périodes fiscales 2007 à 2014 et le dossier sera renvoyé à l'autorité intimée pour nouvelle décision au sens des considérants.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument – réduit – de CHF 500.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent en partie (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée dans la mesure où ils comparaissent en personne et n'ont pas allégué avoir exposé de frais pour assurer leur défense (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 septembre 2023 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 août 2023 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 août 2023 en tant qu'il refuse la déduction des intérêts sur les rappels d'impôts pour les périodes fiscales 2007 à 2014 ;

le confirme pour le surplus ;

met à la charge solidaire de A______ et B______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ et B______, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :