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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2869/2006

ACOM/95/2006 du 31.10.2006 ( CRPP ) , REJETE

Descripteurs : ; MESURE DISCIPLINAIRE ; FONCTIONNAIRE ; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ; DROIT TRANSITOIRE
Normes : LPol.33 ; LPol.36
Résumé : Lien de confiance nécessaire entre un policier d'une part et sa hiérarchie ainsi que son autorité de nomination d'autre part irrémédiablement rompu. Il était en effet apparu dans le cadre d'une procédure en cours d'instruction que ce policier avait donné des informations confidentielles à des personnes sous enquête. Licenciement confirmé.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

A/2869/2006-CRPP ACOM/95/2006

DÉCISION

DE

LA COMMISSION DE RECOURS DES

FONCTIONNAIRES DE POLICE ET DE LA PRISON

du 31 octobre 2006

 

dans la cause

 

 

 

 

Monsieur X______
représenté par Me Alec Reymond, avocat

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

CONSEIL D'ÉTAT


EN FAIT

1. Monsieur X______, né le ______ 1953, est entré dans le corps de police du canton de Genève le ______ 1979. Il a été nommé sous-brigadier le 1er février 1995. Depuis le 1er mars 2001, il est affecté au poste de gendarmerie S______.

2. Le 19 octobre 2004, un juge d’instruction a délivré un mandat d’amener à l’encontre de M. X______ pour entrave à l’action pénale et violation du secret de fonction, infractions réprimées respectivement par les articles 305 et 320 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). Il était en effet apparu dans le cadre d’une procédure en cours d’instruction conduite par ce magistrat que M. X______ avait donné des informations confidentielles à des personnes sous enquête.

M. X______ a ainsi été interpellé le 20 octobre 2004 et inculpé le lendemain par le juge d’instruction des deux infractions précitées.

3. Le 22 octobre 2004, le commandant de la gendarmerie a adressé à Monsieur le Chef de la police une demande de suspension immédiate de fonction avec suppression de traitement. Il a également requis l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre de M. X______.

4. Le 2 novembre 2004, le président du département de justice, police et sécurité, devenu depuis le département des institutions (ci-après  : le département), a ordonné l’ouverture d’une enquête administrative qu’il a confiée à M. Dominique Hammer, commissaire de police. Par cette même décision était également ordonnée la suspension de cette procédure dans l’attente de la procédure pénale en cours.

5. Par arrêté du 3 novembre 2004, le Conseil d’Etat a suspendu provisoirement M. X______ de ses fonctions avec effet immédiat, cette mesure entraînant la suppression du traitement et de toutes autres prestations à charge de l’Etat. Cette décision était prise en application de l’article 39 de la loi sur la police du 27 octobre 1957 (LPol - F 1 05).

6. Par acte du 15 novembre 2004, M. X______ a recouru contre cette décision auprès de la commission de recours des fonctionnaires de police et de la prison (ci-après  : la commission).

7. Par décision du 7 décembre 2004, la présidente de la commission a admis la requête d’effet suspensif concernant la suspension de traitement et l’a rejetée pour le surplus. Cette décision est devenue exécutoire.

8. Après avoir ordonné l’apport des procédures pénales P/16383/2004 dirigées contre MM. B______ et B1______ et P/16605/2004 dirigée contre MM. X______ et C______, la commission a invité les parties à faire valoir leurs observations et elle a procédé à leur audition lors d’une audience de comparution personnelle le 11 août 2005.

9. Dans l’intervalle, il est apparu que le juge d’instruction avait prononcé le 9 mai 2005 à l’encontre de M. X______, une ordonnance de condamnation définitive et exécutoire, pour violation du secret de fonction au sens de l’article 320 CP et qu’il l’avait pour ce motif condamné à la peine de trois mois d’emprisonnement, sous déduction de 10 jours de détention préventive. Cette condamnation était assortie du sursis avec un délai d’épreuve de deux ans. En outre, l’intéressé a été condamné aux frais de la procédure.

10. Le 24 mai 2005, l’enquêteur administratif a procédé à l’audition de M. X______. A cette occasion, celui-ci a confirmé les déclarations qu’il avait faites devant le juge d’instruction. Il reconnaissait avoir agi à trois reprises  :

- à mi-septembre 2004, M. C______ lui avait demandé de vérifier si un certain B1______ faisait l’objet d’une plainte. Il avait fait la vérification et répondu à cette personne que M. C______ était inconnu ;

- le 12 octobre 2004, M. C______ l’avait contacté pour lui demander si une plainte était déposée contre M. B1______. M. X______ avait alors demandé à un collègue d’effectuer une vérification informatique car lui-même ne disposait plus des mots de passe pour entrer dans le système. Il avait vu que B1______ faisait l’objet d’une plainte et que sa photo figurait dans le fichier. Il avait alors envoyé un message à M. C______ mentionnant simplement "oui, efface ce message".

M. X______ a indiqué que, comme il était négligent, il oubliait de changer régulièrement ses mots de passe, raison pour laquelle il n’avait plus accès aux données informatiques. Il avait alors demandé à des jeunes collègues d’effectuer ces recherches pour lui ;

- dans le courant du mois d’octobre 2004, L_______, soit B1______, qu’il avait connu par l’intermédiaire de M. C______ l’avait contacté en lui disant que des individus étaient chez lui à la rue du Jura. M. X______ devait vérifier s’il s’agissait de policiers. Il s’était rendu sur place et avait constaté la présence d’une voiture banalisée. Il avait obtenu la confirmation qu’il s’agissait d’une voiture de police judiciaire et il avait transmis ces renseignements par téléphone à l’intéressé. Il l’avait encore contacté pour savoir si tout s’était bien passé.

M. X______ a ajouté que depuis qu’il était sorti de prison en novembre 2004, il était en arrêt de travail pour cause de maladie en raison d’une dépression et il était suivi par le Dr Ruschti, au boulevard des Philosophes.

11. L’enquêteur administratif a rendu son rapport le 1er juillet 2005 à l’intention de la présidente du département aux termes duquel il a conclu que l’intéressé avait enfreint les ordres de service relatifs au secret de fonction ainsi qu’aux extraits de police et à la transmission et la communication de renseignements.

12. Le 11 août 2005, la commission a admis le recours de M. X______ et annulé l’arrêté du Conseil d’Etat du 3 novembre 2004, la mesure de suspension provisoire n’étant plus nécessaire, que ce soit sous l’angle de la procédure pénale ou sous celui de l’enquête administrative.

13. Le 16 août 2005, le département a invité M. X______ à lui faire part de ses observations.

14. Le 19 septembre 2005, M. X______ a, par l’intermédiaire de son conseil, présenté ses observations. Il a fait valoir son absence d’antécédents et le fait qu’il avait reconnu les trois manquements qui consistaient en des actes isolés dans une carrière de quelque 25 ans. Il a conclu à l’annulation de la mesure de suspension et au maintien de son traitement. Souffrant de dépression, il était en incapacité de travail pour une durée indéterminée.

15. Le 14 octobre 2005, le commandant de la gendarmerie a proposé au Chef de la police la révocation de M. X______, la rupture du climat de confiance étant consommée en raison de la gravité des actes reprochés à l’intéressé et, notamment, de sa condamnation.

16. Le 3 avril 2006, M. X______ a été entendu par le président du département et informé que sa révocation était envisagée.

Il s’était vu impartir un délai de trente jours pour déposer des observations complémentaires, ce qu’il avait fait le 26 avril 2006 en concluant à sa réintégration dans ses anciennes fonctions.

17. Comme il en avait la possibilité, M. X______ a demandé à être entendu par une délégation du Conseil d’Etat, ce qui a eu lieu le 28 juin 2006 en présence de son conseil.

Depuis 1977, date à laquelle il avait commencé à travailler à la gare de l’Aéroport et depuis 1979, à l’école de gendarmerie, il n’avait jamais été sanctionné pour une faute quelle qu’elle soit. Il ne comprenait pas qu’il puisse être pénalisé aussi sévèrement pour un acte unique en trente ans de carrière. Il avait déjà été suffisamment puni car il avait été emprisonné et suspendu. Il n’était pas réintégré dans sa fonction et il considérait qu’il avait payé, une révocation n’étant pas justifiée.

18. Par arrêté du 1er juillet 2006, le Conseil d’Etat a révoqué M. X______ de ses fonctions avec effet au même jour. Cette décision n’était pas déclarée exécutoire nonobstant recours.

19. Par acte déposé le 4 août 2006, M. X______ a recouru contre cette décision auprès de la commission de recours des fonctionnaires de police et de la prison en concluant, préalablement, à la constatation que le recours avait effet suspensif, et principalement à l’annulation de l’arrêté du 1er juillet 2006.

Il avait repris son travail début janvier 2006 mais il avait été affecté au service des signaux amovibles.

Il avait alors interpellé à plusieurs reprises le département au sujet de cette nouvelle affectation et c’est le 3 avril 2006 seulement qu’il avait eu connaissance des observations du commandant de la gendarmerie du 14 octobre 2005 demandant sa révocation. Cette nouvelle affectation n’était qu’une sanction déguisée, sans base légale. Contrairement aux autres brigadiers de sa promotion, M. X______ n’avait pas obtenu d’augmentation de son traitement, sans aucune explication et sans qu’une nouvelle décision ne soit prise.

20. A la lecture de son décompte de salaire de juillet 2006 toutefois, il avait dû constater que son traitement avait été supprimé dès le 30 juin 2006 ; ce document comportait pour ce mois-ci un rappel d’indexation, un pourcentage non spécifié de la prime de fidélité et divers montants minimes versés au titre d’assurances sociales, soit un salaire net pour ce mois-ci de CHF 1’339,25.

21. Depuis le 11 mars 2006, il était en arrêt de travail pour cause d’accident à la suite d’une violente chute.

22. Le Conseil d’Etat a été invité à se déterminer sur effet suspensif d’ici le 17 août 2006. Il a répondu le 14 août 2006.

23. Par décision du 17 août 2006, la présidente de la commission a constaté que le recours avait effet suspensif, la décision n’ayant pas été déclarée exécutoire nonobstant recours. Un délai a été accordé au Conseil d’Etat au 15 septembre 2006 pour répondre sur le fond.

24. Le 15 septembre 2006, le Conseil d’Etat, sous la plume du département des institutions (ci-après  : DI) en sa qualité de département rapporteur, a conclu au rejet du recours, estimant qu’il n’y avait pas de place pour "des policiers véreux au sein du corps de police" et que la révocation constituait "une sanction proportionnelle à la faute commise".

Le recourant invoquait en vain une inégalité de traitement en citant le cas d’un inspecteur condamné pour homicide et non sanctionné disciplinairement. Dans ce cas, l’inspecteur avait agi en tentant de neutraliser des malfaiteurs. Par ailleurs, la prescription de l’action disciplinaire était intervenue et une sanction administrative n’était plus possible.

A l’inverse, si la révocation du recourant devait être annulée, l’égalité de traitement ne manquerait pas à l’avenir d’être invoquée par "un policier véreux" dont l’Etat voudrait se séparer.

Le recourant avait été affecté "pour des raisons évidentes" au service des signaux amovibles durant les deux mois pendant lesquels il avait repris son activité suite à la levée de sa suspension. Sa hiérarchie n’ayant plus confiance en lui, elle n’avait pas souhaité le réintégrer à son poste où il pouvait avoir accès à des données sensibles. Pareille mutation, dans l’attente de la sanction administrative, était tout à fait compatible avec l’article 30 alinéa 3 LPol. Enfin, M. X______ n’avait pas obtenu de promotion salariale pendant sa période de suspension, ce qui s’expliquait par cette dernière. En effet, il ne se justifiait pas de promouvoir un collaborateur suspendu de ses fonctions et sous enquête administrative pouvant conduire à sa révocation.

25. Par courrier du 10 octobre 2006, le juge délégué a prié le juge d’instruction de lui transmettre en prêt la procédure P/16605/2004, ce qui a été fait le lendemain.

26. Sur quoi, les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle le 11 octobre 2006.

a. Le recourant a déclaré qu’il avait connu M. C______ dans le cadre de ses activités professionnelles lorsqu’il travaillait au poste de Rive de 1984 à 1994. C’était un copain de bistrot car M. C______ était alors tenancier du Club 58 et client du Cotton, deux établissements proches du poste. Le recourant a reconnu qu’à l’instruction, le 18 novembre 2004, il avait déclaré qu’il était intervenu pour des amendes d’ordre des commerçants du quartier ainsi que pour celles de M. C______. M. X______ a indiqué qu’il avait toujours fait son travail avec "confiance" et qu’il n’avait jamais accepté d’argent. Les repas que C______ avait offerts à son amie et à lui-même à La Certitude ou à l’Evidence notamment ne lui étaient pas payés en échange des services qu’il aurait pu rendre.

Pour les contraventions, M. X______ a précisé qu’il était commun d’intervenir à l’époque pour les contraventions des commerçants du quartier, voire pour des amis, alors qu’aujourd’hui ce n’était plus possible.

Il avait reconnu entre mi-septembre et mi-octobre 2004 avoir à trois reprises violé son secret de fonction pour donner des renseignements à M. C______. Sur le moment, cela ne lui était pas apparu comme étant grave ni comme étant de nature à nuire à une enquête pénale. Il n’avait pas "décliqué" à ce moment-là. Il l’avait fait, il l’avait reconnu et voilà. Il ne savait alors pas qu’il existait un lien entre Messieurs C______, C1______ et L______ alias B1______. Il n’avait jamais acheté une voiture à l’un ou à l’autre d’entre eux, pas plus qu’à M. G______ dont le nom avait été cité lors de son audition le 20 octobre 2004.

Lorsqu’il avait répondu à M. C______ par SMS "oui, efface ce message" il admettait avoir eu conscience d’avoir violé son secret de fonction.

S’agissant des mots de passe et des codes d’accès à l’ordinateur, il s’était montré négligent et n’avait pas changé régulièrement ceux-ci. De toute façon, il pouvait s’adresser à des collègues pour effectuer ces recherches informatiques à sa place. Il leur avait d’ailleurs écrit une lettre d’excuses depuis Bois-Mermet où il était détenu.

Concernant ses antécédents, M. X______ a indiqué qu’il avait omis à une reprise de porter sa casquette et avait eu un accrochage avec un véhicule mais il n’avait pas fait l’objet d’une sanction disciplinaire.

b. Le représentant du Conseil d’Etat a indiqué que le recourant n’avait pas d’antécédents autres que ceux mentionnés dans le rapport de l’enquête administrative du 1er juillet 2005 et dont le Conseil d’Etat n’avait pas tenu compte.

Concernant le versement du traitement de M. X______, le représentant du Conseil d’Etat a indiqué que l’arrêté pris par celui-ci le 1er juillet 2006 n’avait pas été déclaré exécutoire nonobstant recours. Néanmoins, l’office du personnel de l’Etat avait suspendu dès cette date le traitement qui avait été rétabli depuis lors avec effet rétroactif. Le recourant a admis que tel avait été le cas.

c. Quant au fait que M. X______ n’avait pas reçu d’augmentation, le représentant du Conseil d’Etat a précisé que, pendant la période où M. X______ avait été suspendu, ses contemporains, alors sous-brigadiers comme lui, avaient été promus au grade de brigadier. M. X______ ne l’avait pas été en application de l’article 27 alinéa 5 de la loi sur la police entré en vigueur le 1er janvier 2005.

Le recourant a indiqué qu’il ne concluait pas à ce qu’une telle promotion lui soit accordée. Il avait été en arrêt de travail pour cause de maladie jusqu’au 9 janvier 2006. Il avait repris son activité à 100 % le 10 janvier 2006. Le 11 mars 2006 toutefois, il avait été victime d’un accident raison pour laquelle il était, depuis cette date, en incapacité complète de travail mais il avait repris son activité à plein temps, le 5 octobre 2006. Depuis le 9 janvier 2006, il avait toujours été affecté au service des signaux amovibles.

d. Le représentant du Conseil d’Etat a précisé qu’en application de l’article 30 alinéa 3 LPol, le commandant de la gendarmerie avait affecté M. X______ à ce service puisque les exigences du service dans lequel le recourant se trouvait précédemment, soit dans un poste, empêchait que M. X______ y poursuive son activité par souci de confidentialité. Le Conseil d’Etat contestait que ce changement d’affectation constitue une sanction déguisée. Il s’agissait d’une mesure de précaution dans l’attente de l’issue de la procédure pendante devant la commission.

L’intimé n’entendait pas revenir sur sa décision et il n’y avait plus de place pour le recourant au sein de la police et pas davantage au sein de l’administration cantonale.

e. Interrogé sur cette question par la commission, le recourant a indiqué qu’il n’avait pas envisagé de prendre une retraite. Il pourrait en prendre une complète au 1er janvier 2009 seulement.

f. Le représentant du Conseil d’Etat a encore indiqué que le cas évoqué par le recourant au titre de l’égalité de traitement, à savoir celui du collègue condamné à l’occasion de la fusillade des Tranchées, n’était en rien comparable. Enfin, le représentant du Conseil d’Etat n’a pas souhaité se déterminer par écrit sur la procédure pénale. Quant à M. X______, il en avait déjà eu connaissance.

27. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la commission compétente, le recours de M. X______, sous-brigadier de gendarmerie, est recevable (art. 6 al. 1 litt g ch. 5 al. 2 LPol).

2. Le 1er janvier 2005, de nouvelles dispositions de la LPol sont entrées en vigueur. Or, les faits reprochés au recourant se sont déroulés en octobre 2004 et la sanction a été prononcée le 1er juillet 2006. Se pose donc la question du droit transitoire.

D’une manière générale, s’appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause les normes en vigueur au moment où ces faits se produisent (P. MOOR, Droit administratif, 2ème éd., Berne, 1994, vol 1, ch. 2.5.2.3, p. 170). En matière de sanction disciplinaire, on applique toutefois le principe de la lex mitior lorsqu’il appert que le nouveau droit est plus favorable au recourant (P. MOOR, op. cit. p. 171 ; ATA 546/2006 du 10 octobre 2006 ; ATA 583/2002 du 8 octobre 2002).

De jurisprudence constante, sont en revanche d’application directe les dispositions procédurales (ATA/865/2005 du 20 décembre 2005).

3. Selon une jurisprudence constante, le juge administratif ne peut s’écarter du jugement pénal que s’il est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait inconnues du juge pénal ou que celui-ci n’a pas prises en considération, s’il existe des preuves nouvelles dont l’appréciation conduit à un autre résultat, si l’appréciation à laquelle s’est livrée le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés ou si le juge pénal n’a pas élucidé toutes les questions de droit (ATF 119 Ib 163 et ss consid. 3 ; ATA/333/2006 du 14 juin 2006 ; ACOM/1/2002 du 10 janvier 2002 ; ACOM/133/2000 du 31 août 2000).

En l’espèce, les trois violations de secret de fonction reprochées au recourant en septembre et octobre 2004 ne sont pas contestées par celui-ci et l’ordonnance de condamnation du juge d’instruction, prononcée pour infractions à l’article 320 CPS le 9 mai 2005, est devenue définitive, faute d’opposition.

Ces agissements constituent également des violations des devoirs professionnels, l’article 33 LPol - tant sous l’ancien que sous le nouveau droit - faisant également obligation au recourant de respecter le secret de fonction.

La commission n’a en l’espèce aucune raison de s’écarter de l’appréciation faite par le juge pénal s’agissant des violations du secret de fonction.

4. Les peines disciplinaires prévues par l’article 36 LPol sont, dans l’ordre de gravité  :

a) l’avertissement ;

b) le blâme ;

c) les services hors tour ;

d) la suspension pour une durée déterminée, sans traitement ;

e) la dégradation ;

f) la révocation.

Ces sanctions sont identiques à celles prévues par l’ancien droit, seule la rétrogradation au rôle matricule ayant été supprimée.

La révocation est ainsi toujours la peine la plus lourde.

5. La procédure prévue par l’article 37 LPol en cas de révocation a été respectée en l’espèce, ce qui n’est pas contesté.

Le recourant se plaint uniquement de la disproportion de la sanction, les infractions commises constituant "des actes isolés dans une carrière longue de vingt-cinq ans, exempte de reproches".

Il allègue avoir été humilié par une arrestation que rien ne justifiait, suivie d’un tourisme pénitentiaire dicté par les menaces dont il était l’objet et avoir été jeté en pâture au grand public par une presse trop heureuse de pouvoir critiquer la police. Il avait de plus été affecté dès la reprise de son travail au début janvier 2006 au service des signaux amovibles et s’était vu refuser l’augmentation de son traitement, contrairement aux autres brigadiers de sa promotion, et cela sans explication ou nouvelle décision.

Les manquements qui lui étaient reprochés n’étaient pas si graves qu’ils justifient une révocation car il n’avait été condamné qu’à une peine de trois mois de prison avec sursis pendant deux ans et que dans sa décision du 11 août 2005, la commission de recours des fonctionnaires de police et de prison avait d’ailleurs jugé que prima facie, la violation du secret de fonction n’était pas de nature à justifier une cessation immédiate des rapports de service.

Enfin, M. X______ se prévalait d’une violation du principe d’égalité de traitement, un inspecteur, condamné pour avoir tué et blessé deux personnes lors d’une interpellation, n’ayant jamais fait l’objet d’une sanction disciplinaire.

La révocation arbitraire devait être annulée.

6. Selon l’article 61 alinéa 2 LPA, le pouvoir d’examen de la commission de céans se limite à la violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation. Elle ne peut ainsi revoir l’opportunité de la décision attaquée.

7. Lorsque l’autorité est amenée à choisir la sanction appropriée, elle dispose d’un large pouvoir d’appréciation, subordonné toutefois au respect du principe de la proportionnalité (ATA/496/2006 du 19 septembre 2006 ; ATA/160/1997 du 4 mars 1997 ; P. GYGI, Verwaltungsrecht, Berne 1986, p. 335).

En application de ce principe, l'autorité doit notamment apprécier les actes ou les manquements reprochés à l'intéressé en les situant dans leur contexte, c'est-à-dire en tenant compte d'éventuelles circonstances atténuantes. Il convient de veiller à ce que la mesure soit proportionnée à la faute, c'est-à-dire que celle-ci apparaisse comme plus grave que les manquements faisant habituellement l'objet de mesures disciplinaires moins incisives (ATA/53/2005 du 1er février 2005 ; ATA/228/2004 du 16 mars 2004 et les réf. citées). Le principe de la proportionnalité suppose également que la mesure litigieuse soit apte à produire les résultats attendus et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par des mesures moins restrictives. En outre, il interdit toute limitation qui irait au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics et privés compromis (ATF 122 I 236 consid. 4e/bb p. 246 ; 119 Ia 41 consid. 4a p. 43 ; ATA/9/2004 du 6 janvier 2004).

Selon la doctrine (G. BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse, in Revue jurassienne de jurisprudence, 1998, pp 62 et 63 et les références citées), il est admissible que la révocation soit prononcée sans avertissement préalable lorsque l’infraction commise est si grave qu’elle révèle une mentalité absolument inconciliable avec la qualité de fonctionnaire.

L’autorité doit également tenir compte de toutes les circonstances du cas concret, notamment de la situation, de la place occupée et de la responsabilité de l’agent (B. KNAPP, La violation du devoir de fidélité, cause de cessation de l’emploi des fonctionnaires fédéraux, in RDS 103/1984 I p. 489 ss, 510 et 511 ; E. M. JUD, Besonderheiten öffentlichrechtlicher Dienstverhältnisse nach schweizerischem Recht, insbesondere bei deren Beedingung aus nichtisziplinarischen Gründen, St-Gall 1975, pp 189, 190 et 197).

8. En l’espèce, le recourant est sous-brigadier et exerce à ce titre des responsabilités au sein de la gendarmerie, de sorte qu’il doit montrer l’exemple, à ses subordonnés notamment.

Au vu des éléments de faits décrits ci-dessus, la commission tiendra compte, dans l’appréciation de la faute, des éléments suivants  :

a. M. X______ est dans la fonction publique depuis près de trente ans, puisqu’il l’était avant d’entrer dans la gendarmerie, de sorte que son expérience et ses années de métier auraient dû l’empêcher d’agir sans réfléchir, de manière impulsive, "en toute simplicité ou par amitié", comme il l’a répété.

b. Même si l’entrave à l’action pénale n’a pas été retenue à son encontre, le recourant devait se douter qu’en donnant des informations à des individus recherchés par ses collègues, il nuisait à une enquête en cours.

Le fait qu’il ait demandé à M. C______ d’effacer le SMS qu’il lui avait envoyé démontre qu’il avait conscience d’avoir contrevenu à ses obligations, ce qu’il a reconnu devant le juge d’instruction le 18 novembre 2004, puisqu’il a admis à cette occasion qu’il avait alors réalisé avoir "fait une ânerie".

c. Enfin, s’il est établi par les recherches bancaires effectuées par le juge d’instruction que le recourant n’a pas reçu d’argent en échange de ses services, il est avéré également qu’il a fréquemment été invité, seul ou avec son amie, par M. C______ et/ou M. L______, dans des restaurants connus pour être chers, au point que le recourant a déclaré lors de l’audience précitée qu’il n’avait pas "les moyens de payer CHF 200.- à CHF 300.- une bouteille".

Pour M. C______ en revanche, il était manifeste que ces invitations avaient pour but de remercier le recourant pour les informations qu’il lui transmettait. M. C______, le jour de son inculpation le 21 octobre 2004, s’est d’ailleurs montré explicite en déclarant  : "Quant j’ai dit à C1______ qui voulait payer que je m’en occuperais, c’était parce que X______ ne prenait pas d’argent ; si je l’avais payé cela aurait été de la corruption".

d. Enfin, le recourant n’était pas en mesure d’exercer ses fonctions puisqu’il ne mettait pas à jour régulièrement ses mots de passe lui permettant d’accéder à la banque de données de la police. Il devait ainsi s’adresser à des collègues pour effectuer les recherches qu’il souhaitait. Ce mode de procéder avait aussi pour effet de brouiller les pistes et d’éviter que lors d’un contrôle, son nom apparaisse comme étant celui de l’auteur de la recherche.

Ces faits sont particulièrement graves compte tenu de la situation et des responsabilités qui étaient celles du recourant. Le fait qu’il n’ait été que légèrement condamné sur le plan pénal selon ses propres dires et que la commission de céans ait estimé, prima facie, que la violation du secret de fonction ne justifiait pas une cessation immédiate des rapports de services, n’y changent rien.

9. Le recourant se plaint d’une violation du principe d’égalité de traitement, en comparant son cas à celui de l’inspecteur précité, condamné pénalement pour homicide mais non sanctionné sur le plan disciplinaire.

a. Le principe de l’égalité de traitement déduit de l’article 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) n’est violé que si des situations semblables sont traitées différemment ou si des situations présentant des différences essentielles sont traitées de manière identique (ATF 108 Ia114 ; ATA/360/2006 du 27 juin 2006).

b. Selon la jurisprudence, un justiciable ne saurait en principe se prétendre victime d’une inégalité de traitement au sens de la disposition précitée lorsque la loi est correctement appliquée à son cas, alors même que dans d’autres cas, elle aurait reçu une fausse application ou n’aurait pas été appliquée du tout (ATF 115 Ia 93 ; 113 Ib 313 ; ATA/700/2005 du 25 octobre 2005 ; ATA/832/2004 du 26 octobre 2004).

Cependant, cela présuppose de la part de l’autorité dont la décision est attaquée la volonté d’appliquer correctement à l’avenir les dispositions légales en question et de les faire appliquer par les services qui lui sont subordonnés (A. AUER, L’égalité dans l’illégalité, ZBL 1978, pp. 281ss, 290 ss).

En revanche, si l’autorité persiste à maintenir une pratique reconnue illégale ou s’il y a de sérieuses raisons de penser qu’elle va persister dans celle-ci le citoyen peut demander que la faveur accordée illégalement à des tiers le soit aussi à lui-même, cette faveur prenant fin lorsque l’autorité modifie sa pratique illégale (ATF 105 V 192 ; 104 Ib 373 ; 99 Ib 383 ; ATA/700/2005 précité ; ATA/832/2004 précité).

En l’espèce, les deux situations ne sont pas comparables : d’une part, l’inspecteur susnommé a tiré et tué dans le cadre de sa mission consistant à poursuivre des malfaiteurs et protéger l’intérêt public. Le recourant a violé le Code pénal, la loi sur la police et ses obligations de service ; d’autre part, le Conseil d’Etat a exposé qu’aucune mesure disciplinaire n’avait été prononcée dans le cas de l’inspecteur, la poursuite disciplinaire étant prescrite ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Il n’en résulte donc pas que la pratique de l’autorité ait été illégale ou qu’elle aurait modifié sa manière d’agir.

La situation du recourant est bien plutôt à mettre en parallèle avec celle d’un autre fonctionnaire au service administratif de la police, licencié avec effet immédiat (A/585/1995 V. du 30 janvier 1996) pour avoir agi par pure amitié en informant un ami que le beau-fils de celui-ci faisait l’objet d’une surveillance dans le cadre d’un trafic de stupéfiants, même si ledit fonctionnaire n’était certes pas en fonction depuis aussi longtemps que le recourant. Le Tribunal administratif a confirmé de même des licenciements avec effet immédiat dans deux autres cas de violation du secret de fonction (ATA/74/2003 du 11 février 2003 ; ATA/175/2002 du 9 avril 2002).

Le grief de violation du principe d’égalité de traitement est ainsi non fondé.

10. L’autorité qui prononce une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (V. MONTANI, C. BARDE, La jurisprudence du Tribunal administratif relative au droit disciplinaire in RDAF 1996, p. 347), une telle sanction n’étant pas destinée à punir la personne en cause pour la faute commise, mais à assurer, par une mesure de coercition administrative, le bon fonctionnement du corps social auquel elle appartient, c’est à cet objectif que doit être adaptée la sanction (G. BOINAY, op. cit., p. 18, § 33 et les références citées). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. A cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (ATA/546/2006 du 10 octobre 2006 ; ATA/140/2006 du 14 mars 2006 ; ATA/648/2004 du 24 août 2004 ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.133/2003 du 28 juillet 2003 ; RDAF 2001 II 9 35 consid. 3c/bb ; SJ 1993 221 consid. 4 et les références doctrinales citées).

En l’espèce, l’on voit mal quelle autre sanction que la révocation, parmi celles prévues par l’article 36 LP, permettrait d’atteindre le but poursuivi par l’autorité, à savoir écarter le recourant des fonctions qu’il exerçait jusqu’alors, le lien de confiance nécessaire entre un policier d’une part et sa hiérarchie ainsi que son autorité de nomination d’autre part, étant irrémédiablement rompu.

11. Le Conseil d’Etat ayant renoncé à déclarer son arrêté du 1er juillet 2006 exécutoire nonobstant recours, le recourant a continué à percevoir son traitement, celui-ci ayant été versé à titre rétroactif. Cette question n’est ainsi pas litigieuse.

12. Quant aux autres allégués relatifs à un changement d’affectation et à une non promotion au grade de brigadier, ils ne font pas l’objet des conclusions du recourant mais le Conseil d’Etat a fourni toutes explications utiles à ce sujet. La commission n’a toutefois pas à en connaître.

13. En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe. Vu l’issue du litige, il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DE RECOURS DES FONCTIONNAIRES DE POLICE ET DE LA PRISON

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 août 2006 par Monsieur X______ contre l’arrêté du Conseil d'Etat du 1er juillet 2006 prononçant sa révocation ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité ;

communique la présente décision à Me Alec Reymond, avocat du recourant ainsi qu'au Conseil d'Etat.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, MM. Perren et Châtelain, membres.

Au nom de la commission de recours des fonctionnaires de police et de la prison :

la greffière :

 

 

 

C. Barnaoui-Blatter

 

la présidente :

 

 

 

E. Hurni

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :