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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/953/2001

ATA/74/2003 du 11.02.2003 ( CE ) , REJETE

Descripteurs : CE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 11 février 2003

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur C____________

représenté par Me Jean-Charles Sommer, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

 

CONSEIL D'ÉTAT

 



EN FAIT

 

 

1. Monsieur C____________ a été engagé à plein temps, dès le 15 février 1997, par le département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures (ci-après : DEEE) en qualité de conseiller en recyclage à l'office cantonal de l'emploi (ci-après : OCE) auprès du service d'insertion professionnelle (ci-après : SIP). Cet engagement faisait suite à un premier contrat temporaire de quatre mois. Ayant rapidement donné satisfaction à ses supérieurs, il est devenu chef de la section des mesures d'insertion professionnelle au sein du SIP, dès le 1er mai 1998. Par arrêté du Conseil d'Etat du 1er mars 2000, il a été nommé fonctionnaire à partir du 1er février 2000.

 

2. En 1995, M. C____________ a créé l'association "R___________" (ci-après : l'association). Cette dernière, à but non lucratif, avait pour objectif la réinsertion des chômeurs, notamment de ceux qui étaient âgés de plus de 40 ans. M. C____________ était le responsable financier de l'association. Il s'en occupait à titre totalement bénévole, raison pour laquelle il n'avait pas sollicité d'autorisation du Conseil d'Etat. Compte tenu du but de l'association, il n'y avait pas de contradiction entre cette activité et sa situation professionnelle. Le nom des autres membres de l'association n'était pas connu. En 1999, l'association n'avait pas d'employés et n'avait pratiquement plus d'activité. Elle avait encore une adresse postale. Elle tenait une comptabilité ainsi qu'une assemblée générale annuelle.

 

3. Dès mars 1997, à l'insu de ses supérieurs hiérarchiques, M. C____________ a traité le dossier de chômage de sa compagne, Madame C____________. A partir d'août 1999, il s'est également occupé du dossier de chômage de la fille de sa compagne, Madame R.C____________ (ci-après : Mme R________), toujours à l'insu de sa hiérarchie.

 

4. Au début du mois d'avril 2000, Madame C__________ Cousin, responsable de la caisse de chômage du syndicat interprofessionnel des travailleuses et travailleurs (ci-après : SIT), a contacté Monsieur Yves Perrin, directeur général de l'OCE, pour l'informer qu'une allocation d'initiation au travail (ci-après : AIT) avait été accordée à l'association. Cette allocation concernait Mme C____________.

 

5. Le 12 avril 2000, M. C____________ a été entendu par M. Fradkoff, directeur du SIP, et Madame Eliane Balmas, directrice adjointe de ce service et supérieure directe de M. C____________. Au cours de cet entretien, les supérieurs de M. C____________ ont découvert que Mme C____________ était la compagne de ce dernier. Il s'est également avéré qu'à partir du 1er janvier 2000, Mme C____________ avait bénéficié d'AIT pour un salaire mensuel de CHF 6'200.- pour une durée de douze mois. La décision d'AIT avait été établie au nom de M. V__________, conseiller en personnel de la section des mesures d'insertion, mais en réalité elle avait été signée par M. C____________. L'association figurait en qualité d'employeur de Mme C____________. M. C____________ avait signé la lettre d'engagement de Mme C____________ pour le compte de l'association. La signature figurant sur ce document était totalement différente de celle que M. C____________ utilisait à l'OCE. Le lieu de travail de Mme C____________ se trouvait à l'école H__________ où elle suivait une formation pédagogique qui devait lui permettre d'assurer l'enseignement de la céramique, de la sculpture ainsi que l'encadrement des ateliers. Le responsable de la formation pédagogique était Monsieur H__________. Selon M. C____________, l'association avait été mandatée par l'atelier H__________ pour assurer le paiement du salaire de Mme C____________ et les charges sociales y relatives. L'atelier H__________ n'aurait pas engagé Mme C____________ s'il avait dû assurer lui-même le versement du salaire et la retenue des charges sociales.

 

6. Par arrêté du Conseil d'Etat du 3 juin 2000, une enquête administrative a été ouverte à l'encontre de M. C____________. Cette décision, assortie d'une mesure de suspension sans traitement, était exécutoire nonobstant recours.

 

7. Le 16 juin 2000, M. C____________ a recouru au Tribunal administratif contre la mesure de suspension provisoire sans traitement et a demandé la restitution de l'effet suspensif. La demande de restitution de l'effet suspensif et le recours ont été rejetés respectivement le 29 juin 2000 et le 16 janvier 2001.

 

8. Dans un rapport du 5 juillet 2000, faisant suite à une nouvelle intervention de Mme Cousin, la direction du SIP a constaté qu'une autre AIT avait été accordée à l'association pour Mme R__________.

 

9. Le dossier de Mme R__________ avait été traité de la même manière que celui de Mme C____________. Une décision d'octroi d'AIT avait été établie en date du 22 décembre 1999 pour la période du 1er décembre 1999 au 31 mai 2000. Le salaire mensuel était de CHF 3'500.- pour 30 heures de travail hebdomadaire. La décision avait été établie au nom de M.  V__________ mais elle avait été signée par M. C____________. L'employeur de Mme R__________ était l'association, la lettre d'engagement avait été signée par M. C____________. Il avait utilisé la même signature que pour la lettre d'engagement de Mme C____________, soit une signature différente de celle qu'il utilisait habituellement dans le cadre de ses fonctions à l'OCE. Le lieu de travail de Mme R__________ était l'atelier H__________ où elle travaillait déjà depuis le 1er janvier 1999.

 

10. Par arrêté du 26 juillet 2000, le Conseil d'Etat a ordonné que l'enquête administrative ouverte le 7 juin 2000 à l'encontre de M. C____________ porte également sur les faits ayant trait au dossier de Mme R__________.

11. Le 17 novembre 2000, le DEEE a dénoncé les faits au Parquet de Monsieur le Procureur général en invoquant l'abus d'autorité, la gestion déloyale des intérêts publics ainsi qu'une infraction à l'article 105 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité (LACI - RS 837.0). La procédure pénale a été suspendue jusqu'à droit jugé dans la procédure administrative.

 

12. Le rapport d'enquête administrative établi par M. Christophe Friederich, secrétaire adjoint au secrétariat général du département de justice et police et des transports, devenu depuis lors le département de justice, police et sécurité (ci-après : DJPS), a été rendu le 29 mai 2001. Au cours de l'enquête ont été entendus M. C____________, M. Yves Perrin, Mme C__________ Cousin, M. Daniel Fradkoff, M. H__________, Mme Eliane Balmas.

 

Il est ressorti de ces auditions qu'il n'existait pas de directives écrites concernant le problème du conflit d'intérêts. Cependant, les supérieurs de M. C____________ ont affirmé que selon un usage établi, les collaborateurs ne traitaient pas les dossiers de proches.

 

M. C____________ a admis que ses subordonnés lui soumettaient les cas dans lesquels ils estimaient qu'un arbitrage était nécessaire. Il a toutefois cité des cas dans lesquels des employés de l'OCE s'étaient occupés de dossiers de proches et où il y avait eu des favoritismes. Il a encore souligné que parfois il devait placer des personnes auprès d'institutions qui lui étaient recommandées par sa hiérarchie.

 

Il était conscient que l'utilisation d'un intermédiaire, soit l'association, entre l'assuré et l'employeur effectif, n'était pas conforme à la lettre du règlement mais à son avis elle correspondait à son esprit. Il utilisait des paraphes différents parce qu'il était ambidextre.

 

M. H__________, directeur de l'Atelier H__________, a expliqué que ses cours étaient donnés sur sept mois par an uniquement, l'école étant fermée le reste du temps. Les enseignants étaient engagés pour des mandats d'une durée de sept mois renouvelable, à raison d'un maximum de seize heures par semaine. Pour cette raison tous les professeurs avaient une activité lucrative principale parallèle à la charge d'enseignant. Ils avaient un statut d'indépendant. M. H__________ réglait directement leurs honoraires et ignorait donc totalement le statut de chômeuse de Mme C____________, ainsi que le fait qu'elle recevait des AIT.

 

L'enquête a retenu qu'en traitant des dossiers de proches, à l'insu de sa hiérarchie, M. C____________ s'était retrouvé confronté à un grave conflit d'intérêts dont il avait constamment nié l'existence. Il avait mis sur pied un système dont il savait qu'il ne respectait pas toutes les exigences légales afin de faire bénéficier ses proches de prestations indues qui profitaient également à son ménage. Au vu de ces éléments, la confiance de ses supérieurs hiérarchiques était atteinte et ce, de façon irrémédiable. Ce comportement mettait en doute la capacité de M. C____________ a être intégré dans un système hiérarchique. En revanche on ne pouvait lui reprocher une activité annexe puisqu'il l'exerçait à titre bénévole et qu'elle n'était pas incompatible avec ses obligations de fonctionnaire. De même il n'avait pas systématiquement ordonné des cours dans une école qui n'était pas agréée, mais seulement de manière ponctuelle.

 

13. Dans ses observations du 9 juillet 2001, M. C____________ a contesté tous les griefs qui lui étaient faits. C'était à juste titre qu'il s'était occupé des dossiers de proches puisqu'il n'existait aucune directive l'interdisant expressément. Les décisions d'AIT étaient parfaitement conformes à la LACI et correspondaient aux pratiques de l'OCE. Enfin, il n'y avait pas de préjudice financier puisque Mmes C____________ et R__________ avaient été réinsérées dans le marché de l'emploi.

 

14. Le 21 août 2001, M. C____________ a été licencié avec effet immédiat et rétroactif au 7 juin 2000 par arrêté du Conseil d'Etat, déclaré exécutoire nonobstant recours.

 

15. Le 19 septembre 2001 M. C____________ a interjeté un recours au Tribunal administratif à l'encontre de l'arrêté précité. Il a contesté que les conditions légales pour l'octroi d'AIT n'aient pas été remplies. Il a nié toute violation du code pénal et de toute autre disposition de caractère pénal. Il a encore soutenu qu'il n'avait contrevenu à aucune directive administrative écrite ou non écrite en traitant le dossier de proches puisqu'une telle directive n'existait pas. Pour le surplus, il s'est défendu d'avoir manqué gravement aux devoirs du service. Il avait appliqué correctement la LACI dans l'intérêt des demandeurs d'emploi. Enfin, il s'est prévalu de la violation du principe de la proportionnalité. Il a requis l'octroi de l'effet suspensif au recours, et sur le fond il a conclu à l'annulation de l'arrêté querellé ainsi que sa réintégration dans ses fonctions avec effet au 7 juin 2000, avec suite de frais et dépens à charge de l'Etat de Genève.

 

16. Le 27 septembre 2001 le Conseil d'Etat s'est opposé à la demande de restitution d'effet suspensif, en faisant valoir qu'à teneur de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux (LPAC - B 5 05), la réintégration du recourant dans son service ne pouvait lui être imposée.

 

17. Par décision présidentielle du 28 septembre 2001, le Tribunal administratif a refusé la restitution de l'effet suspensif au recours. A teneur de l'article 31 alinéas 2 et 3 LPAC, la continuation des rapports de travail ne pouvait être imposée à l'Etat après une décision de licenciement du personnel de l'administration cantonale. Or, accorder l'effet suspensif au recours revenait précisément à imposer la continuation des rapports de travail.

 

18. Dans ses observations du 30 octobre 2001, le Conseil d'Etat a invoqué les manquements graves de M. C____________ qui avait contrevenu à ses devoirs et sciemment trompé la confiance de sa hiérarchie, comme motifs objectivement fondés pour mettre fin aux rapports de service. Il a conclu au rejet du recours.

 

19. Les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle le 6 décembre 2001. M. C____________ a expliqué que Mme R__________ avait été employée et payée par l'association mais qu'en réalité elle avait travaillé à l'atelier H__________. Par la suite elle avait trouvé une place chez N__________. Le cas de Mme C____________ avait été traité de façon identique. Après avoir travaillé à l'atelier H__________, elle avait pu ouvrir un atelier de poterie à son compte. Il avait traité ces dossiers notamment parce que les liens qu'il avait avec l'association et avec Mmes R__________ et C____________ lui permettaient de le faire rapidement.

 

20. Le 6 février 2002, le tribunal de céans a procédé à l'audition de M. F___________, Mme M__________, M. V__________ et Mme Balmas.

 

M. F___________, collègue de M. C____________ au SIP, a expliqué que le service était surchargé. Il n'y avait pas d'instructions écrites concernant les dossiers de proches, mais personnellement il ne s'était jamais occupé de tels dossiers. Il n'avait pas subi de pressions de la hiérarchie à l'occasion de cas concrets.

 

Mme M__________, secrétaire de M. C____________, a précisé qu'elle ignorait que celui-ci traitait les dossiers de Mmes C____________ et R__________.

 

M. V__________, collaborateur de l'OCE dans un autre service que M. C____________, a déclaré qu'il plaçait des chômeurs auprès de l'institut G____________ et que celui-ci ne sponsorisait pas son fils qui était coureur cycliste professionnel. Suite à cette audition, M. C____________ a produit un extrait du site internet de cette société dont il ressortait que G____________ sponsorisait L__________ Cycliste de __________ dont faisait partie le fils de M. V__________. Le Conseil d'Etat a versé à la procédure une attestation de L__________ Cycliste de __________ faisant état de trois versements annuels d'un maximum de CHF 1'500.- pour les années 1998, 1999 et 2000.

Pour Mme Balmas, les contrats d'engagement de Mmes C____________ et R__________ ne figuraient pas dans leurs dossiers d'assuré et d'AIT. Ils avaient été produits par M. C____________ suite à l'entretien du 12 avril 2000. La seule fois où elle avait vu une signature qui différait de la signature habituelle de M. C____________, c'était sur lesdits contrats. Chaque dossier était traité du début à la fin par le même collaborateur. Il existait un usage non écrit qui voulait que les collaborateurs ne s'occupent pas des dossiers de proches et qu'elle-même en avait fait part au service de M. C____________.

 

21. Le 28 mai 2002, M. C____________ a formulé une nouvelle demande de restitution d'effet suspensif. Celle-ci a été rejetée par décision présidentielle du 25 juin 2002. Les motifs de la décision présidentielle du 28 septembre 2001 étaient toujours réalisés.

 

22. Lors de l'audience d'enquêtes du 10 octobre 2002, Mme F__________, conseillère en personnel dont M C____________ avait été le chef de service, a déclaré qu'il n'y avait pas d'instructions s'agissant du traitement des dossiers de proches mais que l'éthique commandait qu'ils soient traités par d'autres collaborateurs. Personnellement, il lui était arrivé de transmettre à des collègues de tels dossiers.

 

M. Bisin, chef de groupe à l'OCE pour le placement des demandeurs d'emploi, a déclaré qu'il s'était occupé du dossier de son gendre avec Mme Balmas et M. Fradkoff. Ces derniers ignoraient le lien de parenté existant. Le gendre de M. Bisin avait bénéficié d'un cours accéléré en gestion d'entreprise et d'un recyclage dans le bâtiment. A cette époque l'accord de Mme Balmas et de M. Fradkoff était indispensable à l'octroi d'un cours.

 

23. Dans leurs écritures après enquêtes les parties ont persisté dans leurs conclusions.

 

24. C'est le lieu de préciser ici que le SIP a annulé les décisions d'octroi d'AIT concernant Mmes C____________ et R__________ respectivement le 12 mai et le 14 juillet 2000. L'association a recouru à l'encontre de ces décisions. Le groupe réclamations de l'OCE a confirmé les décisions du SIP les 21 septembre et 31 octobre 2000. Saisie par l'association, la commission cantonale de recours en matière d'assurance-chômage (ci-après : la commission) a également confirmé les deux décisions du SIP le 1er février 2001. Le Tribunal fédéral des assurances (TFA) a également rejeté les recours de droit administratif interjetés par l'association par arrêts du 11 décembre 2001, relevant qu'ils étaient à la limite de la témérité au vu des circonstances et que les conditions légales pour l'octroi d'AIT n'étaient pas remplies.

 

 

EN DROIT

 

 

1. La recevabilité du présent recours a déjà été admise dans la décision du 28 septembre 2001 rejetant la demande de restitution de l'effet suspensif.

 

2. Les relations entre le recourant, fonctionnaire, et l'Etat de Genève sont gouvernées par la LPAC.

 

3. Après la période probatoire, il peut être mis fin aux rapports de service du fonctionnaire pour un motif objectivement fondé, en respectant le délai de résiliation (art. 21 al. 2 let. b LPAC).

 

Selon l'article 20 LPAC, le délai de résiliation varie suivant que celle-ci intervient pendant le temps d'essai, durant la première année d'activité, ou après une période plus longue (al. 1 à 3). Les cas de résiliation des rapports de service avec effet immédiat sont réservés (al. 4).

 

En l'espèce, M. C____________ a été licencié avec effet immédiat et rétroactif au 7 juin 2000 par arrêté du 21 août 2001.

 

4. La LPAC a une nouvelle teneur depuis le 1er mars 1998. La jurisprudence développée sous l'empire de l'ancienne loi relative au personnel de l'administration cantonale reste toutefois applicable, avec cette réserve que le licenciement pouvait intervenir avec effet immédiat s'il était "fondé sur une raison particulièrement grave excluant la continuation des rapports de service" (art. 23 al. 3 aLPAC), tandis que l'actuel alinéa 4 de l'article 20 précité ne pose aucune condition particulière à un licenciement prononcé avec effet immédiat (ATA K. du 9 avril 2002).

 

5. a. La résiliation des rapports de service pour justes motifs peut être considérée comme une notion autonome de droit public (ATA D. du 22 juin 1999). Son contenu est objectif, en ce sens que la décision de licenciement doit être fondée sur l'incompatibilité existant entre la personne de l'agent et ses tâches au sein du service (ATA D. du 31 août 1999).

b. Il résulte de la jurisprudence du Tribunal fédéral qu'une mesure de résiliation des rapports de service avec effet immédiat ne peut intervenir que dans des cas de violation grave des obligations du fonctionnaire (ATF K. non publié du 21 janvier 1988, consid. 3d cité in ATA L. du 12 septembre 1990). La doctrine a encore précisé que les circonstances doivent être telles qu'elles ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé qu'il poursuive l'exécution du contrat; ces circonstances doivent être appréciées selon les règles de la bonne foi visées à l'article 2 alinéa 2 du Code civil (ATA K. du 9 avril 2002 et les références citées).

 

c. L'appréciation des justes motifs de résiliation ne peut cependant se déterminer d'une manière générale; la solution dépend au contraire des circonstances du cas particulier, notamment de la position et de la responsabilité du travailleur, de la nature et de la durée des relations contractuelles, ainsi que du genre et de la gravité du grief. Le contrat de travail, qui est prévu pour durer, repose d'habitude sur des liens de confiance spécialement solides surtout quand l'employé occupe un poste de commandement. Au surplus, il convient de garder présent à l'esprit qu'il existe une relation particulière entre l'Etat et ses agents, fonctionnaires ou employés, qui suppose l'obéissance de ces derniers à un certain nombre de devoirs généraux de la fonction (ATA L. précité; ATA V. du 14 février 1990).

 

A été notamment considéré comme justifié le licenciement avec effet immédiat du fonctionnaire de police qui s'est rendu coupable d'entrave à l'action pénale et de violation du secret de fonction en contactant, par amitié, les parents d'une personne suspectée de trafic de stupéfiants, de telle façon que l'enquête de police et le démantèlement d'une filière de trafiquants ont été compromis (ATA V. du 30 janvier 1996).

A été également considéré comme justifié le licenciement avec effet immédiat du fonctionnaire de l'administration fiscale qui, à l'insu de sa hiérarchie, a accepté un rendez-vous dans un lieu public avec un contribuable dont il gérait le dossier et, qu'ayant voulu tester le contribuable, il s'était fait remettre une somme d'argent (ATA K. du 9 avril 2002).

 

Dans le cas d'espèce, quelle que soit la qualification pénale, s'il y en a une, qui s'appliquera aux agissements du recourant, force est de constater que celui-ci a trompé la confiance placée en lui et que celle-ci est irrémédiablement détruite.

 

En effet, pour faire bénéficier d'AIT Mmes C____________ et R__________, le recourant a agi à la fois en qualité de fonctionnaire et d'employeur. Pour masquer ses agissements il a utilisé deux signatures différentes selon qu'il intervenait en qualité d'employeur ou de fonctionnaire de l'OCE. Il a pris toutes les précautions nécessaires pour que ses supérieurs hiérarchiques ignorent son activité dans les dossiers de Mmes C____________ et R__________ : il n'a pas mentionné ces cas auprès de sa hiérarchie, il a traité ces dossiers en faisant apparaître le nom d'un de ses collaborateurs, M. V__________, il a signé les contrats d'engagement de l'association en se servant d'une signature qui n'était pas connue à l'OCE. Ces agissements démontrent que contrairement à ce qu'il affirme, M. C____________ était parfaitement conscient du fait qu'il ne devait pas traiter les dossiers de Mmes R__________ et C____________ et que la manière de les gérer ne correspondait pas aux usages de l'OCE et n'aurait pas reçu l'aval de ses supérieurs. Ce qui paraît particulièrement grave dans cette affaire, ce n'est pas tant le fait que M. C____________ se soit occupé de dossiers de proches, mais c'est l'élément de tromperie qu'on retrouve dans le traitement des deux dossiers. Ce faisant, il a clairement contrevenu à son obligation de diligence.

 

Au vu de ce qui précède, peu importe qu'il n'y ait pas eu d'instructions claires concernant la gestion des dossiers de proches à l'OCE puisque c'est la façon dont ceux-ci ont été traités qui est choquante. De plus, le fait que les AIT octroyées à Mme C____________ aient profité directement au ménage du recourant est une circonstance aggravante mais, en l'espèce, ce n'est pas l'élément déterminant. C'est plutôt la manière dont les dossiers ont été traités qui est critiquable. Ainsi, l'argumentation du recourant selon laquelle le traitement des dossiers de proches était monnaie courante à l'OCE n'entre pas en ligne de compte.

 

A cela s'ajoute que l'attitude même du recourant au cours de l'enquête a aggravé la rupture du lien de confiance : il n'a jamais collaboré en évoquant spontanément et clairement le dossier de Mme R__________ après que ses supérieurs eurent abordé le dossier de Mme C____________. Il a toujours refusé de reconnaître la moindre erreur de sa part alors même qu'il était conscient que le système qu'il avait mis au point en faveur de Mmes C____________ et R__________ ne correspondait ni à la lettre de la loi, ni à la pratique de l'OCE. Sa position de chef de service au sein de l'OCE fait apparaître ses manquements comme particulièrement graves.

 

En conséquence la décision de licenciement avec effet immédiat du 21 août 2001 ne peut être que confirmée.

 

6. Le principe de la proportionnalité suppose que la mesure litigieuse soit apte à produire les résultats attendus et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par des mesures moins restrictives. En outre, il interdit toute limitation qui irait au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics et privés compromis (ATF 122 I 236 consid. 4e/bb p. 246; 119 Ia 41 consid. 4a p. 43; 348 consid. 2a p. 353; 374 consid. 3c p. 377).

 

En l'espèce, la relation de confiance entre l'Etat et le recourant est irrémédiablement détruite. Compte tenu des agissements de ce dernier ainsi que de son attitude au cours de l'enquête il paraît impossible que l'Etat puisse continuer à collaborer avec M. C____________. Il s'ensuit que la seule mesure envisageable est le licenciement du recourant. Au vu de la gravité des faits qui lui ont été reprochés, une décision de résiliation avec effet immédiat est parfaitement justifiée. Une telle mesure apparaît dans un rapport raisonnable entre les intérêts publics et privés compromis.

 

7. Le recours sera rejeté et un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

au fond :

 

rejette le recours interjeté le 19 septembre 2001 par Monsieur C____________ contre la décision du Conseil d'Etat du 21 août 2001 ;

 

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'500.-;

 

communique le présent arrêt à Me Jean-Charles Sommer, avocat du recourant, ainsi qu'au Conseil d'Etat.

 


Siégeants : M. Thélin, président, M. Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges, M. Hottelier, juge suppléant.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj.: le président :

 

M. Tonossi Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci