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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/761/2022

ATA/788/2023 du 18.07.2023 sur JTAPI/1376/2022 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.09.2023, 1C_483/2023, D 314333/1
Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION;AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;CHANGEMENT D'AFFECTATION;PERMIS DE CONSTRUIRE;TRAVAUX SOUMIS À AUTORISATION;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;POUVOIR D'APPRÉCIATION;SANCTION ADMINISTRATIVE;PÉREMPTION;PRESCRIPTION;FARDEAU DE LA PREUVE;APPRÉCIATION DES PREUVES;APPLICATION RATIONE TEMPORIS;REMISE EN L'ÉTAT;RÉTABLISSEMENT DE L'ÉTAT ANTÉRIEUR;PROPORTIONNALITÉ
Normes : Cst.5.al2; Cst.29.al2; CC.8; LAT.22.al1; LPA.18; LPA.19; LCI.1.al1.letb; LCI.1.al6; LCI.3.al3; LCI.12D; LCI.120; LCI.121.al1; LCI.129.lete; LCI.130
Résumé : recours du propriétaire d'un immeuble contre un jugement du TAPI confirmant l'ordre du département du territoire de requérir une autorisation de construire (1), le refus de ce dernier de délivrer l'autorisation (2), l'ordre de procéder à la remise en état des locaux concernés, à savoir les combles (3), et l’interdiction immédiate d’habiter les combles (4). Le recourant a procédé à un changement d'affectation des combles sans requérir d'autorisation de construire. Le département n'ayant préalablement pas accepté que les combles soient affectés à du logement, il était fondé à requérir le dépôt d'une autorisation de construire. Une telle mesure est une mesure administrative qui découle de la loi et n'est pas soumise à un délai de péremption. L'habitabilité des logements dans les combles ne revêtant pas une qualité suffisante, ce qui contrevient aux art. 14 al. 1 let. b et 121 al. 1 LCI, la délivrance de l'autorisation de construire a été refusée à juste titre. Enfin, l’interdiction immédiate d’habiter les combles est justifiée au vu de la non conformité à la loi des locaux, et l'ordre de remise en état respecte le principe de proportionnalité et n'est pas périmé, la recourante échouant à démontrer que les travaux litigieux auraient été exécutés au moins de 30 ans auparavant. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/761/2022-LCI ATA/788/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 juillet 2023

3ème section

 

dans la cause

 

A______ SA recourante
représentée par la régie B______ SA, mandataire

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 décembre 2022 (JTAPI/1376/2022)


EN FAIT

A. a. A______ SA (ci-après : A______) est, depuis le 20 juin 2014, propriétaire de la parcelle n° 3'020 de la commune de C______, qu'elle a acquise de D______ notamment.

Sur cette parcelle est érigé un bâtiment d'habitations dont la construction a été autorisée le 4 novembre 1957.

b. Selon l'autorisation de construire y relative, enregistrée sous la référence DD 1______, les combles de l'immeuble étaient destinés à des locaux commerciaux (bureaux).

B. a. À une date indéterminée, les combles ont été transformés en deux logements de respectivement quatre et trois pièces et demi, sans qu'une autorisation ait été délivrée.

b. Le 16 octobre 2020, l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) du département du territoire (ci-après : le département) a informé A______, soit pour elle la régie B______ SA, dont D______ est administrateur, que, lors d’un transport sur place le 9 octobre 2020, un collaborateur de l'office des autorisations de construire avait constaté un changement d’affectation des combles qui n'avait pas fait l'objet d'une autorisation de construire, ce qui était susceptible de constituer une infraction.

Une procédure d'infraction a été ouverte sous la référence I/2______.

c. Par décision du 13 novembre 2020, le département a ordonné à A______ de déposer une demande d’autorisation de construire afin de régulariser cette situation.

d. Par courrier du 7 mai 2021, l’OCLPF a indiqué à A______ qu'à la suite d'un contrôle de l’habitabilité de l'un des appartements situés dans les combles de l’immeuble, il avait constaté que ledit logement n’était pas habitable.

Les fenêtres obliques du séjour et de la chambre avaient notamment leur base vers 1.80 m de hauteur, ce qui était trop haut selon la loi.

e. Le 15 juin 2021, A______ a déposé auprès du département une requête en autorisation de construire portant sur la régularisation de l'infraction I/2______.

f. Lors de l’instruction de la requête, la police du feu et l’office cantonal de l’énergie (ci‑après : OCEN) ont sollicité à deux reprises des pièces complémentaires, qu'ils n'ont pas reçues.

La commission d’architecture (ci-après : CA) a requis à deux reprises une modification du projet, dans la mesure où, à teneur des plans produits, les pièces étaient uniquement éclairées par des jours inclinés, d'où une absence d'habitabilité qualitative.

La direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a rendu un préavis défavorable. La base des jours ne respectait pas la loi et le plan de la DD 1______ faisait état d’aménagements provisoires. Aucune solution viable avec des socles n’était proposée, en particulier en regard des vides d’étage.

g. Par décision du 31 janvier 2022, le département a refusé de délivrer l’autorisation de construire sollicitée.

Dès lors que le projet n’offrait pas la qualité suffisante en matière d’habitabilité, les pièces étant uniquement éclairées par des jours inclinés en toiture, le projet ne remplissait pas les conditions de sécurité et de salubrité qu’exigeait son exploitation.

Le refus était également motivé par le fait que l’ensemble des documents exigés par l’OCEN et la police du feu n'avait pas été fourni, ce qui ne leur avait pas permis d’instruire le dossier.

h. Par décision du 4 mars 2022, le département a prononcé l’interdiction immédiate d’habiter les combles et a ordonné à A______ de procéder à leur remise en état, conformément à la DD 1______, dans un délai de six mois.

C. a. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) contre le refus d’autorisation de construire, d'une part, et la décision du 4 mars 2022, d'autre part.

b. Le TAPI a procédé à un transport sur place et a constaté que l'un des appartements situé dans les combles était occupé.

Le représentant de la recourante a indiqué que le montant nécessaire à l'exécution des travaux à entreprendre sur les velux était exorbitant, se situant entre CHF 350'000.- et CHF 400'000.-. Il avait donc déposé un projet modifié dans lequel les velux n’étaient plus modifiés. L’appartement tel que vu par le TAPI était dans cet état depuis environ 40 ans.

c. Après avoir joint les deux causes sous la cause n° A/761/2022, le TAPI a rejeté les recours par jugement du 12 décembre 2022.

La dernière affectation autorisée des combles l'était pour des locaux de bureaux et non des logements. Dès lors, n'ayant jamais été amené à statuer sur la fin de l'affectation provisoire en bureaux des surfaces en vue d'une nouvelle affectation au logement, le département était fondé à exiger le dépôt d'une autorisation de construire.

La disposition régissant l'éclairage des combles était pleinement applicable mais les velux n'étaient pas conformes. L'habitabilité des logements ne revêtait pas une qualité suffisante, ce qui justifiait le refus de délivrer l'autorisation de construire.

Dès lors que le projet ne respectait pas les conditions d'habitabilité des logements, le département était fondé à prononcer le refus d'autorisation de construire querellé, malgré le fait que certaines instances précédemment consultées étaient en attente de pièces complémentaires, non fournies. L'intéressée avait confirmé que, vu le coût estimé des travaux, elle n'entendait plus procéder au déplacement des velux, alors que cet élément constituait le cœur du défaut d'habilité des logements.

L'ordre de remise en état était proportionné, vu la création illicite de logements créés ne répondant pas aux exigences d'habitabilité. La péremption trentenaire n'était pas acquise.

A______ avait bénéficié pendant de nombreuses années des logements non autorisés. Son intérêt privé, purement économique, ne pouvait l'emporter sur l'intérêt public à assurer les exigences minimales d'habitabilité et de salubrité des logements.

D. a. Par acte remis à la poste le 27 janvier 2023, A______ a interjeté recours contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative), concluant à son annulation.

L’intimé n’était pas fondé à exiger le dépôt d’une demande d’autorisation de construire, en raison de la prescription décennale atteinte et du fait qu’il avait accepté, à tout le moins tacitement, que les combles fussent affectés à du logement, dans la mesure où il avait constaté, lors d'un transport sur place le 23 mars 1959, l'existence d'un studio, ce qu'il avait confirmé dans un courrier du 25 mars de la même année.

L’intimé avait refusé à tort de délivrer l’autorisation de construire sollicitée. Elle bénéficiait d’un droit acquis et les articles de loi relatifs à l’éclairage des combles et aux vides d’étages n’étaient pas applicables. Les appartements ne souffraient pas d’une absence d’habitabilité. Le principe de proportionnalité avait été violé et le département avait refusé à tort de poursuivre l’instruction.

Les ordres d’interdiction immédiate d’habiter les combles et de remise en état étaient prescrits. L’ordre de remise en état était contradictoire et consacrait une violation du principe de proportionnalité. Les coûts de la remise en état étaient exorbitants.

b. Le département a conclu au rejet du recours.

c. Dans sa réplique, la recourante a persisté dans ses conclusions et a requis l'audition de « MM. E______ et F______ », soit le collaborateur du département qui s'était rendu sur place le 23 mars 1959 et l'auteur du courrier du surlendemain.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 63 al. 1 let. c LPA ; art. 149 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05).

2.             La recourante sollicite l'audition de deux anciens collaborateurs du département.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2020 du 1er avril 2021 consid. 3.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2 ; 141 III 28 consid. 3.2.4).

2.2 La procédure administrative est en principe écrite ; toutefois, si le règlement et la nature de l'affaire le requièrent, l'autorité peut procéder oralement (art. 18 LPA).

2.3 En l’espèce, on comprend que la recourante souhaite que les personnes dont elle requiert l'audition – qui auraient aujourd’hui atteint au moins l’âge de 84 ans – confirment devant la chambre de céans l'existence d'un « studio » dans les combles litigieux à la fin des années 1950. Or, comme il sera développé ci-après, il apparaît que cette question n'est pas déterminante pour l'issue du litige.

Par ailleurs, la chambre de céans constate que le dossier dont elle dispose est complet et lui permet de trancher le litige en connaissance de cause, sans qu'il soit nécessaire de procéder oralement.

Il ne sera dès lors pas donné suite à la demande d’acte d’instruction de la recourante.

3.             La recourante prétend que l'intimé n'était pas fondé à requérir de sa part le dépôt d'une autorisation de construire portant sur la régularisation de l'infraction I/2______.

3.1 Selon l'art. 1 al. 1 let. b LCI, sur tout le territoire du canton, nul ne peut, sans y avoir été autorisé modifier même partiellement le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation.

3.2 L'art. 129 LCI prévoit un catalogue de mesures destinées à rétablir une situation conforme au droit. Ces mesures peuvent être ordonnées par le département lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la présente loi, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 130 LCI).

Selon le Tribunal fédéral, la compétence du département n'est pas limitée aux seuls ordres prévus par l'art. 130 LCI, mais peut également s'étendre à d'autres mesures, pour autant que celles-ci aient elles-mêmes une base légale (arrêt du Tribunal fédéral 1C_557/2019 du 21 avril 2020 consid. 2.4 et les références citées).

Dans la pratique, il arrive fréquemment que le département ordonne le dépôt d’une demande d’autorisation de construire. Le Tribunal fédéral a confirmé, à la suite d'un arrêt rendu par la chambre administrative le 17 septembre 2019 (ATA/1399/2019), la conformité au droit de cette pratique, en relevant que, dans la mesure où cette mesure se rapporte au dépôt d’une autorisation de construire et partant à une obligation qui peut être déduite de la loi (art. 1 al. 1 let. b LCI ; art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT - RS 700), il n’est pas nécessaire que celle-ci soit fondée sur une base légale expresse, l’habilitation à la prononcer résultant déjà du droit matériel (arrêt du Tribunal fédéral 1C_557/2019 du 21 avril 2020 consid. 2.4 et les références citées ; RDAF 2021 I 447).

3.3 Il y a péremption d'un droit lorsque, par écoulement du temps, ce droit est éteint. Il ne subsiste donc pas d'obligation naturelle. Un délai de péremption doit être en principe inscrit dans une loi au sens formel (arrêt du Tribunal fédéral 2C_744/2014 du 23 mars 2016 consid. 6.2 et 7 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 263 n. 746).

Le droit d'ordonner des mesures administratives en rétablissement de la légalité se prescrit : l’autorité est paralysée dans son action face à la construction illicite. À défaut de règles cantonales spécifiques, le délai de prescription est de 30 ans en principe (ATF 107 Ia 121, consid. 1a ; 105 Ib 265, consid. 3b-6b ; ATA/540/2023 du 23 mai 2023 consid. 3.2.1 et la référence citée ; Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, Les constructions « illicites » in Jean-Baptiste ZUFFEREY [éd.], Journées suisses du droit de la construction 2019, p. 219).

L'application analogique des règles sur la prescription acquisitive constitue une garantie contre une intervention de l'État tendant à exiger une remise en état ou la démolition d'une construction érigée sans droit, la jurisprudence s'inspirant de l'art. 662 al. 1 CC uniquement pour déterminer le délai de péremption auquel est soumise une telle intervention (ATF 136 II 359 consid. 8 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_2/2020 du 13 mai 2020 consid. 2.2). Ainsi, le fait qu'une affectation illégale perdure depuis plus de 30 ans sans intervention des autorités communales et cantonales – et donc le fait que la prescription trentenaire soit acquise – n'a pas pour effet de la rendre licite, mais s'oppose tout au plus à une remise en état des lieux. Le statut de construction érigée ou transformée légalement ne peut donc s'acquérir avec le temps (arrêts du Tribunal fédéral 1C_2/2020 précité consid. 2.2 ; ATA/532/2021 du 18 mai 2021 consid. 7).

3.4 En droit administratif, les faits doivent en principe être établis d’office (art. 19 LPA) et, dans la mesure où l’on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle procède à cette recherche, les règles sur la répartition du fardeau de la preuve ne s’appliquent pas. Il n’en demeure pas moins que, lorsque les preuves font défaut, ou si l’on ne peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, la règle de l’art. 8 du code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) est applicable par analogie. Ainsi, pour les faits constitutifs d’un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (art. 8 CC ; ATF 112 Ib 65 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_170/2011 du 18 août 2011 consid. 3.2). Ainsi, il appartient à celui qui entend se prévaloir de l'effet de la prescription trentenaire de prouver que celle-ci a été atteinte (ATA/1304/2020 du 15 décembre 2020 consid. 7b, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.2.2).

3.5 En l'espèce, la recourante soutient que l'intimé aurait accepté que les combles soient affectés tant à une activité administrative qu'à du logement, en particulier à un studio. De plus, les deux appartements litigieux existeraient dans les combles depuis 2001. Dès lors, et en raison notamment du fait que la « prescription » décennale aurait été atteinte, l'intimé n'était plus autorisé à requérir le dépôt d'une autorisation de construire.

Or, le plan des combles daté du 12 mars 1959 faisant partie du dossier relatif à la DD 1______ ne fait apparaître aucun studio. Au contraire, comme l'a retenu à juste titre le TAPI, il montre sans ambiguïté que les combles étaient entièrement et exclusivement affectés à un usage commercial. Aucun élément du dossier ne démontre que l'aménagement d'un studio aurait été dûment et expressément autorisé à un quelconque moment, et seul le plan précité, sur la base duquel l'autorisation a été délivrée, est pertinent. De la sorte, la seule mention, dans un courrier du département de 1959, de l'existence du studio dans les combles, n’a pas de portée, et ne signifie notamment pas que le département en aurait autorisé l'aménagement tacitement ou accepté que les combles aient été affectés tant à une activité administrative qu'à du logement. La recourante a au demeurant admis qu'aucune autorisation de construire concernant l'aménagement des deux logements dans les combles n'a été requise et, de facto, délivrée. Par surabondance, dans la mesure où un studio, dans le langage courant, ne comprend qu'une pièce alors que les appartements visés en comptent respectivement quatre et trois et demi, il apparaît que le studio évoqué dans le courrier de 1959 ne correspond pas aux deux appartements en cause, dont les dimensions sont nettement plus importantes.

Contrairement à ce qu'affirme la recourante, si l'aménagement des combles en locaux commerciaux n'était que provisoire, cela ne dispensait pas le propriétaire de son obligation de demander une autorisation en vue de la transformation des locaux commerciaux en logements, dans la mesure où tout changement d'affectation doit, sous réserves d'exceptions non réalisées en l'occurrence, être autorisé (art. 1 al. 1 let. b LCI).

Par ailleurs la jurisprudence précitée suggère que la possibilité pour le département d'ordonner le dépôt une demande d’autorisation de construire est une mesure administrative qui n'est soumise, en l'absence de disposition légale expresse, à aucun délai de péremption.

Si la recourante se prévaut de l'ATA/261/2001 du 24 avril 2001, dans lequel la chambre administrative aurait jugé que la prescription des mesures administratives prévues aux art.129ss LCI serait de dix ans, elle perd de vue que, dans l’affaire concernée et sur laquelle la chambre de céans a fondé son raisonnement (ATA/774/1999 du 21 décembre 1999), le litige concernait exclusivement un ordre de restituer à des locataires le trop-perçu de loyers, soit une situation bien particulière ayant trait à une créance pécuniaire. Si la chambre administrative a par la suite confirmé que le droit du département d'exiger la restitution du trop-perçu de loyers en matière de LDTR se prescrivait en effet au plus par dix ans à compter de la naissance de ce droit (ATA/1382/2021 du 21 décembre 2021 consid. 3a et les arrêts cités), elle n’a en revanche jamais considéré que la prescription des mesures administratives prévues aux art. 129ss LCI serait de dix ans. Au contraire, se fondant sur la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 107 Ia 121 = JdT 1983 I 299), elle a en particulier retenu, et rappelé dans de nombreux arrêts, que la compétence d’exiger la démolition d’un bâtiment pour rétablir une situation conforme au droit, soit une mesure administrative au sens de l’art. 129 let. e LCI (cf. infra consid. 5.1), est soumise en principe à un délai de péremption de 30 ans (ATA/540/2023 du 23 mai 2023 consid. 3.2.1 et la référence citée ; ATA/1157/2018 du 30 octobre 2018 consid. 6c ; ATA/488/2011 du 27 juillet 2011 consid. 5b ; ATA/360/2006 du 27 juin 2006 consid. 7c ; ATA/712/2001 du 13 novembre 2001 consid. 6c ; ATA/618/1996 du 29 octobre 1996 consid. 2c), et non de dix ans.

Quand bien même la possibilité pour le département d'ordonner le dépôt d'une autorisation de construire serait soumise à un délai de péremption de 30 ans, ce qui n'est de toute façon pas le cas, la recourante a toujours affirmé ne pas être en mesure de démontrer que le changement d'affectation aurait été effectué il y a plus de 30 ans. Les pièces qu'elle a fournies infirment au contraire ses allégations, puisque le premier contrat de bail à loyer d'habitation portant sur l'un des deux appartements dans les combles a été conclu le 25 septembre 2013, soit bien moins de 30 ans avant l'ordre de déposer l'autorisation de construire querellée. Elle échoue ainsi à prouver qu'une éventuelle péremption trentenaire serait atteinte, ce dont elle avait le fardeau.

Au vu de ce qui précède, l'intimé n'a pas violé le droit en exigeant le dépôt d'une autorisation de construire, dans la mesure où il n'est pas contesté qu'il n'a jamais été amené à statuer sur la fin de l'affectation provisoire en bureaux des surfaces en vue d'une nouvelle affectation en logements.

Le grief sera en conséquence écarté.

4.             La recourante soutient que l'intimé aurait refusé à tort de délivrer l'autorisation de construire sollicitée.

4.1 Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire (art. 1 al. 6 LCI).

4.2 L’art. 3 al. 3 1ère phrase LCI prévoit notamment que les demandes d’autorisation sont soumises, à titre consultatif, au préavis des communes, des départements et des organismes intéressés.

Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 2e phr.) et n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste ainsi libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu’un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/486/2023 du 9 mai 2023 consid. 6.1.1 et les références citées).

Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, l'autorité de recours observe une certaine retenue, fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/422/2023 du 25 avril 2023 consid. 5.3 et les références citées).

4.3 Selon l'art. 12D LCI, entré en vigueur le 7 février 2015, des jours ouvrants peuvent être créés dans les combles aux conditions suivantes : la base de l’ouverture ne doit pas être située à plus de 1,50 m du sol (let. a) ; le sommet de l’ouverture ne doit pas être situé à moins de 1,80 m du sol (let. b) ; ce type de jour ne peut être créé que sur un toit dont la pente est égale ou supérieure à 30°(let. c) ; les surfaces cumulées des projections verticales des ouvertures d’une pièce ne peuvent être inférieures au dixième de la surface de cette dernière (let. d) ; pour les lucarnes, dans les quatre premières zones de constructions, la longueur de la projection au sol ne dépassera pas la moitié de celle de la façade. Après préavis de la commission d'architecture, ou de la commission des monuments, de la nature et des sites, les lucarnes peuvent être regroupées (let. e).

4.4 Selon l'art. 121 al. 1 LCI, – applicable à toutes les constructions, quelle que soit la date de leur établissement (art. 120 LCI) –, une construction, une installation et, d’une manière générale, toute chose doit remplir en tout temps les conditions de sécurité et de salubrité exigées par la présente loi, son règlement d’application ou les autorisations délivrées en application de ces dispositions légales et réglementaires.

4.5 Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Le principe de proportionnalité s'applique au législateur, dès lors que toute restriction à un droit fondamental, prévue dans une base légale, n'est admissible que si elle est proportionnelle (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 557).

4.6 Selon la jurisprudence, en droit de la construction, la loi applicable est celle en vigueur au moment où statue la dernière instance saisie du litige (ATF 101 Ib 297 consid. 2b ; ATA/1371/2018 du 18 décembre 2018 consid. 5b et les références citées).

La jurisprudence a déduit de la garantie de la propriété et du principe de la non‑rétroactivité des lois une protection de la situation acquise, laquelle postule que de nouvelles dispositions restrictives ne puissent être appliquées à des constructions autorisées conformément à l'ancien droit que si un intérêt public important l'exige et si le principe de la proportionnalité est respecté (ATF 117 Ib 243 consid. 3c ; 113 Ia 119 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.354/2002 du 31 octobre 2002 consid. 5.2).

4.7 Sous le terme de droit acquis est désigné un ensemble assez hétérogène de droits des administrés envers l'État dont la caractéristique commune est qu'ils bénéficient d'une garantie particulière de stabilité. Des droits acquis peuvent être conférés par la loi lorsque celle-ci les qualifie comme tels ou lorsqu'elle garantit leur pérennité, soit si le législateur a promis dans la loi que celle-ci ne serait pas modifiée ou sera maintenue telle quelle pendant un certain temps (ATA/1259/2020 du 15 décembre 2020 consid. 6)

Un droit acquis peut être créé dans les mêmes conditions que par la loi par une décision individuelle. On notera à cet égard que le simple octroi d'une autorisation de police, comme une autorisation de construire, ne crée pas de droits acquis (arrêt du Tribunal fédéral 2C_400/2021 du 18 août 2021 consid. 4.4.3 ; ATA/1259/2020 précité consid. 6 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 266 et 267).

4.8 En l'espèce, comme l'a retenu à juste titre le TAPI, les velux litigieux sont situés à une hauteur de 1.80 m du sol, soit au-dessus des 1.50 m prévus par l'art. 12D LCI, et ne sont donc pas conformes à cette disposition. Ce constat est confirmé par les préavis de la DAC et de la CA, autorités composées de spécialistes, qui ont relevé que l'habitabilité des logements ne revêtait pas une qualité suffisante, ce qui n'est pas acceptable au regard de la disposition précitée et des art. 14 al. 1 let. b et 121 al. 1 LCI.

La recourante ne le conteste.

4.8.1 Elle prétend toutefois, premièrement, qu'au moment de leur installation, les velux étaient conformes au droit en vigueur et suffisants pour permettre l'usage des combles tant à des fins commerciales que d'habitation. Dans la mesure où les velux, dans la version du projet modifié le 29 septembre 2021, n'étaient plus touchés ni modifiés, elle bénéficierait ainsi d'un droit acquis et l'art. 12D LCI ne serait pas applicable.

Or, elle ne saurait être suivie. En effet, le simple octroi d'une autorisation de construire ne créant pas de droits acquis, il doit en aller a fortiori de même lorsque, comme en l'espèce, aucune autorisation n'a été délivrée, en l'occurrence pour l'affectation des combles en logement.

De plus, il n'apparaît pas qu'au moment de leur installation, les velux étaient conformes au droit en vigueur pour un usage des combles à des fins d'habitation. En effet, d'une part, ils ont été acceptés pour un usage des locaux commercial exclusivement. D'autre part, si l'art. 51 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 3 novembre 1942 (aRCI - L 5 4), applicable au moment de la délivrance de la DD 1______, prévoyait que « les surfaces éclairantes des locaux de travail [devaient] faire l’objet, dans chaque cas, d’un examen spécial par les services compétents. Des jours directs sur l’extérieur [étaient] toujours exigés pour de tels locaux », cette disposition, sur la base de laquelle l'autorisation de construire a très vraisemblablement été octroyée, ne concernait que les locaux commerciaux. La recourante ne saurait ainsi en déduire une présomption historique de conformité pour du logement également.

Dès lors, et dans la mesure où la construction des velux n'a pas été autorisée pour une affectation à du logement, la recourante ne bénéficie pas de la protection de la situation acquise, de sorte que l'art. 12D LCI était pleinement applicable au moment où l'autorisation de construire sollicitée a été déposée.

4.8.2 Deuxièmement, la recourante se plaint d'une violation du principe de proportionnalité, compte tenu notamment du temps écoulé depuis l'achèvement des constructions, soit 60 ans, et dans la mesure où l'application de l'art. 12D LCI impliquerait l'exécution de travaux dont les coûts seraient importants.

On ne voit toutefois pas en quoi le principe de proportionnalité serait concerné dans le cadre de l'application de l'art. 12D LCI, dans la mesure où cette disposition constitue une prescription légale du droit de la construction, applicable à tous les administrés.

Le respect du principe de proportionnalité sera en revanche analysé ci-après, dans le cadre de l'examen de la conformité au droit des ordres de remise en état et d'interdiction immédiate d'habiter les combles (cf. infra consid. 5ss).

L'argumentation du recourant tombe dès lors à faux.

4.8.3 Enfin, la recourante estime que l'instruction aurait dû être continuée, quand bien même elle n'aurait pas fourni les documents complémentaires requis.

Elle part toutefois de la prémisse erronée que son projet, tel que déposé, respectait les conditions d'habitabilité des logements, ce qui n'est toutefois pas le cas et a pu être constaté en cours d'instruction.

Devant ce constat, les instances de préavis ont relancé à plusieurs reprises la recourante afin qu'elle fournisse les documents permettant de démontrer le respect des prescriptions légales, ce qu'elle n'a pas fait.

Dès lors, l'intimé était fondé à arrêter l'instruction et rendre une décision de refus, ce d'autant plus que la recourante a admis, lors du transport sur place le 22 novembre 2022, qu'elle n'entendait plus procéder au déplacement des velux, alors que la disposition de ces derniers est la cause principale du refus d'autorisation.

Au vu de ce qui précède, l'intimé a – à juste titre – refusé de délivrer l'autorisation de construire sollicitée, celle-ci n'étant pas conforme à l'art. 12D LCI, pleinement applicable à la présente situation.

Le grief sera écarté.

5.             Dans un ultime grief, la recourante prétend que les ordres de remise en état et d'interdiction immédiate d'habiter les combles prononcés à son encontre seraient prescrits, infondés et violeraient le principe de proportionnalité.

5.1 Selon l'art. 129 LCI, dans les limites des dispositions de l’art. 130, le département peut notamment ordonner, à l’égard des constructions, des installations ou d’autres choses l’interdiction d’utiliser ou d’exploiter (let. d) et la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (let. e).

Ces mesures peuvent être ordonnées par le département lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 130 LCI).

5.2 De jurisprudence constante, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter les cinq conditions cumulatives suivantes :

- l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur ;

- les installations en cause ne doivent pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation ;

- un délai de plus de 30 ans ne doit pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux, sauf en zone agricole, où la prescription ne court pas (ATF 147 II 309 consid. 4 et 5), étant précisé que le délai court dès l’achèvement des derniers travaux soumis à autorisation (ATF 107 Ia 121 consid. 1b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_564/2010 du 7 juillet 2011 consid. 2.2 ; Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, op.cit., p. 219).

- l'autorité ne doit pas avoir créé chez l'administré concerné, que ce soit par des promesses, par des infractions, des assurances ou encore un comportement des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi ;

- l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/540/2023 du 23 mai 2023 consid. 3.2.1 et l'arrêt cité).

La prescription trentenaire s'applique également aux cas de changement d'affectation, la sécurité du droit devant être garantie également en la matière (ATA/1678/2019 du 19 novembre 2019 consid. 5a et les arrêts cités).

Une dérogation au principe selon lequel le rétablissement d'une situation conforme au droit ne peut pas être ordonné si un délai de plus de 30 ans s'est écoulé depuis l'exécution des travaux non autorisés peut être admise lorsque le rétablissement d'une situation conforme au droit s'impose pour des motifs de police au sens étroit (ATF 107 Ia 121 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_2/2020 du 13 mai 2020 consid. 2 ; ATA/532/2021 du 18 mai 2021 consid. 7 et l'arrêt cité).

5.3 Selon le Tribunal fédéral, l'art. 129 let. e LCI reconnaît une certaine marge d'appréciation à l'autorité dans le choix de la mesure adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faire usage dans le respect des principes de la proportionnalité, de l'égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et privés en présence. C'est ainsi qu'il peut être renoncé à une remise en état des lieux, si les dérogations à la règle sont mineures, lorsque cette mesure n'est pas compatible avec l'intérêt public ou encore lorsque le propriétaire a pu croire de bonne foi qu'il était autorisé à édifier ou à modifier l'ouvrage et que le maintien d'une situation illégale ne se heurte pas à des intérêts publics prépondérants (arrêts du Tribunal fédéral 1C_189/2022 du 13 janvier 2023 consid. 2.2 et les références citées ; 1C_273/2008 du 7 octobre 2008 consid. 3. 1 et les références citées ; ATA/540/2023 du 23 mai 2023 consid. 3.2.2 et l'arrêt cité). Il en va de même s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle, et même un constructeur qui n'est pas de bonne foi peut invoquer le principe de la proportionnalité. Toutefois, celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (arrêts du Tribunal fédéral 1C_533/2021 du 19 janvier 2023 consid. 5.1 et l'arrêt cité ; 1C_114/2011 du 8 juin 2011 consid. 4.1 et les arrêts cités ; ATA/540/2023 précité consid. 3.2.2 et l'arrêt cité).

Donner de l'importance aux frais dans la pesée des intérêts impliquerait de protéger davantage les graves violations et mènerait à une forte et inadmissible relativisation du droit de la construction. C'est pourquoi il n'est habituellement pas accordé de poids particulier à l'aspect financier de la remise en état (ATA/225/2023 du 7 mars 2023 consid. 3c; Vincent JOBIN, Construire sans autorisation - Analyse des arrêts du Tribunal fédéral de 2010 à 2016, VLP-ASPAN, Février 1/2018, p. 16 et les références citées).

5.4 En l'espèce, s'agissant de l'interdiction d'utiliser les locaux, et comme exposé ci-avant (consid. 4.9), les appartements n'offrent pas la qualité suffisante en matière d’habitabilité.

De plus, si la recourante allègue qu'une éventuelle prescription trentenaire serait atteinte, elle n'en apporte cependant pas la preuve, comme on l'a vu précédemment (consid. 3.5).

Par conséquent, dans la mesure où l’état des locaux litigieux n’est pas conforme aux prescriptions de la LCI, l'interdiction d'utiliser les locaux est conforme au droit.

5.5 En ce qui concerne l'ordre de remise en état, la recourante prétend que l'aménagement des combles en locaux d'habitation aurait été autorisé, dès lors que l’aménagement d’un studio – à des fins d’habitation – aurait été accepté à la fin des années 1950.

Sur ce point, il sera renvoyé au consid. 3.5 du présent arrêt, où il a été exposé que l'aménagement des combles en locaux d'habitation n'a – à aucun moment – été autorisé.

Il n'est pas contesté que l'ordre de remise en état est dirigé contre le perturbateur, soit la recourante, actuelle propriétaire des locaux litigieux, et il est établi que la prescription trentenaire n'est pas atteinte (consid. 3.5).

Les trois premières conditions permettant la remise en état sont ainsi remplies.

En ce qui concerne la question de savoir si l'intimé aurait créé chez la recourante et les anciens propriétaires des conditions telles qu'il serait lié envers eux par la bonne foi, comme vu précédemment (consid. 3.5), la seule mention de l'existence d'un « studio » dans les combles, dans un courrier du département de 1959, ne permet pas de retenir que ce dernier aurait autorisé tacitement l'aménagement d'un studio à un usage d'habitation et ainsi accepté que les combles aient été affectés tant à une activité administrative qu'à du logement. De plus, aucun élément du dossier ne laisse apparaître que l'intimé aurait, d'une quelconque manière, accepté le changement d'affection.

Il ne saurait ainsi lui être reproché d'avoir formulé, à l'attention de la recourante, des assurances par lesquelles il serait lié.

Au vu de ce qui précède, les quatre premières conditions permettant le prononcé d'un ordre de mise en conformité sont réalisées.

5.6 Reste à déterminer si l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit l'emporte sur l'intérêt privé de la recourante au maintien des installations litigieuses et si l'ordre de mise en conformité respecte le principe de proportionnalité.

En l'occurrence, les appartements créés illicitement ne respectent de façon manifeste pas l'art. 12D LCI, de sorte que les dérogations aux règles visant l'habitabilité des logements ne sauraient être considérées comme mineures, ce qui implique que lesdits appartements ne peuvent être maintenus en l'état.

L'intérêt public lésé, soit la violation des prescriptions en matière de construction, en particulier celle sur l'habitabilité des logements, qui permet d'en assurer la sécurité et la salubrité, est important. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'en dehors de toute question relative à la prescription, non acquise en l'occurrence, l'écoulement du temps ne saurait être pris en compte en faveur de la recourante, quand bien même les locaux litigieux auraient été, selon elle, loués à des fins d'habitation « depuis 22 ans », cette durée n'étant du reste pas démontrée à satisfaction.

Le changement d'affection ayant été réalisé sans qu'une autorisation ait été requise, la recourante a placé l'intimé devant le fait accompli. Elle devait donc s'attendre à ce que celui-ci se préoccupe, à juste titre, plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour elle. Dans ce contexte, si la recourante allègue que le coût élevé de la remise en état s’opposerait à la réalisation des travaux, elle n'en apporte cependant pas la moindre preuve et ne fait pas état de difficultés financières qui l'empêcheraient de s'exécuter. Même à considérer que tel serait le cas, son intérêt purement économique ne saurait l'emporter sur l'intérêt public dont il a été fait mention, sinon à relativiser d'une manière inadmissible les graves violations du droit de la construction.

Enfin, si la recourante allègue que l’ordre de remise en état serait contradictoire car, s’il devait être confirmé, elle devrait transformer les combles en un bureau et un studio à usage d'habitation, alors que l’intimé soutiendrait que les deux appartements ne seraient pas autorisables, il est désormais établi que l'ordre a pour objet le réaménagement des combles en des locaux commerciaux exclusivement, et non en un studio à usage d'habitation, de sorte que son argumentation tombe à faux.

L'ordre de remise en état apparait ainsi constituer une mesure adéquate, apte à atteindre le but visé, et portant à la propriété de la recourante une atteinte limitée à la réalisation du but d'intérêt public. Il est ainsi conforme au principe de la proportionnalité.

Au vu de ce qui précède, le recours, entièrement mal fondé, sera rejeté.

6.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et il ne lui sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 janvier 2023 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 décembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de A______ SA ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à la régie B______ SA, mandataire de la recourante, au département du territoire-OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Florence KRAUSKOPF, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :