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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2848/2023

ATA/1310/2023 du 05.12.2023 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2848/2023-AIDSO ATA/1310/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 décembre 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé

 



EN FAIT

A. a. A______, née le ______1967, a bénéficié de prestations à hauteur de CHF 90'257.65 de l’Hospice général du 1er avril 2019 au 30 avril 2023.

b. Lors de l’entretien du 28 mars 2019 au centre d’action sociale (CAS), A______ a, notamment indiqué qu’elle était au chômage depuis juin 2018 sans percevoir d’indemnités, faute de durée de cotisation suffisante, et vivait chez sa sœur, B______, au _____, chemin C______ à Genève. La cohabitation avec son beau-frère étant difficile, elle passait le moins de temps possible dans leur appartement. Aucune contribution au loyer ne lui était demandée. N’étant plus assurée contre la maladie en Suisse, elle se rendait en France en cas de besoin médicaux.

c. Elle a signé, le même jour ainsi que le 14 mars 2022, le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général », par lequel elle s’engageait, notamment, à donner immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièces nécessaires à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu’à l’étranger ainsi que tout fait nouveau de nature à entraîner la modification ou la suppression du montant des prestations d’aide financière allouées et à rembourser toute prestation exigible selon la loi, notamment toute prestation perçue indûment.

d. Dans la demande d’aide financière, signée le 1er avril 2019, elle a indiqué être séparée judiciairement depuis 2007 et que son mari vivait au ______, rue du D______ à Genève. Elle a mentionné détenir deux comptes, l’un auprès de la E______ et l’autre auprès de F______.

e. Le 23 avril 2019, A______ a déclaré à son assistante sociale que son beau-frère lui avait demandé de quitter l’appartement à la fin du mois. Cette dernière lui a remis les formulaires de demandes de logement, en précisant que l’hospice pouvait, contre présentation du contrat de bail, participer au paiement du loyer.

f. Lors de l’entretien du 14 mai 2019, la bénéficiaire a indiqué devoir quitter le logement de sa sœur à fin mai et avoir trouvé une solution d’hébergement chez la mère d’une amie. Lors de l’entretien du 5 juin 2019, elle a déclaré qu’elle avait pu rester chez sa sœur, qui avait toutefois résilié son bail pour fin août 2019. Elle irait loger chez la mère de son amie. Au cours du même entretien, elle a signé un contrat d’action sociale individuel (ci-après : CASI) qui avait pour but de trouver un logement. Elle devait, chaque mois, apporter la preuve de ses recherches de logement.

g. Lors de l’entretien téléphonique du 4 septembre 2019, l’assistante sociale a rappelé à la bénéficiaire ses obligations résultant du CASI. Bien qu’elle ne s’y soit pas conformée, un supplément d’intégration de CHF 225.- lui était néanmoins accordé dans l’attente du prochain entretien.

h. Lors de l’entretien du 9 septembre 2019, les exigences liées au CASI ont été rappelées ainsi que les différentes aides proposées par l’hospice pour la recherche de logement.

i. Le 17 septembre 2019, A______ a reçu confirmation de son inscription auprès du Secrétariat des Fondations Immobilières de Droit Public (ci‑après : SFIDP et de la Gérance immobilière municipale (ci-après : GIM).

j. L’intéressée a déclaré avoir vécu, durant la pandémie, chez sa sœur.

k. Le 18 août 2020, une aide financière complémentaire pour un excès de dépenses, liée à un achat plus important de nourriture, a été refusée par l’hospice.

l. Lors de l’entretien du 28 octobre 2020, A______ a indiqué faire l’objet d’une poursuite pour non-paiement d’une prime d’assurance responsabilité civile.

m. En décembre 2020, un suivi par le service de réinsertion professionnelle a été proposé par l’hospice.

n. Lors de l’entretien du 3 juin 2021, la bénéficiaire a indiqué toujours habiter chez sa sœur. La cohabitation se passait bien, mais elle cherchait à avoir son propre logement. Comme elle n’avait pas renouvelé son inscription auprès de la SFIDP et de la GIM, de nouveaux formulaires lui ont été remis.

o. En raison de problèmes de santé de A______, le suivi de réinsertion professionnelle a été interrompu en juillet 2021.

p. Les envois adressés à la bénéficiaire chez sa sœur au ______, chemin de C______ ayant été retournés à l’hospice avec la mention « destinataire introuvable à cette adresse », celle-ci a expliqué, le 7 avril 2022, qu’elle avait déménagé avec sa sœur une année auparavant au ______, rue G______. L’assistante sociale a fait remarquer à A______ qu’elle avait manqué à son devoir de signaler immédiatement tout changement dans sa situation.

q. Lors de l’entretien du 9 janvier 2023, elle a déclaré que sa mère vivait en France, qu’elle logeait gratuitement chez sa sœur, qui se rendait régulièrement chez son second mari qui ne supportait pas ses enfants. Elle ne partageait pas ses repas avec sa sœur et ses neveux de crainte d’être trop envahissante. Elle se rendait souvent chez une amie et ne souhaitait pas redéposer une demande de logement.

r. Faisant état de tensions avec sa sœur et la famille de celle-ci, A______ a signé le 6 mars 2023 des demandes de logement.

s. Le 3 avril 2023, le service d’enquêtes et des conformités de l’hospice (ci-après : SEC) a établi un rapport dont il ressort que lors du « contrôle terrain » du 9 mars 2023, le nom de la bénéficiaire ne figurait ni sur la boîte aux lettres ni sur la porte palière de l’appartement sis ______, rue G______, seul celui de sa sœur et de son second mari (« H______ ») y étant mentionnés. À l’adresse du couple BH______, telle qu’elle ressortait de la base de données Calvin, au ______, route I______ à Thônex, le nom de A______ ne figurait pas et J______ a déclaré qu’elle n’y vivait pas.

Interrogé par le SEC, la bénéficiaire avait déclaré vivre, avec sa sœur et son neveu, à la rue G______ où elle dormait au salon. Rendue attentive au fait que sa sœur vivait à Thônex, elle n’avait pas donné de « réponse concrète ». Elle avait expliqué le fait que l’essentiel de ses dépenses était effectué, selon les relevés bancaires, à Annemasse par le fait qu’elle rendait souvent visite à sa mère. Elle ne restait que les week-ends chez sa mère. Malgré son accord à une visite domiciliaire, l’intéressée ne s’y était pas présentée le jour convenu. Appelée, elle avait expliqué qu’elle ne disposait pas des clefs qu’elle remettait systématiquement à sa sœur lorsqu’elle se rendait chez sa mère. Le contrôleur lui ayant fait remarquer que c’était un mercredi et lui ayant demandé où elle avait dormi, elle n’avait pas répondu.

t. Lors de l’entretien du 28 avril 2023, l’assistante sociale a donné à A______ connaissance du rapport précité et l’a informée que l’hospice allait mettre un terme à ses prestations à fin avril 2023, sa résidence effective à Genève n’étant pas établie. Celle-ci étant une condition à l’octroi de prestations, le remboursement de la totalité de celles perçues lui serait réclamé.

A______ a refusé que la décision lui soit remise en mains propres.

u. Celle-ci lui a été notifiée le 3 mai 2023.

v. Dans son opposition, l’intéressée a expliqué que le jour de la visite domiciliaire, elle était arrivée en tram. En arrivant sur les lieux, elle avait appelé sa sœur, qui avait refusé qu’une personne étrangère entre dans son appartement. Elle avait expliqué la situation au contrôleur, qui avait déclaré qu’il comprenait la situation. Elle lui avait dit qu’elle attendrait que la situation « se calme » et reprendrait contact avec le contrôleur. Elle avait habité à la rue G______ jusque-là, mais ensuite sa sœur ne l’avait plus voulue. Elle logeait depuis lors aux Eaux-Vives dans l’appartement d’une personne disposée à lui transférer son bail.

w. Par décision du 13 juillet 2023, l’hospice a confirmé sa précédente décision.

B. a. Par acte expédié le 11 septembre 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre cette décision.

Elle avait vécu à la rue G______. La visite de l’inspecteur du SEC avait donné lieu à une violente dispute avec sa sœur, qui l’avait mise à la porte de ce logement. Elle avait ensuite été hébergée gratuitement par K______, au ______, rue du D______ jusqu’au 30 juin 2023. Depuis lors, elle vivait « de canapé en canapé » chez des amis et connaissances. Elle avait activement cherché un logement depuis des années. Lorsqu’elle avait informé l’hospice que son amie K______ lui proposait la reprise de son bail, celui-ci avait mis un terme à ses prestations. Officiellement, elle était toujours domiciliée à la rue G______, mais dans les faits sans domicile fixe puisqu’elle ne pouvait plus accéder à ce logement.

Selon le certificat médical du 16 mai 2023 du Dr L______ à Annemasse, sa mère avait un besoin quotidien d’aide pour les courses, le ménage et un accompagnement global. Cela expliquait pourquoi elle faisait la majorité de ses achats en France. Elle n’avait pas pris la mesure de l’importance de signaler à l’hospice et à sa banque son changement d’adresse. Elle recevait toutes ses communications sur son téléphone ou par courriel. Elle avait été découragée par son assistante sociale à faire plus activement des recherches de logements, celle-ci lui ayant expliqué que son dossier ne serait pas prioritaire.

Enfin, elle s’étonnait de ce que la demande de remboursement porte sur la totalité des prestations versées depuis mars 2019. Le montant ne respectait pas le principe de la proportionnalité.

b. L’hospice a conclu au rejet du recours.

Il a produit un rapport complémentaire du SEC du 31 août 2023. Selon celui-ci, la recourante s’était présentée le 30 juin 2023 chez K______ et avait déclaré qu’elle espérait dès le lendemain pouvoir être hébergée par sa nièce à Confignon. Convoquée le 7 juillet 2023, elle ne s’était pas présentée. L’après-midi, elle s’était excusée en expliquant que son avocat n’avait pas été disponible. Lors de la nouvelle convocation du 18 août 2023, elle avait refusé de signer les procurations pour obtenir les informations auprès des établissements bancaires ; elle souhaitait disposer d’un délai de réflexion. Par appel du 22 août 2023, elle avait maintenu son refus. L’inspecteur avait attiré son attention sur le fait que son refus de collaborer pouvait avoir des conséquences sur le montant des prestations dont le remboursement serait demandé. La recourante avait répondu qu’en cas de nouvelle demande de prestations, elle accepterait de se soumettre à une enquête.

D’après la base de données Calvin, la recourante avait été domiciliée du 1er novembre 2015 au 1er avril 2020 au chemin C______ ______, du 1er avril 2020 au 28 août 2021 à la rue N______ , puis depuis cette date à rue G______ ______, toujours chez sa sœur.

Selon la même base de données, M______ avait été domiciliée au chemin C______ ______ du 1er novembre 2015 au 1er juin 2020, à la rue N______ du 1er juin 2020 au 1er juillet 2021, à la rue G______ du 1er juillet 2021 au 15 avril 2022, puis à la route I______. Les mêmes indications (à quelques jours près) figurent sur cette base de données concernant J______.

Les documents bancaires relatifs au compte épargne LPP de l’intéressée étaient jusqu’au 31 décembre 2022 adressés au domicile du mari de la recourante. Les relevés mensuels de son compte auprès de F______ étaient adressés d’avril 2019 à mai 2020 au chemin C______, puis jusqu’en août 2022 à la rue N______, de septembre 2022 à février 2023 au domicile de son mari, puis en mars 2023 à la rue G______. La plupart des achats étaient effectués à Annemasse et Gaillard et les retraits d’argent et certains achats à Chêne-Bourg et à Thônex.

Selon les informations transmises le 3 octobre 2023 par la caisse des allocations familiales de la Haute-Savoie, la recourante était titulaire d’un compte bancaire en France auprès du O______ , depuis avril 2005. Elle avait déclaré un domicile au ______, rue ______ à Annemasse. Elle n’avait jamais été bénéficiaire d’allocations familiales ni n’avait exercé d’activité salariée en France depuis 1989.

Reprenant l’analyse des éléments au dossier, l’hospice a conclu que la recourante n’avait jamais eu de domicile à Genève.

c. Dans sa réplique, cette dernière a contesté détenir un compte en France. Elle n’était pas bénéficiaire d’allocations familiales, n’ayant pas d’enfants. Sa sœur attestait, selon le document qu’elle produisait, qu’elle n’avait pas été sa locataire ni sa sous-locataire, l’ayant logée à titre gracieux.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recours porte sur le bien-fondé de la demande de rembourser les prestations versées du 1er avril 2019 au 30 avril 2023, dont la somme de CHF 90'257.65 n’est pas contestée.

2.1 Aux termes de l’art 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. L’art. 39 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst - GE - A 2 00) contient une garantie similaire.

2.2 En droit genevois, la LIASI et son règlement d’exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent ces dispositions constitutionnelles, en ayant pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Les prestations de l’aide sociale individuelle sont l’accompagnement social, des prestations financières et l’insertion professionnelle (art. 2 LIASI).

2.3 Selon l’art. 8 LIASI, la personne majeure qui n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d'aide financière (al. 1). Ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 (al. 2).

À teneur de l'art. 11 al. 1 LIASI, ont droit à des prestations d'aide financière prévues par cette loi, les personnes qui : ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève (let. a) ; ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien (let. b) ; répondent aux autres conditions de la loi (let. c).

Conformément à l’art. 28 LIASI, le droit aux prestations d'aide financière naît dès que les conditions de la loi sont remplies, mais au plus tôt le premier jour du mois du dépôt de la demande (al. 1). Il s’éteint à la fin du mois où l’une des conditions dont il dépend n’est plus remplie (al. 2).

2.4 Les conditions du domicile et de la résidence effective sur le territoire du canton de Genève sont cumulatives, de sorte que des prestations d’aide financière complète ne sont accordées qu’aux personnes autorisées à séjourner dans le canton de Genève, soit aux personnes d’origine genevoise, aux Confédérés et aux étrangers bénéficiant d’un titre de séjour (ATA/1093/2022 du 1er novembre 2022 consid. 3b ; ATA/1001/2022 du 4 octobre 2022 /consid. 3d).

2.5 Selon l’art. 23 CC, le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l’intention de s’y établir (al. 1). Nul ne peut avoir en même temps plusieurs domiciles (al. 2). L’art. 24 CC prévoit que toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu’elle ne s’en est pas créé un nouveau (al. 1). Le lieu où elle réside est considéré comme son domicile, lorsque l’existence d’un domicile antérieur ne peut être établie ou lorsqu’elle a quitté son domicile à l’étranger et n’en a pas acquis un nouveau en Suisse (al. 2).

La notion de domicile contient deux éléments : d'une part, la résidence, soit un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits et, d'autre part, l'intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d'un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances. Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de la personne intéressée (ATF 141 V 530 consid. 5.2 ; 136 II 405 consid. 4.3). Du point de vue subjectif, ce n'est pas la volonté interne de la personne concernée qui importe, mais les circonstances reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire qu'elle a cette volonté (ATF 137 II 122 consid. 3.6 ; 133 V 309 consid. 3.1).

Pour qu'une personne soit domiciliée à un endroit donné, il faut donc que des circonstances de fait objectives manifestent de manière reconnaissable pour les tiers que cette personne a fait de cet endroit, ou qu'elle a l'intention d'en faire, le centre de ses intérêts personnels, sociaux et professionnels (ATF 119 II 64 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 5C.163/2005 du 25 août 2005 consid. 4.1 et les références citées). Même un séjour d'emblée temporaire peut constituer un domicile, lorsqu'il est d'une certaine durée et que le centre des intérêts de la personne y est transféré (Daniel STÄHELIN in Basler Kommentar zum ZGB, 6ème éd. 2018, n. 7 ad art. 23 CC et les références). L’intention de quitter un lieu plus tard n’empêche pas d’y constituer un domicile (ATF 127 V 237 consid. 2c).

2.6 Selon l’art. 32 al. 1 LIASI, le demandeur doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière. Il doit, en outre, immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1er LIASI).

Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu’il donne immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l’établissement de sa situation économique (ATA/195/2021 du 12 juillet 2022 consid. 4a ; ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a). L’engagement écrit du bénéficiaire de l’aide sociale comprend l’obligation de signaler tout départ, absence de Genève ou voyage à l’étranger (ATA/1090/2022 du 1er novembre 2022 consid. 3 ; ATA/437/2022 du 26 avril 2022 consid. 2d).

2.7 L'art. 35 al. 1 LIASI décrit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées. Tel est notamment le cas lorsque la personne bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la loi (let. a) ou lorsqu'elle ne s'acquitte pas intentionnellement de son obligation de collaborer telle que prescrite par l'art. 32 (let. c) ou qu'elle refuse de donner les informations requises au sens des art. 7 et 32, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (let. d).

2.8 La suppression ou la réduction des prestations d'assistance doit être conforme au principe de la proportionnalité, imposant une pesée de l'ensemble des circonstances. Il faut alors prendre en considération la personnalité et la conduite du bénéficiaire des prestations, la gravité des fautes qui lui sont reprochées, les circonstances de la suppression des prestations ainsi que l'ensemble de la situation de la personne concernée (ATF 122 II 193 consid. 3b, in JdT 1998 I 562 ; ATA/1662/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7).

2.9 Selon l'art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit. Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 1 et 3).

De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/15/2023 du 10 janvier 2023 consid. 2g ; ATA/850/2022 du 23 août 2022 consid. 5b ; ATA/918/2019 du 21 mai 2019 consid. 2).

Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l’enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d’une décision administrative mal fondée, tout en tempérant l’obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/93/2020 précité consid. 3c et les références citées).

2.10 Les bénéficiaires des prestations d’assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l’administration, notamment en ce qui concerne l’obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d’abus de droit. Si le bénéficiaire n’agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu’il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 3c). Il convient toutefois d’apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l’entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l’objet d’une demande de remboursement (ATA/947/2018 précité consid. 3d).

3.             En l’espèce, il convient d’examiner si les conditions ouvrant le droit à une aide financière étaient réalisées durant la période litigieuse, plus particulièrement si la recourante avait son domicile et sa résidence effective à Genève du 1er avril 2019 au 30 avril 2023, puis si la demande de restitution est fondée.

La recourante a toujours soutenu être domiciliée chez sa sœur où elle dormait sur le canapé. Elle a signé le CASI visant à l’aider à trouver un logement. Or, son assistante sociale a dû lui rappeler qu’il convenait qu’elle remplisse les formulaires de demande pour des logements de fondations et régies publiques et elle n’a pas renouvelé son inscription. Elle n’a pas non plus entrepris d’autres démarches en vue de trouver un logement, alors qu’elle prétendait que la cohabitation avec sa sœur et son beau-frère était difficile. L’inaction de la recourante dans la recherche d’un logement indépendant n’est pas compatible avec une cohabitation dans un petit logement, qui plus est qualifiée de difficile, dans lequel elle aurait pendant les quatre ans sous contrôle dormi sur un canapé.

Par ailleurs, les adresses indiquées par la recourante à l’hospice ne correspondent pas à celles figurant dans la base de données Calvin ni à celles figurant sur ses relevés bancaires. Alors qu’elle a déclaré à l’hospice qu’elle habitait en avril 2019 au chemin C______, puis qu’elle avait déménagé en avril 2021 à la rue G______ et a déclaré à l’OCPM qu’elle avait, le 1er avril 2020, emménagé à la rue N______ , puis le 28 avril 2021 à la rue G______. De juin 2020 à août 2022, ses relevés bancaires portaient l’adresse de la rue N______ . Lesdits relevés ont ensuite été adressés de septembre 2022 à juin 2023 à la rue du P______ , dont toutefois l’intéressée a exposé qu’elle n’y aurait logé que de fin mars à fin juin 2023. Enfin, l’adresse de la rue G______ ne figure que sur ses relevés de mars 2023, alors que la recourante soutient y avoir été domiciliée dès avril 2021.

En outre, l’adresse relative à son compte bancaire en France – compte non déclaré – est à Annemasse. Contrairement à ce qu’affirme la recourante, il ne ressort nullement de la réponse de la Caisse d’allocations familiales française qu’elle aurait des enfants. Au contraire, il ressort de la pièce y relative qu’elle n’a pas d’enfants, ni mineurs, ni majeurs et qu’elle n’a pas perçu de prestations de cette caisse.

L’affirmation – soutenue pour la première fois dans son recours – selon laquelle elle aurait une « phobie » des questions administratives, ce qui expliquerait qu’elle ait été négligente dans le suivi de l’indication de ses changements d’adresse à Genève, n’est étayée par aucune pièce. Elle est, au surplus, contredite par les agissements de la recourante elle-même, qui a su indiquer une adresse de correspondance à l’OCPM, à l’hospice et à sa banque pour recevoir – hormis une fois une communication de l’hospice – les communications qui lui étaient destinées. Au demeurant, aucun élément ne vient corroborer la prétendue phobie administrative.

Bien que soutenant y habiter, la recourante ne disposait pas de la clef lui permettant d’accéder au logement sis à la rue G______. Elle a expliqué qu’elle remettait les clefs pour le week-end à sa sœur, dès lors qu’elle passait le week-end chez sa mère à Annemasse. Derechef, cette explication n’est pas crédible. Comme l’a relevé l’enquêteur, le jour – convenu – de la visite domiciliaire était un mercredi, de sorte que l’explication relative au fait qu’elle ne disposait pas des clefs de l’appartement est contredite par les déclarations mêmes de la recourante.

S’il n’y a pas lieu de douter des problèmes de santé de la mère de la recourante, il ne peut être retenu que l’éventuelle aide apportée à celle-ci l’accaparerait au point qu’elle y passerait ses journées, compte tenu des allégations contraires de la recourante elle-même, qui a déclaré qu’elle passait la semaine à Genève.

En outre, il ressort des relevés bancaires (lisibles) de la recourante de mai 2019 à mars 2023 qu’elle a effectué la majorité de ses achats en France ou à Thônex et Chêne-Bourg et que l’essentiel de ses retraits ont eu lieu dans ces deux derniers lieux, proches de la frontière française.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il apparaît que la recourante a situé le centre de ses intérêts, singulièrement le lieu dans lequel elle habitait entre avril 2019 et avril 2023, en dehors du canton de Genève, soit en France. Les adresses qu’elle a communiquées à l’hospice – comme d’ailleurs à sa banque – étaient utilisées par ses soins uniquement pour y recevoir sa correspondance.

À défaut de disposer d’un domicile en Suisse, la recourante ne remplissait pas les conditions d’octroi de prestations de l’hospice. Celles-ci lui ont donc été indûment allouées. Hormis le fait d’avoir fourni des indications erronées sur son domicile, la recourante doit également se voir reprocher d’avoir caché l’existence de son compte bancaire en France. Cet élément justifie également d’avoir mis un terme aux prestations de l’hospice.

La recourante ne peut se prévaloir de sa bonne foi puisqu’elle a enfreint son obligation d’informer l’intimé, en indiquant faussement dans sa demande de prestations qu’elle résidait à Genève et en cachant l’existence d’un compte bancaire en France, alors qu’en signant le formulaire « Mon engagement » elle s’était obligée à fournir des renseignements corrects et à signaler immédiatement tout changement dans sa situation.

Au vu de ce qui précède, l’hospice n’a pas violé la loi, y compris le principe de la proportionnalité, ni abusé de son pouvoir d’appréciation en réclamant à la recourante le remboursement de l’intégralité des prestations perçues indûment.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu la nature et l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 septembre 2023 par A______ contre la décision de l’Hospice général du 13 juillet 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

 

le président siégeant :

 

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :