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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2395/2020

ATA/441/2022 du 26.04.2022 sur JTAPI/951/2021 ( ICCIFD ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;PROCÉDURE FISCALE;SOUSTRACTION D'IMPÔT;TAXATION CONSÉCUTIVE À UNE PROCÉDURE;DÉDUCTION DES INTÉRÊTS PASSIFS;DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL)
Normes : aLIPP-III.1; aLIPP-III.4.al1.leta; aLIPP-III.13.al1; LHID.13; LIPP.46; LIPP.49; LIPP.56.al1
Résumé : Recours successifs du fisc genevois et des contribuables (époux) contre le jugement du TAPI, lequel a partiellement admis le recours interjeté devant lui par les contribuables sur la question de la déduction des intérêts des rappels d'impôts. La façon dont l'administration fiscale a déduit du revenu et de la fortune des contribuables, les intérêts résultants des rappels d'impôts, soit en les déduisant les intérêts relatifs au rappel d'impôt de l'année N sur l'année de taxation N + 1, est conforme à la jurisprudence, au principe d'étanchéité des exercices fiscaux et est donc conforme au droit. Recours des contribuables rejeté et recours du fisc genevois admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2395/2020-ICCIFD ATA/441/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 avril 2022

4ème section

 

dans la cause

Madame A______
Monsieur B______
représentés par Me Philippe Mantel, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
et
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

et

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
et
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

contre

Madame A______
Monsieur B______
représentés par Me Philippe Mantel, avocat


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 septembre 2021 (JTAPI/951/2021)


EN FAIT

1) Le litige concerne la taxation 2009 à 2013 de Madame A______ et Monsieur B______.

Le précité a exercé une activité lucrative indépendante dans son entreprise individuelle « B______ », active dans la pose de sols, parquets, moquettes, linoléums et nettoyages de fin de chantier jusqu’au 5 février 2010, date de cessation de l’exploitation.

2) Le 21 janvier 2010, L'C______ Sàrl (ci-après : la société) a été inscrite au registre du commerce. M. B______, unique associé, détenait l’intégralité des parts sociales.

3) Le 30 avril 2019, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a informé les contribuables de l’ouverture à leur encontre d’une procédure en rappel d’impôt, ainsi que d’une procédure en soustraction d’impôt pour les années 2009 à 2017.

La division principale de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après : TVA) de l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) l’avait informée, d’une part de l’existence de recettes non comptabilisées et encaissées directement sur des comptes de l’actionnaire et, d’autre part, de l’enregistrement de charges non justifiées commercialement en lien avec le véhicule privé de l’épouse de l’actionnaire.

Un délai leur a été accordé pour se déterminer au sujet des reprises envisagées dont le détail leur a été communiqué. Les contribuables ont notamment produit leurs relevés de compte.

4) a. Le même jour, l'AFC-GE a ouvert à l’encontre de la société une procédure en rappel et en soustraction d’impôt pour les années 2010 à 2014.

b. Le 20 août 2019, l’AFC-GE a informé la société de la clôture des procédures en rappel et en soustraction d’impôt ouvertes à son encontre et lui a notifié des bordereaux de rappel d’impôt et d’amendes pour les périodes fiscales 2010 à 2013. En ce qui concernait la période 2014, ces procédures s’étaient terminées sans redressements ni pénalités.

c. Le 10 septembre 2019, la société a élevé réclamation à l’encontre des bordereaux de rappel d'impôts et d'amendes.

En substance, il convenait de tenir compte de charges non comptabilisées et de paiements en espèces à des fournisseurs.

d. Par décision du 18 octobre 2019, l’AFC-GE a admis partiellement la réclamation de la société et lui a notifié des bordereaux rectificatifs.

Elle a pris en compte une partie des charges sollicitées en déduction. Compte tenu des dégrèvements, la provision pour impôt et les amendes ont été corrigées.

Aucun recours n’a été interjeté contre cette décision. 

5) Le 16 décembre 2019, l’AFC-GE a informé les contribuables de la clôture des procédures en rappel et en soustraction d’impôt et leur a notifié des bordereaux de rappel d’impôt ICC et IFD pour les années 2009 à 2012, 2013 (ICC seulement). Elle a également notifié à M. B______ seul des bordereaux d’amendes pour toutes ces périodes.

En ce qui concernait les périodes 2014 à 2017, ces procédures s’étaient terminées sans redressements ni pénalités.

Pour l’année 2009, une reprise du bénéfice d’exploitation du contribuable, sans déduction d’aucune charge, était faite. Pour les périodes subséquentes, des redressements au titre de prestations appréciables en argent accordées par la société, correspondant au montant des recettes directement encaissées sous déduction des factures remises, et qui n’avaient pas été comptabilisées étaient faits. Pour les années 2010 à 2012, les montants correspondaient aux reprises ressortant des bordereaux rectificatifs notifiés à la société, le 18 octobre 2019.

Les soustractions avaient été commises intentionnellement et la quotité des amendes était fixée à la moitié des impôts soustraits. Des intérêts sur rappel d’impôt (ci-après : IRI) étaient facturés.

6) Le 13 janvier 2020, les contribuables ont élevé réclamation à l’encontre de tous les bordereaux en concluant à leur annulation. Ils sollicitaient copie des pièces procédurales de la société, ainsi que l’évaluation des titres de cette dernière.

7) Le 30 janvier 2020, l’AFC-GE a transmis le dossier fiscal de la société aux contribuables, après que celle-ci eut délié le fisc du secret fiscal en leur faveur.

8) Le 6 mars 2020, les contribuables ont complété leur réclamation.

De 2009 à 2013, leur train de vie avait nécessité des dépenses mensuelles de quelque CHF 9'000.-, sans qu’ils aient pu constituer une épargne. Ils admettaient avoir financé des charges privées au moyen de comptes ayant servi aux encaissements de factures de la société, les prélèvements privés ne s’étant toutefois élevés qu’à environ CHF 30'000.- à CHF 40'000.- par an.

 

Les offres et devis en ligne faisaient état d’un taux horaire pour la pose de parquets oscillant entre CHF 30.- et CHF 45.-. Compte tenu d’une durée de travail journalière de 8.5 heures, à raison de 240 jours ouvrables par an, l’on obtenait un chiffre d’affaires annuel maximal de CHF 90'000.-.

Même si la société n’avait pas démontré la déductibilité des charges, il incombait à l’AFC-GE d’établir l’enrichissement de l’actionnaire, lequel était nul en l’espèce. Par ailleurs, les dividendes qui étaient attribués aux contribuables s’écartaient de la réalité économique, le coût des fournitures et des sous-traitants n’ayant pas été pris en compte.

Les montants de TVA afférents aux chiffres d’affaires occultes auraient dû être déduits du bénéfice de la société. Ces montants d’impôt devaient être défalqués des prestations appréciables en argent taxables.

Il convenait de tenir compte des amendes infligées à la société lors de la détermination des rendements de participation.

Compte tenu des rappels d’impôts, la société était en faillite. Elle devait être valorisée sur la base de son excédent de liquidation présumé. Ses dettes excédaient largement l’actif circulant.

Enfin, les amendes devaient être réduites à due concurrence, compte tenu de la correction des montants de rappel d’impôt et leur quotité, ramenée au minimum. Le contribuable était insolvable, puisqu’il détenait la société pour seul actif.

9) Par décision du 13 juillet 2020, l’AFC-GE a rejeté la réclamation en tant qu’elle concernait l’ICC 2009, ainsi que l’IFD 2009 et 2013. Elle a admis la réclamation en tant qu’elle concernait l’ICC 2010 à 2013, ainsi que l’IFD 2010 à 2012. Elle a notifié aux contribuables des bordereaux rectificatifs pour tenir compte de l’admission partielle de leur réclamation.

Il avait été établi dans le cadre du contrôle TVA que les contribuables avaient encaissé directement des recettes de la société sur des comptes ouverts à leur nom. Des charges en lien avec ces revenus avaient été prouvées. En revanche, sans justificatif, les prélèvements en espèces n’étaient pas probants, car il n’était pas possible d’établir si ces retraits avaient servi à financer des dépenses privées ou des charges commerciales. Les redressements se présentaient comme suit (en CHF) :

2010

2011

2012

2013

Chiffre d'affaires non déclaré

241'345.-

492'279.-

232'480.-

38'485.-

Factures non comptabilisées

-50'643.-

-140'438.-

-96'067.-

-14'544.-

Factures payées en espèces

-2'545.-

-61'397.-

-40'157.-

0.-

Avantages appréciables en argent

188'157.-

290'444.-

96'256.-

23'941.-

Les taux de marge résultant des reprises effectuées en tant qu’avantages appréciables en argent de 2009 à 2013 (à savoir 71 %, 78 %, 59 %, 41 % et 62 %) étaient « en ligne » avec les taux de marge brutes selon la comptabilité de la société pour les mêmes périodes fiscales. Étant donné que l’existence des prestations appréciables en argent avait pu être établie sur la base des encaissements effectivement reçus par les contribuables, il n’était pas nécessaire de démontrer l’évolution de leur fortune. Ils n’avaient pas déclaré leurs comptes bancaires. Leur argumentation relative au chiffre d’affaires maximal réalisable par un parqueteur ne pouvait être suivie, étant donné que la société n’avait pas déclaré de salaire.

Les personnes morales étaient imposées en tant que sujets fiscaux autonomes. Les dettes résultant du contrôle TVA constituaient une charge dont la société était débitrice, qui n’influençaient pas les montants bruts des prestations appréciables en argent reçues par les contribuables, correspondant au chiffre d’affaires de la société encaissé directement sur ses comptes. Ces dettes ne pouvaient être portées en déduction. Ce raisonnement s’appliquait s’agissant de la déductibilité des charges fiscales de la société. De plus, les impôts ne constituaient pas une charge déductible.

Pour les personnes physiques, les amendes ne constituaient pas non plus des charges déductibles. Les rendements de participations n’étaient pas influencés par les amendes infligées à la société et ces pénalités concernaient un sujet de droit distinct. Il n’y avait ainsi pas lieu de les déduire du revenu imposable du contribuable.

La déduction, sur le plan de la fortune, des dettes découlant du rappel d’impôt avait été acceptée pour les années 2012 à 2013, mais non pour les années précédentes, l’impôt sur la fortune étant nul. La déduction des amendes fiscales sur le plan de la fortune n’était pas tolérée, car selon la jurisprudence, elles ne constituaient que des dettes futures, non exigibles.

La déduction des IRI était admise sur le plan du revenu dès l’année suivant le supplément d’impôt auxquels ils se rattachaient compte tenu du terme général d'échéance et à concurrence du montant couru durant la période fiscale concernée. Les IRI pouvaient donc être déduits à partir de la période fiscale 2010 et les bordereaux rappel d'impôt ICC 2010 à 2013 et IFD 2010 à 2012 étaient donc modifiés en conséquence. Pour 2013, aucun impôt n'était dû selon le bordereau de rappel IFD 2013. La déductibilité de ces intérêts au niveau de la fortune était également acceptée, étant précisé qu’elle n’avait d’impact qu’en 2012 et 2013, l’impôt sur la fortune étant nul pour les années précédentes.

Au moment de l’estimation des parts sociales, à savoir à la fin des années 2012 et 2013, la société n’était pas en liquidation, ni proche de l’être. Il n’y avait donc pas lieu de rectifier la valorisation de ses titres en appliquant la méthode prévue pour les sociétés en liquidation.

Enfin, la quotité des amendes avait été fixée à la moitié de l’impôt soustrait, en tenant compte des circonstances de la bonne collaboration du contribuable et du cumul des amendes entre la personne physique et la société. La quotité était dès lors maintenue.

10) Par acte du 13 août 2020, les contribuables ont interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) à l’encontre de la décision du 13 juillet précédent en concluant à son annulation et, cela fait, à sa réforme, dans le sens de leur argumentation. Ils ont repris, en les développant, les arguments exposés dans leur réclamation.

11) Dans sa réponse du 16 décembre 2020, l’AFC-GE a conclu à l’admission partielle du recours, en ce sens que les IRI devaient être déduits sur le plan du revenu. La déduction des IRI pour 2014 à 2019 serait prise en compte dans le cadre de la procédure de taxation de la période fiscale 2020. Elle a conclu au rejet du recours pour le surplus, reprenant l’argumentation exposée dans ses précédentes écritures pour le surplus.

La collaboration du contribuable avait été prise en compte pour la fixation des amendes et la société n’était à ce jour pas en faillite. La quotité des amendes n’avait pas été arrêtée schématiquement et par effet miroir, mais en appréciant l’ensemble des circonstances, en tenant compte notamment de l’impact économique dans le chef du contribuable.

12) Par réplique du 17 février 2021, les contribuables ont maintenu leur recours. Ils ne sollicitaient plus la déduction des amendes sur le plan de leur fortune.

Les IRI n’étaient pas uniquement déductibles lors de l’année de leur paiement. En 2020, ils excédaient leur revenu, si bien que les défalquer cette année-là était inique.

13) Dans sa duplique du 15 avril 2021, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse.

14) Par jugement du 20 septembre 2021, le TAPI a partiellement admis le recours.

Les IRI étaient déductibles du revenu pour toutes les années fiscales litigieuses, à savoir de 2009 à 2013. Ils étaient déductibles selon le principe de périodicité, soit sur l'année concernée.

Pour le surplus, les décisions sur réclamation étaient confirmées.

15) Par envoi du 11 octobre 2021, l'AFC-GE a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI, concluant à son annulation.

Elle contestait les modalités de la déduction des IRI, telles que retenues par le TAPI, qui étaient contraires à la jurisprudence. Les intérêts commençaient à courir au terme général d'échéance, soit le 31 mars de l'année suivant la période fiscale concernée. L'ensemble des IRI échus jusqu'à la date de la notification avait bien été pris en compte pour leur déduction respective du revenu et de la fortune.

16) Par envoi du 21 octobre 2021, les contribuables ont également interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI, concluant à sa réformation dans le sens des développements présentés et à sa confirmation s'agissant de la déductibilité des IRI.

L'état de fait devait être rectifié sur plusieurs points. Les dettes de TVA avaient été intégralement soldées par la société au moyen du compte occulte. Le contribuable était le seul employé de la société.

Le chiffre d'affaires redressé s'élevait à plus de CHF 1'000'000.-, ce qui était impossible à réaliser, la marge bénéficiaire sur des travaux donnés en sous-traitance ne pouvant être que très faible. Ainsi, la reprise automatique du redressement de la société en tant que dividende caché ne trouvait pas application. Le chiffre d'affaires occulte avait été réalisé avec des sous-traitants. Il avait déjà admis avoir procédé tout au plus à CHF 30'000.- de prélèvements privés sur le compte occulte par année. Une prestation appréciable en argent reprise dans le chef de la société ne pouvait pas automatiquement être imputée dans le chef de l'actionnaire. L'AFC-GE ne démontrait pas l'enrichissement de l'actionnaire. Les dividendes attribués au contribuable s'écartaient de toute réalité économique. Il n'était physiquement et économiquement pas possible de réaliser un tel bénéfice en étant l'unique employé de la société.

Les rendements de participation imputés devaient être réduits des montants correspondant aux dettes de TVA. Les taxations de la société étaient erronées puisque basées sur un chiffre d'affaires brut et que les dettes TVA avaient été entièrement réglées.

Les charges fiscales sur reprises devaient être déduites du bénéfice net de l'exploitation indépendante, respectivement du rendement de participation de la société pour déterminer le rendement de participation.

Les amendes de la société devaient être déduites lors de la détermination du rendement de participation de la société.

Le rappel d'impôt avait eu pour effet de plonger la société en état de surendettement. Il ne faisait pas de sens économiquement d'attribuer une valeur fiscale aux parts sociales. Si la méthode des praticiens devait être appliquée à une société dont le bilan fiscal suite à un redressement faisait état d'un surendettement manifeste, il conviendrait au moins que la valeur de rendement prenne en compte des bénéfices réduits des montants des amendes, des intérêts de retard et de la TVA, ce que l'AFC-GE n'avait pas fait. À l'issue de la procédure, le total des dettes fiscales de la société s'élevait à CHF 280'000.-. La société n'avait pas d'actifs, ni de réserves et se trouvait dans une situation financière dans laquelle sa faillite aurait été prononcée dès 2010.

Les amendes devaient être corrigées à due concurrence des réductions d'impôts. La quotité devait être revue, il avait pleinement collaboré et était déjà suffisamment puni par la perte de son outil de travail à savoir la Sàrl dont la faillite était indubitable. Les dettes fiscales s'élevaient à CHF 250'000.- pour lui. Or, le salaire moyen dans sa branche était de CHF 8'000.- par mois et à son âge la recherche d'emploi était difficile. La prochaine étape serait vraisemblablement la faillite personnelle. L'amende n'était pas en rapport avec sa culpabilité.

17) Le 29 novembre 2021, l'AFC-GE a renoncé à répondre au recours, renvoyant à ses précédentes écritures.

18) Le 7 décembre 2021, les contribuables ont renoncé à répondre au recours déposé par l'AFC-GE.

19) Le 21 janvier 2022, l'AFC-GE a renoncé à formuler des observations supplémentaires.

20) Le 25 janvier 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2) a. Le litige porte sur une procédure en rappel et soustraction d'impôt pour les périodes fiscales 2009 à 2013, en matière d'ICC et d'IFD.

b. De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (ATA/191/2020 du 18 février 2020 consid. 4b et les références citées).

Le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), dont l’art. 69 a abrogé les cinq anciennes lois sur l’imposition des personnes physiques (aLIPP-I à aLIPP-V du 22 septembre 2000). L’art. 72 al. 1 LIPP prévoit que cette loi s’applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010. Pour les périodes fiscales antérieures, les dispositions des anciennes lois s’appliquent même après l’entrée en vigueur de la loi.

c. En l’espèce, le recours concerne les périodes fiscales 2009 à 2013. Dès lors, c’est l’ancien droit (aLIPP-I à aLIPP-V) qui s’applique pour l'année 2009, ainsi que la LIFD et la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) dans leur teneur de 2009. Pour les années 2010 à 2013, c’est la nouvelle LIPP qui trouve application.

d. Par ailleurs, la question étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme l'admet la jurisprudence (ATF 135 II 260 ; ATA/463/2020 du 7 mai 2020 consid. 6b).

3) L'AFC-GE conteste les modalités de la déduction des IRI faite par le TAPI, lequel a appliqué les déductions selon le principe de la périodicité, soit pour l'année fiscale concernée.

a. En matière d'IFD, le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 à 33a (art. 25 LIFD). Selon l'art. 33 al. 1 let. a LIFD, sont déduits du revenu les intérêts passifs privés à concurrence du rendement imposable de la fortune au sens des art. 20, 20a et 21 LIFD, augmenté d'un montant de CHF 50'000.-. La déduction d'intérêts passifs suppose l'existence d'une dette pécuniaire ; ce n'est que si une relation existe entre les intérêts et la dette qu'il peut être question d'intérêts passifs (ATF 143 II 396 consid. 2.1 et les références citées).

En droit cantonal, l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus, prestations et avantages du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques, en espèces ou en nature et quelle qu'en soit l'origine, avant déductions (art. 1 aLIPP-IV et 17 LIPP). Le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus bruts les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 2 à 8 aLIPP-V et 29 à 37 LIPP (art. 1 aLIPP-V et 28 LIPP). Sont déductibles les intérêts des dettes échus pendant la période déterminante à concurrence du rendement de la fortune augmenté de CHF 50'000.-, à l'exclusion des intérêts des prêts qu'une société de capitaux accorde à une personne physique la touchant de près ou ayant une participation déterminante à son capital et dont les conditions diffèrent de façon importante des clauses habituellement convenues dans les relations d'affaires entre tiers (art. 6 al. 1 aLIPP-V et 34 let. a LIPP).

b. Selon l'art. 13 al. 1 LHID, 1 aLIPP-III et 46 LIPP, l'impôt sur la fortune a pour objet l'ensemble de la fortune nette.

Sont déduites de la fortune brute les dettes chirographaires ou hypothécaires justifiées par titres, extraits de comptes, quittances d'intérêts ou déclaration du créancier (art. 13 al. 1 let. a aLIPP-III et 56 al. 1 LIPP). Il ne peut être déduit que les dettes effectivement dues par le contribuable (art. 13 al. 2 aLIPP-III et 56 al. 2 1ère phr. LIPP). Les dettes de rappel d'impôt peuvent être déduites de la fortune brute même si elles ne sont pas encore chiffrées à la date déterminante ; elles sont dues en vertu de la loi (ATF 138 II 311 consid. 3.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1172/2014 du 22 juin 2015 consid. 3.1 et les références citées).

Les art. 4 al. 1 a aLIPP-III et 49 LIPP prévoient que l'état de la fortune mobilière et immobilière est établi au 31 décembre de l'année pour laquelle l'impôt est dû.

c. En vertu des principes de l'étanchéité des exercices et de la périodicité de l'impôt, chaque exercice est considéré comme un tout autonome, sans que le résultat d'un exercice puisse avoir une influence sur les suivants, et le contribuable ne saurait choisir au cours de quelle année fiscale il fait valoir les déductions autorisées. Les déductions doivent être demandées dans la déclaration d'impôts de l'année au cours de laquelle les faits justifiant l'octroi des déductions se sont produits (ATA/1637/2019 du 5 novembre 2019 consid. 8a ; ATA/1470/2017 du 14 novembre 2017 consid. 5d ; ATA/547/2012 du 21 août 2012 consid. 6) ; plus généralement, les deux principes précités impliquent que tous les revenus effectivement réalisés ainsi que tous les frais engagés durant la période fiscale en cause sont déterminants pour la taxation de cette période (arrêt du Tribunal fédéral 2C_87/2015 du 23 octobre 2015 consid. 8.1.2 et les références citées ; Message concernant les lois fédérales sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes ainsi que sur l'impôt fédéral du 25 mai 1983 in FF 1983 III p. 177).

d. La jurisprudence a traité ces questions de la manière suivante :

- Dans l'arrêt 2C_1172/2014 du 22 juin 2015, le Tribunal fédéral a considéré qu'étant née et effective pour les périodes fiscales 2001 à 2009, la dette relative aux rappels d'impôt pour les années 2001 à 2009 et aux intérêts y relatifs grevait la fortune imposable des contribuables pour la période fiscale 2010, laquelle n'avait pas encore été taxée de manière définitive, et pouvait être déduite de leur fortune imposable au 31 décembre 2010, ce quand bien même les bordereaux relatifs à la procédure de rappel d'impôt leur avaient été notifiés le 19 janvier 2012.

- Dans l'arrêt 2C_258/2017 du 2 juillet 2018, le Tribunal fédéral s'est penché sur la problématique de la déduction des IRI.

Il a d'abord établi que les intérêts moratoires étaient déductibles du revenu en relevant que, même s'ils constituaient une catégorie d'intérêts passifs particulière, les IRI avaient pour but de compenser le fait que la somme due au titre de rappel d'impôt n'avait pas été payée au moment où elle aurait dû l'être, faute de taxation complète à l'époque, mais seulement plus tard, dans le cadre de la procédure de rappel en question. En ce sens, ils étaient en lien avec la dette pécuniaire découlant du rappel d'impôt et devaient pouvoir être déduits du revenu du contribuable (consid. 6.6).

Ni la LIFD ni la LHID ne donnaient d'indication précise sur la période fiscale dans laquelle pouvaient être déduits les IRI. Il fallait donc laisser en ce domaine une marge de manœuvre aux cantons, le Tribunal fédéral n'examinant la solution adoptée par les instances cantonales que sous l'angle de l'arbitraire.

Le droit cantonal, notamment les art. 23 et 27 de la loi relative à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales du 26 juin 2008 (LPGIP - D 3 18), prévoyait un système inspiré du principe de l'étanchéité des exercices fiscaux. D'après ce principe, tous les revenus effectivement réalisés ainsi que tous les frais engagés durant la période fiscale en cause étaient déterminants pour la taxation de cette période. Pour chacune des périodes fiscales en cause, le contribuable devait s'acquitter d'une somme au titre de rappel d'impôt et d'IRI y relatifs. Ces derniers, qui commençaient à courir trente jours après le terme initial d'échéance de l'impôt pour l'IFD, respectivement dès le terme général d'échéance de l'année ou de la période fiscale concernée pour l'ICC, étaient donc directement liés au montant du rappel d'impôt dû par l'intéressé pour chaque période fiscale en cause. Partant, sous l'angle de l'étanchéité des exercices fiscaux, il n'était pas insoutenable d'admettre que le contribuable pouvait les déduire de son revenu dans chacune des années fiscales sur lesquelles portaient les rappels d'impôt. Cette particularité, propre aux IRI, était à la base de ce raisonnement, qui n'est pas arbitraire (consid. 6.8).

La question du point de départ de la déductibilité des intérêts relatifs aux rappels d'impôt s'agissant de la fortune n'était pas non plus résolue par le droit fédéral. Il n'était pas insoutenable, sous l'angle de l'étanchéité des exercices fiscaux, d'admettre que le contribuable pouvait les déduire de sa fortune dans chacune des années fiscales sur lesquelles portaient les rappels d'impôt (consid. 7.4).

- Dans un arrêt subséquent, le Tribunal fédéral est arrivé à la conclusion qu'il n'était pas non plus insoutenable de retenir, comme l'avaient fait les autorités soleuroises, que les intérêts relatifs aux rappels d'impôt pouvaient être déduits seulement au cours de la période fiscale durant laquelle l'impôt ultérieur avait été établi, soit lors de la notification de la décision de rappel d'impôt, dès lors que les cantons disposaient d'une marge de manœuvre à ce sujet (arrêt du Tribunal fédéral 2C_435/2017 du 18 février 2019 consid. 2.4 et suivant).

- Plus récemment encore, le Tribunal fédéral a relevé que les deux approches genevoise et soleuroise étaient autorisées par le droit fiscal harmonisé et constitutionnellement défendables, sauf si le droit cantonal en ordonnait expressément autrement. Il a ainsi relevé que si le canton de Schwyz donnait la préférence au « modèle soleurois », le droit fédéral ne s'y opposait pas (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1067/2017 du 11 novembre 2019 consid. 3.5).

- Dans un arrêt du 11 juin 2019 (2C_925/2017), le Tribunal fédéral a relevé que le système choisi par le législateur genevois consistant à retenir que les intérêts moratoires étaient dus à l'échéance du 30ème jour suivant le terme initial d'échéance de l'impôt pour l'IFD était également celui préconisé par la doctrine récente (Silvia HUNZIKER/Isabelle MAYER-KNOBEL, dans : Martin ZWEIFEL/Michael BEUSCH [éd.], Komm. DBG, 3ème éd. 2017, n. 9 ad art. 33 LIFD p. 784).

Il ressort de ce qui précède que le Tribunal fédéral considère que les IRI peuvent – et non doivent – être déduits dans chaque période fiscale sur lesquelles portent les rappels d'impôt. Il n'impose pas cette manière de procéder aux cantons, lesquels bénéficient d'une marge de manœuvre sur la question de savoir dans quelle période fiscale doivent être déduits les intérêts moratoires sur rappel d'impôt (arrêt du Tribunal fédéral 2C_258/2017 précité consid. 6.8.1).

4) En l'espèce, l'AFC-GE a, dans ses décisions sur réclamations, déduit les IRI selon ces principes pour le calcul du revenu à prendre en compte pour l'ICC et l'IFD : CHF 1'159.- pour 2010 ; CHF 1'886.- pour 2011 ; CHF 3'062.- pour 2012 et CHF 4'689.- 2013. Pour l'impôt sur la fortune, CHF 6'107.- pour 2012 et CHF 10'796.-.

Le TAPI n'a pas suivi ce raisonnement, estimant que les IRI d'une année N devaient être déductibles uniquement l'année N.

Or, le raisonnement du TAPI apparaît contraire au principe d'étanchéité des exercices fiscaux, comme la chambre de céans l'a déjà retenu (ATA/248/2022 du 9 mars 2022 consid. 2f), dans la mesure où les déductions ne peuvent être admises que dans l'année au cours de laquelle les faits justifiant leur octroi se sont produits, en l'occurrence, pour les intérêts liés au rappel d'impôt, dès le terme général d’échéance de l’année ou de la période fiscale concernée (art. 27 al. 1 LPGIP), soit le 31 mars de l'année civile qui suit l'année fiscale pour l'ICC (art. 12 al. 1 LPGIP) et le 1er mars de l'année suivant la période fiscale concernée pour l'IFD (art. 1 de l'ordonnance du département fédéral des finances sur l’échéance et les intérêts en matière d’impôt fédéral direct du 10 décembre 1992 - RS 642.124).

Bénéficiant d'une marge de manœuvre dans ce domaine, l'administration a déduit les intérêts relatifs au rappel d'impôt de l'année N sur l’année de taxation N + 1. Les intérêts de l'année N qui couraient du 1er mars pour l'IFD, et du 31 mars pour l'ICC, jusqu'au 31 décembre N, ont été déduits du revenu sur la période fiscale N + 1. Cette façon de procéder est conforme au droit ainsi qu'au principe de l'étanchéité des exercices fiscaux, dans la mesure où les déductions ont été admises dans l'année fiscale qui a suivi l'année à partir de laquelle les intérêts ont commencé à courir. Dès lors, aucun intérêt sur le rappel d'impôt afférent à l'année 2009 n'était échu avant 2010, de sorte qu’aucune déduction ne peut être admise à ce titre en 2009. Par ailleurs, le fait que les intérêts ne soient pas échus au 31 décembre de chaque année visée par le rappel d'impôt, mais le jour de la notification des bordereaux, n'y change rien car la date d'échéance des intérêts permet uniquement, dans ce cadre, de déterminer jusqu'à quand les intérêts sont calculés. Ainsi, il ne saurait être question de calquer le montant des intérêts déductibles sur la période de calcul de ceux-ci, ce qui irait précisément à l'encontre du principe d'étanchéité (ATA/248/2022 du 9 mars 2022 consid. 2f ; ATA/1369/2021 du 14 décembre 2021 consid. 7).

Le recours de l'AFC-GE sera donc admis et le jugement du TAPI annulé sur ce point.

5) Les contribuables ont recouru contre le jugement du TAPI en invoquant plusieurs griefs. En premier lieu, ils contestent les reprises faites au titre de rendement de participation.

a. Est imposable le rendement de la fortune mobilière, en particulier les dividendes, les parts de bénéfice, les excédents de liquidation et tous autres avantages appréciables en argent provenant de participations de tout genre (art. 20 al. 1 let. c LIFD ; art. 22 al. 1 let. c LIPP). Le droit fiscal suisse demeure en principe attaché au système classique de la double imposition économique des bénéfices d'une société de capitaux. Les profits générés par la société sont en effet frappés de l'impôt la première fois auprès de cette dernière, puis une seconde fois lors de la distribution aux actionnaires (Robert DANON, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Commentaire romand. Impôt fédéral direct. Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2ème éd., 2017, p. 1102 n. 170 ad art. 57 et 58 ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 233 n. 31).

Les prestations appréciables en argent qui ne constituent pas un remboursement du capital social sont des distributions de bénéfices imposables dans le chef de l'actionnaire. En présence de celles-ci, l'autorité fiscale les réintègre dans les bénéfices imposables de la société. L'impôt anticipé sera également dû par cette dernière. L'actionnaire est quant à lui imposé sur le revenu comme si un dividende avait été distribué (Xavier OBERSON, op. cit., p. 233 n. 31, p. 236-237 n. 43).

b. En droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s'applique. L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire (Ernst BLUMENSTEIN/Peter LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 7ème éd., 2016, p. 502 s. ; Jean-Marc RIVIER, Droit fiscal suisse, L'imposition du revenu et de la fortune, 2ème éd., 1998, p. 139). Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité. Il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (arrêts du Tribunal fédéral 2C_710/2016 du 25 août 2016 consid. 6.2 ; 2C_47/2009 du 26 mai 2009 in RDAF 2009 II 408 consid. 5 et les références citées ; ATA/979/2021 du 21 septembre 2021 consid. 6a et les références citées ; Martin ZWEIFEL, Die Sachverhaltsermittlung im Steuerveranlagungsverfahren, 1989, p. 109).

Il peut arriver que, même après l'instruction menée par l'autorité, un fait déterminant pour la taxation reste incertain. Ce sont les règles générales du fardeau de la preuve qui s'appliquent pour déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un tel fait. En matière fiscale, ce principe veut que l'autorité fiscale établisse les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment (ATF 143 II 661 consid. 7.2 ; 140 II 248 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1087/2018 du 29 juillet 2019 consid. 4.1 ; ATA/685/2021 du 29 juin 2021 consid. 8b ; Ernst BLUMENSTEIN/Peter LOCHER, op. cit., p. 518 et les références citées). Par ailleurs, le contribuable doit prouver l'exactitude de sa déclaration d'impôt et de ses explications ultérieures. On ne peut pas, en revanche, lui demander de prouver un fait négatif et de démontrer, par exemple, qu'il n'a pas d'autres revenus que ceux annoncés (ATF 121 II 257 consid. 4c/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_960/2016 du 15 juin 2017 consid. 5.1 et les références citées ; ATA/119/2019 du 5 février 2019 consid. 8 ; Jean-Marc RIVIER, op. cit., p. 138). Il incombe en effet à l'autorité fiscale d'apporter la preuve de l'existence d'éléments imposables non déclarés. Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'informations révélant l'existence de tels éléments imposables, il appartient à nouveau au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations (ATF 121 II 257 précité ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_722/2017 du 13 décembre 2017 consid. 5.2 et les références citées ; ATA/119/2019 du 5 février 2019 consid. 8). Ce dernier devra justifier l'origine des montants non déclarés et il pourra même être obligé de fournir des renseignements supplémentaires sur les rapports contractuels mis à jour par l'autorité fiscale et sur les prestations qui en découlent (ATF 121 II 257 précité ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.374/2006 du 30 octobre 2006 consid. 4.2 ; ATA/119/2019 du 5 février 2019 consid. 8). L’omission ou l’échec de ces preuves contraires peut être considéré comme un indice suffisant de la véracité des allégations de la partie adverse si ces dernières paraissent vraisemblables (arrêts du Tribunal fédéral 2A.373/2003 du 1er avril 2004 consid. 3.2.2 ; ATA/119/2019 du 5 février 2019 consid. 8 et les références citées).

c. Il n'existe pas de véritable automatisme de taxation entre celle de la société et celle du détenteur de parts qui constituent deux sujets de droit et deux sujets fiscaux indépendants l'un de l'autre. Toutefois, la jurisprudence a retenu qu'en dérogation aux règles habituelles concernant le fardeau de la preuve, c'est au détenteur de parts, lorsqu'il est en même temps organe de la société, de contester dans les détails la nature et le montant de la prestation appréciable en argent prétendue par l'administration fiscale. S'il omet de contester l'un des aspects ou s'il se limite à un exposé sommaire, l'autorité de taxation peut partir du principe que la taxation entrée en force pour la société se justifie également vis-à-vis de l'actionnaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_16/2015 du 6 août 2015 = RDAF 2016 II 110).

d. En l'espèce, il ressort du dossier fiscal l'existence de montants non déclarés par la société qui ont été encaissés sur des comptes bancaires privés du contribuable. Ce dernier effectuait des retraits réguliers en espèces sur ces comptes sans fournir de justificatifs qui permettraient d'exclure leur caractère privé. Il a d'ailleurs indiqué payer l'ensemble de ses factures privées et commerciales avec ces retraits. Les explications du contribuable concernant son train de vie ou l'évolution de sa fortune en lien avec ces comptes bancaires ne sont pas pertinentes en l'absence de justificatifs probants, comme ne le sont pas les explications basées sur le salaire moyen dans sa profession, puisqu'il a déjà admis que la société employait des sous-traitants et qu'il n'était donc pas seul à travailler.

Il appert ainsi que si l'AFC-GE a apporté la preuve de l'existence d'éléments augmentant la charge fiscale par les montants encaissés sur les comptes bancaires, les contribuables n'ont pas pu démontrer leurs allégations. Leur grief sera donc écarté.

6) Les contribuables estiment que les montants des rendements de participation devaient être réduits des dettes de rappel TVA, celles-ci ayant été entièrement réglées.

Le raisonnement des contribuables ne peut être suivi, la société et le contribuable étant deux sujets fiscaux distincts, imposés séparément. En outre, les dettes de la société qu'elles aient été déduites de façon correcte ou non du bénéfice de la société, ne modifient pas les montants bruts des prestations appréciables en argent reçues par le contribuable sur ses comptes privés qui correspondent au chiffre d'affaires encaissé sur ces comptes.

Les griefs concernant la déduction du bénéfice net de l'exploitation indépendante ou celle des amendes de la société du rendement de participation, doivent être écartés pour les mêmes motifs.

7) Les recourants estiment encore que les amendes doivent être déduites de la fortune des contribuables.

À cet égard, le Tribunal fédéral a retenu qu'en raison de la présomption d'innocence, ces dettes ne sont pas effectives, s'agissant de dettes futures qui ne deviendront exigibles, le cas échéant, qu'à l'entrée en force de la condamnation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_874/2018 du 17 avril 2019 consid.12.2).

L'argumentation des recourants qui demandent d'une part la déduction des amendes parce que le contribuable a reconnu sa faute et qu'ainsi sa culpabilité est établie rendant la dette effective mais qui, d'autre part, en contestent le montant, tombe donc à faux.

Le grief doit par conséquent être écarté.

8) Les recourants font grief au TAPI d'avoir retenu une valeur fiscale des parts sociales alors que la société était en faillite. Subsidiairement ou alternativement, ils estiment que doivent être pris en compte, dans un bilan corrigé de la société, une provision pour dettes et amendes fiscales relatives aux rappels d'impôts ainsi que la déduction des intérêts sur rappel d'impôt et de la TVA, déductions qui impliqueraient un surendettement.

a. L'impôt sur la fortune a pour objet l'ensemble de la fortune nette après déductions sociales (art. 46 LIPP), qui comprend notamment les actions, les obligations et les valeurs mobilières de toute nature (art. 47 let. b LIPP). Aux termes de l'art. 49 LIPP, l'état de la fortune mobilière et immobilière est établi au 31 décembre de l'année pour laquelle l'impôt est dû (al. 1) et la fortune est estimée, en général, à la valeur vénale (al. 2). La formulation de ce dernier alinéa ne s'oppose pas à la prise en compte de la valeur de rendement pour déterminer la valeur vénale des titres non cotés en bourse, comme le prévoyait d'ailleurs expressément l'ancien droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 2009 (art. 5 aLIPP ; arrêt 2C_328/2019 du 16 septembre 2019 consid. 4.4).

b. S'agissant de l'évaluation de participations dans des sociétés non cotées, le Tribunal fédéral se réfère et applique la circulaire n° 28 de la Conférence suisse des impôts contenant des instructions concernant l'estimation des titres non cotés en vue de l'impôt sur la fortune (ci-après: la circulaire CSI n° 28 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 5.3).

Cette circulaire est reconnue, de jurisprudence constante, comme présentant une méthode adéquate et fiable pour l'estimation de la valeur vénale des titres non cotés, même s'il n'est pas exclu que d'autres méthodes d'évaluation reconnues puissent, isolément, s'avérer appropriées (arrêts du Tribunal fédéral 2C_132/2020 du 26 novembre 2020 consid. 8.1.2 ; 2C_866/2019 du 27 août 2020 consid. 4.4).

c. Une société ne doit être estimée selon les principes applicables à un bilan en liquidation que si une liquidation sera exécutée dans un proche avenir, soit si le jour déterminant pour l'estimation, elle ne poursuit plus son but social statutaire, mais procède à la réalisation de ses actifs et exécute ses engagements, indépendamment de l'inscription de la liquidation au registre du commerce (circulaire CSI n° 28 p. 62). Selon la jurisprudence zurichoise citée dans la circulaire, une société ne doit être estimée selon les principes applicables à un bilan de liquidation que si une liquidation sera exécutée dans un proche avenir (VGer ZH – SB.2007.00097 – du 14 mai 2008.

d. Le principe d'autorité du bilan lie non seulement l'autorité fiscale, mais aussi le contribuable lui-même, qui est tenu par sa comptabilité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_455/2017 du 17 septembre 2018 consid. 6.1 ; ATA/969/2020 du 29 septembre 2020 consid. 8c).

e. En l'espèce, à la fin des périodes 2012 et 2013, la société n'était pas en liquidation ou proche de l'être et le grief des recourants sera écarté car il n'y avait pas lieu d'appliquer les principes prévus pour la valorisation de sociétés en liquidation.

9) Le recourant estime que la quotité des amendes devait être revue à la baisse en raison de sa pleine collaboration et de la punition que représentait la perte de la Sàrl, en faillite. De plus, les amendes portent sur des chiffres d'affaires purement théoriques et ne répondaient à aucun objectif de prévention.

a. Aux termes de l'art. 175 LIFD, le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (al. 1). En règle générale, l'amende est fixée au montant de l'impôt soustrait ; si la faute est légère, l'amende peut être réduite jusqu'au tiers de ce montant et si elle est grave, elle peut au plus être triplée (al. 2).

L'art. 56 al. 1 LHID et les art. 69 et 70 LPFisc prévoient une réglementation similaire.

b. Il en découle qu'en présence d'une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l'amende équivaut en principe au montant de l'impôt soustrait. Ce dernier constitue donc le premier critère de fixation de l'amende, la faute intervenant seulement, mais de manière limitée, comme facteur de réduction ou d'augmentation de sa quotité. Il convient notamment de réduire le montant de l'amende lorsque le contribuable a agi par négligence, celle-ci devant être considérée comme un cas de faute légère. Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi, disposent d'un large pouvoir d'appréciation lors de la fixation de l'amende, l'autorité de recours ne censurant que l'abus du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_12/2017 du 23 mars 2018 consid. 7.2.1 ; ATA/1487/2017 précité et les références citées).

c. La quotité de l'amende n'est pas déterminée en fonction de l'intention de soustraire ou de la négligence qui peut être reprochée au contribuable mais de l'intensité de la faute et doit être fixée en fonction de la culpabilité (ATF 135 II 86 consid. 4.4). En revanche, le fait que l'auteur ait agi intentionnellement ou par négligence peut avoir une incidence sur l'intensité de la faute et, partant, sur la quotité de l'amende (ATA/1155/2017 du 2 août 2017 consid. 23b).

Le comportement est considéré comme intentionnel dès lors qu'il est établi avec une sécurité suffisante que le contribuable était conscient que les informations données étaient incomplètes ou incorrectes ; si cette conscience est établie, on peut alors présumer l'intention ou du moins le dol éventuel (RDAF 2003 II 622, 631 ; Xavier OBERSON, op. cit., § 26 m. 17-18). Une telle présomption est difficile à renverser à teneur de la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, celui-ci estimant que l'on peine à imaginer quel autre motif que la volonté de se soustraire à l'impôt pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu'il sait incorrectes ou incomplètes (ATF 114 Ib 27 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_898/2011 du 28 mars 2012 consid. 2.2 ; 2C_528/2011 du 17 janvier 2012 consid. 2 et les arrêts cités).

d. En l'espèce, le caractère intentionnel des soustractions n'est pas remis en cause et celles-ci concernent cinq années fiscales. Contrairement à ce qu'allègue le recourant, les montants retenus sont fondés sur les recettes de la société, effectivement encaissées et les charges justifiées par pièces.

L'AFC-GE, suivie par le TAPI, a considéré que la faute devait être qualifiée de grave. Cette conclusion ne peut pas être remise en question par les conséquences subies par le contribuable de faits qui lui sont reprochés et qu'il a intentionnellement réalisés.

Quant à la situation personnelle du contribuable ainsi que sa bonne collaboration, elles ont été prises en compte par l'AFC-GE, les amendes ayant été réduites à la moitié des impôts soustraits, étant rappelé que seule une infraction commise par négligence permettrait encore de réduire l'amende à un tiers, condition qui n'est pas réalisée en l'espèce, et que le fait que la société ait également été amendée ne justifie pas une réduction de la quotité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_874/2019 précité consid. 8.2.2). Il appert ainsi qu'en fixant la peine à la moitié de l'impôt soustrait, l'AFC-GE n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation.

Au vu de ce qui précède, le recours interjeté par les contribuables sera rejeté, tandis que celui de l'AFC-GE sera admis.

10) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des contribuables (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 11 octobre 2021 par l'administration fiscale cantonale et le 21 octobre 2021 par Madame A______ et Monsieur B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 septembre 2021 ;

au fond :

rejette le recours formé par Madame A______ et Monsieur B______ ;

admet le recours formé par l'administration fiscale cantonale ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 septembre 2021, en tant qu'il renvoie la cause à l'administration fiscale cantonale pour nouveaux bordereaux de rappel d'impôt et d'amendes ;

le confirme pour le surplus ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de Madame A______ et Monsieur B______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Philippe Mantel, avocat des contribuables, à l'administration fiscale cantonale, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Michon Rieben, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :