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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4039/2022

ATA/185/2023 du 28.02.2023 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4039/2022-FORMA ATA/185/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 février 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ recourant
représenté par Me Agrippino Renda, avocat

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE intimé



EN FAIT

A. a. Monsieur A______, né le ______1997, a commencé au semestre d’automne 2018 des études en médecine humaine auprès de l’Université de Genève (ci-après : l’université). Il a été éliminé de ce cursus le 2 juillet 2019, après avoir obtenu une note inférieure à 3 à l’examen de première année de baccalauréat.

b. Il a été admis, à la rentrée de septembre 2019, au baccalauréat en psychologie.

c. Après deux semestres d’études, soit à l’issue de la session d’examens d’août-septembre 2020, il n’avait acquis que 48/60 crédits de première période (B-1). Il a en conséquence été réinscrit, pour la session d’examens de janvier-février 2021, à trois enseignements de B1 échoués. La réussite de ces trois examens lui a permis d’obtenir les 12 crédits nécessaires à l’acquisition de son année propédeutique, B1, après trois semestres.

d. Lors de cette même session d’examens, il a présenté, de manière anticipée, des examens relatifs à des enseignements de 2ème et 3ème périodes (B-2 et B-3), conformément à la décision de la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’université (ci-après : la faculté) du 11 mai 2020 liée à la crise sanitaire du COVID 19. Les résultats obtenus ont été reportés dans son plan d’études de 2ème période (B-2), débuté au semestre de printemps 2021.

Lors de ladite session, M. A______ a notamment échoué au cours à option 74145 Processus sensoriels et perceptifs (ci-après : cours 74145), en première tentative, avec une note de 3.75. Il a échoué en seconde tentative à la session d’examens suivante de mai-juin 2021, avec la note de 3.75.

À cette même session, il a été dénoncé pour suspicion de plagiat dans le cadre d’un travail rendu pour la validation du cours annuel 71133 Psychologie de l’émotion. Par décision du 8 juillet 2021, la doyenne de la faculté lui a attribué la note de 0, considérant le cas de plagiat comme avéré, renonçant à toute autre mesure à son encontre.

À l’issue de la session d’examens d’août-septembre 2021, il avait acquis 42/60 crédits de B-2.

e. Il a commencé la période B-3 dès le semestre d’automne 2021 et s’est inscrit à neuf cours obligatoires et à quatre options de B-2 et B-3.

f. Lors de la session d’examens de janvier-février 2022, M. A______ s’est inscrit aux évaluations de neuf enseignements et en a réussi trois, obtenant 9 crédits.

Il a été valablement excusé, pour cause de maladie, à l’examen du cours 74165 Statistiques en psychologie II du 28 janvier 2022.

g. Le 2 mars 2022, il s’est adressé au service de mobilité académique en indiquant vouloir effectuer une mobilité en B______ lors du semestre d’automne 2022-2023. Cette perspective lui permettrait de se « concentrer à fond » sur le semestre en cours et de mieux faire face à la surcharge de travail actuelle.

Le 4 mars 2022, il s’est adressé au secrétariat des étudiants pour indiquer qu’il envisageait d’arrêter ses études pendant une année. Il n’avait plus le mental, ni la force nécessaires pour finir son baccalauréat et ne trouvait aucun plaisir à étudier la psychologie. Il voulait se lancer dans une carrière de pilote d’avion.

h. Le 11 mars 2022 il s’est à nouveau adressé au secrétariat des étudiants afin de solliciter son inscription à divers enseignements obligatoires de B-3, avec la précision qu’il souhaitait terminer son baccalauréat à l’issue de la session d’août-septembre 2022. Le secrétariat a procédé auxdites inscriptions après l’avoir rendu attentif à la charge de travail importante que cela générerait, alors précisément qu’il s’en était plaint précédemment.

M. A______ a alors procédé au remplacement du cours 74145, auquel il avait échoué à deux reprises, par le cours à option 74189 Compétences et connaissances scientifiques en psychologie (ci-après : cours 74189) pour lequel il n’avait encore jamais été évalué.

i. Lors de la session d’examen de mai-juin 2022, il a présenté douze examens et a échoué à sept d’entre eux, notamment au cours 74189 où il a obtenu la note de 3.75 en première tentative.

j. Il a dès lors été automatiquement réinscrit à ce cours, en deuxième tentative éliminatoire, pour la session d’août-septembre 2022.

Cet examen prenait la forme d’un travail de rattrapage écrit, à verser sur la plate-forme informatique Moodle jusqu’au 19 août 2022 à 22h00.

Une séance d’information relative à ce travail a eu lieu le 4 juillet 2022. M. A______ n’y a pas participé.

Il ressort des données informatiques à disposition de l’université, qu’il a consulté, le 26 juillet 2022, le document « informations générales rattrapage » disponible sur la plate-forme Moodle, contenant les précisions sur ce travail de rattrapage.

k. En vue de la session d’examens d’août-septembre 2022, il s’est inscrit à treize enseignements, parmi lesquels le cours 74189.

l. Le 6 septembre 2022, M. A______ a adressé un courriel à l’enseignante en charge dudit cours. Il y a expliqué avoir déposé le travail de rattrapage le 19 août 2022. À sa grande surprise, cela n’avait toutefois pas fonctionné, ce dont il venait de s’apercevoir. Il demandait à l’enseignante de faire une exception en l’autorisant à lui envoyer son travail de rattrapage.

m. L’université soutient que M. A______ ne s’est pas connecté entre le 27 juillet et le 5 septembre 2022 à la plate-forme Moodle du cours 74189, en particulier le 19 août 2022. Quatre autres étudiants astreints au même travail de rattrapage l’avaient rendu à l’échéance du délai de reddition.

n. En raison de l’absence de reddition dudit travail, l’étudiant a obtenu la note de 0 au cours 74189 en deuxième et dernière tentative.

o. Une décision formelle d’élimination du programme de baccalauréat en psychologie lui a été notifiée le 29 septembre 2022 en raison de cet échec.

p. M. A______ a formé opposition contre cette décision le 5 octobre 2022.

L’absence de reddition du travail de rattrapage était due à un oubli de sa part, ce dont il s’était aperçu le 6 septembre 2022. Cet oubli trouvait son origine dans la surcharge de travail et différents soucis rencontrées à titre personnel, à savoir un état de stress, des difficultés financières, des emplois à côté de ses études et la perte de travail de son père.

q. Par décision du 25 octobre 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, la doyenne de la faculté a rejeté cette opposition et confirmé l’élimination de M. A______.

Les éléments portés à la connaissance de la commission d’opposition ne présentaient pas le caractère exceptionnel nécessaire à une dérogation des dispositions réglementaires. Ils faisaient malheureusement partie d’une réalité commune à de nombreux étudiants.

B. a. M. A______ a formé recours contre cette décision par acte expédié le 25 novembre 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à titre préalable à la restitution de l’effet suspensif au recours, à ce qu’il soit autorisé à suivre les cours du semestre d’automne 2022, à s’inscrire et effectuer les examens de la session de janvier/février 2023. Au fond, il a conclu à son audition, à ce qu’il soit ordonné à l’université de produire toutes les pièces relatives à son statut d’étudiant, à son parcours académique dans le cadre de son baccalauréat en psychologie et toute correspondance, sur support physique ou électronique, intervenue entre eux. Principalement, il a conclu à l’annulation de la décision du 25 octobre 2022 et, cela fait, à sa réintégration au programme de baccalauréat de la faculté de psychologie et à ce qu’il soit dit qu’il bénéficiait d’une tentative supplémentaire pour valider l’enseignement à option « 75189 », subsidiairement au renvoi de la cause à « l’autorité compétente » pour examen et nouvelle décision dans le sens des considérants.

Il était domicilié depuis le 1er mars 2022 au sein de la cité universitaire après avoir été contraint de quitter le domicile familial pour des raisons d’ordre économique et logistique propres à sa cellule familiale. Il assumait seul depuis le 1er mars 2022 un loyer mensuel de CHF 674.-, charges comprises, et l’occupation de son logement était intimement liée à son immatriculation au sein de l’université.

Le caractère exécutoire nonobstant recours de la décision avait eu pour effet son exmatriculation selon lettre du 14 novembre 2022, ce qui était particulièrement choquant, avant même la fin du délai de recours, d’autant plus que cela entraînait la résiliation automatique de son bail, de sorte qu’il se retrouverait sans logement, soit un dommage difficilement réparable.

Son droit d’être entendu avait été violé. Le préavis ou rapport de la commission auquel il était fait référence dans la décision attaquée n’avait pas été porté à sa connaissance. Or, ce préavis était l’élément central et indispensable d’un point de vue réglementaire à la prise de décision par la doyenne. Il n’était nullement indiqué si des actes d’instruction avaient été menés par cette commission, quand bien même la question de son élimination revêtait une importance fondamentale pour son avenir. La décision offrait une motivation purement sommaire et expéditive et ne correspondait pas aux critères jurisprudentiels.

L’autorité avait abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant de manière injuste que son cas ne pouvait être apparenté à une situation exceptionnelle. Sa situation ne correspondait nullement à celle d’un grand nombre d’étudiants. La décision attaquée ne tenait pas compte des dispositions prises pour un échange au Japon durant le semestre d’automne 2020, puis des conséquences de son annulation en raison de la pandémie de Covid 19, ce qui l’avait obligé à rattraper trois cours lors du semestre d’automne 2021. À compter du 1er novembre 2020, tout en étudiant, il avait exercé une activité lucrative auprès de l’institution genevoise d’aide à domicile (ci-après : IMAD), à raison de deux à trois nuits par semaine en moyenne, à laquelle s’était ajoutée, dès la rentrées académiques 2021, une activité de remplacement sur appel auprès du service des remplaçants de la ville de Genève (SEREP). À la fin du mois de décembre 2021, soit quelques jours avant le début de ses nombreux examens, il avait été convoqué dans le cadre de la mobilisation militaire liée à la pandémie de Covid 19, en sa qualité de soldat sanitaire. Il avait perçu cette mobilisation comme « la goutte d’eau qui fait déborder le vase ». Lors du semestre de printemps 2022, il avait dû gérer un emploi du temps académique encore plus chargé, outre ses obligations professionnelles. Il avait été contraint de préparer un nombre vertigineux d’examens, à savoir onze pour la session de juin 2022, auxquels il fallait ajouter treize examens de rattrapage prévus lors de la session d’août 2022. Deux éléments supplémentaires étaient venus bouleverser davantage son quotidien, à savoir la fin de son contrat de travail avec l’IMAD au 31 octobre 2022 et l’annonce de la perte d’emploi de son père, en juin 2022 avec effet à la fin du mois d’août 2022, exactement dans la période charnière pour son avenir académique et professionnel.

À l’échéance de reddition du travail de l’enseignement « 75189 » le 19 août 2022, soit trois jours avant le début de la session de rattrapage au cours de laquelle il était inscrit à treize examens, il avait tenté de déposer son travail de rédaction sur la plate-forme informatique Moodle. Persuadé d’avoir agi en conformité de la procédure de reddition, il avait considéré comme acquises les obligations qui lui incombaient à ce titre. « Dévoré par le stress », ce n’était que le 6 septembre 2022 qu’il s’était rendu compte, en consultant cette plate-forme, que la procédure de dépôt de son travail avait connu une défaillance. Il en avait alors immédiatement informé la chargée de l’enseignement en question, par courriel du même jour. Celle-ci lui avait répondu trois jours plus tard que les notes afférentes à cet enseignement avaient d’ores et déjà été attribuées et qu’il n’était donc plus possible d’accepter un travail qui serait remis hors délai, même à considérer un problème dans la procédure informatisée de dépôt. Il aurait été possible de sanctionner son retard engendré par « le dépôt imparfait de son travail » en abaissant d’entrée sa note de manière proportionnelle. « On s’étonnait » que de telles solutions que le bon sens aurait commandées n’aient pas été envisagées.

Le principe de proportionnalité était violé. Il avait d’ores et déjà effectué près de trois années d’études au sein de cette faculté durant lesquelles il avait consenti des sacrifices importants sur les plans personnel, professionnel et financier. Il ne lui manquait que 24 crédits pour obtenir le baccalauréat, qu’il pourrait obtenir lors de la session d’examens de février 2023. Ayant obtenu la note de 6 à son examen de neuroimagerie, il était extrêmement motivé et encouragé par le professeur en charge de cette matière à poursuivre sa formation par un Master en neurosciences.

b. L’université a conclu, le 9 décembre 2022, au rejet de la demande d’effet suspensif et le 4 janvier 2023 au rejet du recours.

Le préavis rendu oralement par la commission d’opposition avait été suivi par la doyenne. La motivation de la décision était suffisamment claire et complète pour permettre au recourant de comprendre les raisons du maintien de la décision d’élimination du 25 septembre 2022 et d’attaquer celle-ci en connaissance de cause.

S’agissant de la situation exceptionnelle invoquée, l’examen du parcours académique du recourant permettait d’observer que tout au long de celui-ci, il avait dû se soumettre à des examens de rattrapage en raison d’échecs en première tentative, et ce dès sa première année académique, soit avant même l’annulation de sa mobilité au Japon. Le fait de devoir se soumettre à des examens de rattrapage créait inévitablement des sessions d’examens plus chargées. Il avait pu bénéficier d’aménagements particuliers à la suite de l’annulation de sa mobilité puis, au même titre que tout étudiant de première période, de la dérogation mise en place le 11 mai 2020 en raison de la situation sanitaire.

Il apparaissait qu’il ne s’était pas connecté à la plate-forme Moodle du cours 74189 entre le 27 juillet et le 5 septembre 2022, en particulier le 19 août 2022, date d’échéance pour sa reddition. Il semblait dès lors improbable qu’il ait tenté de déposer son travail sur cette plate-forme comme il l’affirmait, étant relevé que quatre autres étudiants avaient rendu leur travail à temps par ce même à moyen.

Le fait de se trouver à bout touchant de son cursus ne constituait pas des circonstances exceptionnelles au sens de la jurisprudence permettant de revenir sur une élimination, laquelle n’avait rien de disproportionné. Le régime dérogatoire qu’il espérait se voir appliquer et sollicitait à l’appui de son recours serait incompatible avec l’égalité de traitement entre étudiants.

c. M. A______ n’a pas transmis de réplique sur la question de l’effet suspensif dans le délai imparti à cet effet.

d. Dans une réplique sur le fond du 30 janvier 2023, il est revenu sur le grief d’une violation de son droit d’être entendu, relevant que l’université aurait dû produire le préavis de la commission. Dans la mesure où ce préavis avait soi-disant été pris oralement, cela démontrait qu’il n’existait formellement aucun préavis. Il n’était donc pas possible à ce stade de réparer le vice inhérent à la décision entreprise qui devait être annulée indépendamment des chances de succès du recours sur le fond.

e. Les parties ont été informées, le 31 janvier 2023, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 LOJ - E 2 05 ; art. 43 al. 1 et 2 de la loi sur l'université du 13 juin 2008 LU - C 1 30 ; art. 36 al. 1 et 37 du règlement relatif à la procédure d'opposition au sein de l'université du 16 mars 2009 - RIO-UNIGE ; art. 91 du statut de l'Université du 22 juin 2011 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recourant soutient que son droit d’être entendu aurait été violé, faute d’avoir eu accès au préavis de la commission d’opposition et en raison d’une motivation insuffisante de la décision querellée.

Il a conclu à son audition, à ce que à ce qu’il soit ordonné à l’université de produire toutes les pièces relatives à son statut d’étudiant, à son parcours académique dans le cadre de son baccalauréat en psychologie et de toute correspondance sur support physique ou électronique intervenu entre eux.

2.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2; 131 I 153 consid. 3). En outre, le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 134 I 140 consid. 5.3).

La jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de droits constitutionnels a déduit du droit d'être entendu le droit d'obtenir une décision motivée (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid 3.2.1). L'autorité n'est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid 3.2.1). Il suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêts du Tribunal fédéral 2C_126/2015 du 20 février 2015 consid. 4.1 ; 1B_295/2014 du 23 septembre 2014 consid. 2.2). En revanche, une autorité se rend coupable d'une violation du droit d'être entendu si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (arrêt du Tribunal fédéral 2C_879/2015 du 29 février 2016 consid. 4.1).

2.2 En l’espèce, le recourant s’est vu notifier, le 29 septembre 2022, une décision de la doyenne lui signifiant son élimination du programme d’études de baccalauréat en psychologie, dans la mesure où il avait, lors de la session d’août-septembre 2022, présenté et échoué en quatrième tentative à l’examen du cours de remplacement 74189.

Dans la lettre à l’appui de son opposition du 5 octobre 2022, le requérant a premièrement souligné qu’il n’avait pas rendu le travail en question dans les délais suite à un oubli en raison de la surcharge de travail. Il était « désolé et extrêmement perdu ainsi que désorienté par cette situation ». En contrôlant ses dossiers électroniques le 6 septembre 2022, il s’était rendu compte que ce travail n’avait pas été rendu, d’où sa détresse et son désarroi en ayant compris son erreur. Il a ensuite détaillé son cursus à compter du semestre d’automne 2021, où il avait été submergé par un grand nombre de cours et s’était retrouvé dans un état de stress et sous pression dans la mesure où il voulait réussir ses examens. Il avait été appelé par l’armée le 21 décembre 2021, soit durant la période d’examens de janvier 2022. Il avait été dès lors extrêmement compliqué de les mener à bien, la charge de travail étant colossale, avec treize examens à repasser. Il avait donc passé tout l’été à réviser ses cours pour finalement réussir la majorité d’entre eux. Il était sûr de pouvoir réussir le cours 74189 ayant causé son élimination et avait donc priorisé certains autres cours demandant une charge de travail plus conséquente. Tout ne s’était cependant pas passé sous les meilleurs auspices et il avait de la peine à accepter ce manque de vigilance de sa part. Il avait pensé pouvoir peut-être rattraper ce cours au premier semestre afin de finir son baccalauréat en février 2023.

S’ajoutaient à cela les difficultés qu’il avait rencontrées à titre personnel, à savoir sa résidence à la cité universitaire, l’obligation de cumuler des emplois, la non prolongation de l’un d’eux et sa recherche d’un nouvel emploi, sa difficulté à solliciter l’aide de ses parents alors que son père avait perdu son travail. Son sommeil s’en était trouvé perturbé, ce qui avait généré des angoisses. Il se trouvait dans une grande impasse après trois années « de sueur, d’engagement et d’efforts intensifs » à cause d’une surcharge de travail et de la précarité relative à son statut d’étudiant. Son plus grand souhait était de pouvoir obtenir son baccalauréat et il demandait que lui soit accordée une seconde chance.

Si la motivation de la décision attaquée du 25 octobre 2022 est succincte, il n’en ressort pas moins que la commission d’opposition a eu connaissance de l’ensemble du dossier du recourant, dont de la teneur de l’opposition du 5 octobre 2022 précitée, qu’elle a résumé comme « état de stress, situation financière, charge de travail à côté de ses études, perte d’emploi de son père ». Ce sont ces éléments qui l’ont amenée à considérer que le caractère exceptionnel nécessaire à une dérogation aux dispositions réglementaires n’était pas réalisé. La décision sur opposition rappelle enfin brièvement en quoi consistent de telles circonstances exceptionnelles.

Le recourant a ainsi eu connaissance des motifs de rejet de son opposition. Il s’est à nouveau vu offrir l’occasion de critiquer la position de l’université devant la chambre de céans et de produire toutes pièces utiles, tant à l’occasion de son recours que de sa réplique. Son droit d’être entendu n’a donc pas été violé sous cet aspect.

Quant au préavis de la commission d’opposition, il a, selon l’université, été rendu oralement et repris dans sa décision sur opposition. L’université doit être suivie lorsqu’elle relève que la motivation de cette décision était suffisamment claire et complète pour permettre au recourant de comprendre les raisons du maintien de la décision d’élimination et quel avait donc été le préavis de ladite commission.

2.3 Quant aux actes d’enquête sollicités, l’université a produit un dossier dont le recourant ne soutient pas qu’il serait incomplet. Il n’explique pas en quoi son audition serait utile à la résolution du litige et amènerait des éléments supplémentaires à ce qui ne figurerait pas déjà dans ses écritures, étant précisé qu’une audition n’est pas obligatoire.

Dans ces circonstances, il ne sera pas donné de suite favorable auxdites demandes d’actes d’enquête du recourant.

3.             Le litige s'examine à l'aune du règlement d'études du baccalauréat universitaire en psychologie, entré en vigueur le 14 septembre 2020 (ci-après : RE-2020), ayant abrogé le règlement d’études du 17 septembre 2018, et porte sur la décision d'élimination définitive du recourant du cursus dudit baccalauréat.

3.1. Pour obtenir le baccalauréat en psychologie, l'étudiant doit acquérir 180 crédits en trois périodes d’études successives qui correspondent chacune à un volume d’études équivalant à une année d’études à plein temps (60 crédits ; art. 2.2, 2.4 et 10.1 RE-2020). La durée maximale des études est de dix semestres sous peine d'élimination (art. 8.2 RE-2020).

Les enseignements sont annuels ou semestriels et sont offerts sous forme de cours, séminaires, travaux pratiques, travaux dirigés, stages et recherches. Le plan d'études prévoit des enseignements obligatoires, des enseignements à option et des enseignements libres, et précise la répartition des crédits attachés à chaque enseignement (art. 10.2 et 10.3 RE-2020).

3.2 S'agissant de l'inscription aux enseignements et aux évaluations, l'étudiant doit s'inscrire aux enseignements libres et à option, par contre, il est d'office inscrit aux enseignements obligatoires (art. 13.1 a et b RE-2020). L'inscription aux enseignements vaut automatiquement comme inscription à la session d'examens qui suit immédiatement la fin de cet enseignement (art. 13.2 RE-2020). L'étudiant ayant échoué à la première tentative de validation est automatiquement réinscrit à la session d'août/septembre qui suit (art. 13.4 RE-2020).

Chaque enseignement est validé par une évaluation notée de 0 à 6, la note suffisante étant 4 (art. 14.1 et 2 RE-2020). L'étudiant dispose de deux tentatives pour l'évaluation de chaque enseignement, répartis sur les trois sessions d'examens de l'année académique correspondante (art. 14.4 RE-2020). La première validation des enseignements a lieu lors de la session qui suit immédiatement la fin de l'enseignement. L'étudiant n'ayant pas réussi la première évaluation d'un enseignement à la session de janvier/février ou mai/juin est automatiquement réinscrit pour sa seconde tentative à la session d'août/septembre qui suit (art. 14.5 RE).

L’étudiant qui n’a pas obtenu une note suffisante à certaines évaluations de 2ème ou 3ème période peut obtenir les crédits manquants : - en décidant de conserver une ou des notes inférieure(s) à 4 mais égale(s) ou supérieure(s) à 3 pour un maximum de 12 crédits. Ces 12 crédits constituent le total maximum pour les 2 périodes cumulées. Dans ce cas, les crédits liés à chaque période sont acquis en bloc. ; le cas échéant, l’étudiant et l’étudiante en informe par écrit secrétariat des étudiantes et des étudiants de la Section au plus tard une semaine après la publication des notes ; la ou les note(s) sont alors définitivement acquises et le(s) enseignement(s) concerné(s) ne peuvent plus faire l’objet d’une évaluation ; - en se réinscrivant aux enseignements libres, à option ou obligatoires échoués ; - en remplacement des enseignements libres ou à option échoués, en s’inscrivant à d’autres enseignements de même type de 2ème ou 3ème période pour lesquels elle et il n’a jamais été évalué. Il dispose alors de deux tentatives au maximum pour valider ces enseignements, tout en respectant les délais d’études prévus aux articles 8.3 et 10.4. En cas d’échec à la deuxième tentative d’évaluation d’un enseignement réinscrit ou remplacé l’élimination du Baccalauréat universitaire en psychologie est prononcée (art.15.6 RE-2020).

L'étudiant qui ne se présente pas à une session pour laquelle il est inscrit ou qui interrompt ses examens doit immédiatement informer par écrit le doyen de la faculté en indiquant les motifs de son absence (art. 16.1 RE-2020). Le cas échéant, le certificat médical justifiant une absence à un examen doit être remis dans les trois jours au doyen de la faculté. Il doit couvrir la période concernée et les dates de début et de fin d'incapacité doivent être clairement mentionnées (art. 16.2 RE-2020). L'étudiant excusé pour de justes motifs à un examen est automatiquement réinscrit pour cet examen à la session suivante ; dans le cas contraire, l'étudiant est considéré comme ayant échoué à tous les examens non présentés et la note de 0 est alors enregistrée (art. 16.3 et 6 RE-2020).

3.3 En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant a échoué à deux reprises à l'évaluation du cours à option 74145 Processus sensoriels et perceptifs, puis a choisi de remplacer ce cours par le cours 74189 Compétences et connaissances scientifiques en psychologie. Concernant ce dernier, il a obtenu la note de 3.75 à sa première tentative et s'est vu attribuer la note de 0 à sa deuxième et dernière tentative, en août 2022, en raison du fait qu'il n’a pas présenté le travail via la plateforme Moodle dans le délai imparti au 19 août 2022. C'est dès lors prima facie à juste titre que son élimination du baccalauréat en psychologie a été prononcée vu son échec à la deuxième tentative d'évaluation d'un enseignement remplacé, en application de l'art. 15.6 RE.

4.             Le recourant soutient toutefois qu’il a rencontré des problèmes personnels et familiaux, ce dont on peut déduire qu'il invoque l'art. 58 al. 4 du statut, qui prévoit la prise en compte des situations exceptionnelles lors d'une décision d'élimination.

4.1. Selon la jurisprudence, l'admission d'une situation exceptionnelle doit se faire avec restriction. Il en va de l'égalité de traitement entre tous les étudiants s'agissant du nombre de tentatives qu'ils sont autorisés à effectuer pour réussir leurs examens. N'est ainsi exceptionnelle que la situation particulièrement grave et difficile pour l'étudiant, ce tant d'un point de vue subjectif qu'objectif. Les effets perturbateurs doivent avoir été dûment prouvés par l'étudiant et être en lien de causalité avec l'événement. Les autorités facultaires disposent dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation, dont l'autorité de recours ne censure que l'abus. La chambre de céans n'annule donc le prononcé attaqué que si l'autorité intimée s'est laissée guider par des motifs sans rapport avec l'examen ou d'une autre manière manifestement insoutenable (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; 131 I 467 consid. 3.1 ; ATA/121/2018 du 6 février 2018 ; ATA/994/2016 du 22 novembre 2016 ; ATA/906/2016 du 25 octobre 2016).

Ont été considérées comme des situations exceptionnelles le décès d'un proche s'il est établi qu'il a causé un effet perturbateur en lien de causalité avec l'échec de l'étudiant, de graves problèmes de santé ou encore l'éclatement d'une guerre civile avec de très graves répercussions sur la famille de l'étudiant (ATA/906/2016 précité ; ATA/155/2012 du 20 mars 2012).

En revanche, et toujours selon la jurisprudence constante en la matière, des difficultés financières, économiques ou familiales ainsi que l'obligation d'exercer une activité lucrative en sus des études ne constituent pas des circonstances exceptionnelles, même si elles représentent une contrainte (ATA/357/2009 du 28 juillet 2009). Ces difficultés sont certes regrettables, mais font partie d'une réalité commune à de très nombreux étudiants (ATA/161/2009 du 31 mars 2009).

4.2 Les candidats qui ne se sentent pas aptes, pour des raisons de santé, à se présenter à un examen doivent l'annoncer avant le début de celui-ci. À défaut, l'étudiant accepte le risque de se présenter dans un état déficient qui ne peut justifier par la suite l'annulation des résultats obtenus (ATA/906/2016 précité ; ATA/712/2016 précité ; ATA/424/2011 du 28 juin 2011).

Un motif d'empêchement ne peut, en principe, être invoqué par le candidat qu'avant ou pendant l'examen (arrêt du Tribunal administratif fédéral B 6593/2013 du 7 août 2014 consid. 4.2 ; ATA/906/2016 précité ; ATA/712/2016 précité ; ATA/721/2014 du 9 septembre 2014 consid. 17 et la référence citée).

4.3 En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant n'a pas invoqué de motif d'empêchement avant ou pendant l'examen qui a conduit à son élimination. Il n’a pas pu apporter la preuve de l’envoi, ou ne serait-ce qu’une tentative, ce qui est au contraire contesté par l’université qui a procédé aux recherches informatiques, du travail de rattrapage requis sur la plateforme Doodle dans le délai fixé au 19 août 2022. Il n’a pas plus pris les dispositions pour s’assurer que ce délai était respecté et ne s’est inquiété pour la première fois du sort de cet examen que le 6 septembre 2022. S’il évoque une situation de stress liée notamment au passage lors de la même session de treize examens, cela ne justifie pas le non accomplissement de la démarche requise pour permettre la validation, ou pas, de l’examen litigieux. En tout état, comme retenu à juste titre par l’autorité intimée, cette situation de cumul d’examens est du seul fait du recourant qui, tout au long de son parcours académique, a dû se soumettre à des examens de rattrapage en raison d’échecs en première tentative et ce dès sa première année académique, soit avant même l’annulation de sa mobilité au Japon. Il est évident que la nécessité de se soumettre à des examens de rattrapage crée des sessions plus chargées.

Au demeurant, le recourant ne remet pas en cause qu’il a bénéficié d’aménagements particuliers, tout d’abord en lien avec les complications susceptibles d’avoir été causées par l’annulation dudit voyage, puisqu’il a été autorisé, à sa demande et de manière exceptionnelle, le 26 mars 2021, à enregistrer rétroactivement six cours obligatoires de B-2 et deux cours à option de B-2/B-3 pour l’année 2020/2021 puis, le 13 octobre 2021, à commencer la période B-3 dès le semestre d’automne 2021, alors qu’il n’avait pas été évalué au moins une fois sur l’ensemble des enseignements obligatoires de la deuxième période. Auparavant, comme tout étudiant de première période, il a bénéficié de la dérogation du 11 mai 2020 dans le cadre de la crise sanitaire et a pu se présenter de manière anticipée durant son année propédeutique aux examens relatifs à des enseignements de 2ème et 3ème période.

Il se prévaut de problèmes personnels qu’il dit avoir rencontrés, en lien avec les emplois à temps partiels qu’il a dû occuper pour financer notamment son loyer, dès le 1er mars 2022, le fait qu’il ait été convoqué comme soldat sanitaire peu de temps avant la session d’examens de janvier 2022 et la situation de son père, lequel aurait perdu son emploi. Ces éléments ne constituent toutefois pas des situations exceptionnelles au sens de la jurisprudence sus-rappelée, et il n'est pas démontré qu'ils soient à l'origine de la non présentation en août 2022 de l’examen ayant conduit à son élimination. Ces circonstances ne pouvaient donc être retenues comme exceptionnelles au sens de la jurisprudence.

Enfin, comme justement relevé par l’autorité intimée, la chambre de céans retient que le fait de se retrouver à bout touchant de son cursus au moment d’une élimination ne constitue pas de telles circonstances permettant de revenir sur une élimination prononcée (ATA/1155/2019 du 19 juillet 2019).

Au vu de ce qui précède, en retenant que les conditions de l'art. 58 al. 4 du statut faisaient défaut et en prononçant l'élimination de recourant, la doyenne n'a donc pas abusé de son pouvoir d'appréciation.

En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

Le prononcé du présent arrêt rend sans objet la demande de restitution de l’effet suspensif.

5.             Nonobstant l'issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant qui plaide au bénéfice de l’assistance judiciaire (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée, pas plus qu'à l'université, qui dispose d'un service juridique compétent pour traiter ce type de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 novembre 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l’Université de Genève du 25 octobre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Agrippino Renda, avocat du recourant, ainsi qu'à l'Université de Genève.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :