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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/891/2020

ATA/1369/2021 du 14.12.2021 sur JTAPI/226/2021 ( ICCIFD ) , ADMIS

Recours TF déposé le 01.02.2022, rendu le 15.12.2022, REJETE, 2C_122/2022
Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;PROCÉDURE FISCALE;DÉNONCIATION SPONTANÉE;SOUSTRACTION D'IMPÔT;TAXATION CONSÉCUTIVE À UNE PROCÉDURE;DÉDUCTION DES INTÉRÊTS PASSIFS;DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL);PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : LPA.62.al1.leta; LPFic.7.al2; LIFD.145; LIPP.69; LIPP.72.al1; LIFD.175; LHID.56.al1; LPFisc.69; CP.2; CP.333.al1; LPFisc.82; CC.2; LIFD.25; LIFD.33.al1.leta; LIFD.20; LIFD.20a; LIFD.21; aLIPP-IV.1; LIPP.17; aLIPP-V.1; LIPP.28; aLIPP-V.6.al1; LIPP.34.leta; LHID.13.al1; aLIPP-III.1; LIPP.46; aLIPP-III.13.al1.leta; LIPP.56.al1; aLIPP-III.13.al2; LIPP.56.al2; LHID.17.al1; aLIPP-III.4.al1; LIPP.49; LPGIP.12.al1; LPGIP.23; LPGIP.27; LFID.151; LPFisc.59
Résumé : recours successifs du fisc genevois et des contribuables (époux) contre le jugement du TAPI, lequel a très partiellement admis le recours interjeté devant lui par les contribuables. Le mari ayant déjà bénéficié, par l'application de la lex mitior, des effets de la dénonciation spontanée non punissable, sa nouvelle dénonciation ne peut valoir première dénonciation spontanée non punissable et doit ainsi être assortie d'amendes, lesquelles ne peuvent être déduites de la fortune des époux dans les années concernées par le rappel d'impôt. La façon dont l'administration fiscale a déduit du revenu et de la fortune des contribuables les intérêts résultants des rappels d'impôts ne viole pas le principe d'étanchéité des exercices fiscaux et est conforme au droit. Il n'y a dès lors pas lieu de modifier le montant des dettes admises en déduction de la fortune des contribuables. La pratique antérieure du fisc genevois de ne pas admettre la déduction des dettes résultant des rappels d'impôt n'est pas considérée comme une erreur manifeste. Dès lors, la déduction – dans la fortune imposable des contribuables au 31 décembre des années 2008 et 2009 – des dettes résultant d'un premier rappel d'impôt ne peut être admise, celles-ci ne faisant pas l'objet du second rappel d'impôt. Recours des contribuables rejeté et recours du fisc genevois admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/891/2020-ICCIFD ATA/1369/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 décembre 2021

4ème section

 

dans la cause

Madame et Monsieur A______
représentés par Me Nelly Iglesias, avocate

contre

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
et
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

et

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

 

Madame et Monsieur A______
représentés par Me Nelly Iglesias, avocate
et
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 mars 2021 (JTAPI/226/2021)


EN FAIT

1) Madame et Monsieur A______ (ci-après : les époux) sont domiciliés au ______, chemin B______, sur la commune de Cologny, à Genève.

2) Par courrier du 18 août 2008, la fiduciaire C______ Sàrl (ci-après : C______) s'est renseignée auprès de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) sur la façon dont serait imposé l'un de ses clients, M. A______, sans toutefois le nommer, par rapport à une prestation en capital qui devait lui être versée par une fondation de prévoyance située à Vaduz, au Liechtenstein. Elle a joint à ce courrier les statuts et le règlement de la fondation.

3) Le 5 décembre 2008, l'AFC-GE a répondu qu'au vu des statuts et du règlement transmis, la fondation ne pouvait être qualifiée d'institution de prévoyance professionnelle. Par conséquent, le versement projeté devait être soumis à l'impôt ordinaire sur le revenu et inscrit dans la déclaration fiscale 2008 du contribuable.

4) Le 12 novembre 2009, une réunion a eu lieu entre l'AFC-GE et M. A______, lequel était accompagné de ses nouveaux mandataires. La discussion a porté principalement sur la notion du terme d'échéance de la prestation de la fondation liechtensteinoise.

5) Par courrier du 15 décembre 2009, les mandataires de M. A______ ont fait savoir à l'AFC-GE qu'à leur sens, les versements effectués par l'ancien employeur de leur client auprès de la fondation liechtensteinoise constituaient des compléments de salaires. Dès lors, ce dernier détenait une créance ferme envers la fondation qui devait être imposée en fortune le 31 décembre de chaque période fiscale.

6) Le 4 mai 2010, une nouvelle réunion a eu lieu entre les mandataires de M. A______ et l'AFC-GE ; le 7 juin 2010, ce dernier s'est entretenu au téléphone avec l'AFC-GE. Il a annoncé, au cours de ces discussions, vouloir procéder à une dénonciation spontanée.

7) Le 9 juin 2010, l'AFC-GE a informé M. A______ que, compte tenu de sa volonté de procéder à une dénonciation spontanée, elle ouvrait une procédure en rappels d'impôt ainsi qu'une procédure pénale pour soustraction d'impôt pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 1999-2000 à 2008 et les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) 2001 à 2008.

8) Le 22 octobre 2010, M. A______ a fait parvenir à l'AFC-GE une formule de demande pour dénonciation spontanée non punissable, datée et signée du 12 octobre 2010, qui confirmait qu'il revendiquait ce droit pour la première fois.

9) Le 11 novembre 2010, l'AFC-GE a notifié aux époux des bordereaux de rappel d'impôt pour l'IFD 1999-2000 à 2008 et l'ICC 2001 à 2008, lesquels étaient accompagnés de décisions de non-punissabilité en faveur de M. A______ pour l'IFD et l'ICC.

10) Le 5 septembre 2018, les époux ont, par l'intermédiaire d'un nouveau mandataire, annoncé spontanément certains éléments de revenu et de fortune qu'ils avaient omis de déclarer jusque-là.

11) Le 20 décembre 2018, l'AFC-GE a ouvert une procédure en rappels d'impôt et soustractions pour les années 2008 à 2017, laquelle a été clôturée par l'émission, le 14 août 2019, de bordereaux de rappel d'impôt pour l'IFD et l'ICC 2008 à 2017, dont les éléments chiffrés pertinents pour la compréhension du présent litige sont les suivants :

Période

Supplément ICC

Supplément IFD

Déductions intérêts

Déductions dette

2008

192'861.20

6'330.10

0

201'083.00

2009

280'018.30

37'647.00

2'351.00

525'138.00

2010

311'180.55

62'041.05

7'238.00

911'233.00

2011

329'381.40

64'049.30

13'743.00

1'325'017.00

2012

349'150.15

70'017.85

25'220.00

1'778'433.00

2013

344'294.90

68'767.30

47'902.00

2'253'362.00

2014

322'086.20

62'885.30

60'340.00

2'708'153.00

2015

302'525.75

53'863.25

72'102.00

3'146'251.00

2016

259'647.30

48'710.25

83'010.00

3'537'986.00

2017

165'365.45

31'692.20

82'123.00

3'816'529.00

 

12) À ces décisions étaient annexés des bordereaux d'amendes pour les mêmes périodes d'une quotité d'un cinquième des impôts soustraits, avec une part de responsabilité [sic] s'élevant à 99 % pour M. A______ et à 1% pour son épouse.

13) Les époux ont formé réclamation contre ces bordereaux.

Ils contestaient avoir commis antérieurement une soustraction d'impôt. De plus, M. A______ avait annoncé les éléments relatifs à son fonds de prévoyance avant l'entrée en vigueur des dispositions sur la dénonciation spontanée non punissable. Dès lors, les amendes qui leur avaient été infligées devaient être annulées.

Mme A______ n'étant pas concernée par le fond de pension qui avait été annoncé antérieurement par son mari, elle remplissait les conditions d'exemption de toute sanction, ce d'autant plus qu'elle n'avait jamais effectué une dénonciation spontanée.

La méthode de calcul de l'AFC-GE violait le principe de la capacité contributive car elle consistait à ne déduire qu'un montant très réduit (CHF 82'123.-), qui ne correspondait pas à la charge liée aux intérêts moratoires de CHF 541'241.- supportée par les époux.

Dès lors que les intérêts devaient être déduits du revenu imposable pour chaque année fiscale concernée par les rappels d'impôt, il convenait de déduire pour chacune de ces années le montant des intérêts dus jusqu'à la date de notification des rappels d'impôt, soit jusqu'au 16 août 2019.

Les intérêts moratoires relatifs aux suppléments d'impôts devaient également être déduits de la fortune pour chaque année fiscale.

Ainsi, les montants admis en déduction au titre d'intérêts moratoires et dettes issues des rappels d'impôt devaient être modifiés, selon le détail suivant :

Année

Intérêts moratoires ICC et IFD

Rappels d'impôt ICC et IFD

Total intérêts moratoires et rappel d'impôt

2008

55'633.35

199'191.30

254'824.65

2009

136'221.70

516'856.60

653'078.30

2010

217'979.20

890'078.20

1'108'057.40

2011

297'989.85

1'283'508.90

1'581'498.75

2012

373'183.70

1'702'676.90

2'075'860.60

2013

436'039.75

2'115'739.10

2'551'778.85

2014

482'652.80

2'500'710.60

2'983'363.40

2015

515'524.80

2'857'099.60

3'372'624.40

2016

534'626.50

3'165'457.15

3'700'083.65

2017

541'240.90

3'362'514.80

3'903'755.70

14) Par décision sur réclamation du 7 février 2020, l'AFC-GE a rejeté la réclamation et maintenu les bordereaux de rappel d'impôt et d'amendes.

Dès lors que la qualification de dénonciation spontanée de la décision du 11 novembre 2010 n'était pas contestée, la décision du 14 août 2019 devait être considérée comme une seconde dénonciation spontanée.

Le Tribunal fédéral fixait le principe de la déductibilité des intérêts et dettes fiscales sans donner de règles de calcul, celle-ci étant laissées à la libre appréciation des cantons. En conséquence, les déductions appliquées aux reprises étaient conformes à la pratique de l'administration.

15) Les contribuables ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à l'AFC-GE de prononcer des décisions de non-punissabilité en leur faveur en matière d'ICC et d'IFD pour les années 2008 à 2017. Ils ont également conclu à ce que la cause lui soit renvoyée afin qu'elle émette de nouveaux bordereaux de rappel d'impôt ainsi que des avis de taxation rectificatifs – en matière d'ICC et d'IFD et pour les mêmes périodes – conformes au droit.

Ils n'avaient pas déposé de dénonciation spontanée avant le 5 septembre 2018, dans la mesure où ils n'avaient pas commis de soustraction en relation avec le fonds de retraite étranger qui avait donné lieu aux bordereaux de supplément d'impôts datés du 11 novembre 2010. M. A______ n'avait aucune raison de penser que l'avoir de prévoyance qu'il détenait au Liechtenstein aurait dû être soumis à l'impôt sur la fortune avant qu'il n'interpellât l'AFC-GE à ce sujet. Comme il n'était pas conscient du caractère incomplet ou incorrect des informations figurant dans sa déclaration, aucune infraction fiscale ne pouvait lui être reprochée.

Les décisions de non-punissabilité datées du 11 novembre 2010 ne pouvaient faire l'objet d'aucune réclamation ou recours, faute d'intérêt digne de protection. Dès lors, elles ne pouvaient être opposables à M. A______.

Mme A______ n'étant pas concernée par le fonds de pension de son mari, elle n'était pas visée par la procédure clôturée en novembre 2010, de sorte qu'elle pouvait bénéficier de l'exemption de toute sanction pour une première dénonciation spontanée.

Quand bien même leur première intervention auprès de l'AFC-GE devait être qualifiée de dénonciation spontanée, celle-ci avait été initiée avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2010, des dispositions légales sur la dénonciation spontanée non punissable. Pour cette raison, ils n'étaient pas empêchés par des actes accomplis avant 2010 de se prévaloir d'une première dénonciation spontanée non punissable.

S'agissant de la déduction des intérêts moratoires sur les rappels d'impôt, l'AFC-GE s'était basée sur un montant fictif d'intérêts échus au 31 décembre de chaque année qui avait fait l'objet du rappel d'impôt, alors que ces intérêts couraient jusqu'à la date de notification des bordereaux. Les intérêts moratoires devaient être calculés pour la période courant depuis les termes d'échéance jusqu'à la date de notification des rappels d'impôt pour chaque année fiscale concernée.

Les montants des dettes déductibles chaque année devaient être adaptés pour tenir compte de leur conclusion relative aux intérêts moratoires. S'agissant des périodes fiscales 2008 et 2009, un montant supplémentaire de CHF 3'364'709.- correspondant aux rappels d'impôt notifiés en novembre 2010 devait être admis, ce qui conduisait à porter le montant de la dette déductible en 2008 à CHF 3'659'370.- et en 2009 à CHF 4'017'787.-.

Les amendes devaient être déduites comme dettes chirographaires dans la détermination de leur fortune imposable pour chacune des périodes concernées par le rappel d'impôt, même si les bordereaux avaient été émis postérieurement à celles-ci.

16) L'AFC-GE a conclu à l'admission du recours s'agissant de la non-punissabilité de la dénonciation spontanée en faveur de Mme A______ et à son rejet pour le surplus.

Mme A______ n'était effectivement pas visée par la première procédure en soustraction d'impôt et devait ainsi être considérée comme ayant effectué en 2018 une première dénonciation spontanée, qui n'était pas punissable.

M. A______ avait quant à lui déposé une dénonciation spontanée antérieure, par le biais d'un formulaire qu'il avait signé le 12 octobre 2010. C'était par l'application du principe de la lex mitior qu'il avait été dispensé de toute peine à l'occasion de cette première dénonciation spontanée, de sorte que celle qu'il avait déposée en septembre 2018 devait être sanctionnée par une pénalité correspondant au cinquième des impôts soustraits.

Les intérêts déduits étaient ceux qui avaient couru pendant l'année concernée. Dès lors, l'administration avait à juste titre déduit les intérêts sur rappel d'impôt de chaque année dès le terme général d'échéance. Le solde d'intérêts qui n'était pas déduit des rappels d'impôt l'était lors des périodes subséquentes.

Les dettes d'impôts, y compris les intérêts cumulés pour chaque période, avaient été calculés de manière conforme au droit. Par ailleurs, la déduction des dettes résultant des rappels d'impôt issus de la première procédure ne pouvait désormais plus être demandée, les taxations en cause étant entrées en force et ne faisant pas l'objet du litige.

L'amende fiscale n'était pas effective durant les années concernées par le rappel d'impôt, de sorte que les amendes infligées à M. A______ n'étaient pas déductibles comme dettes au moment de l'émission des bordereaux de rappel d'impôt.

17) Dans leur réplique, les époux ont précisé que M. A______ avait voulu éclaircir auprès de l'AFC-GE les doutes qu'il avait sur ses droits et obligations en lien avec le fonds de retraite étranger. Dès lors, il n'avait pas cherché à dissimuler les éléments imposables et ne pouvait ainsi s'être rendu coupable de soustraction fiscale.

M. A______ avait annoncé son fonds de retraite en 2008 déjà, et non en 2010, et il existait un droit à une deuxième dénonciation spontanée non punissable pour tout contribuable ayant déposé une première dénonciation spontanée avant le 1er janvier 2010. Par ailleurs, l'application du principe de la lex mitior à la première dénonciation spontanée n'empêchait pas le dépôt d'une deuxième dénonciation spontanée non punissable à partir du 1er janvier 2010.

Les rappels d'impôt portaient sur les années 2008 à 2017. Dès lors, la déductibilité des intérêts sur rappel d'impôt devait être reconnue pour ces années-là, et non pour les années 2009 à 2019. Par ailleurs, il convenait de tenir compte de l'année 2008 comme point de départ de la déduction des intérêts sur rappel d'impôt.

Les intérêts déductibles pour chaque période fiscale devaient être calculés sur la base des dettes existantes au 31 décembre de chaque année concernée par le rappel d'impôt. Le montant déductible équivalait aux intérêts courus depuis le terme général d'échéance jusqu'à l'année de notification.

En omettant de déduire, dans la première procédure de rappel d'impôt, les dettes de rappel d'impôt qu'elle avait notifiés à M. A______, l'AFC-GE avait commis une erreur manifeste qu'il convenait désormais de corriger dans les périodes fiscales 2008 et 2009, en déduisant le montant correspondant (CHF 3'364'709.-).

Rien n'excluait d'emblée la déduction d'amendes fiscales de la fortune imposable, dans la mesure où toutes les dettes étaient déductibles de la fortune, indépendamment de leur cause.

18) Dans sa duplique, l'AFC-GE a souligné que le principe de la lex mitior avait permis à M. A______ de bénéficier des dispositions légales relatives à la dénonciation spontanée non punissable pour des faits survenus avant l'introduction de ces dispositions. Ce principe ne lui permettait pas de bénéficier, dans le cadre de la procédure en cours, d'une première dénonciation spontanée non punissable, puisqu'il s'agissait d'une deuxième procédure.

Les intérêts sur rappel d'impôt déductibles étaient bien ceux résultant des suppléments d'impôts calculés après déduction des intérêts sur rappel d'impôt et de la dette, puisque c'était ce dernier montant qui était dû par les contribuables.

La procédure de rappel d'impôt ne permettait pas aux contribuables d'exiger que l'administration appliquât une nouvelle interprétation qui n'existait pas lors des faits relatifs au premier rappel d'impôt. C'était donc à bon droit que l'administration avait refusé la déduction des dettes résultant de ce premier rappel.

19) Dans une écriture spontanée, les époux ont estimé que l'AFC-GE persistait, à tort, à faire un amalgame entre une procédure pénale pour soustraction d'impôt et une procédure fiscale de rappel d'impôt. M. A______ avait, certes, fait l'objet d'une procédure de rappel d'impôt clôturée en 2010 mais n'avait pas été condamné pénalement.

Les intérêts sur rappel d'impôt dus qui figuraient dans les bordereaux de rappel d'impôt et qui étaient basés sur les suppléments d'impôts étaient nettement supérieurs aux intérêts sur rappel d'impôt déductibles tels que calculés par l'AFC-GE.

Dans l'hypothèse où les bordereaux d'amendes notifiés seraient maintenus, il convenait d'admettre la déduction des amendes dans la taxation de l'année au cours de laquelle lesdits bordereaux entreraient en force.

20) Par jugement du 8 mars 2021, notifié le 11 mars 2021 à l'AFC-GE et le 17 mars 2021 aux époux, le TAPI a très partiellement admis le recours et a renvoyé la cause à l'AFC-GE pour nouvelles décisions de taxation ICC et IFD 2008 et 2009 dans le sens des considérants du jugement.

Il donnait acte à l'AFC-GE de son engagement d'annuler les amendes infligées à Mme A______, dans la mesure où celle-ci n'avait jamais bénéficié de l'exemption de toute sanction pour une première dénonciation spontanée.

M. A______ avait manifestement rempli la condition objective d'une soustraction d'impôt dans le cadre de la procédure en rappel d'impôt clôturée en 2010, puisque les démarches qu'il avait spontanément engagées auprès de l'AFC-GE avaient abouti à la notification de bordereaux de rappel d'impôt émis le 11 novembre 2010. En outre, en octobre 2010, il avait communiqué au service du contrôle de l'AFC-GE une formule de demande pour dénonciation spontanée non punissable signée le 12 octobre 2010, marquant ainsi sa volonté de bénéficier des dispositions nouvellement entrées en vigueur, qui s'appliquaient immédiatement à tous les cas pendants en raison du principe de la lex mitior. La condition subjective d'une soustraction d'impôt était dès lors également remplie. Dans ces conditions, il avait commis, en lien avec son fonds de pension liechtensteinois, une soustraction d'impôt qui, si elle n'avait pas fait l'objet d'une dénonciation spontanée, aurait conduit à des rappels d'impôt assortis d'amendes.

Il n'avait pas réagi à la réception des décisions de non-punissabilité du 11 novembre 2010, qui étaient dès lors entrées en force. S'il avait voulu préserver son droit à bénéficier d'une première dénonciation spontanée non punissable, il lui incombait de déposer une réclamation contre les décisions reçues qui, en raison du motif invoqué, n'auraient pas nécessairement été considérées comme irrecevables.

L'entretien du 12 novembre 2009 ainsi que le courrier de confirmation des mandataires de M. A______ du 15 décembre 2009 valaient sans équivoque dénonciation spontanée des éléments qui avaient fait l'objet des rappels d'impôt du 11 novembre 2010. Le fait que la formule de demande pour dénonciation spontanée non punissable n'eût été signée qu'en octobre 2010 n'était pas déterminant. Néanmoins, la question de savoir si une dénonciation spontanée ne pouvait intervenir qu'une seule fois dans la vie d'un contribuable pouvait rester indécise. En effet, M. A______ avait déjà bénéficié, par l'application du principe de la lex mitior, des effets du droit en vigueur depuis le 1er janvier 2010 à la démarche qu'il avait initiée en 2009. Son courrier du 5 septembre 2018 valait ainsi nouvelle dénonciation spontanée, qui devait être assortie d'une amende s'élevant au cinquième des impôts soustraits.

Les époux se trompaient lorsqu'ils estimaient que les intérêts qui ressortaient des relevés de compte annexés aux bordereaux de rappel d'impôt du 14 août 2019 étaient déductibles pour chaque période jusqu'à la notification des rappels d'impôt. En effet, ce raisonnement était contraire au principe de l'étanchéité des exercices fiscaux. S'agissant de la période 2008, les époux oubliaient que le terme d'échéance à partir duquel les intérêts avaient été calculés était fixé par la loi au 31 mars 2009 pour l'ICC et au 1er mars 2009 pour l'IFD. Dès lors, aucun intérêt n'était échu sur les rappels d'impôt afférents à la période 2008 avant 2009, ce qui expliquait qu'aucune déduction n'avait été admise à ce titre en 2008.

Les taux appliqués pour chacune des périodes concernées étaient conformes au droit, de sorte qu'il convenait d'approuver dans leur résultat les calculs des intérêts échus et déductibles pour chacune de ces périodes.

Pour les mêmes motifs, ne pouvaient être admis en déduction dans la fortune imposable que les rappels d'impôt de la période concernée et des périodes antérieures, auxquelles s'ajoutaient les intérêts échus jusqu'au 31 décembre de ladite période.

Par le passé, les autorités fiscales genevoises refusaient, d'une manière contraire au droit fédéral, d'admettre la déduction des dettes résultant des rappels d'impôt. Pour des motifs d'équité et afin de permettre le rétablissement d'une situation conforme au droit, il convenait d'admettre la déduction, dans la fortune imposable des époux au 31 décembre 2008 et au 31 décembre 2009, des montants en capital résultant des bordereaux de rappel d'impôt du 11 novembre 2010 augmentés des intérêts échus au 31 décembre des années 2008 et 2009.

a) Recours de l'AFC-GE

21) Par acte mis à la poste le 8 avril 2021, l'AFC-GE a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation ainsi qu'à la confirmation de la décision sur réclamation du 7 février 2020, à l'exception des éléments qu'elle avait admis dans le cadre de la procédure devant le TAPI.

Le TAPI avait admis à tort que les dettes de rappel d'impôt résultant des bordereaux de rappel d'impôt du 11 novembre 2010, entrées en force, augmentées des intérêts échus au 31 décembre des années 2008 et 2009, devaient être déduites de la fortune imposable des contribuables au 31 décembre 2008 et 2009. La seconde procédure en rappel et soustraction d'impôt, finalisée en 2018, concernait les périodes fiscales 2008 à 2017 et portait sur des comptes bancaires et des titres non déclarés. Les dettes résultant des bordereaux de rappel d'impôt du 11 novembre 2010, entrées en force, n'avaient aucun lien de connexité, même réduit, avec les éléments du second rappel d'impôt. Dès lors, elles ne pouvaient être déduites dans le cadre de ce dernier, ce d'autant plus que le rappel d'impôt ne permettait pas de revoir l'ensemble d'une taxation.

La dette du rappel d'impôt ne constituait pas un « fait nouveau ancien ». Elle était connue des époux lorsque le rappel avait été effectué en 2009 puis notifié en 2010. C'était donc en 2010 qu'ils auraient dû demander la déduction des montants, le cas échéant en s'opposant aux bordereaux de rappel d'impôt. Ils ne l'avaient toutefois pas fait, de sorte qu'ils étaient forclos sur ce point.

Les faits tels qu'établis et leur appréciation juridique antérieure restaient déterminants, qu'ils fussent en faveur ou en défaveur du contribuable. Ainsi, le fait que l'autorité fiscale ne déduisît pas les dettes issues des rappels d'impôt par le passé mais qu'elle le fît désormais ne permettait pas de modifier l'appréciation qui avait été retenue en 2010 dans le cadre du rappel d'impôt des époux.

22) Les époux A______ ont conclu au rejet du recours.

La déduction des dettes de rappel d'impôt antérieurs ne constituait pas une question de principe ; il s'agissait de la simple déduction de dettes fiscales que l'AFC-GE avait, jusque-là, refusée, erreur qu'il convenait de corriger.

23) Dans sa réplique, l'AFC-GE a considéré qu'en prétendant qu'elle aurait dû admettre, dans le cadre du rappel d'impôt ouvert en 2018, la déduction des dettes du rappel d'impôt ouvert en 2008, les contribuables demandaient qu'une révision de leurs taxations 2008 à 2010 fût effectuée dans le cadre du présent litige. Or, la procédure de révision ne visait pas à prendre en considération un autre point de vue juridique qui se serait entre-temps développé. Il en résultait qu'une nouvelle appréciation juridique de l'état de fait ne constituait pas un cas de révision.

24) Dans leur duplique, les époux ont relevé qu'ils n'avaient introduit aucune demande de révision à l'encontre des taxations 2008 à 2010. De plus, la taxation 2010 n'était pas visée par la déduction des dettes issues des rappel d'impôt dont avait fait l'objet M. A______ en 2010.

b) Recours des époux A______

25) En parallèle, par acte déposé au greffe le 16 avril 2021, les époux ont également interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à son annulation et à la confirmation du point n° 3 de son dispositif, lequel prévoyait le renvoi du dossier à l'AFC-GE pour nouvelles décisions de taxation ICC et IFD 2008 et 2009 dans le sens de ses considérants. Ils ont également conclu à ce que la chambre administrative donne acte à l'AFC-GE de son engagement d'annuler les bordereaux d'amendes notifiés à Mme A______, à ce que le dossier lui soit renvoyé afin qu'elle annule les bordereaux d'amendes et prononce des décisions de non-punissabilité en faveur de Mme et M. A______, tant en matière d'ICC que d'IFD, pour les années 2008 à 2017, et à ce qu'elle émette de nouveaux bordereaux de rappel d'impôt et des avis de taxation rectificatifs (ICC et IFD), pour les années 2008 à 2017, dans lesquels les intérêts et dettes chirographaires déductibles seraient conformes à des tableaux qu'ils ont joints à leurs écritures. Ils ont également demandé, à titre subsidiaire, la déduction des amendes dans la période fiscale au cours de laquelle les bordereaux d'amendes entreraient en force.

Ils ont repris leur argumentation exposée devant le TAPI, en la complétant.

L'ouverture d'une procédure de rappel d'impôt en lien avec le fonds de retraite résultait d'un revirement de position de l'AFC-GE et de controverses juridiques en relation avec l'échéance des revenus. L'ouverture de la procédure de rappel d'impôt en lien avec le fonds de retraite n'était dès lors pas due à la dissimulation par M. A______ d'éléments imposables. Dans ces conditions, la condition objective de la soustraction d'impôt n'était pas réalisée. Le fait de signer une formule de dénonciation spontanée ne signifiait pas que la condition subjective d'une soustraction d'impôt était remplie. M. A______ avait cherché à déterminer auprès de l'administration le traitement fiscal du versement du fonds de retraite et n'avait en aucun cas voulu dissimuler des éléments imposables.

Le TAPI avait estimé à tort que M. A______ aurait dû contester les décisions de non-punissabilité lors de leur notification en 2010. En effet, dès lors que ce dernier n'avait pas fait l'objet d'une condamnation pénale, il ne disposait d'aucun intérêt digne de protection pour s'y opposer. Aucune soustraction fiscale n'ayant ainsi été commise en lien avec le fonds de retraite, l'annonce spontanée déposée le 5 septembre 2018 ne devait entraîner ni amende ni condamnation pénale car elle portait sur la première infraction fiscale réellement [sic] commise par M. A______.

Le TAPI avait passé outre le principe juridique selon lequel la validité de l'impunité une fois dans l'existence du contribuable ne valait que du moment que l'annonce spontanée était faite après le 1er janvier 2010. En reconnaissant l'application de la lex mitior, il avait admis que M. A______ avait déposé une annonce spontanée avant le 1er janvier 2010. Comme l'élément déterminant pour avoir droit à l'amnistie fiscale (sic) après le 1er janvier 2010 était le dépôt de l'annonce spontanée avant 2010, ce dernier avait le droit de déposer une autre annonce spontanée non punissable après le 1er janvier 2010.

La déduction des intérêts dans chaque période fiscale visée par la procédure de rappel d'impôt ne portait que sur les suppléments d'impôts pour chacune des années concernées, et non pour des années antérieures ou postérieures.

Le TAPI avait confondu le moment de la déduction des intérêts et le montant des intérêts déductibles. Cette confusion violait notamment le principe d'étanchéité des exercices fiscaux dans la mesure où les intérêts n'avaient pas été déduits dans chaque période fiscale visée par les rappels d'impôt. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, il convenait d'admettre la déduction, dans la taxation de chacune des périodes concernées par le rappel d'impôt, de la totalité des intérêts sur rappels d'impôt dus depuis le terme d'échéance jusqu'à la date d'échéance. Par ailleurs, des intérêts courus n'étaient pas déductibles.

26) Dans sa réponse, l'AFC-GE a relevé que si M. A______ avait voulu contester le caractère pénal de l'infraction qu'il avait commise en relation avec le premier rappel d'impôt ainsi que le principe de ce rappel, il lui incombait de le faire en temps utile. Or, il ne l'avait pas fait et avait formellement procédé à la demande auprès de l'administration pour se voir appliquer les dispositions de la dénonciation spontanée non punissable, cette procédure étant possible à ce moment-là par l'application du principe de la lex mitior.

Les intérêts sur rappels d'impôt n'étaient déductibles qu'une fois qu'ils existaient et commençaient à courir, soit l'année suivant celle concernée par le rappel d'impôt. Contrairement à ce que soutenaient les époux, l'ensemble des intérêts échus jusqu'à la date de la notification avaient bien été pris en compte pour leur déduction respective du revenu et de la fortune.

Le litige portant sur une procédure de rappel d'impôt, les époux n'avaient précisément pas supporté la charge fiscale qui aurait été la leur s'ils avaient déclaré l'ensemble de leurs revenus et fortune. Il convenait donc de respecter les principes d'étanchéité et de périodicité, ce que l'administration avait fait en déduisant les intérêts sur rappel d'impôt à compter du terme général d'échéance.

La demande des époux visant à déduire les amendes dans la période fiscale au cours de laquelle les bordereaux d'amendes entreraient en force était hors propos, car elle concernait une période fiscale postérieure au litige.

27) Dans leur réplique, les époux ont relevé que l'AFC-GE n'avait pas déduit les intérêts depuis le terme général d'échéance prévue par la loi et avait fait redémarrer le cours des intérêts des périodes fiscales précédentes au 1er janvier de chaque année, au lieu de tenir compte des intérêts calculés depuis le terme général d'échéance.

28) Dans sa duplique, l'AFC-GE a souligné qu'en déposant le formulaire de dénonciation spontanée non punissable, M. A______ avait accepté de faire usage de la procédure de dénonciation spontanée, procédure que les contribuables ne pouvaient faire valoir qu'une fois dans leur existence. Il ne pouvait revenir sur cette déclaration de non-punissabilité pour des motifs de convenance personnelle, la procédure lui étant plus avantageuse qu'elle ne l'était au moment de la première procédure en soustraction d'impôt dont il avait fait l'objet.

La déduction des intérêts sur rappel d'impôt commençait au point de départ du calcul des intérêts. Ces derniers ne pouvaient être déduits que dès l'année suivant la période fiscale concernée. C'était donc à juste titre qu'elle avait déduit les intérêts sur rappel d'impôt dès l'année « N + 1 », qui correspondait à l'année du point de départ de ceux-ci.

29) Dans une écriture spontanée, les époux ont souligné que la présente procédure n'était pas plus avantageuse pour M. A______, dans la mesure où le montant du rappel d'impôt était plus important que celui qu'il avait supporté en 2010.

30) Sur ce, les parties ont été informées, le 30 septembre 2021, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 1 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2) a. Le litige porte sur la procédure en rappel et soustraction d'impôt pour les périodes fiscales 2008 à 2017, tant en matière d'ICC que d'IFD, de sorte qu'il convient au préalable d'examiner le droit matériel applicable.

b. De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (ATA/191/2020 du 18 février 2020 consid. 4b ; ATA/859/2018 du 21 août 2018 et les références citées).

Le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), dont l’art. 69 a abrogé les cinq anciennes lois sur l’imposition des personnes physiques (aLIPP-I à aLIPP-V du 22 septembre 2000). L’art. 72 al. 1 LIPP prévoit que cette loi s’applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010. Pour les périodes fiscales antérieures, les dispositions des anciennes lois s’appliquent même après l’entrée en vigueur de la loi.

c. En l’espèce, le recours concerne les périodes fiscales 2008 à 2017. Dès lors, c’est l’ancien droit (aLIPP-I à aLIPP-V) qui s’applique pour les années 2008 à 2009, ainsi que la LIFD et la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) dans leur teneur lors des périodes fiscales en cause. Pour les années 2010 à 2017, c’est la nouvelle LIPP qui trouve application.

d. Par ailleurs, la question étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme l'admet la jurisprudence (ATF 135 II 260 ; ATA/463/2020 du 7 mai 2020 consid. 6b).

a) Recours des contribuables

3) Les recourants soutiennent que la dénonciation spontanée qu'ils ont déposée le 5 septembre 2018 constitue la première dénonciation spontanée non-punissable de l'époux, de sorte que ce dernier devrait être exempté de toute amende en lien avec sa soustraction d'impôt.

a. Aux termes de l'art. 175 LIFD, le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (al. 1). En règle générale, l'amende est fixée au montant de l'impôt soustrait ; si la faute est légère, l'amende peut être réduite jusqu'au tiers de ce montant et si elle est grave, elle peut au plus être triplée (al. 2). Lorsque le contribuable dénonce spontanément et pour la première fois une soustraction d'impôt, il est renoncé à la poursuite pénale (dénonciation spontanée non punissable), à condition qu'aucune autorité fiscale n'en ait connaissance (let. a), qu'il collabore sans réserve avec l'administration pour déterminer le montant du rappel d'impôt (let. b) et (let. c) qu'il s'efforce d'acquitter le rappel d'impôt dû (al. 3). Pour toute dénonciation spontanée ultérieure, l'amende est réduite au cinquième de l'impôt soustrait si les conditions prévues à l'al. 3 sont remplies (al. 4).

Les art. 56 al. 1 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) et l'art. 69 LPFisc prévoient une réglementation similaire.

b. Dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2010, l'art. 175 al. 3 LIFD prévoyait que lorsque le contribuable dénonçait spontanément la soustraction, avant que l’autorité fiscale en eût connaissance, l’amende était réduite au cinquième de l’impôt soustrait.

c. Selon le message du Conseil fédéral relatif à la loi fédérale sur la simplification du rappel d’impôt en cas de succession et sur l’introduction de la dénonciation spontanée non punissable du 18 octobre 2006, les personnes physiques et morales ne pourront bénéficier d’une dénonciation spontanée non punissable qu’une fois au cours de leur existence à partir de l’entrée en vigueur des modifications légales, soit le 1er janvier 2010 (FF 2006 8347, 8361 ch. 1.5.2). La dénonciation spontanée non punissable n’est possible qu’une fois car, sinon, le contribuable pourrait se dénoncer spontanément à intervalles réguliers et échapperait ainsi à toute peine (FF 2006 8347, 8370 ch. 2.2.1).

D'après la doctrine, le contribuable qui dénonce spontanément et pour la première fois depuis le 1er janvier 2010 une soustraction d'impôt avant que les autorités fiscales n'en aient connaissance ne paie plus d'amende, mais uniquement le rappel d'impôt avec les intérêts moratoires (Pietro SANSONETTI/Danielle HOSTETTLER, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2ème éd., 2017, n. 48 ad art. 175).

d. Est jugé d’après le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) quiconque commet un crime ou un délit après l’entrée en vigueur de ce code (art. 2 al. 1 CP). Le CP est aussi applicable aux crimes et aux délits commis avant la date de son entrée en vigueur si l’auteur n’est mis en jugement qu’après cette date et si le présent code lui est plus favorable que la loi en vigueur au moment de l’infraction (al. 2).

Les dispositions générales du CP sont applicables aux infractions prévues par d’autres lois fédérales, à moins que celles-ci ne contiennent des dispositions sur la matière (art. 333 al. 1 CP), ce qui n'est pas le cas de la LIFD. Par ailleurs, les dispositions générales du CP sont applicables à la troisième partie de la LPFisc, laquelle contient notamment les dispositions relatives à la soustraction d'impôt et à la dénonciation spontanée (art. 69 et 82 LPFisc).

L’art. 2. al. 1 CP consacre le principe général de la non-rétroactivité de la loi pénale nouvelle. L’alinéa 2 y déroge et prévoit l’application rétroactive de la loi nouvelle aux actes commis avant son entrée en vigueur lorsque le droit nouveau est plus favorable à l’auteur que l’ancien. La lex mitior vise à tenir compte des changements législatifs favorables à l’auteur pour ne plus le sanctionner par des peines que l’État, et la collectivité qu’il représente, considèrent désormais comme excessives (ACEDH Scoppola c. Italie [Grande Chambre] précité, § 108 ; Nathalie DONGOIS/Kastriot LUBISHTANI, op. cit., n. 3 ad. art. 2 CP).

e. Le principe de la bonne foi, selon lequel chacun est tenu d’exercer ses droits et d’exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi (art. 2 al. 1 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210), ne protège pas le justiciable qui agit de manière contradictoire (art. 2 al. 2 CC ; ATA/732/2020 du 6 août 2020).

4) En l'espèce, le TAPI a considéré que le recourant avait déjà bénéficié, par l'application de la lex mitior, des effets de la dénonciation spontanée non punissable, de sorte que sa dénonciation du 5 septembre 2018 ne pouvait valoir première dénonciation spontanée non punissable.

Le recourant soutient qu'il n'a pas commis de soustraction d'impôt pour les périodes faisant l'objet du premier rappel d'impôt, antérieures au 1er janvier 2010. Dès lors qu'une procédure de rappel d'impôt était indépendante d'une procédure pénale, il devait bénéficier des effets de la dénonciation spontanée non punissable en lien avec sa dénonciation du 5 septembre 2018.

Le recourant ne peut être suivi. Certes, les discussions avec le fisc sur la qualification de la créance relative à l'avoir de prévoyance liechtensteinois ont commencé avant 2010. Toutefois, le recourant reconnaît qu’il a procédé à une dénonciation spontanée à la suite de ces discussions, en remplissant et signant en octobre 2010 une formule de demande pour dénonciation spontanée non punissable. Il n'a pas contesté l'ouverture de la procédure en rappel d'impôt et de soustraction d'impôt. Sa dénonciation spontanée d’octobre 2010 a été traitée comme telle et mentionnait expressément les dispositions légales relatives à la soustraction consommée (art. 175ss LIFD). Dès lors qu'il a commis la soustraction d'impôt avant le 1er janvier 2010, ce n'est que par l'application de la lex mitior qu'il a été exempté de toute peine et s’est vu accorder les avantages des nouvelles dispositions légales ; à défaut, il aurait dû payer une amende réduite au cinquième de l’impôt soustrait. Ainsi, les bordereaux de taxation comportant les rappels d'impôt ne prévoyaient aucune amende, le recourant ayant été mis au bénéfice de la non-punissabilité prévue par le nouveau droit pour les dénonciations spontanées, conformément à sa demande. En prétendant désormais qu’il n'avait pas encore bénéficié des effets d’une dénonciation spontanée, le recourant adopte une attitude contradictoire, qui ne saurait être protégée. Dans ces conditions, il a déjà bénéficié des effets de la dénonciation spontanée non punissable et ne saurait ainsi s'en prévaloir à nouveau.

Dès lors, l’AFC-GE a correctement appliqué le droit en retenant que le courrier du recourant du 5 septembre 2018 constituait une seconde dénonciation spontanée, qui ne pouvait bénéficier de la non-punissabilité.

5) Les recourants estiment que les intérêts résultant des rappels d'impôt doivent être déduits de leur revenu et de leur fortune pour chaque année fiscale concernée par ces rappels, soit de 2008 à 2017. Ils prétendent également que les intérêts sur rappel d'impôt n'auraient pas dû être déduits pour les périodes fiscales 2018 et 2019.

Ils demandent également la déduction des dettes résultant du rappel d'impôt, ceci en tenant compte des corrections qu'il conviendrait d'apporter aux montants déductibles à titre d'intérêts moratoires sur rappels d'impôt.

a. En matière d'IFD, le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 à 33a (art. 25 LIFD). Selon l'art. 33 al. 1 let. a LIFD sont déduits du revenu les intérêts passifs privés à concurrence du rendement imposable de la fortune au sens des art. 20, 20a et 21 LIFD, augmenté d'un montant de CHF 50'000.-. Ne sont pas déductibles les intérêts des prêts qu'une société de capitaux accorde à une personne physique avec laquelle elle a des liens étroits ou qui détient une part importante de son capital à des conditions nettement plus avantageuses que celles qui sont habituellement proposées aux tiers. La déduction d'intérêts passifs suppose l'existence d'une dette pécuniaire ; ce n'est que si une relation existe entre les intérêts et la dette qu'il peut être question d'intérêts passifs (ATF 143 II 396 consid. 2.1 et les références citées).

En droit cantonal, l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus, prestations et avantages du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques, en espèces ou en nature et quelle qu'en soit l'origine, avant déductions (art. 1 aLIPP-IV et 17 LIPP). Le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus bruts les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 2 à 8 aLIPP-V et 29 à 37 LIPP (art. 1 aLIPP-V et 28 LIPP). Sont déductibles les intérêts des dettes échus pendant la période déterminante à concurrence du rendement de la fortune augmenté de CHF 50'000.-, à l'exclusion des intérêts des prêts qu'une société de capitaux accorde à une personne physique la touchant de près ou ayant une participation déterminante à son capital et dont les conditions diffèrent de façon importante des clauses habituellement convenues dans les relations d'affaires entre tiers (art. 6 al. 1 aLIPP-V et 34 let. a LIPP).

b. Selon l'art. 13 al. 1 LHID, 1 aLIPP-III et 46 LIPP, l'impôt sur la fortune a pour objet l'ensemble de la fortune nette.

Sont déduites de la fortune brute les dettes chirographaires ou hypothécaires justifiées par titres, extraits de comptes, quittances d'intérêts ou déclaration du créancier (art. 13 al. 1 let. a aLIPP-III et 56 al. 1 LIPP). Il ne peut être déduit que les dettes effectivement dues par le contribuable (art. 13 al. 2 aLIPP-III et 56 al. 2 1ère phr. LIPP). Les dettes de rappel d'impôt peuvent être déduites de la fortune brute même si elles ne sont pas encore chiffrées à la date déterminante ; elles sont dues en vertu de la loi (ATF 138 II 311 consid. 3.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1172/2014 du 22 juin 2015 consid. 3.1 et les références citées).

Selon l'art. 17 al. 1 LHID, dans sa teneur à compter du 1er janvier 2014, la fortune imposable se détermine d'après son état à la fin de la période fiscale.

Les art. 4 al. 1 a aLIPP-III et 49 LIPP prévoient que l'état de la fortune mobilière et immobilière est établi au 31 décembre de l'année pour laquelle l'impôt est dû.

6) En vertu des principes de l'étanchéité des exercices et de la périodicité de l'impôt, chaque exercice est considéré comme un tout autonome, sans que le résultat d'un exercice puisse avoir une influence sur les suivants, et le contribuable ne saurait choisir au cours de quelle année fiscale il fait valoir les déductions autorisées. Les déductions doivent être demandées dans la déclaration d'impôts de l'année au cours de laquelle les faits justifiant l'octroi des déductions se sont produits (ATA/1637/2019 du 5 novembre 2019 consid. 8a ; ATA/1470/2017 du 14 novembre 2017 consid. 5d ; ATA/547/2012 du 21 août 2012 consid. 6) ; plus généralement, les deux principes précités impliquent que tous les revenus effectivement réalisés ainsi que tous les frais engagés durant la période fiscale en cause sont déterminants pour la taxation de cette période (arrêt du Tribunal fédéral 2C_87/2015 du 23 octobre 2015 consid. 8.1.2 et les références citées ; Message concernant les lois fédérales sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes ainsi que sur l'impôt fédéral du 25 mai 1983 in FF 1983 III p. 177).

7) a. Dans l'arrêt 2C_1172/2014 précité, le Tribunal fédéral a considéré qu'étant née et effective pour les périodes fiscales 2001 à 2009, la dette relative aux rappels d'impôt pour les années 2001 à 2009 et aux intérêts y relatifs grevait la fortune imposable des recourants pour la période fiscale 2010, laquelle n'avait pas encore été taxée de manière définitive, et pouvait être déduite de leur fortune imposable au 31 décembre 2010, ce quand bien même les bordereaux relatifs à la procédure de rappel d'impôt leur avaient été notifiés le 19 janvier 2012.

b. Dans l'arrêt 2C_258/2017 précité, le Tribunal fédéral s'est penché sur la problématique de la déduction des intérêts moratoires relatifs aux suppléments d'impôt dus par le contribuable, s'agissant tant de l'impôt sur le revenu (IFD et ICC) que de l'impôt sur la fortune (ICC).

Il a d'abord établi que les intérêts moratoires étaient déductibles du revenu en relevant que, même s'ils constituaient une catégorie d'intérêts passifs particulière, les intérêts relatifs aux rappels d'impôt avaient pour but de compenser le fait que la somme due au titre de rappel d'impôt n'avait pas été payée au moment où elle aurait dû l'être, faute de taxation complète à l'époque, mais seulement plus tard, dans le cadre de la procédure de rappel en question. En ce sens, ils étaient en lien avec la dette pécuniaire découlant du rappel d'impôt et devaient pouvoir être déduits du revenu du contribuable (consid. 6.6). Il a relevé que pour définir la période fiscale durant laquelle pouvait intervenir la déduction, la chambre administrative s'était fondée sur le point de départ des intérêts litigieux, tandis que l'AFC-GE soutenait qu'il fallait prendre en considération l'échéance de ceux-ci. Le Tribunal fédéral a d'abord relevé que ni la LIFD ni la LHID ne donnaient d'indication précise sur la période fiscale dans laquelle pouvaient être déduits les intérêts moratoires relatifs à la dette de rappel d'impôt. Il fallait donc laisser en ce domaine une marge de manœuvre aux cantons, le Tribunal fédéral n'examinant la solution adoptée par les instances cantonales que sous l'angle de l'arbitraire. Le droit cantonal, notamment les art. 23 et 27 de la loi relative à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales du 26 juin 2008 (LPGIP - D 3 18), prévoyait un système inspiré du principe de l'étanchéité des exercices fiscaux. D'après ce principe, tous les revenus effectivement réalisés ainsi que tous les frais engagés durant la période fiscale en cause étaient déterminants pour la taxation de cette période. Pour chacune des périodes fiscales en cause, le contribuable devait s'acquitter d'une somme au titre de rappel d'impôt et d'intérêts moratoires y relatifs. Ces derniers, qui commençaient à courir trente jours après le terme initial d'échéance de l'impôt pour l'IFD, respectivement dès le terme général d'échéance de l'année ou de la période fiscale concernée pour l'ICC, étaient donc directement liés au montant du rappel d'impôt dû par l'intéressé pour chaque période fiscale en cause. Partant, sous l'angle de l'étanchéité des exercices fiscaux, il n'était pas insoutenable d'admettre que le contribuable pouvait les déduire de son revenu dans chacune des années fiscales sur lesquelles portaient les rappels d'impôt. Le fait que les intérêts litigieux n'aient été exigés par l'autorité fiscale qu'au moment de procéder aux rappels d'impôt n'y changeait rien, dans la mesure où ceux-ci avaient déjà commencé à courir en fonction du terme d'échéance de chaque année concernée par les rappels d'impôt. Cette particularité, propre aux intérêts dus sur les rappels d'impôt, était à la base de ce raisonnement, qui n'est pas arbitraire (consid. 6.8).

Le Tribunal fédéral a par la suite relevé que la question du point de départ de la déductibilité des intérêts relatifs aux rappels d'impôt s'agissant de la fortune n'était pas non plus résolue par le droit fédéral. Les cantons disposaient ainsi d'une marge de manœuvre en ce domaine et il n'examinait la solution adoptée par les instances cantonales que sous l'angle de l'arbitraire. Les intérêts litigieux étant directement liés aux montants dus au titre de rappel d'impôt sur la fortune pour chaque période fiscale en cause, il n'était pas insoutenable, sous l'angle de l'étanchéité des exercices fiscaux, d'admettre que le contribuable pouvait les déduire de sa fortune dans chacune des années fiscales sur lesquelles portaient les rappels d'impôt. Le fait que les décisions de rappel d'impôt aient été notifiées en 2014 seulement et que les intérêts litigieux n'étaient donc pas échus lors des années fiscales 2004 à 2011 n'y changeait rien, dans la mesure où l'échéance de la dette ne constitue pas une condition à la déductibilité de celle-ci (consid. 7.4).

c. Dans un arrêt subséquent, le Tribunal fédéral est arrivé à la conclusion qu'il n'était pas non plus insoutenable de retenir, comme l'avaient fait les autorités soleuroises, que les intérêts relatifs aux rappels d'impôt pouvaient être déduits seulement au cours de la période fiscale durant laquelle l'impôt ultérieur avait été établi, soit lors de la notification de la décision de rappel d'impôt , dès lors que les cantons disposaient d'une marge de manœuvre à ce sujet (arrêt du Tribunal fédéral 2C_435/2017 du 18 février 2019 consid. 2.4 et suivant).

d. Plus récemment encore, le Tribunal fédéral a relevé que les deux approches genevoise et soleuroise étaient autorisées par le droit fiscal harmonisé et constitutionnellement défendables, sauf si le droit cantonal en ordonnait expressément autrement. Il a ainsi relevé que si le canton de Schwyz donnait la préférence au « modèle soleurois », le droit fédéral ne s'y opposait pas (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1067/2017 du 11 novembre 2019 consid. 3.5).

e. Dans un arrêt du 11 juin 2019 (2C_925/2017), le Tribunal fédéral a relevé que le système choisi par le législateur genevois consistant à retenir que les intérêts moratoires étaient dus à l'échéance du 30ème jour suivant le terme initial d'échéance de l'impôt pour l'IFD était également celui préconisé par la doctrine récente (Silvia HUNZIKER/Isabelle MAYER-KNOBEL, dans : Martin ZWEIFEL/Michael BEUSCH [éd.], Komm. DBG, 3ème éd. 2017, n. 9 ad art. 33 LIFD p. 784).

f. Il ressort des précédents considérants que le Tribunal fédéral considère que les intérêts moratoires peuvent – et non doivent – être déduits dans chaque période fiscale sur lesquelles portent les rappels d'impôt. Il n'impose pas cette manière de procéder aux cantons, lesquels bénéficient d'une marge de manœuvre sur la question de savoir dans quelle période fiscale doivent être déduits les intérêts moratoires sur rappel d'impôt (arrêt du Tribunal fédéral 2C_258/2017 précité consid. 6.8.1).


 

g. En l'espèce, les éléments pertinents pour la résolution de cette question sont présentés dans le tableau ci-après :

Année fiscale

Intérêts moratoires dus (en CHF)

Montant admis en déduction (en CHF)

 

ICC

IFD

ICC

IFD

2008

48'096.90

2'079.79

0

0

2009

65'632.40

10'910.83

2'161.65

189.2

2010

68'268.69

15'809.27

6'031.46

1'206.13

2011

66'904.68

14'160.23

10'581.01

3'161.74

2012

63'054.58

13'379.24

20'603.62

4'616.32

2013

51'848.90

11'077.27

41'230.03

6'671.59

2014

38'841.81

8'243.21

51'595.69

8'744.09

2015

27'407.15

5'444.68

61'426.69

10'675.26

2016

15'995.72

3'462.49

70'650.80

12'359.57

2017

6'974.75

1'542.35

68'263.33

13'859.96

2018

0

0

74'269.29

15'180.11

2019

0

0

46'212.00

9'445.40

Il ressort de ce tableau que les intérêts dus par le contribuable pour les périodes concernées par le rappel d'impôt s'élèvent à CHF 539'134.94, alors que les déductions admises par l'administration sur les périodes 2009 à 2019 se chiffrent également à CHF 539'134.94, et non à CHF 82'123.- comme le prétendent les recourants.

Ces derniers demandent à ce que les intérêts moratoires relatifs au rappel d'impôt soient déduits dans chaque période fiscale sur lesquelles portent le rappel d'impôt, soit de 2008 à 2017. En d’autres termes, ils estiment que le montant de l'intérêt sur rappel d'impôt à l'année « N » devrait être déduit sur chaque année fiscale jusqu'à l'année 2017. Par exemple, le montant de l'intérêt qui court depuis l'année 2008 pour l'ICC, de CHF 51'491.20, devrait être déduit, de manière répétée, sur chaque période fiscale comprise entre 2008 et 2017. Il en irait de même de tous les intérêts courant pour chaque année respective entre 2009 et 2017.

Ce raisonnement, qui concerne tant l'ICC que l'IFD, ne saurait toutefois être suivi. En effet, il est contraire au principe d'étanchéité des exercices fiscaux, dans la mesure où les déductions ne peuvent être admises que dans l'année au cours de laquelle les faits justifiant leur octroi se sont produits, en l'occurrence, pour les intérêts liés au rappel d'impôt, dès le terme général d’échéance de l’année ou de la période fiscale concernée (art. 27 al. 1 LPGIP), soit le 31 mars de l'année civile qui suit l'année fiscale pour l'ICC (art. 12 al. 1 LPGIP) et le 1er mars de l'année suivant la période fiscale concernée pour l'IFD (art. 1 de l'ordonnance du département fédéral des finances sur l’échéance et les intérêts en matière d’impôt fédéral direct du 10 décembre 1992 - RS 642.124).

De plus, il impliquerait que le montant admis en déduction pour l'ICC (soit CHF 3'017'029.35 selon le calcul des recourants) serait beaucoup plus élevé que le montant total des intérêts sur rappels d'impôt (CHF 539'134.94).

Il convient dès lors de déterminer si la déduction des intérêts sur rappel d'impôt effectuée par l'administration est conforme au droit.

Bénéficiant d'une marge de manœuvre dans ce domaine, l'administration a déduit les intérêts relatifs au rappel d'impôt sur les années de taxation 2009 à 2019. Elle explique que le montant des intérêts sur rappel d'impôt concernant l'année N (depuis 2008), qui couraient du 1er mars pour l'IFD, respectivement du 31 mars pour l'ICC, de l'année « N + 1 » jusqu'au 31 décembre de l'année « N + 1 », a été déduit du revenu sur la période fiscale « N + 1 ». Cette façon de procéder est conforme au droit ainsi qu'au principe de l'étanchéité des exercices fiscaux, dans la mesure où les déductions ont été admises dans l'année fiscale qui a suivi l'année à partir de laquelle les intérêts ont commencé à courir. Dès lors, aucun intérêt sur le rappel d'impôt afférent à l'année 2008 n'était échu avant 2009, ce qui, comme l'a relevé à juste titre le TAPI, explique pourquoi aucune déduction n'a été admise à ce titre en 2008. Par ailleurs, le fait que les intérêts ne soient pas échus au 31 décembre de chaque année visée par le rappel d'impôt, mais le jour de la notification des bordereaux, n'y change rien car la date d'échéance des intérêts permet uniquement, dans ce cadre, de déterminer jusqu'à quand les intérêts sont calculés. Ainsi, contrairement à ce que prétendent les recourants, il ne saurait être question de calquer le montant des intérêts déductibles sur la période de calcul de ceux-ci, ce qui irait précisément à l'encontre du principe d'étanchéité.

L'administration a également admis en déduction deux montants sur les années 2018 et 2019, bien que celles-ci ne portent pas sur les périodes du rappel d'impôt. Ceci ne saurait toutefois consacrer une quelconque violation du droit dans la mesure où cette déduction suit le principe selon lequel les déductions sont admises dans l'année au cours de laquelle les faits justifiant l'octroi des déductions se sont produits. En l'occurrence, il s'agit à nouveau de l'année fiscale qui a suivi les années à partir desquelles les intérêts ont commencé à courir, soit 2017 et 2018.

Par ailleurs, les déductions admises sur les années 2009 à 2019 étant équivalentes au total des intérêts moratoires supportés par les recourants, soit à leur charge économique, elles sont conformes au principe d'imposition selon la capacité contributive du contribuable.

Dans ces conditions, les déductions admises à titre d'intérêts moratoires sur le rappel d'impôt, tant pour l'impôt sur le revenu que pour celui sur la fortune, sont conformes au droit. Il n'y a dès lors pas lieu de modifier le montant des dettes admises en déduction dans la fortune des recourants par l'administration.

Le recours sera rejeté sur ces points.

8) Les recourants demandent la déduction des amendes dans la période fiscale au cours de laquelle les bordereaux d'amende entreront en force.

Dès lors que les amendes ne seront exigibles que lors de l'entrée en force de la condamnation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_874/2018 du 17 avril 2019 consid. 12.2), laquelle sera postérieure aux années 2008 à 2017, cette conclusion, exorbitante à l'objet du litige, est par conséquent irrecevable.

b) Recours de l'AFC-GE

9) L'autorité recourante estime que le TAPI n'aurait pas dû admettre la déduction, dans la fortune imposable des recourants au 31 décembre des années 2008 et 2009, des dettes résultant du premier rappel d'impôt augmentées des intérêts échus au 31 décembre des années précitées.

a. Le rappel d’impôt, réglé aux art. 151 ss LIFD et 59 ss LPFisc, est soumis à des conditions objectives. Il faut d’abord qu’une taxation n’ait, à tort, pas été établie ou soit restée incomplète, de sorte que la collectivité publique a subi une perte fiscale. Le rappel d’impôt suppose ensuite l’existence d’un motif de rappel. À cet égard, les dispositions précitées envisagent en premier lieu la découverte de moyens de preuve ou de faits jusque-là inconnus de l’autorité fiscale. Il y a ainsi motif à rappel d’impôt lorsque l’autorité découvre des faits ou des moyens de preuve qui ne ressortaient pas du dossier dont disposait l’autorité fiscale au moment de la taxation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_760/2017 du 15 juin 2018 consid. 6.1 et les références citées).

Selon la jurisprudence, le rappel d'impôt n'équivaut pas à un examen complet de la taxation ordinaire et doit au contraire être restreint aux points pour lesquels les conditions légales sont cumulativement remplies, c'est-à-dire, pour l'essentiel, l'existence de faits et moyens de preuve nouveaux et une imposition insuffisante. Les nouveaux arguments que le contribuable peut faire valoir de son côté pour diminuer l'imposition dans la procédure de rappel d'impôt sont limités : le contribuable ne doit pas profiter de la procédure de rappel d'impôt pour revenir librement sur l'ensemble de la taxation ; sous réserve d'une erreur manifeste, celui-ci peut uniquement demander que la taxation soit reprise en sa faveur sur les points qui, précisément, font l'objet du rappel d'impôt. La détermination des faits et leur appréciation juridique antérieure restent déterminantes, qu'elles soient en faveur ou en défaveur du contribuable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_129/2018 du 24 septembre 2018 consid. 7.1 et 7.2 et les références citées).

La question se pose toutefois de savoir si, pour pouvoir être pris en compte dans la procédure en rappel d’impôt, des faits diminuant la dette fiscale du contribuable doivent avoir une connexité avec les éléments justifiant le rappel, ce point étant controversé en doctrine (ATA/379/2018 du 24 avril 2018 et les références citées). Le Tribunal fédéral n’a pas tranché la question, relevant toutefois que, dans la mesure où le rappel d’impôt constituait une nouvelle taxation, obéissant aux mêmes règles que la procédure initiale, l’exigence de la connexité avec les éléments justifiant le rappel devait être réduite au minimum, afin que la nouvelle taxation respecte la capacité contributive du contribuable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_123/2012 du 8 août 2012 consid. 7.3 et les références citées).

b. En l'espèce, le TAPI a relevé que, jusqu'à l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_1172/2014 précité, les autorités fiscales genevoises refusaient d'admettre la déduction des dettes résultant des rappels d'impôt d'une manière contraire au droit fédéral. Ainsi, pour des motifs d'équité et afin de permettre de rétablir une situation conforme au droit, il a admis la déduction, dans la fortune imposable des contribuables au 31 décembre des années 2008 et 2009, des dettes résultant du premier rappel d'impôt augmentées des intérêts échus au 31 décembre des années précitées.

Il convient dès lors de déterminer si le fait que les autorités fiscales genevoises refusaient d'admettre la déduction des dettes résultant des rappels d'impôt constitue une erreur manifeste justifiant la déduction précitée.

Une taxation erronée peut être modifiée au détriment du contribuable lorsque l'erreur des autorités fiscales est manifeste et pouvait être reconnue facilement par le contribuable. Lorsque, par inadvertance, l'autorité n'a pas pris en compte des faits importants qui ressortent du dossier, une révision de la taxation au détriment du contribuable se justifie pour autant qu'il s'agisse d'une omission évidente dont le contribuable doit s'apercevoir spontanément. Cette jurisprudence a été saluée par une partie de la doctrine, qui a cependant émis le souhait qu'elle soit également appliquée en faveur du contribuable. Cela signifie que tant un rappel qu'une révision facilités seraient admis lorsqu'une décision est entachée d'une erreur de droit ou de fait manifeste et essentielle de l'autorité fiscale (Hugo CASANOVA/Claude-Emmanuel DUBEY, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op.cit., n. 15 ad art. 151 et les références citées).

Il ressort de ce qui précède qu'une erreur de l'autorité fiscale en défaveur du contribuable doit être considérée comme manifeste lorsque, notamment, ce dernier peut s'en apercevoir lui-même. Il lui appartient alors de demander que la taxation soit reprise sur les points concernés par l'erreur manifeste.

Au moment où, en 2010, les bordereaux résultant du premier rappel d'impôt ont été notifiés aux contribuables, les autorités fiscales genevoises avaient pour pratique de ne pas admettre la déduction des dettes résultant des rappels d'impôt. Bien que jugée contraire au droit fédéral, cette pratique s'appliquait à l'ensemble des contribuables et ne peut dès lors être considérée comme une erreur manifeste, mais bien comme une appréciation juridique qui a été modifiée par la suite. Par ailleurs, si les recourants avaient considéré cette pratique comme telle, il leur appartenait de demander la déduction des dettes résultant du rappel d'impôt au moment de la notification des bordereaux, ce qu'ils n'ont pas fait. Dès lors, dans le cadre de la présente procédure et en l'absence d'erreur manifeste, ils ne peuvent demander la déduction, dans leur fortune imposable au 31 décembre des années 2008 et 2009, des dettes résultant du premier rappel d'impôt, celles-ci ne faisant pas l'objet du second rappel d'impôt.

Ce grief doit être admis.

Au vu de ce qui précède, le recours interjeté par les contribuables sera rejeté, tandis que celui de l'AFC-GE sera admis.

10) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge des contribuables, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 avril 2021 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 mars 2021 ;

au fond :

rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 16 avril 2021 par Madame et Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 mars 2021 ;

admet le recours interjeté le 8 avril 2021 par l'administration fiscale cantonale ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 mars 2021, en tant qu'il renvoie la cause à l'administration fiscale cantonale pour nouvelles décisions de taxation 2008 et 2009 ;

le confirme pour le surplus ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge solidaire de Madame et Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nelly Iglesias, avocate des contribuables, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Verniory, président, Mmes Krauskopf et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :