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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4516/2016

ATA/1642/2017 du 19.12.2017 sur JTAPI/559/2017 ( ICC ) , REJETE

Descripteurs : QUALITÉ POUR RECOURIR ; INTÉRÊT ACTUEL
Normes : LPA.60
Résumé : La rectification de la taxation sollicitée n'impliquant pas une diminution de l'impôt, le recourant ne dispose pas d'un intérêt actuel à recourir. Le RDU fondé sur les documents fiscaux pourra être remis en question, cas échéant et à titre préjudiciel, dans les procédures ouvertes contre les décisions relatives à des prestations sociales fondées sur celui-ci.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4516/2016-ICC ATA/1642/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 décembre 2017

4ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Damien Bonvallat, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


 

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 mai 2017 (JTAPI/559/2017)


EN FAIT

1) Le litige concerne l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2014 de Monsieur A______ et de Madame A______ (ci-après : les contribuables).

2) Par bordereau de taxation du 5 octobre 2016, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a fixé l'ICC 2014 à CHF 65.- sur la base d'un revenu imposable de CHF 34'338.- (au taux de CHF 17'169.- pour le splitting), et d'une fortune imposable de CHF 0.-, après déductions notamment des dettes chirographaires, d'une prime d'assurance-vie et intérêts épargne de CHF 4'858.-. Il ressort du bordereau précité que le revenu brut des recourants s'élevait à CHF 76'852.-.

Selon le point 16.62 de l'avis de taxation annexé, intitulé « autre fortune », l'AFC-GE a retenu un montant de CHF 6'739.- correspondant au montant des cotisations troisième pilier A versé en trop pour l'exercice 2014. Les contribuables avaient produit une attestation mentionnant un versement de CHF 13'478.- et non pas des cotisations 2013 et 2014.

3) Le 3 novembre 2016, les contribuables ont formé réclamation contre le bordereau de taxation ICC 2014.

L'attestation faisait expressément référence au versement des cotisations du troisième pilier A pour 2013 et 2014 et la cotisation payée en 2014 s'élevait à CHF 6'739.- et non pas à CHF 13'478.-. En outre, l'AFC-GE n'avait pas déduit certains frais professionnels et avait débité abusivement la somme de CHF 40.- pour « frais délai renvoi de déclaration » et « frais de renseignement ».

4) Par décision sur réclamation du 19 décembre 2016, l'AFC-GE a remis aux contribuables un bordereau rectificatif annulant les frais de délai pour le retour de leur déclaration ainsi que les frais de recommandé. Les contribuables n'étaient redevables d'aucun ICC, seule une taxe personnelle de CHF 25.- étant due.

Elle maintenait pour le surplus leur taxation. La reprise de CHF 6'739.- correspondait à la différence entre la cotisation du troisième pilier A autorisée et le montant versé en 2014, la B______ Compagnie d'Assurance sur la Vie SA (ci-après : B______ SA) ayant certifié ce montant le 16 janvier 2015.

5) Par envoi du 30 décembre 2016, les contribuables ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision sur réclamation de l'AFC-GE du 19 décembre 2016, en concluant à ce que la taxation soit rectifiée, le tout sous suite de frais.

Ils contestaient la reprise de fortune de CHF 6'739.- mentionnée au point 16.62 de l'avis de taxation en ICC 2014. L'attestation faisait référence au versement de CHF 13'478.- pour les cotisations 2013 et 2014, soit CHF 6'739.- pour chacune des années. La différence ne devait par conséquent pas être prise en compte dans la fortune.

Ils ont joint à leur recours notamment une attestation de B______ SA du 27 mars 2014 indiquant que le montant de CHF 6'739.- pour la prime 2013 avait été affecté sur le compte de la police avec date valeur au 3 janvier 2014, de sorte qu'il ne pouvait être attesté que dans l'année fiscale 2014. Elle conseillait de transmettre le justificatif du versement postal à l'AFC-GE afin que cette dernière puisse prendre en considération ce paiement pour l'année 2013.

6) Dans sa réponse du 19 décembre 2016, l'AFC-GE a conclu à l'irrecevabilité du recours pour défaut d'intérêt juridique actuel.

Même si la reprise litigieuse effectuée sur la fortune imposable était confirmée, la fortune nette imposable pour 2014 restait nulle. Ils ne faisaient d'ailleurs l'objet d'aucune imposition en revenu et en fortune pour l'année en cause, seule la taxe personnelle de CHF 25.- étant due. L'admission de leur recours n'étant pas susceptible de leur apporter une quelconque diminution de l'impôt, ils n'avaient pas d'intérêt actuel, concret et digne de protection à voir la décision annulée.

7) Par réplique du 14 mars 2017, les contribuables ont persisté dans leurs conclusions.

L'attestation du revenu déterminant unifié (ci-après : RDU), donnant la possibilité de recevoir certaines subventions, était basée sur la dernière taxation fiscale. Dans leur cas, il avait été calculé en fonction des fausses informations retenues dans la taxation contestée et tant que le TAPI ne sanctionnait pas cette inégalité, ils ne pourraient pas bénéficier d'un RDU correctement établi. Le recourant avait ainsi un intérêt actuel et digne de protection à recourir.

Ils ont joint à leur réplique, un courrier du 8 mars 2017 adressé au centre de calcul RDU dans lequel les contribuables signalaient notamment que le montant de CHF 6'739.- était mentionné de manière erronée, l'affaire étant pendante par-devant le TAPI.

8) Par duplique du 28 mars 2017, l'AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

9) Le 22 mai 2017, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

L'AFC-GE n'avait pas taxé les contribuables en 2014, ni sur leur revenu ni sur leur fortune, celle-ci ayant été arrêtée à CHF 0.-. La prise en compte ou non de la somme de CHF 6'739.- n'avait pas d'impact sur le montant de l'impôt dû, si bien que les contribuables n'avaient aucun intérêt digne de protection à ce que le TAPI entre en matière sur leur recours, l'intérêt à obtenir l'annulation de la décision étant inexistant au moment du dépôt de leur recours.

10) Par acte du 26 juin 2017, les contribuables ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI du 22 mai 2017, en concluant à son annulation et au renvoi du dossier au TAPI pour nouvelle décision au sens des considérants, subsidiairement à la rectification du bordereau sur réclamation, en supprimant le poste autre fortune d'un montant de CHF 6'739.- et au versement d'une indemnité de procédure.

L'admission des conclusions des recourants ne diminuerait pas leur bordereau d'impôt. Cela étant, le législateur voulait lier de façon automatique et irréfragable le calcul RDU et la taxation fiscale, si bien que l'établissement du bordereau avait d'autres effets immédiats et directs pour l'administré que le seul calcul de ses impôts. L'intérêt propre et actuel des recourants consistait en la modification de leur RDU sur la base d'un nouveau bordereau, leur donnant droit à un subside dont la décision de taxation attaquée les privait.

Confirmer le jugement d'irrecevabilité reviendrait à conférer une immunité aux décisions de l'administration fiscale s'agissant de leur effet sur les prestations sociales subordonnées au RDU.

11) Le 28 juin 2017, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

12) Dans sa réponse du 26 juillet 2017, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Les recourants reconnaissaient n'avoir aucun intérêt fiscal au recours, le bordereau d'impôt étant nul selon le bordereau contesté. Ils se ralliaient à la jurisprudence du TAPI selon laquelle l'intérêt actuel au recours n'était pas reconnu dès lors que l'impôt était nul.

13) Par courrier du 25 septembre 2017 à la chambre administrative, Mme A______ a indiqué ne pas avoir donné son accord pour l'introduction du recours devant la chambre de céans et annoncé ne pas vouloir être partie de la présente procédure.

14) Par courrier du 24 octobre 2017 à la chambre de céans, M. A______ a indiqué que le recours n'avait pas été valablement introduit s'agissant de Mme A______, celui-ci restant toutefois pleinement valable le concernant, un époux seul étant habilité à recourir contre un bordereau ou un jugement. Le précité confirmait les termes de son recours et les conclusions y figurant.

15) Par courrier du 20 novembre 2017, l'AFC-GE a indiqué que le recours ne devait concerner que le contribuable et a renoncé à formuler des observations complémentaires.

16) Le 22 novembre 2017, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous cette angle (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2) Il convient tout d'abord d'analyser la qualité pour recourir du contribuable, ce dernier ayant introduit seul le recours auprès de la chambre de céans, contre le jugement du TAPI.

a. Pour que les recours et autres écrits soient réputés introduits en temps utile, il suffit que l'un des époux ait agi dans les délais. Lorsque les deux époux font usage conjointement d'un moyen de droit ou que l'un des conjoints le fait indépendamment de l'autre, seuls les deux époux conjointement, ou seul le conjoint ayant fait usage du moyen de droit, peuvent le retirer (al. 3).

b. Autrement dit, les époux faisant ménage commun sont taxés conjointement dans le cadre d'une même procédure, chacun d'eux étant contribuable et partie à un rapport de droit fiscal propre le liant à la collectivité publique (Christine JAQUES in Commentaire romand LIFD, Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], 2017, ad art. 113, p. 1564, n. 3 et les références citées). Cela vaut également en droit cantonal et communal.

c. En l'espèce, la qualité pour recourir du contribuable n'est pas contestable, ce dernier étant lié par un rapport de droit fiscal à la collectivité publique.

Le recours introduit par le contribuable devant la chambre administrative est dès lors recevable.

3) a. Selon l'art. 2 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17), la LPA est applicable pour autant que la LPFisc n'y déroge pas.

À teneur de l'art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/1333/2017 du 26 septembre 2017 ; ATA/1258/2017 du 5 septembre 2017 et les arrêts cités).

Cette notion de l'intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l'art. 103 let. a de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 et qui était, jusqu'à son abrogation le 1er janvier 2007, applicable aux juridictions administratives des cantons, conformément à l'art. 98a de la même loi (ATA/1333/2017 précité ; ATA/399/2009 du 25 août 2009 ; ATA/207/2009 du 28 avril 2009 et les arrêts cités). Elle correspond aux critères exposés à l'art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (LTF - RS 173.110) que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d'unité de la procédure qui figure à l'art. 111 al. 1 LTF (arrêts du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1 ; 1C_76/2007 du 20 juin 2007 consid. 3 ; 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.2 ; ATA/1333/2017 précité ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 pp. 4126 ss et 4146 ss).

b. En matière fiscale, est sans intérêt actuel le recours du contribuable dont les conclusions, bien que tendant à l'annulation d'une décision de taxation, n'impliquent pas une diminution de l'impôt dû (ATA/1333/2017 précité ; ATA/647/2014 du 19 août 2014 ; ATA/101/2014 du 18 février 2014 ; RDAF 2003 II p. 47). Dans la mesure où l'autorité matérielle de la chose jugée se rapporte en principe au seul dispositif, le contribuable n'a ainsi pas un intérêt actuel digne de protection à contester le calcul de report de pertes contenu dans les motifs lorsque le bénéfice imposable demeure nul, sauf lorsque l'autorité fiscale entre en matière et procède à un nouveau calcul (ATF 140 I 144 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_973/2012 du 4 octobre 2013 ; ATA/1333/2017 précité).

4) a. En l'espèce, les contribuables concluaient devant le TAPI à la rectification de la taxation de l'AFC-GE, celle-ci n'impliquant pas une diminution de l'impôt dû fixé à CHF 0.-.

Partant et conformément à la jurisprudence constante de la chambre de céans, le TAPI a déclaré à juste titre le recours irrecevable pour défaut d'intérêt actuel.

b. Le recourant invoque à tort que la non modification de la taxation fiscale empêcherait de remettre en cause le RDU, toutes décisions relatives à des prestations sociales fondées sur celui-ci pouvant être contestées par les voies de droit ordinaires ouvertes contre de telles décisions. Il appartiendra alors au recourant, le cas échéant, de faire valoir à titre préjudiciel ses motifs invoqués dans la présente procédure pour tenter d'obtenir une rectification des chiffres figurant dans le RDU respectivement dans la taxation fiscale et ainsi obtenir les prestations sociales auxquelles il aurait droit.

5) Mal fondé, le recours sera rejeté.

6) Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 700.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 juin 2017 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 mai 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant, un émolument de CHF 700.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Damien Bonvallat, avocat du recourant, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Verniory, président, Mmes Krauskopf et Junod, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

 

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :