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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1792/2023

ATA/821/2023 du 09.08.2023 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;DÉCISION INCIDENTE;RECONVERSION PROFESSIONNELLE;DOMMAGE IRRÉPARABLE;LICENCIEMENT ADMINISTRATIF;MAINTIEN DU CONTRAT
Normes : LPA.57.letc; LPAC.22; LPAC.21.al3; RPAC.21; RPAC.46A
Résumé : Contestation de l’ouverture de la procédure de reclassement. Dès lors que celle-ci n’a, à ce stade, pas donné lieu à un reclassement, a fortiori en défaveur de la recourante, celle-ci ne peut se prévaloir d’un préjudice irréparable. Son cas se distingue donc de celui de l’ATF 143 I 344. Dans l’hypothèse où la procédure de reclassement n’aboutirait pas, la réalisation du motif fondé invoqué par l’intimé serait examiné dans le cadre d’un éventuel recours contre la décision de licenciement. Il ne saurait ultérieurement être considéré que le droit de la recourante de demander sa réintégration serait subordonné à la condition qu’elle renonce au préalable à un reclassement professionnel. Recours irrecevable.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1792/2023-FPUBL ATA/821/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 août 2023

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Romain JORDAN, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA COHÉSION SOCIALE intimé



EN FAIT

A. a. Dès le 1er juillet 1999, A______, née le ______1974, a été engagée en tant que secrétaire 1 auprès du service du tuteur général, devenu le service de protection de l’adulte (ci‑après : SPAd). Le 1er avril 2013, elle a été promue secrétaire 2.

Après quelques variations, son taux d’activité a été définitivement fixé à 100 % à compter du 1er février 2001.

b. Le 12 mai 2022 a eu lieu le dernier entretien d’évaluation et de développement du personnel (ci-après : EEDP) de A______.

Selon le formulaire y relatif, sur les quatre objectifs fixés, deux étaient atteints et deux autres partiellement atteints. Ainsi, l’intéressée devait notamment « encore travailler sur elle et ne pas s’emporter sur le coup des émotions » et « encore améliorer sa communication ». Les critères concernant les compétences requises étaient maîtrisés dans l’ensemble, à l’exception de deux qui restaient à développer, à savoir les compétences liées au travail en équipe et à la communication. D’après le bilan de sa responsable hiérarchique, A______ était « une personne de caractère, consciencieuse et travaillant de manière très professionnelle. Elle n’hésit[ait] pas à faire part de ses remarques et ne recul[ait] pas face aux différentes demandes de sa hiérarchie. [Ils étaient] heureux de pouvoir compter sur sa présence au sein du service et [elle devait] poursuivre son investissement et son développement personnel, ainsi que professionnelle [sic] au travers de formations en lien avec son métier. En résumé, les prestations professionnelles fournies par [A______ étaient] de qualité et [ils l’encourageaient] à poursuivre dans ce sens ».

c. Le 16 novembre 2022, une altercation a eu lieu entre l’intéressée et une de ses collègues, B______.

d. Le 22 novembre 2022, A______, la direction du SPAd et la responsable de secteur ressources humaines (ci-après : RRH) ont eu un entretien à ce sujet.

A______ avait reconnu avoir giflé B______ parce que cette dernière refusait, malgré ses réitérées demandes, de lui remettre une fourre qu’elle-même avait déposée dans une pelle à l’attention de sa hiérarchie, afin que celle-ci répartisse le travail comme cela avait été décidé. La tension était montée entre elles. Elle s’était sentie humiliée par le ton et les propos de sa collègue et avait perdu ses moyens. Son geste n’était ni prémédité ni réfléchi. Elle n’avait giflé sa collègue que du bout des doigts, une chaise entravant le mouvement de son bras et l’empêchant de prendre de l’élan avec sa main. Elle regrettait vivement son geste et s’en était excusée auprès de B______. Elle trouvait difficile de travailler avec celle-ci et, au fil des mois, la tension était progressivement montée entre cette dernière et les autres membres de l’équipe. La direction lui a également indiqué avoir consulté son dossier du personnel et y avoir trouvé différents rappels à l’ordre concernant l’enregistrement du temps de travail et la venue de ses enfants dans les locaux du SPAd.

Les annexes mentionnées étaient jointes au compte rendu y relatif qui lui a été adressé le 10 mars 2023.

e. Dans ses observations subséquentes du 28 novembre 2022, A______ s’est expliquée sur les faits reprochés, dont elle contestait l’appréciation. Elle a également renouvelé ses regrets pour un geste qu’elle n’aurait jamais pensé pouvoir commettre.

f. Le 23 novembre 2022, B______ a également été entendue sur les mêmes faits.

Selon elle, A______ l’avait violemment giflée sur la joue gauche parce qu’elle avait refusé de lui donner une fourre qu’elle devait remettre à leur hiérarchie selon les consignes de celle-ci. Après l’avoir giflée, A______ et une autre collègue s’étaient tenues devant elle pour l’empêcher de sortir du bureau. Elle avait eu peur et s’était sentie en danger jusqu’à ce que d’autres collègues arrivent dans le bureau après avoir entendu le ton monter. B______ avait également fait part de certains éléments concernant A______ : elle consultait régulièrement l’application CALVIN pour se renseigner sur des tiers ; elle passait beaucoup de temps sur Internet et accomplissait de nombreuses activités privées pendant ses heures de travail, ne travaillant ainsi effectivement qu’à 50 % ; elle avait à plusieurs reprises fait entrer ses enfants dans les locaux du SPAd, contrairement aux directives internes et y compris après avoir été remise à l’ordre sur ce point ; elle timbrait régulièrement 30 minutes de pause pour le déjeuner alors qu’elle s’absentait plus longtemps.

g. Le 28 novembre 2022, A______ a adressé ses observations quant au compte rendu précité.

h. Sur demande de la RRH du 29 novembre 2022, la secrétaire générale du département de la cohésion sociale (ci-après : DCS) a donné son accord, le 1er décembre 2022, afin d’effectuer un contrôle individualisé de l’ordinateur de A______ par le département des infrastructures, devenu depuis lors le département des institutions et du numérique, soit l’office cantonal des systèmes d’information et du numérique (ci-après : OCSIN).

i. Le 17 février 2023, le directeur du SPAd a convoqué A______ à un entretien de service qui a eu lieu le 8 mars 2023.

Selon le compte rendu y relatif, transmis à l’intéressée le 10 mars 2023, le contrôle individualisé de l’ordinateur de A______, effectué pour la période de mars 2019 à décembre 2022, avait mis en évidence les éléments suivants : la réalisation des 541 recherches avancées dans l’application CALVIN sur des personnes non suivies par le SPAd ; une utilisation régulière d’Internet à des fins privées durant les heures de travail (consultation de 539 sites et visionnage de vidéos) ; utilisation de la messagerie professionnelle à des fins privées (envoi de 15 messages – avec, à partir du 1er septembre 2017, en pièce jointe le menu du jour – par mois en moyenne à l’adresse du restaurant géré par son époux, un grand nombre d’échanges de nature privée liés à divers sujets tels qu’achats, assurances, banques, factures, médecins, correspondance etc.) ; le stockage de nombreux dossiers personnels ; un enregistrement du temps de travail non conforme aux directives (timbrage de la pause de midi à 46 reprises de manière consécutive à des intervalles de une à sept minutes). A______ a contesté certains faits reprochés, ainsi que la réalisation dudit contrôle sans en avoir été informée et uniquement sur la base des propos de B______ lesquels l’avaient choquée. Elle se réservait le droit de se déterminer à réception des éléments du dossier.

Au terme de cet entretien, l’employeur a indiqué qu’il envisageait une résiliation des rapports de service pour motif fondé. Dans cette hypothèse, une procédure de reclassement serait menée préalablement.

Étaient joints divers documents dont les relevés des consultations de l’application CALVIN et de divers sites Internet.

j. Dès le 20 mars 2023, A______ a été en arrêt de travail à 100 % pour cause de maladie.

k. Par courrier du 23 mars 2023, l’intéressée a sollicité de la secrétaire générale du DCS la notification d’une décision sujette à recours, indiquant notamment les motifs ayant fondé l’autorisation de procéder au contrôle individualisé de son ordinateur par l’OCSIN. Celui-ci avait été ordonné en violation de la protection de ses données personnelles et de sa sphère privée.

l. En parallèle, elle a requis du SPAd la prolongation du délai pour se déterminer à la suite de son entretien de service, ainsi que la production de divers documents, dont la demande d’autorisation de contrôle individualisé et la décision autorisant l’accès informatique, ainsi que les données brutes et les logos des recherches informatiques effectuées.

m. S’en sont suivis divers échanges entre le SPAd et A______, au cours desquels il lui a transmis plusieurs documents.

En particulier, le 30 mars 2023, il lui a remis un courriel du 19 janvier 2023 de la cellule enquêtes et investigation (ci-après : CEI) de l’OCSIN, comportant un rapport d’investigation confidentiel, portant sur la période de mars 2019 à décembre 2022, indiquant les éléments mentionnés dans l’entretien de service précité.

n. Par courrier du 4 avril 2023, le secrétaire général ad intérim du DCS a informé A______ de son refus de rendre une décision.

Les motifs du contrôle individualisé de l’utilisation des ressources informatiques effectué sur son ordinateur professionnel – qui n’avait porté que sur les heures de travail usuelles – lui avaient été communiqués lors de l’entretien de service. Ils ressortaient également du courriel des RH du 29 novembre 2022, qui lui avait été transmis le 24 mars 2023. Ledit contrôle était un acte interne et non pas une décision sujette à recours. Il n’y avait pas d’intérêt juridique à ce qu’une décision constatatoire soit rendue lorsque cette dernière revêtait un caractère subsidiaire par rapport à une prochaine décision qui serait rendue, ce qui était le cas en l’espèce.

o. Par courrier du 11 avril 2023, A______ a contesté les faits reprochés lors de son entretien de service et le contrôle effectué sur son ordinateur. Les pièces manquantes devaient lui être adressées sans délai, en lui permettant de se déterminer à leur égard.

Outre son comportement au travail et sa relation professionnelle avec B______, le contrôle individualisé de son ordinateur constituait un grave abus de droit et avait été opéré de manière illicite et en violation de ses droits fondamentaux. Il était douteux qu’une norme de rang réglementaire puisse permettre une mesure aussi incisive. Aucune mesure n’avait été prise afin de protéger sa sphère privée et aucun tri n’avait été effectué. Le contrôle avait porté sur la période de mars 2019 à décembre 2022, soit une période particulièrement extensive et qui ne se justifiait aucunement. B______ était employée du 1er mars au 30 novembre 2022, de sorte que ses allégations, à l’origine du contrôle ordonné, ne pouvait porter que sur sa période de présence au SPAd. Certains des sites Internet avaient été consultés par ses enfants et son mari, et relevaient de leur sphère privée. Ayant été en vacances le 1er juillet 2022, elle n’avait pu visionner la vidéo indiquée ce jour-là durant ses heures de travail. La recherche de l’utilisation de sa messagerie professionnelle s’apparentait à une véritable « fishing expedition ». L’examen de l’espace de stockage de son ordinateur avait intégré des documents marqués comme privés, personnels ou reconnaissables comme tels. L’argument que le DCS entendait en tirer en vue de son licenciement n’était pas compréhensible, étant donné qu’elle était autorisée à sauvegarder des documents privés sur son poste professionnel. L’accusation selon laquelle elle exerçait bien une activité accessoire n’était pas étayée. Ledit contrôle avait également été effectué en violation de son droit d’être entendu, puisqu’elle n’avait jamais été confrontée aux allégations de B______. Aucun intérêt prépondérant n’avait été évoqué.

Il convenait d’écarter du compte rendu et de son dossier administratif tous les documents relatifs au contrôle individualisé opéré sur son poste.

Elle a notamment produit copies de ses certificats de travail intermédiaires des 19 septembre 2013, 7 novembre 2016 et 30 septembre 2019, des attestations de collègues en sa faveur, ainsi que deux certificats médicaux des 17 février et 23 mars 2023 indiquant qu’elle souffrait d’ « une arthrose sévère avancée des membres inférieurs » rendant « de ce fait la marche […] très difficile et très douloureuse [pour elle] », de sorte que « la montée et la descente des escaliers » était contre‑indiquée.

p. Le 26 avril 2023, le SPAd a confirmé que les annexes mentionnées comme telles avaient été présentées à A______ lors de l’entretien de service et lui avaient été remises en même temps que le procès-verbal. Il en allait de même de la liste des recherches non autorisées effectuées sur l’application CALVIN. L’ensemble des échanges des courriers électroniques entre B______ et elle, remis lors de l’entretien du 23 novembre 2022, et le compte rendu de l’entretien du 29 novembre 2022 réalisé dans le cadre des démarches menées pour l’établissement des faits qui s’étaient déroulés le 16 novembre 2022, lui étaient transmis.

q. Dans ses observations complémentaires du 5 mai 2023, A______ a persisté dans ses précédents développements, en demandant quelles mesures concrètes avaient été prises afin de protéger sa personnalité et sa sphère privée. En outre, elle sollicitait la destruction de toutes les données personnelles et sensibles collectées, en la possession du SPAd. Ses accès à son ordinateur portable ayant été bloqués, l’OCSIN l’avait renvoyée auprès de sa hiérarchie pour en connaître les raisons.

r. Par pli du 11 mai 2023, le SPAd a encore précisé à A______ que les données ayant fait l’objet du contrôle individualisé de l’utilisation des ressources informatiques ne seraient pas conservées au terme de la procédure en cours, à l’exception de celles annexées à l’entretien de service du 8 mars 2023 qui lui avaient été communiquées. L’ensemble de ses droits d’accès avaient été maintenus. Comme elle avait été absente pour raisons de santé le jour de la dernière mise à jour des accès VPN, celle-ci n’avait pu être effectuée, ce qui expliquait qu’elle ne parvenait plus à se connecter depuis son domicile.

s. Par décision incidente du 12 mai 2023, rendue exécutoire nonobstant recours, le DCS a informé A______ de l’ouverture d’une procédure de reclassement. Pendant deux mois, la direction des RH allait rechercher un poste disponible dans l’administration cantonale correspondant à ses capacités. Sur demande, elle appuierait les candidatures qu’elle ferait au sein de l’administration cantonale. La DRH procéderait à deux points de situation intermédiaires et dresserait un bilan définitif au terme des deux mois.

Ses prestations paraissaient insuffisantes et elle était inapte à remplir les exigences du poste, compte tenu de l’agression physique qu’elle avait commise sur B______, de l’usage à titre privé des outils informatiques mis à disposition par l’État, d’occupations étrangères au service pendant les heures de travail, du traitement de données personnelles à des fins étrangères à l’accomplissement de ses tâches, de l’inexactitude de l’enregistrement du temps de travail et d’avoir à plusieurs reprises fait entrer ses enfants dans les locaux du SPAd.

Ses remarques formulées lors de l’entretien de service et ses observations des 11 avril et 5 mai 2023, n’étaient pas de nature à remettre en cause la détermination de sa hiérarchie.

Ses explications ne pouvaient justifier l’agression physique qu’elle avait commise envers sa collègue. Le fait que la gifle n’aurait pas été violente ne pouvait justifier ou atténuer la gravité de cet acte, d’autant plus qu’elle avait reconnu que son geste aurait pu être plus ample et avec plus d’élan si une chaise ne l’avait pas entravé. Les allégations de B______ la concernant avaient été considérées comme suffisamment graves pour qu’elles fussent vérifiées par le biais du contrôle individualisé de l’utilisation de ses ressources informatiques, lequel les avait confirmées. Elle avait fait l’objet de plusieurs rappels à l’ordre concernant notamment l’enregistrement erroné de son temps de travail et la venue de ses enfants dans les locaux du service. En 2018, elle avait fait l’objet d’un avertissement pour des activités de vente illicite au sein du service. L’EEDP du 12 mai 2022 indiquait qu’elle devait encore apprendre à gérer ses émotions, objectif qui n’avait pas été atteint.

L’entretien de service avait eu pour but de l’entendre tant sur l’agression physique commise sur B______ que sur les faits constatés lors du contrôle individualisé de l’utilisation qu’elle avait faite de ses outils de travail. Elle avait donc eu l’occasion de s’exprimer sur l’ensemble des faits reprochés à diverses reprises, par oral ou par écrit. Ses prétendues douleurs au genou ne l’avaient pas empêchée, à plusieurs reprises, de sortir faire des courses pendant son temps de travail. Sans compter le fait qu’il existait la possibilité de timbrer directement depuis son ordinateur. Le périmètre de contrôle de son ordinateur ne concernait que les activités qu’elle avait menées lorsqu’elle était connectée avec ses identifiants professionnels, soit au serveur de l’État. Ses observations signifiaient qu’elle s’était connectée audit serveur en dehors de ses heures de travail et qu’elle avait laissé des membres de sa famille utiliser ses outils professionnels, ce qui constituait une violation supplémentaire de ses devoirs de service. Le contrôle avait strictement respecté sa sphère privée puisqu’il avait été réalisé en application des règles et directives en la matière. Le nombre de documents et de courriels en lien avec l’entreprise exploitant le restaurant de son époux – dans laquelle elle occupait la fonction d’associée – démontrait objectivement qu’elle s’adonnait à une activité accessoire pendant son temps de travail, en faisant usage des ressources informatiques mises à disposition par son employeur. Elle était susceptible de percevoir un revenu d’une telle activité, ce qui l’obligeait à solliciter l’autorisation de son employeur pour l’exercer.

Les motifs invoqués par sa hiérarchie lors de l’entretien de service du 8 mars 2023, dûment établis, étaient constitutifs d’un motif fondé de résiliation, dans le respect du principe de la proportionnalité.

t. Par arrêt ATA/820/2023 du 9 août 2023 (cause A/1591/2023), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) a déclaré irrecevable le recours de A______ du 8 mai 2023 contre le courrier du DCS du 4 avril 2023. Le contrôle individualisé opéré sur son ordinateur constituait un acte interne à l’administration, lequel n’était pas susceptible de recours.

B. a. Par acte du 23 mai 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre la décision du 12 mai 2023, en concluant, principalement, à son annulation et à la constatation de l’absence de motif fondé justifiant la résiliation des rapports de service et la procédure de reclassement, et subsidiairement, au renvoi de la cause au département pour nouvelle décision au sens des considérants. Préalablement, elle sollicitait la restitution de l’effet suspensif, la tenue d’une audience de comparution personnelle des parties et la production par le DCS de son dossier.

La procédure de reclassement lui causait un préjudice irréparable en tant qu’elle avait vocation à aboutir à son licenciement pour motif fondé, tandis qu’elle contestait les reproches formulés à son encontre, lesquels étaient principalement fondés sur le contrôle illicite opéré sur son ordinateur. Il n’était pas envisageable de la contraindre à refuser une proposition de reclassement pour obtenir une décision finale sujette à recours.

Les reproches formulés à son encontre n’avaient pas fait l’objet d’une enquête en bonne et due forme, de sorte que son droit à une enquête équitable avait été violé. Les déclarations de B______ n’avaient pas été pondérées et elle n’y avait pas été confrontée, alors que celles-ci avaient été à l’origine du contrôle effectué et que les intérêts prépondérants de l’État n’auraient pas été compromis. L’enquête avait été menée préalablement à son audition lors de l’entretien de service et sans qu’elle en fût informée. Le DCS ne pouvait savoir que les accusations de B______ seraient crédibles, sauf à préjuger de leur véracité, ce qui démontrait une enquête inéquitable. Les constats de faits et les reproches que le DCS en tirait étaient erronés. Il aurait dû opérer un tri des informations reçues et en vérifier l’exactitude avant de les lui reprocher.

La décision querellée consacrait également une constatation inexacte des faits. Elle n’avait jamais minimisé son geste mais s’était contentée d’en déterminer le contexte. L’exposé des faits ressortant de la décision querellée n’était pas représentatif de la réalité et la référence à une « agression physique » était excessive. En outre, le DCS soustrayait de son raisonnement de multiples faits à même de contester les reproches contre elle. À teneur des résultats de l’enquête de l’OCSIN, il n’était aucunement possible de déterminer quels sites auraient été effectivement visités par elle puisque le contrôle avait porté à tout le moins sur « deux VPN différents », alors que seul le professionnel aurait dû être concerné. Si les sites Internet consultés par elle ou sa famille, en dehors des horaires de travail, depuis leurs ordinateur/postes privés, apparaissaient sur les résultats de la recherche effectuée, c’était que celle-ci était intervenue sans tri ni filtre. Il suffisait que divers appareils de la famille aient été utilisés en même temps que son ordinateur professionnel pour que toutes les recherches sur Internet soient synchronisées. Elle avait également télétravaillé avec son ordinateur personnel du mois de mars 2020 au mois d’août 2022. Le DCS ne se prononçait pas sur la liste des sites Internet visités qui faisait état de connexions à des horaires improbables et qui démontraient que le contrôle avait également porté sur les sites Internet visités en dehors de ses horaires de travail. Il ne se déterminait pas davantage sur les reproches formulés à tort de visionner des vidéos durant ses heures de travail, alors qu’elle était en vacances lorsque celles-ci avaient été visionnées.

Son droit d’être entendu avait été violé, comme elle n’avait pas été confrontée aux accusations de B______ avant que le contrôle ne fût opéré et que la décision querellée souffrait d’un défaut de motivation, le DCS ne répondant pas à la quasi-totalité de ses arguments. Le procédé selon lequel celui-ci se contentait d’affirmer que les conclusions des contrôles effectués « avaient été faites sur la base d’éléments factuels et objectifs » ne répondait pas aux exigences de motivation légales.

En 24 ans de service, elle n’avait jamais adopté de comportement violent ou menaçant envers ses collègues ou sa hiérarchie, de sorte que si l’épisode avec B______ était regrettable, il ne pouvait remettre en cause son comportement général. Elle avait fourni des explications détaillées dont la décision querellée ne faisait pas mention. Elle avait toujours rectifié son attitude à la suite des rappels à l’ordre ou remarques reçues. Les reproches avaient eu lieu en 2014, 2016, 2017 et 2018. Ceux-ci n’avaient pas été soulevés lors de son dernier entretien d’évaluation de mai 2022. Entre 1999 et 2014, ainsi qu’entre 2018 et 2023, son comportement ou ses attitudes n’avaient pas été remis en cause. Le caractère absurde des résultats du contrôle individualisé et des constats y relatifs établis dans le compte rendu de l’entretien de service donnait une indication sur le but de ce contrôle, à savoir trouver des éléments susceptibles de l’accabler en vue de justifier son licenciement. Le contrôle individualisé était intervenu de manière illicite, aucune mesure n’ayant été prise pour protéger sa sphère privée. Le licenciement ne reposait sur aucun motif fondé et était envisagé sur la base de preuves illicitement obtenues et dont les constats étaient faux. Quand bien même les reproches formulés à son encontre avant 2018 devaient être retenus, ceux-ci ne suffiraient pas à justifier un licenciement, vu leur ancienneté et l’absence de conséquences a posteriori.

La décision querellée consacrait une violation du principe de la bonne foi pour les mêmes motifs. Les procédés utilisés par le DCS étaient dénués de toute loyauté à son égard.

b. Le DCS a conclu à l’irrecevabilité du recours. En cas de recevabilité, il sollicitait un délai pour compléter ses écritures et conclurait au rejet du recours.

La recourante confondait les arguments à présenter dans le cadre d’un recours contre une éventuelle décision de résiliation des rapports de service avec ceux relatifs à la recevabilité d’une décision incidente. Elle ne présentait pas d’autre argument, tel qu’un éventuel préjudice économique – non réalisé in casu, comme elle recevait toujours son traitement. Le sort de la procédure de reclassement n’était pas connu, de sorte qu’il ne pouvait être prétendu que la recourante serait contrainte à refuser une proposition de reclassement pour obtenir une décision finale susceptible de recours, en violation de la garantie de l’accès au juge. Il appartenait, le cas échéant, à la recourante de demander la suspension de la procédure jusqu’à ce que l’issue de la procédure de reclassement soit connue.

Quant au contrôle de l’utilisation de ses ressources informatiques par la recourante, que ce soit pendant la période du confinement lors de laquelle elle travaillait en VDI (Virtual Desktop Infrastructure) depuis son poste de travail personnel – avec accès à distance à son ordinateur professionnel qui était allumé à son bureau – ou par la suite sur l’ordinateur portable fourni par l’État en VPN (Virtual Private Network), elle était reliée au réseau interne de l’État, lorsqu’elle se connectait avec ses identifiants. L’OCSIN n’avait pas eu accès à ses appareils privés ou ceux de sa famille. Il était techniquement impossible que les consultations Internet des appareils familiaux apparaissent dans les fichiers « logs » de l’administration cantonale sauf à être eux-mêmes également connectés au réseau de l’État. Lorsque la recourante, travaillait à distance en utilisant son propre WIFI, en étant connectée au réseau de l’État, les consultations Internet effectuées figuraient alors en tant que sortantes depuis les serveurs de l’administration cantonale avec une adresse IP de l’État. Ainsi, si un membre de sa famille consultait des sites Internet depuis d’autres appareils connectés au même WIFI, une autre adresse IP serait concernée et la consultation ne passerait pas par le réseau de l’État. L’analyse des données effectuée par l’OCSIN avait ainsi uniquement porté sur les serveurs de l’administration cantonale et non pas sur les appareils de la recourante. Si celle-ci avait fait ressortir les consultations de sites Internet – selon les allégations de la recourante – par des membres de sa famille, cela signifiait que ces derniers avaient utilisé ses identifiants professionnels pour y accéder. Pendant la période de novembre 2021 à novembre 2022, seuls avaient été retenus les sites Internet consultés durant la semaine, entre 7h et 17h30. Les sites de rebond avaient été exclus et seuls avaient été retenus les sites ayant fait l’objet d’une visite active et intentionnelle de la part de la recourante. Aucun document identifié comme privé n’avait été pris en compte lors de l’investigation.

Étaient notamment joints les documents suivants :

-          plusieurs courriers échangés entre la RRH et A______ entre les 17 et 30 mai 2023 concernant le premier entretien de la procédure de reclassement reporté, à la demande de celle-ci pour des raisons médicales, du 23 mai au 2 juin 2023, une rencontre à distance, via une application étant possible ;

-          la directive transversale intitulée « contribution et devoirs des managers en matière de sécurité de l’information », approuvée par le collège des secrétaires généraux, du 30 septembre 2022.

c. Dans sa réplique, la recourante a amplifié ses conclusions, en sollicitant du DCS la production des feuilles horaires et vacances la concernant pour toute la période ayant fait l’objet de la recherche informatique, soit de mars 2019 à décembre 2022. Elle reprenait ses précédents développements en les précisant.

Il apparaissait que certains des sites Internet listés avaient transité par un VPN différent du VPN professionnel, ce qui démontrait que toutes les données des ordinateurs privés de son domicile familial avaient pu être synchronisées avec son ordinateur professionnel alors qu’elle télétravaillait. Le fait que le DCS continuait de se prévaloir de résultats inexacts montrait qu’il n’avait pas tenu compte de ses explications. Il n’était pas interdit que les collaborateurs sauvegardent des documents privés sur leur ordinateur. Bien que les siens fussent indiqués comme tels, l’OCSIN les avait consultés. Compte tenu du fait qu’elle travaillait depuis 24 ans pour le SPAd, il n’était pas excessif qu’il existe des éléments privés dans sa messagerie professionnelle ou sur son PC. L’enquête de l’OCSIN n’indiquait pas que ces éléments auraient tous été créés, consultés ou enregistrés entre 2019 et 2022.

Compte tenu du déroulement de la procédure, elle n’avait eu d’autre choix que de se soumettre à la procédure de reclassement.

d. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif et sur le fond.

e. Par décision du 18 juillet 2023, la chambre administrative a refusé de restituer l’effet suspensif au recours et de prononcer des mesures provisionnelles.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             L’objet du litige porte sur la décision incidente de l’intimé de l’ouverture d’une procédure de reclassement de la recourante.

2.1 Selon l'art. 57 let. c in initio LPA, les décisions incidentes peuvent faire l'objet d'un recours si elles risquent de causer un préjudice irréparable. Selon la même disposition in fine, elles peuvent également faire l'objet d'un tel recours si cela conduisait immédiatement à une solution qui éviterait une procédure probatoire longue et coûteuse.

2.2 L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Le préjudice irréparable visé par l’art. 93 al. 1 let. a et b LTF suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 138 III 46 consid. 1.2). Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant. Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure peut constituer un tel préjudice. Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable. Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 147 III 159 consid. 4.1 ; 142 III 798 consid. 2.2).

2.3 La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4c ; cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l'estiment trop restrictive : Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss).

2.4 Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/1622/2017 précité consid. 4d ; ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2d).

2.5 La seconde hypothèse de l’art. 57 let. c LPA suppose cumulativement que l’instance saisie puisse mettre fin une fois pour toutes à la procédure en jugeant différemment la question tranchée dans la décision préjudicielle ou incidente et que la décision finale immédiate qui pourrait ainsi être rendue permette d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (ATF 133 III 629 consid. 2.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_413/2018 du 26 septembre 2018 consid. 3).

2.6 En matière de fonction publique, la chambre administrative a déclaré irrecevable, pour défaut de préjudice irréparable, un recours contre une décision d'ouverture d'une enquête administrative (ATA/16/2016 du 12 janvier 2016 ; ATA/657/2015 du 23 juin 2015 et les références citées), de même qu'un recours contre une décision de l'enquêteur administratif d'entendre en qualité de témoins des collaborateurs d'une autorité ayant requis du Conseil d'État l'ouverture de l'enquête administrative. Ce n'était qu'après le dépôt du rapport de l'enquêteur, dans l'hypothèse où une sanction serait prononcée à l'encontre du recourant, que la personne concernée pourrait, le cas échéant, contester les témoignages recueillis par l'enquêteur (ATA/715/2013 du 29 octobre 2013 consid. 3). Elle a également nié l'existence d'un préjudice irréparable en cas d'ouverture d'une procédure de reclassement, une telle décision étant au contraire destinée, dans l’hypothèse où le reclassement aboutirait, à éviter ou à atténuer les effets de la décision de licencier envisagée (ATA/1149/2015 du 27 octobre 2015 ; ATA/923/2014 du 25 novembre 2014). Enfin, la chambre de céans n'a pas retenu de préjudice irréparable contre une décision refusant de suspendre la procédure d’enquête administrative le temps que le recourant se rétablisse (ATA/621/2016 du 19 juillet 2016), ni contre celle de l’État de ne pas entendre les douze témoins dont l’audition était sollicitée par un fonctionnaire dans ses observations à la suite d’un entretien de service. Rien ne démontrait qu’une décision finale entièrement favorable à celui-ci ne pourrait pas intervenir (ATA/917/2016 du 1er novembre 2016 consid. 6b).

2.7 En particulier, les conditions de recevabilité d'un recours dirigé contre une décision incidente d'ouverture d'une procédure de reclassement sont restrictives (ATA/1260/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2b ; ATA/923/2014 du 25 novembre 2014 ; ATA/825/2013 précité ; ATA/293/2013 du 7 mai 2013).

Le Tribunal fédéral a toutefois donné tort à la chambre administrative qui avait déclaré irrecevable le recours contre une telle décision visant un enseignant, âgé de 56 ans, qui s'était senti contraint d'accepter, dans le cadre d'une procédure de reclassement, un emploi nettement moins rémunéré. Du moment que le recourant ne pouvait pas faire contrôler par le juge la réalité d’un motif fondé de résiliation des rapports de service au sens des art. 22 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et 46A au règlement d'application de la LPAC du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) sans renoncer à un reclassement, il subissait un préjudice irréparable, qu’il soit d’ordre juridique ou à tout le moins de fait. Les travaux préparatoires à l’origine des modifications de l’art. 22 LPAC allaient dans le même sens. L’autorité compétente ordonnait l’ouverture d’une procédure de reclassement en se fondant sur un examen a priori de la situation conflictuelle, sans avoir à procéder à une instruction complète. Le nouvel art. 31 al. 2 LPAC prévoyait désormais que si la chambre administrative retenait que la résiliation des rapports de service ne reposait pas sur un motif fondé, elle ordonnait à l'autorité compétente la réintégration. Dans ce contexte juridique, l’arrêt d'irrecevabilité se révélait incompatible avec la garantie constitutionnelle d'accès au juge prévue par l'art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). La Confédération et les cantons ne pouvaient, par la loi, exclure l'accès au juge que dans des cas exceptionnels. Dans ce cas, l’arrêt attaqué revenait à subordonner le droit du recourant de demander sa réintégration à la condition qu'il renonce au préalable à un reclassement professionnel. Selon l'interprétation donnée par la chambre administrative de l'art. 57 let. c LPA, l'intéressé n'avait pas la possibilité de soumettre au juge le bien-fondé des griefs formulés à son endroit par son employeur pour justifier son changement d'affectation, malgré les lourdes conséquences que ce changement entraînait pour une personne de plus de 50 ans et qui avait conduit l’ensemble de sa carrière professionnelle au sein de l’enseignement public genevois (ATF 143 I 344 consid. 8 et les références citées).

3.             3.1 En vertu de l'art. 21 al. 3 LPAC, l'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de l'insuffisance des prestations (art. 22 let. a LPAC), l'inaptitude à remplir les exigences du poste (art. 22 let. b LPAC), la disparition durable d'un motif d'engagement (art. 22 let. c LPAC).

3.2 Il y a motif fondé au sens de l'art. 22 LPAC, lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de : l'insuffisance des prestations (let. a) ; l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) ; la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c). Le motif fondé, au sens de l'art. 22 LPAC, n'implique pas l'obligation pour l'employeur de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu'elle n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration (ATA/856/2020 du 8 septembre 2020 consid. 6b). L'intérêt public au bon fonctionnement de l'administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel (ATA/493/2021 du 11 mai 2021 consid. 7a ; Mémorial du Grand Conseil 2005-2006/XI A 10420). Le premier cas de figure visé par la loi est aisé à saisir. Le second concerne par exemple un collaborateur incapable de s'adapter à un changement dans la manière d'exécuter sa tâche. Il en va ainsi de collaborateurs incapables de se former à de nouveaux outils informatiques. Le troisième cas concerne par exemple des collaborateurs frappés d'invalidité et, dès lors, durablement incapables de travailler (Rapport de la commission ad hoc sur le personnel de l'État chargée d'étudier le projet de loi modifiant la LPAC du 29 septembre 2015, PL 7'526-F, p. 3).

Au vu de la diversité des agissements susceptibles de constituer une violation des devoirs de service, le Tribunal fédéral admet le recours par le législateur cantonal genevois à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs (arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 du 26 juin 2020 consid. 4.2.2 et les références citées).

Selon le Tribunal fédéral, la violation fautive des devoirs de service n'exclut pas le prononcé d'un licenciement administratif (soit, pour le canton de Genève, le licenciement pour motif fondé comme dans le cas d’espèce au sens des art. 21 al. 3 et 22 LPAC). Si le principe même d'une collaboration ultérieure est remis en cause par une faute disciplinaire de manière à rendre inacceptable une continuation du rapport de service, un simple licenciement, dont les conséquences sont moins graves pour la personne concernée, peut être décidé à la place de la révocation disciplinaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5).

3.3 Selon la jurisprudence, les motifs fondés de renvoi des fonctionnaires ou d'employés de l'État peuvent procéder de toutes circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, excluent la poursuite des rapports de service, même en l'absence de faute. De toute nature, ils peuvent relever d'événements ou de circonstances que l'intéressé ne pouvait éviter, ou au contraire d'activités, de comportements ou de situations qui lui sont imputables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_585/2014 du 29 mai 2015 consid. 5.2).

Des manquements dans le comportement de l'employé ne peuvent constituer un motif de licenciement que lorsqu'ils sont reconnaissables également pour des tiers. Il faut que le comportement de l'employé perturbe le bon fonctionnement de l'entreprise ou qu'il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-897/2012 du 13 août 2012 consid. 6.3.2 ; ATA/493/2021 du 11 mai 2021 consid. 7b et les références citées ; Valérie DÉFAGO GAUDIN, Conflits et fonction publique : instruments, in Jean-Philippe DUNAND/Pascal MAHON [éd.], Conflits au travail, 2015, pp. 161-162).

S'agissant des devoirs du personnel, les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC). L'art. 21 RPAC prévoit que les membres du personnel se doivent, par leur attitude, d’entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés, de permettre et faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a), ainsi que d'établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public (let. b). Les membres du personnel se doivent, par leur attitude, de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (let. c). Quant à l'exécution du travail, ils se doivent notamment de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 RPAC). Le fonctionnaire doit s'acquitter de sa tâche, dans la mesure qui correspond à ses fonctions, en respectant notamment la légalité et l'intérêt public. Le fonctionnaire doit par ailleurs veiller à la conformité au droit de ses actes ; il lui appartient d'informer ses supérieurs des problèmes qui pourraient se poser et des éventuelles améliorations à apporter au service (Pierre MOOR/François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, Droit administratif, vol. III, 2e éd., 2018, n° 7.3.3.1).

3.4 L'employeur jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour juger si les manquements d'un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration. Les rapports de service étant soumis au droit public (ATA/1343/2015 du 15 décembre 2015 consid. 8 ; ATA/82/2014 du 12 février 2014 consid. 11 et les références citées), la résiliation est en outre assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité (art. 5 al. 1 Cst.), de l’égalité de traitement (art. 8 Cst.), de l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.) et de la proportionnalité (art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst. ; ATA/993/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4e ; ATA/562/2020 du 9 juin 2020 consid. 6e et les références citées).

3.5 Préalablement à la décision de résiliation, l'autorité compétente est tenue de proposer au fonctionnaire qu'elle entend licencier des mesures de développement et de réinsertion professionnelle et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé (art. 21 al. 3 LPAC).

La procédure de reclassement est réglée à l’art. 46A RPAC, qui prévoit que lorsque les éléments constitutifs d’un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors d’entretiens de service, un reclassement selon l’art. 21 al. 3 LPAC est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein de l’administration et que l’intéressé au bénéfice d’une nomination dispose des capacités nécessaires pour l’occuper (al. 1). Des mesures de développement et de réinsertion professionnels propres à favoriser le reclassement sont proposées (al. 2). L’intéressé est tenu de collaborer. Il peut faire des suggestions (al. 3). En cas de refus, d’échec ou d’absence du reclassement, une décision motivée de résiliation des rapports de service pour motif fondé intervient (al. 6).

Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est une expression du principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) et impose à l’État de s’assurer, avant qu’un licenciement ne soit prononcé, qu’aucune mesure moins préjudiciable pour l’administré ne puisse être prise. La loi n’impose toutefois pas à l’État une obligation de résultat, mais celle de mettre en œuvre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui (ATA/1782/2019 du 10 décembre 2019 consid. 13e).

3.6 En l’espèce, se fondant sur l’ATF 143 I 344, la recourante fait valoir qu’un recours doit être ouvert déjà au stade de la décision d’ouverture de la procédure de reclassement. À l’inverse, l’intimé considère que, contrairement au cas précité, le sort de la procédure de reclassement n’est pas connu, de sorte qu’il ne peut ainsi être prétendu que la recourante serait contrainte de refuser une proposition de reclassement pour obtenir une décision finale susceptible de recours, en violation de la garantie de l’accès au juge.

Conformément à la décision querellée, déclarée exécutoire nonobstant recours, la procédure de reclassement de la recourante a été ouverte le 12 mai 2023. Les éléments versés au dossier montrent qu’un premier entretien dans ce cadre a pu avoir lieu le 2 juin 2023. À ce stade, rien ne permet toutefois de retenir que ladite procédure de reclassement aurait abouti à une proposition de reclassement, tel que dans le cas auquel il est fait référence.

En effet, la recourante admet qu’elle ne dispose pas pour l’instant de perspectives de reclassement concrètes, ni a fortiori que celui-ci pourrait être à son désavantage. Il ne peut donc être établi qu’elle subirait un préjudice irréparable du fait de la procédure en cours. Dans l’hypothèse où celle-ci n’aboutirait pas, la réalisation du motif fondé invoqué par l’intimé serait examinée dans le cadre d’un éventuel recours contre la décision de licenciement. Il s’ensuit qu’in casu, il ne saurait ultérieurement être considéré que le droit de la recourante de demander sa réintégration serait subordonné à la condition qu’elle renonce au préalable à un reclassement professionnel. Il apparaît impossible d’examiner les conditions d’un changement d’affectation, tandis que celui-ci n’est pas intervenu et n’est même pas encore envisagé.

Ainsi, dans son arrêt ATA/1169/2022 du 22 novembre 2022, la chambre de céans a retenu que le fait de nier l’existence d’un préjudice irréparable pour contester la libération de l’obligation de travailler ne privait aucunement l’intéressée de faire valoir, s’il y avait lieu, l’ensemble de ses griefs au stade du contrôle juridictionnel du motif fondé de la résiliation des rapports de service (consid. 4). Il en va de même in casu.

En ces circonstances, lesquelles se distinguent du cas concerné par l’ATF 143 I 344, le recours doit être déclaré irrecevable.

4.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 23 mai 2023 par A______ contre la décision incidente du département de la cohésion sociale du 12 mai 2023 ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 800.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat de la recourante, ainsi qu'au département de la cohésion sociale.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Valérie LAUBER, Eleanor McGREGOR, Philippe KNUPFER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

 

la greffière :