Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3773/2021

ATA/818/2023 du 09.08.2023 sur JTAPI/219/2023 ( AMENAG ) , REJETE

Recours TF déposé le 12.09.2023, 1C_452/2023, 1C_525/2022
Descripteurs : DÉCISION;DÉCISION PARTIELLE;ZONE AGRICOLE;CONFORMITÉ À LA ZONE;REMISE EN L'ÉTAT;DROIT CONSTITUTIONNEL À LA PROTECTION DE LA BONNE FOI;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;PROPORTIONNALITÉ;INTÉRÊT PUBLIC;PESÉE DES INTÉRÊTS
Normes : LPA.4; LGEA.3; LGEA.8; LGEA.11; LGEA.23.lete; LGEA.24; LGD.19.al1; LGD.38; LAT.16; LAT.16a; LAT.22; LCI.129; LCI.130; Cst.9; Cst.5.al2
Résumé : Recours contre un jugement du TAPI reportant de deux ans les échéances fixées par le département du territoire pour la remise en état des parcelles agricoles sur lesquelles sont exploitées une gravière et des installations de tri et de recyclage de déchets. Ces activités et installations, non conformes à la zone agricole, ne reposent pas sur une autorisation formelle des autorités compétentes, mais sur une simple tolérance. Les conditions de validité de l’ordre de remise en conformité sont réalisées et la solution retenue par le TAPI tient compte des circonstances particulières du cas d’espèce, en particulier de la tolérance des autorités durant plus de 20 ans pour des motifs d’intérêt public et de la longue procédure de modification de zone qui n’a finalement pas abouti. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3773/2021-AMENAG ATA/818/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 août 2023

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par Me Jean-Jacques MARTIN, avocat

contre

 

COMMUNE B______
représentée par Me Romain JORDAN, avocat

 

et

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

 

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 février 2023 (JTAPI/219/2023)



EN FAIT

A. a. La société A______ SA (ci-après : A______), inscrite au registre du commerce en 1957, avait pour but initial l’exploitation d’une sablière sise au C______ sur la commune de D______, le transport et la vente de sables et de graviers ainsi que toutes opérations s'y rattachant. Depuis 2016, son but social inclut la production de sables, le recyclage, le transport et la vente de sables et de graviers ainsi que toutes opérations s’y rattachant.

b. L’entreprise E______ SA (ci-après : E______), créée en 2019, est active dans le transport et la location de véhicules, l’exploitation de garages, le commerce et la représentation de matériaux de construction.

B. a. Par décision du 13 mai 1958, le département des travaux publics (devenu par la suite le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie [ci-après : DALE]) a autorisé la A______ à construire, sur la parcelle n° 463, feuille ______, (lieu‑dit « F______ »), de la commune B______ (ci-après : la commune), un silo, une installation de triage et de lavage, ainsi qu’un système de filtration des eaux de lavage.

b. À partir du 15 novembre 1958, la commune, propriétaire de la parcelle n° 463, a loué cette dernière à la A______, avec autorisation d’y construire les installations précitées. Le contrat de bail, résilié par la commune pour le 30 juin 1996, a été prolongé à l’issue d’une procédure judiciaire jusqu’au 31 décembre 2002.

c. Dès 2003, la A______ a cessé toute activité sur cette parcelle.

C. a. Le 6 janvier 1983, le département de l’intérieur et de l’agriculture (devenu par la suite le département de l’environnement, des transports et de l’agriculture
[ci-après : DETA)] a autorisé la A______ à exploiter une gravière sur la parcelle n° 85, feuille __, de la commune, avec remise en culture en 1990. Cette parcelle, sise en zone agricole, a par la suite été acquise par E______, alors administrateur de la A______.

b. Le 15 décembre 1983, le DETA a délivré à la A______ une autorisation d’exploiter une gravière sur les parcelles nos 86 et 87 de la commune, en zone agricole et propriétés de E______, prévoyant une remise en culture en 1994.

c. Dans un avenant du 11 octobre 1985, le DETA a étendu la validité de l’autorisation du 15 décembre 1983, aux mêmes conditions et charges, sur une partie des parcelles nos 1'899 et 2'969, contigües à la parcelle no 87.

d. Par avenant du 29 juillet 1986, le DETA a autorisé la A______ à utiliser une station mobile de lavage de matériaux graveleux sur les parcelles nos 85, 86 et 87 (lieu-dit « G______ »). Cette autorisation prévoyait que la date pour le remblayage et la remise en culture des parcelles restait inchangée et que l’installation devrait être déplacée dans une autre gravière en temps utile.

e. Le 3 mai 1993, la A______ a demandé au DALE une autorisation de construire à titre définitif une installation fixe de recyclage, de concassage et de lavage de matériaux, ainsi qu’un radier, sur les parcelles nos 86 et 87 (DD 1______).

f. Le 29 juin 1993, la A______ a sollicité du DETA la prolongation de « 5 ans », « soit jusqu’en 1999 », des autorisations et selon avenant de 1983 et 1986, précisant avoir déposé une demande d’autorisation de construire afin de pouvoir conserver à long terme l’installation de recyclage et de récupération.

g. Par courrier du 21 juillet 1993, le DETA lui a répondu être « disposé » à lui « accorder une prolongation des délais pour les autorisations » et que « les nouveaux délais seraient définis, d’entente avec les autorités communales », dès que le DALE « aurait statué sur la requête DD 1______ qui faisait l’objet d’une enquête publique en dérogation de destination ».

h. Par décision du 15 janvier 1996, le DALE a délivré à la A______ l’autorisation de construire DD 1______.

i. Le 3 septembre 1996, la commission de recours en matière de constructions (ci‑après : la commission de recours, devenue depuis lors le Tribunal administratif de première instance [ci-après : le TAPI]) a annulé l’autorisation précitée. Par arrêt du 5 août 1997, le Tribunal administratif (désormais la chambre administrative de la Cour de justice [ci-après : la chambre administrative]) a rejeté le recours interjeté contre cette décision par la A______ (ATA/442/1997). Cet arrêt est devenu définitif suite au rejet du recours formé à son encontre (arrêt du Tribunal fédéral 1A.242/1997 du 13 février 1998).

D. a. Le 4 juin 1998, le DALE a entamé une procédure de modification des limites de zones sur le territoire de la commune afin notamment de mettre les parcelles nos 85, 86 et 87 en zone industrielle et artisanale (ci-après : ZIA).

b. Interpellé par la commune qui lui demandait de mettre un terme à l’activité illicite de la A______, le DALE a confirmé à celle-ci à plusieurs reprises qu’il n’entendait pas prendre de mesures, compte tenu de la procédure susmentionnée en cours.

c. Le 12 avril 2001, le DALE a informé la A______ que, face au préavis défavorable de la commune, le Conseil d’État ne poursuivrait pas la procédure de modification des limites de zones. Cependant, un déclassement d’importantes surfaces de terrain sur la commune de H______, au lieu-dit « I______ », serait prochainement mis à l’enquête publique et devrait permettre de reloger son exploitation.

d. La A______ n’a pas déménagé dans cette zone industrielle, créée en 2007.

E. a. En 2010, des députés du Grand Conseil ont présenté une proposition de motion (M 2______) pour un plan directeur visant à régulariser la situation de la A______.

b. En 2011, des habitants de la commune ont déposé une pétition concernant l’implantation de la A______.

c. La commission de l’environnement et de l’agriculture a recommandé le dépôt de la pétition au Grand Conseil et le renvoi au Conseil d’État d’une version modifiée de la motion M 2______ datée du 10 janvier 2012.

d. Par courrier du 25 septembre 2012, la commune a indiqué au Conseil d’État qu’elle souhaitait faire preuve de pragmatisme, reconnaissant à l’activité de recyclage déployée par la A______ une incontestable importance économique et une dimension écologique, dès lors que des matériaux de démolition et d’excavation, naguère enfouis dans le sous-sol des gravières et qui ne trouvaient plus de place, pouvaient ainsi être réutilisés à des fins de construction. Si le Conseil d’État décidait de déclasser les terrains concernés afin de régulariser la situation, il serait opportun d’imposer des conditions à l’entrepreneur, en subordonnant un déclassement à un rachat par la commune des terrains, qui seraient mis en droit de superficie. Cette solution permettrait de rassurer sa population et celle des environs, en donnant aux autorités la haute main sur l’affectation de ces terrains.

e. En novembre 2012, le Conseil municipal de la commune a refusé tout nouveau projet de déclassement des parcelles nos 85, 86 et 87. Il a demandé au Conseil d’État de prendre toutes les mesures requises pour faire déménager la A______ dans une zone industrielle.

f. Le Conseil d’État lui a répondu qu’il avait initié un projet de loi de modification des limites de zones afin de créer une ZIA sur les parcelles de la A______, dont l’affectation serait restreinte aux activités de recyclage de matériaux minéraux.

g. Le 25 juillet 2013, le Conseil d’État a soumis un rapport en réponse à la motion M 2______. La A______ revêtant une importance stratégique en matière de valorisation des déchets de chantier minéraux dans le contexte cantonal, les démarches visant au classement en zone industrielle des terrains nécessaires à son activité allaient être poursuivies. La concertation à ce sujet continuait avec la commune. Cette option avait par ailleurs déjà été retenue dans le cadre de l’élaboration du projet de plan directeur cantonal (ci-après : PDC) 2030 (« Mise en conformité d’une installation de traitement et recyclage de déchets minéraux de chantier [commune B______] »), fiche D06 (« Gérer et valoriser les déchets »).

h. Par la suite, la commune a indiqué à réitérées reprises au DALE qu’elle s’opposait à la modification des limites de zones et réclamait l’abandon du projet de déclassement en zone industrielle des parcelles nos 85, 86 et 87, requérant qu’un délai soit fixé à la A______ pour remettre les parcelles en conformité à l’affectation de la zone agricole, puisque ses activités n’étaient pas autorisées.

i. Le DALE lui a confirmé que le Conseil d’État entendait régulariser la situation par la modification de zones, solution expressément inscrite dans le PDC 2030.

j. Le 21 septembre 2016, le Conseil d’État a saisi le Grand Conseil d’un projet de loi (PL 11'976) modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune par la création d’une ZIA affectée à des activités de recyclage de matériaux minéraux au lieu-dit « G______ ».

k. Le 2 novembre 2018, le Grand Conseil a adopté la loi 11'976 et rejeté les oppositions formées à cette modification des limites de zones.

l. Lors des votations du 29 novembre 2020 faisant suite au référendum s’opposant à la loi 11'976, les genevois ont refusé de déclasser ces terrains agricoles en ZIA.

F. a. Dans un courrier du 1er avril 2015, la commune a requis du DETA qu’il soit constaté que le maintien des installations et des activités de la A______ sur les parcelles nos 85, 86 et 87 était illicite et qu’il soit ordonné à celle-ci de suspendre ses activités et évacuer les parcelles de ses installations et constructions dans un délai de 60 jours, d’entreprendre les opérations de remblayage desdites parcelles dans un délai d’un an et de les remettre en culture dans un délai de six mois.

b. Par décision du 4 juin 2015, le DETA a refusé de donner suite à cette demande. L’illégalité des activités de la A______ était connue et des démarches visant à une modification de zones des parcelles concernées étaient en cours. Le déclassement du périmètre faisait également partie intégrante du PDC 2030. Quand bien même les activités de la A______ n’étaient pas réglementées de façon satisfaisante, elles étaient nécessaires pour assurer le traitement efficace et écologique de matériaux de démolition et d’excavation générés par les chantiers genevois, pour les recycler et ainsi pallier l’épuisement des ressources en graves naturelles régionales. Les zones industrielles étaient en l’état insuffisantes dans le canton et l’évacuation des installations de traitement des déchets et la remise en état des parcelles concernées ne pouvaient être entreprises.

c. Par jugement du 26 mai 2016 (JTAPI/520/2016), le TAPI a admis le recours de la commune contre cette décision. Toute exploitation d’une gravière devait être dûment autorisée par le DETA, qui ne jouissait d’aucun pouvoir d’appréciation et ne pouvait tolérer une exploitation sans délivrer une autorisation en bonne et due forme, après analyse des conditions. L’exploitation de la gravière était donc illégale et ne pouvait être tolérée plus longtemps. Elle ne pourrait par ailleurs pas être autorisée en l’état, les parcelles sur lesquelles elle se situait étant en zone agricole. La décision devait être annulée et le dossier renvoyé au DETA pour qu’il rende une décision de cessation de l’exploitation de la gravière et de remise en état immédiate des parcelles.

d. Par arrêt du 26 juin 2018 (ATA/657/2018), la chambre administrative a admis les recours de la A______ et du DETA (devenu le département du territoire [ci‑après : le département]) et rétabli la décision de ce dernier. L’exploitation de la gravière ne reposait que sur une autorisation du 15 décembre 1983 censée être valable jusqu’en 1994, ainsi que sur un courrier du DETA du 21 juillet 1993 prévoyant le prononcé d’une décision ultérieure, lorsque le DALE aurait statué sur la requête en autorisation de construire DD 1______. Or, malgré le refus de cette dernière, consacré par l’arrêt du Tribunal fédéral du 13 février 1998, le DETA n’avait pas renouvelé ou étendu l’autorisation d’exploitation et avait refusé de manière constante de prendre des mesures administratives à l’encontre de la A______. Ainsi, la gravière n’était pas exploitée sur la base d’une autorisation, mais d’une simple tolérance de la part du DETA. Toutefois, le TAPI avait conclu à tort que la cessation de l’exploitation et la remise en état des parcelles s’imposaient automatiquement, sans examen des conditions requises pour la mise en conformité. Compte tenu du fait que le maintien de l’exploitation était projeté par la fiche D06 du PDC 2030 et figurait sur la carte annexe n° 11 (« Gestion des ressources, des déchets et des eaux usées »), que la modification de zones (« G______ ») faisait partie des planifications qui pourraient être mises en vigueur d’ici à la prochaine adaptation du PDC 2030, il fallait considérer, dans ces circonstances exceptionnelles et quand bien même on pouvait regretter l’écoulement du temps et les ajournements des autorités cantonales concernant le déclassement des parcelles en cause, que l’intérêt public de la commune à la cessation de l’exploitation litigieuse sur son territoire et au rétablissement d’une situation conforme au droit devait céder le pas devant l’intérêt privé de la A______ à continuer ses activités et surtout l’intérêt public à ce que le projet de loi PL 11'976 puisse être mené à terme.

e. Saisi par la commune d’un recours en matière de droit public contre l’arrêt du 26 juin 2018 (cause 1C_423/2018), le Tribunal fédéral a suspendu l’instruction jusqu’à droit connu sur le référendum cantonal précédemment évoqué (ordonnance du 7 février 2019, confirmée par ordonnances des 10 juillet et 13 décembre 2019). Suite à la votation populaire du 29 novembre 2020, l’instruction a été reprise (ordonnance du 9 décembre 2020).

Le Tribunal fédéral a suspendu à nouveau la procédure jusqu’à droit connu dans la présente cause (ordonnance du 6 avril 2022), puis repris l’instruction en demandant à la commune et à la A______ de se déterminer sur la question de l’intérêt actuel et pratique à l’annulation de la décision attaquée du 4 juin 2015 (ordonnance du 3 mai 2023). Cette procédure est toujours en cours.

G. a. Par courriers des 6 et 27 mai 2021, l’office cantonal de l’environnement du département a informé la A______ que, conformément à ce qui lui avait été indiqué le 18 mars 2021, le département allait délivrer une décision de remise en état avec restitution des terrains à l’agriculture au 31 décembre 2023.

b. Le 9 juillet 2021, la A______ a fait valoir ses observations.

c. Par décision du 1er octobre 2021, le département a ordonné la cessation des activités de la A______ sur les terrains indiqués par la carte géographique annexée selon le planning suivant : 31 décembre 2021 pour l’interdiction de reprise de nouveaux déchets ; 31 décembre 2022 pour la fin du traitement des matériaux bruts présents sur site ; 31 juillet 2023 pour la fin de l’évacuation des matériaux recyclés présents sur site et le démantèlement des installations ; 31 décembre 2023 pour la fin de la phase de reconstitution des sols conformément à la carte géographique annexée ; 31 décembre 2026 pour la fin de la phase transitoire de remise en culture et la restitution des terrains à l’agriculture (ch. 1 let. a à e).

Il a indiqué les exigences de réalisation relatives à la reconstitution des sols et à la remise transitoire en culture (ch. 2) et précisé les mesures pour la reconstitution de sols agricoles (ch. 3). Il a dit que les travaux de remise en état devaient faire l’objet d’un suivi pédologique par un spécialiste de la protection des sols reconnu par le canton (ch. 4) et demandé la transmission de plusieurs documents (ch. 5). Enfin, il a constaté qu’aucune indemnité n’était due par l’État à la A______ (ch.6).

H. a. Le 2 novembre 2021, la A______ a recouru auprès du TAPI contre cette décision du 1er octobre 2021, concluant à son annulation et à ce qu’il soit dit que l’État de Genève avait l’obligation de trouver une parcelle de remplacement conforme à son activité de recyclage, d’une taille équivalente, et qu’aucune mesure de remise en état ne pouvait être prise à son encontre dans cette attente. Subsidiairement, un délai de dix ans devait lui être accordé pour mettre fin à son activité sur le site « G______ » et remettre les parcelles en conformité à un usage agricole.

b. Le département a conclu au rejet du recours.

c. Par décision du 25 janvier 2022 (DITAI/3______/2022), le TAPI a admis la demande d’intervention de la commune.

d. La commune a conclu préalablement au retrait de l’effet suspensif au recours et principalement à son rejet.

e. Par décision du 7 juin 2022 (DITAI/4______/2022), le TAPI a rejeté la demande de retrait de l’effet suspensif au recours. Compte tenu du projet de relocalisation en cours déjà bien avancé, de l’intérêt public et privé à la poursuite de l’activité de la A______ jusqu’à son déplacement sur le nouveau site et de l’absence de préjudices imminents et irrémédiables pour la commune et ses habitants, l’intérêt au maintien de la situation actuelle devait primer sur celui de la commune à voir la décision du 1er octobre 2021 immédiatement exécutée, et ce jusqu’à ce qu’il soit statué sur le bien-fondé du recours.

Par arrêt du 23 août 2022 (ATA/832/2021), la chambre administrative a déclaré irrecevable le recours interjeté par la commune contre la décision précitée, au motif que l’effet suspensif au recours ne causait pas de préjudice irréparable et que l’admission du recours ne mettrait pas fin au litige.

Le recours contre cet arrêt a été rejeté par le Tribunal fédéral (arrêt 1C_5______/2022 du 16 janvier 2023).

f. La A______ a indiqué au TAPI que des discussions avancées étaient en cours avec le département et la Fondation pour les terrains industriels de Genève (ci‑après : FTI) au sujet de son installation sur une parcelle de remplacement et que des projets de convention étaient à l’étude. Une promesse de droit de superficie sur la parcelle n° 4'629 de la commune de K______ était sur le point d’être signée.

g. Dans le cadre de l’instruction de la cause, le TAPI a entendu les parties et J______, directeur général de la FTI.

h. Par jugement du 22 février 2023, le TAPI a partiellement admis le recours (ch. 2) et dit que les échéances de la décision du 1er octobre 2021 étaient reportées de deux ans (ch. 3).

Les autorisations avaient pris fin à l’échéance des délais initialement fixés dans les décisions de 1983, faute d’avoir été prolongées. Le courrier du 21 juillet 1993, qui avait pour seul but d’informer la A______ des conditions auxquelles le département entrerait en matière sur l’octroi de la prolongation des autorisations demandée, ne pouvait être qualifié de décision. Les conditions préalables n’ayant jamais été remplies, le service n’avait pas eu à entrer en matière sur la prolongation. Il n’y avait donc pas lieu d’examiner si les conditions d’une révocation étaient remplies et les éventuelles conséquences qui en découleraient.

La non-conformité de l’activité litigieuse à la zone était connue de la A______, qui n’était au bénéfice d’aucune autorisation d’exploiter. Les démarches initiées par le département en 1998 en vue d’un déclassement des parcelles nos 85, 86 et 87 n’avaient pas abouti. Entre 1998 et les votations de novembre 2020 faisant suite au référendum s’opposant à la loi 11'976, l’activité de la A______ avait néanmoins été tolérée, les autorités soulignant son intérêt public et se refusant à y mettre un terme aussi longtemps que la procédure de modification de zones serait en cours, tout en reconnaissant l’illégalité des activités. La commune avait pour sa part régulièrement demandé au département de faire cesser l’activité illicite. Partant, la A______ exploitait en l’état des installations sur des parcelles non conformes à leur affectation et sans autorisation d’exploiter, violant ainsi la loi sur les gravières et exploitations assimilées du 28 octobre 1999 (LGEA - L 3 10) et la loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20).

Concernant la validité de l’ordre de mise en conformité, les parcelles et installations concernées se trouvaient en zone agricole, de sorte que la prescription trentenaire ne leur était pas applicable.

Les installations litigieuses n’étaient pas susceptibles d’être reconnues comme conformes au droit et leur démantèlement relevait d’un intérêt public majeur l’emportant sur l’intérêt privé purement financier de la A______. Si l’intérêt public au maintien de l’exploitation litigieuse devait être pris en compte, ce ne serait pas au détriment de l’intérêt public de rang constitutionnel lié au respect de la séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire, de l’intérêt de la commune à la cessation d’une exploitation illicite sur son territoire et au respect de la volonté populaire. Dans la mesure où la A______ avait indiqué que des discussions étaient en cours avec le canton pour trouver une solution de remplacement pour son activité essentielle de recyclage, l’intérêt public à la poursuite de cette activité était dûment et suffisamment pris en compte. La volonté de l’État de régulariser la situation par la voie de la planification ne pouvait être comprise comme l’assurance que la A______ pourrait continuer à long terme son activité. En outre, cette société savait depuis de nombreuses années que sa situation était précaire et que même si le Conseil d’État essayait de la régulariser, cette décision ne dépendait pas que de lui, la loi modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune devant d’abord être votée par le Grand Conseil puis passer le référendum. La A______ était malvenue d’invoquer le principe de la bonne foi, lequel devait au contraire lui être opposé, dans la mesure où elle avait pu bénéficier d’une tolérance des autorités depuis 1998 et qu’elle savait que la poursuite de son activité requérait que la procédure de modification de zone aboutisse.

Concernant les délais impartis pour la remise en l’état, il pouvait être tenu compte de la situation inhabituelle qui opposait deux intérêts publics importants, soit celui au maintien de l’affectation de la zone agricole et celui lié au recyclage des déchets, de la longue procédure de modification de zones qui n’avait finalement pas abouti, et de la tolérance de l’activité concernée en zone agricole durant plus de 20 ans. Compte tenu des intérêts privés de la A______ à ne pas devoir cesser définitivement l’activité et de ses employés à ne pas perdre leur emploi, des intérêts publics déjà mentionnés, de la volonté populaire de ne pas pérenniser l’exploitation illicite et des intérêts de la commune et de ses habitants à ne plus subir les nuisances, de la sécurité du droit à voir rétablie une situation conforme au droit, de l’urgence relative, des difficultés avérées à trouver un terrain de remplacement et des démarches déjà bien avancées aux fins de relocaliser la A______, il reportait au 31 décembre 2023 le délai d’exécution de la première étape du planning de la cessation des activités, et repoussait de deux ans les autres délais fixés afin de tenir compte de ce report.

I. a. Par acte du 20 mars 2023, la A______ a interjeté recours contre ce jugement par-devant la chambre administrative. Elle a conclu à l’annulation de celui-ci de même qu’à celle de la décision du 1er octobre 2021, à ce qu’il soit dit que l’État de Genève avait l’obligation de trouver une parcelle de remplacement conforme à son activité de recyclage et d’une taille équivalente, qu’en attente de cette solution aucune mesure de remise en état ne pourrait être prise à son encontre. Subsidiairement, elle a requis qu’il soit dit qu’un délai de 10 ans devait lui être accordé pour mettre fin à son activité sur le site de « G______ » et remettre les parcelles conformes à l’agriculture. Plus subsidiairement, elle a sollicité qu’il soit dit que les délais suivants lui étaient fixés dès l’entrée en force de l’autorisation de construire et d’exploiter la parcelle n° 4'629 de la commune de K______ : cessation de l’alimentation en matériaux de démolition du site de « G______ » : un an ; Fin du traitement des matériaux bruts présents sur le site : deux ans ; Fin de l’évacuation des matériaux recyclés présents sur le site et démantèlement des installations : trois ans ; Remise en culture des parcelles du site : six ans.

Son activité reposait sur le courrier du 21 juillet 1993, par lequel le DETA avait prolongé l’autorisation provisoire de 1986 d’exploiter une gravière et d’utiliser une station mobile de lavage, jusqu’à l’issue des démarches entreprises pour obtenir une autorisation définitive du DALE. Cette lettre créait donc bien des droits et reportait la décision éventuelle de démantèlement des installations sans en fixer le terme. Elle devait être qualifiée de décision administrative partielle admettant sur son principe le renouvellement des autorisations demandées, mais remettant à plus tard le prononcé d’une décision finale statuant sur les délais y afférents. La décision du 21 juillet 1993 n’était pas affectée, à tout le moins sous l’angle formel, par l’arrêt du Tribunal fédéral du 13 février 1998, qui confirmait l’annulation de l’autorisation de construire délivrée par le DALE et n’avait donc pas d’effet direct sur la procédure devant le DETA qui concernait l’exploitation de la gravière et les installations liées. Cette décision du 21 juillet 1993 n’avait jamais été révoquée par les autorités compétentes, de sorte qu’elle était toujours en force, ce qui l’autorisait à exploiter une gravière sur les parcelles nos 85, 86 et 87 et à utiliser l’installation mobile de lavage. Le département ne pouvait passer à une phase de mesures administratives, soit la fixation d’un délai pour la restitution des parcelles à l’agriculture, sans avoir préalablement pris une décision sur le sort de l’autorisation provisoire d’exploiter qui durait depuis 37 ans.

L’intérêt public à la sécurité du droit, le principe de la confiance, l’intérêt public important lié au traitement des déchets de chantier du canton de Genève, reconnu par le PDC, les autorités législatives et la Cour de justice dans son arrêt du 26 juin 2018, ainsi que son intérêt privé à la poursuite de l’activité s’opposaient à la révocation de la décision.

L’écoulement du temps, l’inaction et les refus répétés des autorités cantonales d’ordonner la remise en état, et l’existence d’une autorisation formellement valide avaient légitimement fait naître chez elle une confiance dans la légalité de ses activités, ou du moins dans la pérennité de sa situation. De plus, l’arrêt des activités de recyclage mettrait en difficulté la gestion cantonale des déchets. Il existait donc un intérêt tant public que privé à leur maintien. Dans la mesure où les décisions litigieuses avaient été rendues il y avait plus de 37 ans (pour l’autorisation d’utiliser une station mobile de lavage) et 30 ans (pour la décision prolongeant l’autorisation d’exploiter une gravière), le droit d’invoquer des irrégularités était désormais prescrit. La prescription était aussi acquise en faisant courir le délai depuis l’arrêt du Tribunal fédéral de 1998.

Aucun intérêt public évident ne semblait requérir une remise en état immédiate, sinon le souci de respecter la volonté populaire, et une remise en état progressive à moyen terme lui permettrait de minimiser les conséquences économiques liées à l’arrêt de son activité sur les parcelles concernées et permettrait à l’État de Genève de bénéficier du temps nécessaire pour adapter sa stratégie de gestion des déchets de chantier. Un délai de dix ans était nécessaire pour écouler le stock, démonter les installations et remettre la terre cultivable. Les délais très courts fixés par le département puis par le TAPI violaient le principe de la proportionnalité puisqu’ils signifiaient l’arrêt immédiat de son activité de recyclage et la perte d’importants emplois pour l’ensemble du groupe E______.

En outre, sa bonne foi devait être protégée. Depuis l’arrêt du Tribunal fédéral de 1998, le canton de Genève avait toujours indiqué qu’il entendait régulariser ses activités de recyclage. Tant sous l’aspect du classement de la zone que sous celui de la tolérance de la situation, les assurances données par les autorités cantonales compétentes apparaissaient dignes de foi. Sa confiance avait été renforcée par le comportement de l’autorité, qui avait entamé une procédure de planification et refusé d’ordonner la remise en état des parcelles pendant plus de 20 ans. Les autorités communales avaient changé plusieurs fois d’avis, en renonçant à solliciter le démantèlement des installations au début des années 2000 et allant jusqu’à recommander au canton de faciliter le déplacement de ses activités par un subventionnement, voire en acceptant le changement de zones sous réserve de la maîtrise foncière des parcelles. En raison des exigences découlant de la législation sur l’environnement, elle avait procédé à des investissements importants, consentis sur la base de l’assurance de la pérennité de son activité. L’argumentation du TAPI faisait fi de la longue tolérance dont elle avait joui et de la reconnaissance par toutes les instances du caractère essentiel de son activité pour l’économie et l’écologie genevoise. Les promesses de l’État et l’assurance d’une pérennité de l’activité reconnue d’intérêt public créaient pour l’État une obligation de rechercher avec elle une solution permettant la continuation de l’activité, si nécessaire sur un autre site. Tant que cette solution ne serait pas trouvée, l’État ne pourrait exiger son départ, qui équivaudrait à l’extinction de l’entreprise et le chômage de 45 personnes.

L’attitude des autorités cantonales à son égard depuis 35 ans pouvait être assimilée à un contrat de planification conclu tacitement ou par actes concluants. Les autorités cantonales s’étaient engagées à pérenniser ses activités, en particulier à classer les parcelles sur lesquelles elle se situait en ZIA. En contrepartie, elle s’était engagée à continuer ses activités de recyclage de déchets de chantier et à investir des sommes importantes pour rendre l’exploitation conforme aux normes environnementales. L’existence d’un contrat de planification ou d’un quasi-contrat impliquait que l’obligation de l’État à trouver un lieu pour qu’elle puisse continuer son activité, obligation qui rendait impossible l’exigence d’un départ aussi longtemps qu’une solution de remplacement ne serait pas trouvée. L’inexécution ou l’exécution partielle des obligations découlant d’un contrat de droit administratif ouvrait par ailleurs la voie à une indemnisation par le mécanisme de la responsabilité contractuelle, questions qui n’avaient pas été examinées par le TAPI.

Un contrat de promesse de droit de superficie était sur le point d’être signé avec la FTI, développé en partenariat avec L______, pour un nouveau projet de recyclage sur une parcelle à K______ qui convenait aux autorités et était conforme à la zone. Un dossier d’autorisation de construire et d’exploiter avait été déposé auprès du département le 2 mars 2023, après consultation de tous les services et de la commune de K______. Il prévoyait la construction d’une halle et d’autres installations pour un coût de plus de CHF 11'000'000.- qu’elle était prête à financer. Un tel déménagement n’avait de sens que si son activité pouvait se dérouler sans interruption et un délai au 31 décembre 2023 était trop court, puisque le site de K______ pourrait être disponible seulement à fin 2025 en principe, si aucun recours n’était déposé. L’État avait pris ses responsabilités en lui proposant une parcelle de remplacement, mais il devait encore faire en sorte que la vie de l’entreprise puisse continuer jusqu’au déménagement.

Comme toute collectivité publique, une commune ne pouvait pas constamment changer de position au risque de violer le principe de la confiance. En l’occurrence, elle l’avait poussée à rassembler ses activités sur le site de « G______ » afin de libérer la parcelle qu’elle lui louait précédemment. En 1993, elle avait appuyé sa demande d’autorisation définitive pour les installations de recyclage, avant de recourir contre l’autorisation octroyée. Suite à l’arrêt du Tribunal fédéral de 1998, elle avait demandé la cessation de l’activité, s’opposant au projet de déclassement du département, avant de renoncer à exiger son départ après l’abandon du projet de loi. En 2001, elle avait salué le caractère d’intérêt public de son activité et suggéré une subvention étatique afin de faciliter son déménagement au « I______ », qui n’avait pas eu lieu car aucune proposition de relogement ne lui avait été faite par la FTI. Entre 2001 et 2012, la commune n’avait plus rien entrepris à l’encontre de son activité, à l’instar de l’État. En 2012, elle avait appuyé la motion du Grand-Conseil demandant la formalisation de son activité par le biais d’une loi de changement de zones, puis avait requis la cessation de l’activité. Ces changements d’attitude avaient été causés par les changements au sein du Conseil municipal et de l’exécutif.

Il fallait enfin se demander si la commune avait un droit propre d’exiger de l’État, seul compétent en la matière, des mesures contre une personne considérée comme « perturbatrice » qui pourrait aller au-delà de la position du département compétent. Ce point était important car le département s’était opposé à la levée de l’effet suspensif du recours et n’avait pas recouru contre la décision du TAPI du 7 juin 2022. La commune avait le rôle de dénonciateur, lequel n’avait aucun droit à ce que sa dénonciation soit suivie d’effets, sauf si ses intérêts étaient directement touchés par la situation dénoncée et la décision requise de l’autorité administrative, ce qui n’était en l’occurrence pas le cas. La commune ne jouissait d’aucune compétence dans le domaine de l’aménagement du territoire. La question se posait donc de savoir si la commune avait un intérêt digne de protection à obtenir des mesures immédiates à son encontre.

b. Par écriture du 5 mai 2023, la commune a conclu, préalablement, au retrait de l’effet suspensif du recours concernant le ch. 3 du dispositif du jugement attaqué dans la mesure où il renvoyait au ch. 1 let. a de la décision du 1er octobre 2021, de sorte que l’interdiction de reprise de nouveaux déchets à compter du 31 décembre 2023 soit immédiatement exécutoire. Principalement, elle a conclu au rejet du recours.

Elle avait un intérêt légitime à ce que la recourante réduise le volume de nouveaux déchets, notamment en raison du trafic de poids lourds. Le retrait partiel de l’effet suspensif au recours empêcherait le stockage et le traitement des matériaux de manière illégale, tout en laissant le temps à l’autorité judiciaire de contrôler les autres points de la décision.

Depuis les autorisations de 1983 et 1986, la recourante n’avait jamais obtenu d’autre autorisation, que ce soit pour modifier l’installation mobile ou construire de nouvelles installations, exploiter une gravière ou recycler des déchets. Définitivement fixée depuis l’arrêt du Tribunal fédéral de 1998 sur le fait que ses installations, et donc ses activités, ne pourraient pas être autorisées en zone agricole, elle n’avait entrepris aucune démarche sérieuse en vue de les déplacer sur un terrain adapté, avait choisi de demeurer dans l’illégalité et même investi dans de nouvelles installations. Ce n’était qu’en janvier 2021, soit après la votation populaire du 20 novembre 2020, qu’elle avait pris contact avec la FTI pour trouver un site de remplacement. Le 2 mars 2023, soit quelques jours seulement avant le dépôt de son recours, elle avait déposé une demande d’autorisation de construire et d’exploiter sur la parcelle n° 4'629 de la commune de K______, appartenant à la FTI. Le projet de transfert de ses activités comportait de très nombreuses incertitudes et au vu de ses conclusions, la recourante entendait maintenir son activité de recyclage illicite le plus longtemps possible, au préjudice de la commune et de ses habitants. Le recours était une démarche dilatoire visant à gagner dix ans supplémentaires.

c. Dans son écriture du 5 mai 2023, l’autorité intimée a conclu au rejet du recours.

Le courrier du 21 juillet 1993 ne pouvait pas être considéré comme une décision. Cela étant, même en l’admettant, la demande de prolongation de l’autorisation d’exploiter portait sur une durée de cinq ans, ce qui aurait de toute façon fait échoir l’autorisation au plus tard en 1999, sans qu’une nouvelle demande de prolongation n’ait été requise par la recourante.

Selon ses estimations, le volume de matériaux bruts stockés sur le site de la recourante représentait environ une année de capacité de traitement de l’entreprise. Les travaux de démolition à entreprendre étaient relativement modestes et une partie des installations avait un caractère mobile ou déplaçable. Les délais figurant dans le planning proposé par la recourante étaient trop longs et insuffisamment motivés. Il n’était pas vraisemblable qu’elle ait besoin de dix ans pour une remise en état. Le retour des parcelles à l’agriculture se faisait en plusieurs phases, à savoir le démantèlement des installations et l’évacuation des matériaux bruts et recyclés présents sur site (environ un an et demie), la reconstitution des sols (environ quatre mois), la période transitoire de remise en culture (environ trois ans).

La situation avait peu évolué depuis le prononcé du jugement litigieux dès lors que le contrat constitutif de droit de superficie était toujours en attente d’être signé par les parties et que les requêtes d’autorisation relatives à la nouvelle exploitation n’étaient pas en possession des autorités cantonales.

d. Le 31 mai 2023, la recourante a conclu à ce que la commune soit déboutée de sa demande de levée de l’effet suspensif au recours. Elle a sollicité que soient entendus M______, l’un de ses administrateurs, N______, architecte, O______, ingénieur civil, et P______, ingénieur en environnement, et que soit désigné un expert pour analyser les effets d’une interruption de son activité sur elle-même et sur la société E______.

La chambre administrative avait déjà statué dans la même procédure sur la demande de la commune de lever l’effet suspensif du recours par arrêt du 23 août 2022, confirmé par le Tribunal fédéral, et rien ne permettait de juger en l’état différemment.

Elle offrait de prouver par les actes d’instruction requis les délais nécessaires à l’obtention des autorisations de construire et d’exploiter et à la construction de la halle fermée, et que toute interruption de son activité avant le démarrage de l’exploitation du site de K______ aurait un effet délétère sur elle-même et sur E______.

Son activité était intrinsèquement liée à celle de E______ qui transportait les matériaux et déchets de chantier et lui sous-traitait la partie tri, traitement et recyclage. Une cessation d’activité sur le site litigieux, avant même que la A______ puisse démarrer son activité à K______ porterait atteinte aux deux sociétés qui seraient dans l’obligation de licencier de nombreux collaborateurs, voire de déposer leur bilan.

Le contrat de promesse de droit de superficie avec la FTI devait être signé incessamment, ce qui lui permettrait de déposer sa requête en autorisation de construire et d’exploiter, dont l’examen par l’administration devrait prendre six mois. La construction de la halle et des infrastructures connexes prendrait un an. Sous réserve d’un recours de tiers, l’exploitation à K______ ne pourrait pas commencer avant le début de l’année 2025.

Le canton avait privilégié la voie du déclassement depuis 1998 en essayant par deux fois de mettre sur pied une loi. Il n’avait pris aucune mesure à l’encontre de l’activité litigieuse, allant même jusqu’à s’opposer aux mesures réclamées par la commune à intervalles irréguliers. Elle comptait donc sur le canton pour obtenir une autorisation d’exploiter en bonne et due forme et s’était contentée, dans l’intervalle, de l’autorisation d’une station mobile provisoire accordée en 1986 et prolongée le 21 juillet 1993, tout en y apportant les améliorations commandées par les instances de protection de l’environnement.

Elle allait investir plus de CHF 13'000'000.- dans la nouvelle installation, de sorte que ses intérêts privés étaient très importants, de même que l’intérêt public à garder une entreprise qui gérait plus de 30% des déchets de chantier du canton.

e. Le 13 juin 2023, la recourante a transmis à la chambre de céans copie de la promesse de droit de superficie signée avec la FTI les 22 mai et 12 juin 2023, accompagnée de ses sept annexes. Il était indispensable que des délais suffisants lui soient accordés pour lui permettre d’obtenir une autorisation de construire et d’exploiter, et de construire les bâtiments nécessaires à l’exploitation fermée du site. Le dossier de requête en autorisation allait être déposé.

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur les demandes d’actes d’instruction et sur le fond.

g. Le 27 juin 2023, la recourante a envoyé à la chambre de céans l’avis de réception de l’autorisation de construire DD 6______ du 26 juin 2023.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé du jugement du TAPI du 22 février 2023 qui a reporté de deux ans les échéances fixées dans la décision du 1er octobre 2021, confirmée pour le surplus.

3.             À titre préalable, la recourante sollicite que la chambre de céans procède à une audition des parties, entende des témoins et mette en œuvre une expertise afin d’analyser les effets que causerait une interruption de son activité sur elle-même et sur E______.

3.1 Le droit d’être entendu, tel qu'il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 134 I 140 consid. 5.3).

3.2 En l’occurrence, la recourante a eu l’occasion de produire toutes pièces utiles et de faire valoir ses arguments par écrit devant le TAPI, lequel a en outre procédé à des mesures d’instruction, puis devant la chambre de céans. Cette dernière dispose d’un dossier complet et en état d’être jugé.

Les actes d’instruction demandés par la recourante afin de déterminer précisément les conséquences d’une interruption de ses activités ne sont pas susceptibles d’apporter des éléments conduisant à une issue différente du litige, compte tenu des intérêts publics en jeu (cf. consid. 5.5).

Dans ces conditions, la demande d’instruction de la recourante ne s'avère pas nécessaire, de sorte qu’il n’y sera pas donné suite.

4.             Dans un premier grief, la recourante soutient que le courrier du 21 juillet 1993 du DETA devrait être qualifié de décision administrative partielle admettant sur son principe le renouvellement des autorisations d’exploiter une gravière sur les parcelles nos 85, 86 et 87 de la commune, mais remettant à plus tard le prononcé d’une décision finale statuant sur les délais y afférents.

4.1 Selon l’art. 4 LPA sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (al. 1 let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (al. 1 let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (al. 1 let. c). Sont également considérées comme décisions les décisions incidentes, les décisions sur réclamation ou recours, les décisions prises en matière de révision et d’interprétation (al. 2). Lorsqu’une autorité rejette ou invoque des prétentions à faire valoir par voie d’action judiciaire, sa déclaration n’est pas considérée comme une décision (al. 3). Lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (al. 4).

Cette disposition définit la notion de décision de la même manière que l’art. 5 al. 1 de la loi fédérale sur la procédure administrative (PA - RS 172.021 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2015, p. 101).

4.2 Pour déterminer s’il y a ou non décision, il y a lieu de considérer les caractéristiques matérielles de l’acte. Un acte peut ainsi être qualifié de décision (matérielle), si, par son contenu, il en a le caractère, même s’il n’est pas intitulé comme tel et ne présente pas certains éléments formels typiques d’une décision, telle l’indication des voies de droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 du 4 décembre 2017 consid. 2.1 et les références citées).

Il ne suffit pas que l’acte querellé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui‑ci vise des effets juridiques. Sa caractéristique en tant qu’acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l’administré par la volonté de l’autorité, mais sur la base de et conformément à la loi (ATA/1148/2022 du 15 novembre 2022 consid. 2b ; ATA/1656/2019 précité consid. 2c ; ATA/385/2018 précité consid. 4c). La décision a pour objet de régler une situation juridique, c’est-à-dire de déterminer les droits et obligations de sujets de droit en tant que tels. Ce critère permet d’écarter un certain nombre d’actes qui ne constituent pas des décisions, comme les actes matériels, les renseignements, les recommandations ou les actes internes de l’administration (Benoît BOVAY, op. cit., p. 339 ss).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en droit public, la notion de décision au sens large vise habituellement toute résolution que prend une autorité et qui est destinée à produire un certain effet juridique ou à constater l’existence ou l’inexistence d’un droit ou d’une obligation ; au sens étroit, c’est un acte qui, tout en répondant à cette définition, intervient dans un cas individuel et concret (ATF 135 II 328 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 précité consid. 2.1). La notion de décision implique donc un rapport juridique obligatoire et contraignant entre l’autorité et l’administré. De simples déclarations, comme des opinions, des communications, des prises de position, des recommandations et des renseignements n’entrent pas dans la catégorie des décisions, faute de caractère juridique contraignant (arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2016 du 11 septembre 2017 consid. 2.2 ; 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2).

Dans tous les cas, la notion de décision administrative se définit comme un acte de souveraineté qui règle de façon impérative et contraignante une situation concrète soumise au droit administratif, soit en créant des droits et des obligations, soit en en constatant l’existence ou l’inexistence. En d’autres termes, la notion de décision vise d’une manière générale toute mesure que prend une autorité dans un cas concret en vue de produire un certain effet juridique (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, p. 269, n. 784 ; ATF 135 II 38 ; ATF 126 II 300 ; ATF 125 I 313).

Selon la jurisprudence, on doit assimiler à la décision finale les décisions partielles qui statuent définitivement sur une question de fond sans mettre fin au litige. Par exemple, une décision statuant sur le principe de l’expropriation, avant la décision globale sur l’estimation du terrain en cause ; la décision qui concerne un élément du revenu imposable avant la taxation globale ou encore la décision rejetant l’action envers l’un des deux consorts formant une société simple (Benoît BOVAY, op. cit., p. 357 s. et les références citées ; ATA/1672/2019 du 12 novembre 2019 consid. 3c).

4.3 En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral (ATA/1148/2022 du 15 novembre 2022 consid. 2b ; ATA/1656/2019 du 12 novembre 2019 consid. 2b et les références citées), ce qui est également valable pour les cas limites, ou plus exactement pour les actes dont l’adoption n’ouvre pas de voie de recours. Ainsi, de manière générale, les communications, opinions, recommandations et renseignements ne déploient aucun effet juridique et ne sont pas assimilables à des décisions, de même que les avertissements ou certaines mises en demeure (arrêts du Tribunal fédéral 1C_150/2020 du 24 septembre 2020 consid. 5.2 ; 1C_593/2016 du 11 septembre 2017 consid. 2.2 ; ATA/142/2023 du  14 février 2023 consid. 4c ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 279 ss n. 783 ss).

4.4 Selon l’art. 1 LGEA, cette loi s’applique aux exploitations à ciel ouvert de gravier, sable et argile (ci-après : gravières ; al. 1). Elle régit également le remblayage des gravières après exploitation (ci‑après : décharges contrôlées), ainsi que les travaux inhérents à l’affectation et au réaménagement futurs des terrains (al. 2).

À teneur de son art. 2, la LGEA a pour but de planifier l’extraction des matériaux nécessaires aux constructions et aménagements publics et privés en vue d’une utilisation rationnelle du territoire et des ressources naturelles (al. 1 let. a), de garantir un approvisionnement du canton en gravier, sable et argile indigènes en quantité et diversité suffisantes, compatible avec le principe du développement durable (al. 1 let. b), de veiller à un remblayage des gravières par des matériaux inertes dans le respect des dispositions de la législation fédérale et de la législation cantonale en matière de gestion des déchets (al. 1 let. c). La poursuite de ces objectifs doit, en particulier, tenir compte de la nécessité de ne porter atteinte ni aux zones de protection des eaux souterraines, ni aux nappes d’eau qui sont en liaison directe avec un cours d’eau et d’empêcher toute ouverture de gravière au-dessous du niveau des nappes souterraines exploitées (al. 2 let. a), de préserver les zones d’habitation, les zones viticoles, de bois et forêts, les sites et les paysages dignes d’intérêt et les biotopes d’importance régionale et locale, de toute exploitation  (al. 2 let. b), d’assurer la sécurité de la circulation sur la voie publique et d’y limiter les nuisances dues au bruit ou à la pollution de l’air, en relation avec le trafic des camions provoqué par l’exploitation des gravières (al. 2 let. c).

Afin de garantir le respect de ces buts, l’art. 3 LGEA prévoit que l’exploitation des gravières et décharges contrôlées est subordonnée à l’élaboration d’un plan directeur des gravières (let. a), à l’adoption d’un plan d’affectation, dit « plan d’extraction » (let. b), à l’octroi d’une autorisation d’exploiter (let. c).

Conformément à l’art. 8 LGEA, nul ne peut ouvrir une gravière avant que le département n’ait délivré une autorisation d’exploiter (al. 1). Cette autorisation porte sur la phase d’extraction et de traitement des matériaux (al. 2 let. a) ; la phase d’exploitation de la décharge pour matériaux inertes (remblayage ; al. 2 let. b) ; la phase de remise en état des lieux (al. 2 let. c).

L’art. 11 LGEA précise que l’autorisation comprend notamment la durée maximum de l’exploitation. Elle peut être assortie de conditions et de charges conformes au plan d’extraction et au résultat de l’étude ou de la notice d’impact.

Les art. 23 let. e et 24 LGEA permettent au département, en cas de violation par le propriétaire ou l’exploitant des obligations leur incombant en vertu de la présente loi, d’ordonner la remise en état des lieux ou la réparation d’un bien naturel ou environnemental lésé.

4.5 Selon l’art. 1 LGD, cette loi a pour but de régler la gestion de l’ensemble des déchets résultant d’activités déployées sur le territoire du canton ou éliminés à Genève, à l’exclusion des déchets radioactifs. Elle constitue la loi d’application des dispositions prévues en matière de déchets de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (loi sur la protection de l’environnement, LPE - RS 814.01) et de ses ordonnances d’application.

Conformément à l’art. 3 LGD, sont qualifiés de déchets au sens de cette loi, toutes les choses provenant de l’activité ménagère, artisanale, commerciale, industrielle ou agricole dont le détenteur se défait ou dont l’élimination est commandée par l’intérêt public (al. 1). Sont notamment qualifiés de déchets de chantier, les déchets provenant des travaux de construction, de transformation, de démolition ou d’excavation de matériaux non pollués (al. 2 let. d). On entend par élimination des déchets leur tri, leur recyclage, leur valorisation, leur neutralisation ou leur traitement. Les stockages provisoires et définitifs sont assimilés à l’élimination. Ne sont pas considérés comme élimination la collecte et le transport (al. 4). On entend par installations d'élimination de déchets toutes choses mobilières ou immobilières ainsi que leurs parties intégrantes et accessoires destinées à l’élimination des déchets (al. 5).

L’art. 19 al. 1 LGD prévoit qu’aucune installation d’élimination des déchets ne peut être créée, modifiée ou transformée sans faire l’objet d’une autorisation d’exploiter prévue par la présente loi.

En application de l’art. 38 LGD, lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la présente loi, des règlements qu’elle prévoit ou des ordres donnés en application de ces dispositions légales ou réglementaires, le département peut ordonner, notamment, la remise en état, la réparation et la modification d’une installation ou d’un bien naturel ou environnemental lésé (let. e), la suppression ou la démolition d’une installation (let. f), toutes mesures nécessaires à la réhabilitation d’un bien naturel ou environnemental lésé (let. g).

4.6 En l’espèce, dans son courrier du 21 juillet 1993, le DETA s’est déclaré « disposé » à une prolongation des autorisations, tout en exposant très clairement que de nouveaux délais seraient définis ultérieurement, dès que le DALE aurait statué sur la requête en autorisation de construire DD 1______, d’entente avec les autorités communales.

Ainsi, contrairement à ce que soutient la recourante, cette missive n’admet pas, sur le principe, le renouvellement des autorisations demandées. Elle contient une simple information lui précisant que de nouvelles échéances pourraient être fixées ultérieurement, sans viser des effets juridiques. Elle n’a donc en aucun cas réglé la situation concrète de la recourante, de manière impérative et contraignante, et n’a pas tendu à modifier sa situation juridique, ni à constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits. Elle n’est donc pas une décision « partielle » qui admettrait le renouvellement des autorisations d’exploiter une gravière.

À toutes fins utiles, la chambre de céans rappellera que toute exploitation d’une gravière est subordonnée à l’octroi d’une autorisation d’exploiter, laquelle porte notamment sur la phase de remise en état des lieux et doit mentionner la durée maximum de l’exploitation, de sorte qu’il n’est pas plausible que le DETA ait pu admettre « le principe » d’un renouvellement sans fixer les délais requis. De plus, l’autorisation délivrée par le DALE le 15 janvier 1996 a été annulée par décision de la commission de recours du 3 septembre 1996, annulation confirmée en dernier lieu par arrêt du Tribunal fédéral du 13 février 1998. Il sera également rappelé que le courrier du 21 juillet 1993 répondait à celui de la recourante du 29 juin 1993, sollicitant la prolongation des autorisations délivrées en 1983 et 1986, pour une durée de cinq ans, « soit jusqu’en 1999 ». Une éventuelle prolongation serait donc de toute façon arrivée à échéance cette année-là. Qui plus est, l’intéressée a reçu en 1983 des autorisations d’exploiter une gravière sur les parcelles nos 85, 86 et 87, avec remise en culture de l’ensemble des terrains en 1990 pour la parcelle n° 85 et en 1994 pour les parcelles nos 86 et 87. Par avenants de 1985 et 1986, elle a été autorisée à étendre ses activités sur une partie des terrains contigus, respectivement à utiliser une station mobile de lavage, sans prolongation desdits délais. Or, elle ne s’en est pas tenue à ces autorisations, puisqu’elle a étendu ses activités à la gestion et au recyclage de déchets minéraux provenant des chantiers, sans jamais avoir obtenu les autorisations requises.

Partant, comme déjà relevé par la chambre de céans (ATA/657/2018 du 26 juin 2018) et le Tribunal fédéral (1C_673/2019 du 6 avril 2020), la poursuite de l’exploitation de la gravière sur le site de « G______ » reposait sur une simple tolérance de la part du DETA, qui n’a pas renouvelé l’autorisation de 1983. Il en va de même de l’activité de recyclage de déchets de chantiers sur les mêmes parcelles, qui n’a jamais été formellement autorisée.

C’est donc à bon droit que le TAPI a considéré que le courrier du 21 juillet 1993 ne pouvait être qualifié de décision. Il n’y a dès lors pas lieu d’examiner si les conditions d’une révocation sont réalisées.

5.             La recourante conteste la validité de l’ordre de remise en état. Elle considère que les autorités ont créé, par des promesses et leur comportement, des conditions telles qu’elles seraient liées par la bonne foi. Elle estime en outre que la décision litigieuse est disproportionnée, que son intérêt privé au maintien de l’activité, reconnue d’intérêt public, doit l’emporter sur l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit et à un retour à l’agriculture des parcelles soustraites à cette activité depuis plusieurs décennies déjà.

5.1 Selon l’art. 16 loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), les zones agricoles servent à garantir la base d’approvisionnement du pays à long terme, à sauvegarder le paysage et les espaces de délassement et à assurer l’équilibre écologique. Elles devraient être maintenues autant que possible libres de toute construction en raison des différentes fonctions de la zone agricole (al. 1). Il importe, dans la mesure du possible, de délimiter des surfaces continues d’une certaine étendue (al. 2).

À teneur de l’art. 16a LAT, sont conformes à l’affectation de la zone agricole les constructions et installations qui sont nécessaires à l’exploitation agricole ou à l’horticulture productrice. Cette notion de conformité peut être restreinte en vertu de l’art. 16 al. 3 (al. 1). Les constructions et installations dépassant le cadre de ce qui peut être admis au titre du développement interne peuvent être déclarées conformes à l’affectation de la zone et autorisées lorsqu’elles seront implantées dans une partie de la zone agricole que le canton a désignée à cet effet moyennant une procédure de planification (al. 3).

D’après l’art. 22 LAT, aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente (al. 1). L’autorisation est délivrée si la construction ou l’installation est conforme à l’affectation de la zone (al. 2 let a) ; le terrain est équipé (al. 2 let b). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d’autres conditions (al. 3).

5.2 À Genève, l’art. 20 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) précise que ne sont autorisées en zone agricole que les constructions et installations qui sont destinées durablement à cette activité et aux personnes l’exerçant à titre principal (let. a), respectent la nature et le paysage (let. b) et les conditions fixées par les art. 34 ss de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1) (let. c).

Il ressort pour le surplus de l’art. 1 al. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) que, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a) ; modifier même partiellement le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation (let. b) ; modifier la configuration du terrain (let. d) ; aménager des voies de circulation, des places de parcage ou une issue sur la voir publique (let. e).

Conformément à l’art. 129 LCI, dans les limites des dispositions de l’art. 130, le département peut ordonner, à l’égard des constructions, des installations ou d’autres choses les mesures suivantes : la suspension des travaux (let. a) ; l’évacuation (let. b) ; le retrait du permis d’occupation (let. c) ; l’interdiction d’utiliser ou d’exploiter (let. d) ; la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (let. e).

L’art. 130 LCI prévoit que ces mesures peuvent être ordonnées par le département lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la présente loi, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires.

5.3 Par mesures administratives sont visées les actions que les autorités administratives ordonnent, par des décisions, voire exécutent (ou font exécuter par des tiers), aux fins de rétablir le respect de la légalité. Le but de ces mesures est donc correcteur et non répressif. Leur prononcé, du même coup, ne dépend pas de conditions tenant à la personne du constructeur, telles que sa faute (Nicolas WISARD, Samuel BRÜCKNER, Milena PIREK, constructions illicites, in DC 2019, p. 213 ; ATA/565/2023 du 30 mai 2023 consid. 10.3).

5.4 Depuis l’arrêt du Tribunal fédéral précisant que la prescription trentenaire ne s'applique pas hors de la zone à bâtir (ATF 147 II 309), quatre conditions cumulatives sont nécessaires pour un ordre de remise en état à savoir :

- 1° l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur ;

- 2° les installations en cause ne doivent pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation ;

- 3° l'autorité ne doit pas avoir créé chez l'administré concerné, que ce soit par des promesses, par des infractions, des assurances ou encore un comportement des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi ;

- 4° l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/1030/2018 du 2 octobre 2018 consid. 6c et les références citées).

Lorsque des constructions ou des installations illicites sont réalisées en dehors de la zone à bâtir, le droit fédéral exige en principe que soit rétabli un état conforme au droit. Le principe de la séparation de l’espace bâti et non bâti, qui préserve différents intérêts publics, est de rang constitutionnel ; il fait partie intégrante de la notion d’utilisation mesurée du sol de l’art. 75 al. 1 Cst. Cette séparation doit par conséquent, en dehors des exceptions prévues par la loi, demeurer d’application stricte. Si des constructions illégales, contraires au droit de l’aménagement du territoire, sont indéfiniment tolérées en dehors de la zone constructible, le principe de la séparation du bâti et du non-bâti est remis en question et un comportement contraire au droit s’en trouve récompensé. S’ajoute à cela que la remise en état poursuit encore d’autres intérêts publics, à savoir la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole ainsi que le respect du principe de l’égalité devant la loi (arrêt du Tribunal fédéral 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.1 et les nombreuses références citées ; ATA/565/2023 du 30 mai 2023 consid. 10.2).

5.4.1 Découlant directement de l’art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; 137 II 182 consid. 3.6.2). En outre, le principe de la bonne foi commande aux autorités comme aux particuliers de s’abstenir, dans les relations de droit public, de tout comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_934/2022 du 22 mars 2023 consid. 6.3.1).

Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l’administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que l’autorité soit intervenue dans une situation concrète à l’égard de personnes déterminées, qu’elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et que l’administré n’ait pas pu se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu’il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et que la réglementation n’ait pas changé depuis le moment où l’assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; 131 II 627 consid. 6.1). Une violation du principe de la bonne foi n’est réalisée que lorsque la modification du droit porte atteinte aux droits acquis en contredisant, sans raisons valables, des assurances précédemment données par le législateur, ou lorsqu’une modification est décidée de façon imprévisible dans le dessein d’empêcher l’exécution d’un projet qui serait réalisable (ATF 108 Ib 352 consid. 4b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_956/2016 du 7 avril 2017 consid. 5.1)

Il découle de ce principe que l’administration et les administrés doivent se comporter réciproquement de manière loyale (ATF 131 II 627 consid. 6.1 ; 129 I 161 consid. 4). En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré. Elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161  consid. 4 ; 129 II 361 consid. 7.1).

En outre, les décisions de l’administration ainsi que les déclarations et comportements des parties à un rapport de droit public, sont soumises au principe de la confiance. Leur sens doit rester conforme à ce que le destinataire a été en mesure de comprendre - ce qu’il pouvait et devait raisonnablement comprendre - selon le texte, sa motivation et, plus largement, l’ensemble des circonstances qui ont entouré leur élaboration, dont par exemple la correspondance échangée ; cependant le principe de confiance crée une obligation réciproque. Ainsi, une attention adéquate peut être exigée de l’administré (ATF 115 II 415 consid. 3a ; 107 Ia 193 consid. 3c et les réf. citées).

5.4.2 Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Les critères de l’aptitude et de la subsidiarité sont particulièrement concernés lorsqu’un ordre de démolition est envisagé. Ils impliquent en effet de déterminer si une - ou plusieurs - autre mesure administrative pourrait être préférée, cas échéant en combinaison (ATA/463/2021 du 27 avril 2021).

La proportionnalité au sens étroit implique une pesée des intérêts. C’est à ce titre que l’autorité renonce à ordonner la remise en conformité si les dérogations à la règle sont mineures, si l’intérêt public lésé n’est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l’ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s’il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l’intervalle. Donner de l’importance aux frais dans la pesée des intérêts impliquerait de protéger davantage les graves violations et mènerait à une forte et inadmissible relativisation du droit de la construction. C’est pourquoi il n’est habituellement pas accordé de poids particulier à l’aspect financier de la remise en état (ATA/565/2023 du 30 mai 2023 consid. 11.1 ; Vincent JOBIN, Construire sans autorisation - Analyse des arrêts du Tribunal fédéral de 2010 à 2016, VLP-ASPAN, Février 1/2018, p. 16 et les références citées).

Dans la règle, l’intérêt public majeur à la préservation des zones agricoles et la distinction fondamentale entre espace bâti et non-bâti l’emporte (arrêt du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.4.2 confirmant l’ATA/1304/2020 du 15 décembre 2020 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_233/2014 du 23 février 2015 consid. 4). Celui qui place l’autorité devant un fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a ; ATF 111 Ib 213 consid. 6b et la jurisprudence citée). L’intérêt privé de pouvoir continuer à profiter de constructions et d’utilisations illégales en dehors de la zone à bâtir ne pèse pas lourd (ATF 147 II 309 consid. 5.6 ; ATA/565/2023 du 30 mai 2023 consid. 10.2).

De manière générale dans l’examen de la proportionnalité, les intérêts des propriétaires sont, à juste titre, mis en retrait par rapport à l’importance de préserver la zone agricole d’installations qui n’y ont pas leur place. Le Tribunal fédéral a déjà énoncé concernant le canton de Genève, que « s’agissant de constructions édifiées dans la zone agricole dans un canton déjà fortement urbanisé où les problèmes relatifs à l’aménagement du territoire revêtent une importance particulière, l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit l’emporte sur celui, privé, du recourant à l’exploitation de son entreprise sur le site litigieux » (arrêt du Tribunal fédéral 1C_446/2010 du 18 avril 2011 consid. 5.1.1 et les références citées ; ATA/1370/2018 du 18 décembre 2018 consid. 10 ; ATA/303/2016 du 12 avril 2016 consid. 9).

5.5 En l’occurrence, l’ordre de mise en conformité est bien dirigé contre la perturbatrice, soit la recourante qui exploite sans droit les parcelles et installations concernées.

Les aménagements en cause n’ont pas été autorisés en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation, étant rappelé que l’exploitation d’une gravière a été permise sur les parcelles litigieuses jusqu’en 1994 seulement et que l’autorisation de construire un radier et une installation fixe de recyclage, de concassage et de lavage de matériaux a été annulée à l’issue des procédures judiciaires. Enfin, aucune installation d’élimination des déchets ne peut être créée, modifiée ou transformée sans faire l’objet d’une autorisation d’exploiter, que la recourante ne prétend pas avoir obtenue, ni même demandée.

Les constructions et installations illicites se trouvent en zone agricole, de sorte que la prescription trentenaire ne leur est pas applicable, selon l’arrêt du Tribunal fédéral ATF 147 II 309 précité. La motion (21.4334) déposée au Conseil fédéral le 12 octobre 2021 par la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil national visant à charger le Conseil fédéral de soumettre au Parlement fédéral des bases légales afin que, en cas de construction illégale hors de la zone à bâtir, l'obligation de rétablir la situation conforme au droit s'éteigne après 30 ans, n’y change rien.

Le dossier ne comporte aucune pièce émanant de l’État de Genève, attestant qu’une quelconque promesse aurait été donnée à la recourante quant à la poursuite ou au développement de ses activités. La volonté des autorités cantonales de régulariser sa situation ne peut pas être interprétée comme l’assurance de pouvoir indéfiniment continuer des activités incompatibles avec la zone. La recourante savait, depuis 1998, que son exploitation reposait sur une simple tolérance des autorités et que sa conformité au droit requerrait l’adoption d’une loi modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune, laquelle devait d’abord être votée par le Grand Conseil, cas échéant être acceptée en cas de référendum. Ainsi, la procédure de modification de zones, la présentation d’une motion au législateur cantonal et l’élaboration d’un projet de loi ne pouvaient en aucun cas être considérées comme des assurances données par l’autorité intimée, l’intéressée sachant au contraire pertinemment que sa situation était précaire et que le Conseil d’État ne pouvait décider seul d’un déclassement.

La recourante, qui a poursuivi l’exploitation d’une gravière qu’elle savait illégale depuis 1998 et qui a étendu ses activités au recyclage et au traitement de déchets de chantier sans la moindre autorisation, ne peut se prévaloir des investissements que ses activités ont nécessités et qui au demeurant lui ont permis de se développer et de réaliser un chiffre d’affaires. Enfin, l’autorité intimée n’a pas adopté de comportement contradictoire à son endroit ni ne lui donné de renseignements erronés. Certes, elle a toléré les activités en cause pour des motifs d’intérêt public, aussi longtemps que la procédure de modification des limites de zones était en cours et a renoncé à ordonner une mesure de remise en état tant que toutes les voies légales n’étaient pas épuisées afin de permettre le changement de zones des terrains concernés. Suite au résultat du référendum du 29 novembre 2020, elle a toutefois immédiatement fait part à la recourante de son intention d’exiger la mise en état des parcelles. Partant, les autorités cantonales n’ont jamais donné de garanties pouvant engager leur bonne foi et les prétendus changements d’avis de la commune dont se prévaut la recourante ne sont pas propres à lier les autorités cantonales.

Enfin, il n’est pas contesté que les terrains visés par la décision de remise en état se situent en zone agricole et que les activités et installations de la recourante ne sont pas conformes à ladite zone. Elles ne sont autorisées ni sous l’angle de la LGEA, ni sous celui de la LGD. En outre, la régularisation de ces exploitations à l’emplacement litigieux n’est plus envisageable, la population genevoise ayant refusé en novembre 2020 de déclasser ces terrains en ZIA. Ainsi, du point de vue de la proportionnalité, l’ordre de mise en état est la seule mesure permettant de remédier à la situation illégale et de rendre les terrains en question à l’agriculture. Aucune autre mesure moins incisive ne permettrait d’atteindre cet objectif, la mise en état est donc nécessaire.

L’intérêt public au respect du principe de la légalité et la sécurité du droit à voir rétablie une situation conforme au droit, l’intérêt public majeur à la préservation des zones agricoles, le principe de la séparation de l’espace bâti et non bâti, de rang constitutionnel, l’intérêt de la commune et de ses habitants à la cessation de cette situation illicite qui engendre d’importantes nuisances depuis des décennies, et la volonté populaire de ne pas pérenniser l’exploitation litigieuse ne permettent pas de tolérer indéfiniment l’exploitation illégale. Ces intérêts l’emportent sur les intérêts privés de la recourante à pouvoir continuer ses activités, sur celui de ses employés, et sur l’éventuel intérêt public au maintien de l’exploitation, et justifient le dommage que causera la mise en état exigée de la recourante. À cet égard, il sera rappelé que l’intérêt privé de pouvoir continuer à profiter de constructions et d’utilisations illégales en dehors de la zone à bâtir est qualifié de faible selon la jurisprudence.

Par conséquent, l’ordre de mise en état est parfaitement justifié et sera confirmé dans son principe.

L’argumentation de la recourante relative à l’existence d’un prétendu contrat de planification ne saurait être suivie. Comme constaté précédemment, les autorités cantonales ne se sont aucunement engagées à pérenniser ses activités, ni n’ont adopté une attitude lui permettant de penser qu’elle pourrait continuer son exploitation, en l’absence de toute autorisation, si la procédure de déclassement n’aboutissait pas.

Partant, la recourante ne peut pas exiger que l’autorité intimée lui trouve une parcelle de remplacement conforme à son activité de recyclage et d’une taille équivalente avant d’ordonner la remise en état des terrains visés par la décision du 1er octobre 2021.

Enfin, la recourante s’oppose aux délais impartis pour ladite remise en état. Elle ne saurait être suivie. Le TAPI a, en effet, dûment pris en considération sa situation exceptionnelle, le fait que ses activités illégales ont été tolérées durant plus de 20 ans, malgré les contestations régulières de la commune, pour des motifs d’intérêt public lié au recyclage et au traitement des déchets, jusqu’à l’issue de la longue procédure de modification de zones qui n’a finalement pas abouti. Cette instance s’est livrée à une pesée détaillée et pondérée de l’ensemble des intérêts en présence et a tenu compte des démarches bien avancées en vue de déplacer les activités de la recourante sur la parcelle n° 4'629 de la commune de K______.

Depuis son jugement, les démarches pour le déplacement des activités à K______ se sont poursuivies, avec la signature de la promesse du droit de superficie avec la FTI les 22 mai et 12 juin 2023, suivie du dépôt du dossier d’autorisation de construire le 26 juin 2023.

Si cette dernière est accordée, le droit de superficie pourra être finalisé rapidement et la recourante pourra entreprendre le chantier de construction afin d’aménager le périmètre. Elle a elle-même déclaré qu’elle devrait être en mesure de démarrer ses nouvelles activités à K______ au début de l’année 2025, ce qui est corroboré par les déclarations du directeur général de la FTI devant le TAPI le 19 mai 2022, ayant fait état d’une mise en exploitation envisageable à fin 2024. Ainsi, la recourante, qui doit uniquement renoncer à reprendre de nouveaux déchets à partir du 31 décembre 2023, pourra continuer à traiter les matériaux déjà présents sur le site actuel jusqu’au 31 décembre 2024, moment auquel elle devrait pouvoir commencer son exploitation sur le nouveau site.

Si au contraire l’autorisation sollicitée ne devait pas être accordée ou faisait l’objet d’un recours, les activités de la recourante seraient alors davantage touchées, puisqu’elle n’aurait plus le droit de traiter des matériaux. Cela étant, il convient de garder à l’esprit que la tolérance dont elle a bénéficié pendant près d’un quart de siècle ne saurait perdurer jusqu’à ce que d’autres parcelles soient trouvées et aménagées, alors qu’il est difficile de proposer rapidement des terrains puisque ceux de la FTI sont généralement attribués pour plusieurs décennies, selon les déclarations de son directeur général devant le TAPI.

Rien ne justifie donc de s’écarter de la solution retenue par le TAPI qui tient compte des circonstances particulières du cas d’espèce, soit le report au 31 décembre 2023 de l’interdiction de reprise de nouveaux déchets, et de deux ans des autres termes fixés pour la réalisation des étapes suivantes.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

Le prononcé du présent arrêt rend sans objet la requête en restitution d’effet suspensif.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2’500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Il sera alloué une indemnité de procédure de CHF 2'500.- à la commune, qui y a conclu et compte moins de 10'000 habitants, à la charge de la recourante (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/1324/2017 du 26 septembre 2017 consid. 6 ; ATA/753/2016 du 6 septembre 2016 consid. 8 et les références citées).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 mars 2023 par la A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 février 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2'500.- à la charge de la A______ SA ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 2'500.- à la commune B______, à la charge de la A______ SA ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Jacques MARTIN, avocat de la recourante, au département du territoire, à Me Romain JORDAN, avocat de la commune B______, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’à l’office fédéral de l’agriculture et à l'office fédéral du développement territorial (ARE) pour information.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Valérie LAUBER, Eleanor McGREGOR, Philippe KNUPFER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :