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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3481/2005

ATA/140/2006 du 14.03.2006 ( CE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3481/2005-CE ATA/140/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 14 mars 2006

dans la cause

 

Monsieur X___________
représenté par Me Didier Bottge, avocat

contre

CONSEIL D’ÉTAT


 


1. Monsieur X___________, né le __________ 1947 et domicilié à Genève, est autorisé à exercer la profession de médecin depuis le 6 août 1986. Il est interniste.

2. Au début de l’année 1990, le conseil de l’association des médecins du canton de Genève (AMG ; ci-après : le conseil) a été saisi de plusieurs plaintes émanant de patientes de M. X___________ portant sur les massages « thérapeutiques » sexuellement orientés de ce dernier.

Le 15 mai 1990, le conseil a exigé de M. X___________ qu’il renonce définitivement à ce type de thérapie et lui a infligé un blâme.

3. En date du 27 février 1993, M. X___________ a pratiqué sur une patiente – âgée de 16 ans et demi – un « massage relaxant » à l’occasion duquel il a eu des gestes d’ordre clairement sexuel (attouchement des parties intimes de la patiente, caresse des seins, etc.).

Informé, le conseil a infligé à M. X___________ un nouveau blâme ainsi qu’une amende de CHF 5'000.-.

Le 27 février 1995, la chambre pénale de la Cour de justice a reconnu M. X___________ coupable d’actes d’ordre sexuel avec des personnes dépendantes au sens de l’article 188 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CPS - RS 311.0) et l’a condamné à la peine de deux mois d’emprisonnement avec sursis pendant deux ans.

A raison de ces faits, le Conseil d’Etat a prononcé, par arrêté du 8 novembre 1995, la radiation de l’inscription de M. X___________ dans le registre des médecins pour une durée d’un mois, suivant en cela le préavis émis par la commission de surveillance des professions de la santé (ci-après : la commission) en date du 4 octobre 1995. Il voyait dans les actes de M. X___________ l’expression d’une incompétence et d’une grande maladresse de sa part plutôt qu’un acte de nature perverse.

Aucune de ces décisions n’a fait l’objet d’un recours.

4. Le 28 novembre 2002, M. X___________ a de nouveau pratiqué un massage sexuellement orienté sur une patiente née en octobre 1981.

5. Ladite patiente a porté ces faits à la connaissance du Procureur général par courrier du 3 février 2003, qui a transmis le dossier à un juge d’instruction.

Après avoir demandé à la patiente d’enlever son pantalon, ce qu’elle avait refusé de faire, M. X___________ avait commencé son massage. Au début, il avait effectué des mouvements circulaires légers sur tout le corps de la patiente, à l’exception de ses parties intimes. Après avoir déboutonné en accord avec elle son pantalon, il lui avait demandé de se mettre sur le ventre. Il avait alors passé les mains sur ses fesses puis entre ses cuisses jusqu’à l’entre-jambes. Une fois sa patiente sur le dos, il lui avait passé peu à peu ses mains sur la poitrine, puis sur son pubis par-dessus la culotte. Continuant son massage, il avait soulevé le chemisier de celle-ci en lui demandant en même temps s’il pouvait le faire en s’exclamant « Mmmm., c’est mignon ». Il lui avait alors caressé la poitrine et pincé ses mamelons.

La patiente a également précisé qu’elle lui avait fait part, lors de leur dernière séance, qu’elle avait de la peine à dire « non ».

6. A la demande du juge d’instruction, une expertise psychiatrique de M. X___________ a été confiée au Dr Gérard Niveau. Ce dernier a rendu ses conclusions le 1er décembre 2003.

L’intéressé ne présentait pas une structure de sexualité perverse ni un trouble du contrôle pulsionnel. L’expert n’avait pas non plus relevé de signe objectif d’une maladie mentale, d’une faiblesse d’esprit, d’une altération de sa conscience ou d’un trouble de son développement mental. Il était cependant souhaitable qu’il poursuive la prise en charge psychothérapeutique qu’il avait entreprise afin de mieux comprendre son comportement et d’éviter de le renouveler.

7. Le 28 février 2003, M. X___________ a spontanément informé la commission qu’il avait récemment subi une « rechute » pour des faits analogues à ceux qui lui avaient valu sa radiation pour une durée d’un mois. Il s’était confié à l’un de ses confrères, le Dr Haynal, aux fins d’entreprendre un traitement thérapeutique.

8. Le 28 décembre 2004, le Procureur général a transmis à la commission copie du dossier de la procédure pénale dirigée contre M. X___________.

9. Le 24 février 2005, le Tribunal de police a reconnu M. X___________ coupable d’abus de détresse au sens de l’article 193 alinéa 1 CPS et l’a condamné à la peine de 6 mois d’emprisonnement, assortie du sursis pendant cinq ans.

10. La commission a instruit le dossier de M. X___________ sous le n° de cause 26/04/A. Il ressort notamment des enquêtes qu’elle a menées que :

- M. X___________, entendu le 9 mars 2005, avait conscience de s’être comporté de façon inadéquate avec sa patiente. Il était dans une situation d’échec avec elle et n’avait pas réussi à avoir une bonne alliance thérapeutique. Ce constat lui était insupportable et il était prêt à prendre des risques pour le surpasser. Cela faisait maintenant 12 ans qu’il n’avait plus eu recours aux « massages relaxants ». Devant cette patiente complètement tendue avec l’impression d’être mis en échec, il avait stupidement proposé ce massage en précisant qu’il n’était pas validé par la faculté de médecine ;

- Auditionné le 4 mai 2005, le Dr Haynal a confirmé que la situation de M. X___________ s’était largement améliorée entre les mois de janvier et octobre 2004. Ce dernier était venu le consulter pour une dysthymie qui l’avait conduit à deux hospitalisations. Durant cette période, M. X___________ s’était rendu compte de la complexité des forces qui l’avaient amené à l’acte qui lui était reproché et maîtrisait mieux son impulsivité. Le pronostic du Dr Haynal quant au risque de récidive était favorable. Au moment des faits incriminés, M. X___________ se sentait manifestement débordé par une certaine ambition thérapeutique. La supervision à laquelle M. X___________ se soumettait depuis lors semblait être suffisante pour l’avenir. Le Dr Haynal a encore précisé qu’il voyait M. X___________ environ toutes les deux semaines, parfois hebdomadairement ;

- Le Dr Gérard Niveau a confirmé les faits consignés dans son expertise du 1er décembre 2003. M. X___________ ne souffrait pas de pathologie mentale au moment des faits. Il écartait toute paraphilie. La récidive ne se situait pas dans un contexte psychiatrique mais criminologique, compte tenu du délai de 10 ans intervenu entre les deux derniers « massages relaxants ».

11. Le 24 juin 2005, M. X___________ a fait parvenir à la commission ses conclusions après enquêtes.

Il travaillait à 100% à raison d’environ 50 heures par semaine dans son cabinet médical. Ses charges mensuelles s’élevaient en moyenne à CHF 15'547,80 pour un revenu mensuel moyen, depuis le début de l’année 2005, de CHF 17'376.–.

En outre, tant le Tribunal de police que le Dr Haynal avaient émis un pronostic favorable quant à son comportement futur, de sorte que tout risque de récidive était exclu. Par ailleurs, il avait mis en place un suivi thérapeutique extrêmement sérieux, ce qui n’avait pas été le cas après la première procédure de 1993. La commission devait par conséquent retenir qu’il ne pourrait plus se laisser déborder par son ambition thérapeutique qui l’avait conduit à commettre l’acte litigieux.

Il était un thérapeute très compétent. Certains patients avaient d’ailleurs témoigné de ses grandes qualités professionnelles et humaines par-devant le Tribunal de police. Tous ces éléments ne devaient pas être occultés par l’acte isolé qui lui était reproché.

Pour toutes ces raisons, il demandait à la commission de faire preuve de clémence et de prononcer une sanction qui tiendrait compte de toutes les circonstances du cas d’espèce, dans le respect du principe de la proportionnalité.

12. La commission a rendu son préavis au Conseil d’Etat le 14 juillet 2005.

a. Le cas de M. X___________ devait être analysé sous l’angle d’un agissement professionnel incorrect grave – au sens de l’article 108 alinéa 2 lettre b de la loi sur l’exercice des professions de la santé, les établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical du 11 mai 2001 (LPS - K 3 05). Il avait entrepris le massage incriminé car il refusait le constat d’échec thérapeutique. De l’avis de la commission, cette attitude était extraordinairement égoïste, dès lors qu’il savait pertinemment qu’il s’agissait d’une thérapie contestée, pouvant avoir des conséquences dommageables pour sa patiente.

b. S’agissant de la quotité de la sanction, il fallait tenir compte de la gravité de l’agissement professionnel incorrect. Dès lors, elle proposait au Conseil d’Etat de suspendre M. X___________ pour une durée de six mois. Cette durée lui paraissait adéquate, compte tenu du fait que l’intéressé avait toujours exercé son activité professionnelle, qu’il avait déjà fait l’objet d’une sanction pénale importante, que les implications financières d’une telle suspension n’étaient pas négligeables et, enfin, que le Dr Haynal avait émis un pronostic favorable, écartant le risque de récidive. En outre, il était attendu de M. X___________ qu’il ne pratique plus à l’avenir la technique de massage incriminée. Il devait ainsi éviter une clientèle dont la prise en charge risquait de le conduire à pratiquer des actes inadéquats et inopérants. Enfin, il ne devait pas prendre en charge des patients hors la présence de son assistante médicale dans son cabinet.

13. Par arrêté du 31 août 2005 – notifié le 2 septembre 2005 au domicile élu de M. X___________ – le Conseil d’Etat a prononcé la radiation définitive de ce dernier du registre des médecins.

Il ne pouvait suivre la proposition de la commission, rappelant que dans son arrêté du 8 novembre 1995 qui suspendait provisoirement l’autorisation d’exercer de l’intéressé, il était parti de l’idée que la sanction ainsi retenue permettrait de prévenir à l’avenir toute répétition de cette pratique. Or, tel n’avait pas été le cas, de sorte que la radiation définitive se justifiait pour des motifs de santé publique évidents.

14. Par acte mis à la poste le 3 octobre 2005, M. X___________ a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre cet arrêté. Il conclut, sous suite de frais et dépens, à son annulation et au prononcé d’une sanction équitable.

L’arrêté querellé n’était pas suffisamment motivé, dans la mesure où il ne suivait pas le préavis de la commission et se contentait, à ce propos, d’une motivation des plus succinctes. Ensuite, la radiation définitive du registre des médecins violait le principe de la proportionnalité, dès lors qu’une mesure de suspension aurait paru bien plus appropriée qu’une radiation définitive. En réalité, le Conseil d’Etat avait été influencé par le traitement médiatique de l’affaire en cause. De surcroît, la radiation ne répondait à aucun intérêt public, car il avait pris conscience de ses actes et s’était entouré de toutes les précautions nécessaires pour qu’une telle situation ne se reproduise plus. Ainsi, l’arrêté entrepris violait sa liberté économique.

15. Le Conseil d’Etat – sous la plume du département de l’action sociale et de la santé, devenu depuis lors, le département de l’économie et de la santé (ci-après : le département) – s’est opposé au recours le 28 novembre 2005.

Il était fondamental que le public puisse faire confiance aux membres du corps médical et la plus grande rigueur se justifiait envers ceux qui abusaient de leur position. En dépit des sanctions dont il avait fait l’objet par le passé, M. X___________ avait commis une nouvelle faute grave ; il n’avait pas la capacité de tenir ses promesses ni de maîtriser ses pulsions. Il fallait donc le radier définitivement.

16. Les parties ont été entendues en comparution personnelle le 23 janvier 2006.

a. M. X___________ a expliqué qu’il avait pratiqué des massages de relaxation une dizaine d’années plus tôt. Il avait connu des succès et des échecs. Certaines patientes avaient porté plainte, d’autres étaient venues témoigner que leur état de santé s’était sensiblement amélioré. Il avait alors compris que cette technique était trop dangereuse et il l’avait abandonnée.

b. S’agissant du cas d’espèce, il s’agissait d’une personne anxieuse, avec des troubles de la personnalité. Elle arrivait systématiquement en retard à ses rendez-vous, de sorte qu’il ne restait pas plus de dix minutes pour la séance. Sa nervosité la rendait incompétente sur le plan cognitif. Comme elle n’arrivait pas à se détendre avec les méthodes traditionnelles, il lui avait proposé des massages de relaxation qu’il n’avait plus effectué depuis longtemps. Il ne supportait pas de n’arriver à rien avec cette patiente, d’être en situation d’échec. Cette dernière technique n’avait pas non plus fonctionné, et il s’était senti très mal d’avoir recommencé. Aujourd’hui, il admettait l’échec, mais pour arriver à ce résultat, il avait dû suivre une thérapie, qu’il poursuivait encore aujourd’hui. Il avait acquis la conviction que, devant une situation du même type, il ne récidiverait plus, car il avait appris à connaître et à gérer son attitude face à l’échec.

c. Beaucoup de ses confrères avaient cessé de lui adresser des malades. Il lui restait quelques patients, fidèles, qui lui envoyaient leurs proches. Ces événements avaient eu des répercussions économiques pour lui et, sur le plan personnel, il avait dû quitter le domicile conjugal. Il n’avait plus beaucoup d’argent et ne voyait son fils que tous les deux mois.

d. Le Conseil d’Etat a persisté dans sa décision.

17. A l’issue de l’audience, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 119 al. 1 LPS ; art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. L’objet du litige se limite à la quotité de la sanction administrative infligée au recourant, dans la mesure où il ne conteste pas les faits qui lui sont reprochés.

3. Dans un premier moyen, le recourant se plaint de ce que la motivation de l’arrêté attaqué, en tant qu’il s’écarte du préavis de la commission, est insuffisante.

Le droit à la motivation d’une décision est une garantie constitutionnelle de caractère formel qui est un aspect du droit d’être entendu (art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale – Cst. féd. – RS 101 ; ATF 126 I 97 consid. 2 pp. 102-103 ; 120 Ib 379 consid. 3b p. 383 ; 119 Ia 136 consid. 2b p. 138 et les arrêts cités). Cette exigence a pour but de permettre au justiciable de comprendre la décision dont il est l’objet et exercer ses droits de recours à bon escient. Elle vise également à permettre à l’autorité de recours d’exercer son contrôle. Il suffit que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle fonde sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. Elle n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut se limiter à ceux qui, sans arbitraire, apparaissent pertinents (ATF 124 II 146 consid. 2 p. 149 ; 122 IV 8 consid. 2c p. 14 ; ACOM/24/2004 du 15 mars 2004).

En l’espèce, le Conseil d’Etat a choisi de ne pas suivre le préavis de la commission en raison des nombreuses récidives du recourant. La brève motivation offerte à ce propos permet à ce dernier de comprendre les raisons ayant conduit le Conseil d’Etat à sa décision. En tout état, le tribunal de céans connaît de la présente cause avec un plein pouvoir d’examen, comme l’autorité intimée, de sorte que conformément à la jurisprudence constante en la matière (ATF 126 I 68 consid. 2 p. 68 ; 125 V 368 consid. 4 p. 371 ; ATA/733/2005 du 1er novembre 2005 ; ATA/703/2002 du 19 novembre 2002 ), une éventuelle absence de motivation peut être réparée par la procédure et l’instruction de la cause.

Ce grief est par conséquent mal fondé.

4. a. Le recourant reproche ensuite au Conseil d’Etat d'avoir porté atteinte à sa liberté économique, en violation des articles 27 et 36 Cst., en prononçant sa radiation définitive du registre des médecins.

b. Selon l'article 27 alinéa 1 Cst., la liberté économique est garantie. Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (cf. le message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale, in FF 1997 I 1 ss, p. 176). Aux termes de l'article 36 alinéa 1 Cst., toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale; les restrictions graves doivent être prévues par une loi; les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés. Toute restriction d'un droit fondamental doit être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (art. 36 al. 2 Cst.) et proportionnée au but visé (art. 36 al. 3 Cst.). L'essence des droits fondamentaux est inviolable (art. 36 al. 4 Cst.). Le principe de la proportionnalité exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c p. 222; arrêt du Tribunal fédéral 2P. 144/2004 consid. 6.2 du 10 septembre 2004).

c. Les sanctions administratives pour les professionnels de la santé sont traitées au chapitre II du titre VII de la LPS. A teneur de l’article 108 LPS, les sanctions administratives prévues s’appliquent aux personnes qui exercent la profession médicale de médecin (art. 3 ch. 1 let. a LPS). Ces sanctions visent notamment l’agissement professionnel incorrect dûment constaté et qualifié comme tel par la commission (art. 108 al. 2 let. b LPS). Dans les cas graves, dûment constatés et qualifiés comme tels par la commission, le Conseil d’Etat peut ordonner la radiation temporaire ou définitive pour les personnes inscrites dans l’un des registres prévus à l’article 6 LPS (art. 111 al. 1 let. a LPS).

En l’espèce, s’agissant d’une atteinte grave à la liberté économique du recourant, il résulte de ce qui précède que la mesure entreprise est fondée sur une base légale formelle répondant aux exigences de l’article 36 alinéa 1 in fine Cst. En outre, la décision attaquée repose sur un intérêt public suffisant, soit la confiance inébranlable que la population doit pouvoir nourrir à l’égard des praticiens de la santé.

5. Reste à examiner si la radiation définitive du recourant respecte le principe de la proportionnalité.

a. L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (V. MONTANI, C. BARDE, La jurisprudence du Tribunal administratif relative au droit disciplinaire in RDAF 1996, p. 347), une telle sanction n’étant pas destinée à punir la personne en cause pour la faute commise, mais à assurer, par une mesure de coercition administrative, le bon fonctionnement du corps social auquel elle appartient, c’est à cet objectif que doit être adaptée la sanction (G. BOINAY, Le droit disciplinaire dans la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse romande in RJJ p. 18, § 33 et les références citées). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. A cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATA/648/2004 du 24 août 2004 ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.133/2003 du 28 juillet 2003 ; ATF 108 Ia 230 consid. 2b p. 232 ; ATF 106 Ia 100 consid. 13c p. 121 ; ATF 98 Ib 301 consid. 2b p. 306 ; ATF 97 I 831 consid. 2a p. 835 ; RDAF 2001 II 9 35 consid. 3c/bb ; SJ 1993 221 consid. 4 et les références doctrinales citées).

b. En matière de sanctions disciplinaires, où l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le pouvoir d’examen du tribunal de céans se limite à l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/395/2004 du 18 mai 2004 ; ATA/102/2002 du 19 février 2002). Alors même que l'autorité resterait dans le cadre de ses pouvoirs, quelques principes juridiques les restreignent, dont la violation constitue un abus de pouvoir : elle doit exercer sa liberté conformément au droit. Elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d'inégalité de traitement et appliquer le principe de proportionnalité (P. MOOR, Droit administratif, vol. I : Les fondements généraux, Berne 1994, p. 376 ss. et les références citées).

c. La destitution définitive d’une profession soumise à autorisation n’est conforme au principe de proportionnalité que si l’ensemble de l’activité antérieure de l’intéressé fait apparaître une autre sanction comme insuffisante pour assurer un comportement correct à l’avenir (ATA/396/2005 du 31 mai 2005 ; FF 1999 p.5374). Cette mesure est une ultima ratio, qui ne peut être prise que dans des cas d’incompatibilité de comportement avec la profession concernée (dans le cas d’un vétérinaire : ATA/396/2005 du 31 mai 2005 ; d’un avocat : ATA/395/2004 du 18 mai 2004 et les références citées). L’intérêt public commande à l’autorité de surveillance de prendre une mesure qui soit non seulement propre à sanctionner le professionnel fautif, mais aussi à protéger la confiance que les usagers peuvent avoir dans la profession. Du moment que rien ne laisse supposer que le recourant pourrait se comporter de manière correcte à l’avenir, la sanction la plus sévère ne paraît pas disproportionnée. A cet égard, l’intérêt privé du recourant à pouvoir continuer à pratiquer la profession en cause est certes important du point de vue économique, mais n’en demeure pas moins incompatible avec l’intérêt public en jeu et ne saurait prévaloir (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.194/2004 du 23 mars 2005, consid. 3.4).

En l’espèce, les agissements professionnels incorrects reprochés au recourant – au demeurant non contestés par ce dernier – sont graves et justifient le prononcé d’une sanction. Cela étant, le Tribunal administratif estime, avec la commission, qu’une radiation définitive ne respecte pas le principe de la proportionnalité, dans la mesure où l’instruction de la présente cause, tant pénale qu’administrative, a démontré que le recourant a pris conscience de ses difficultés et qu’il tente d’y remédier. Il a en effet entrepris, suite aux faits litigieux, une thérapie auprès du Dr Haynal, ce qu’il n’avait pas jugé utile de faire précédemment. Entendu par la commission, le Dr Haynal a confirmé que l’état du recourant, qu’il rencontre environ toutes les deux semaines, s’était largement améliorée depuis le mois de janvier 2004 et que le pronostic relatif à un risque de récidive était favorable, ce que le Dr Niveau a également confirmé lors de son audition par-devant la commission. De plus, il faut également prendre en compte le fait que la sanction pénale dont le recourant, âgé de 58 ans, a déjà fait l’objet, soit une peine d’emprisonnement d’une durée de six mois au bénéfice du sursis avec une mise à l’épreuve de 5 ans, soit jusqu’en 2010, contribue à réprimer le comportement répréhensible du recourant. Ainsi, la prise de conscience du recourant et les témoignages des deux experts susmentionnés conduisent le tribunal de céans a retenir qu’une mesure moins incisive serait plus adéquate afin de sanctionner le comportement du recourant.

Dès lors, en se limitant à constater que le recourant avait récidivé pour la troisième fois sans procéder à un examen complet de toutes les circonstances du cas d’espèce, le Conseil d’Etat a abusé de son pouvoir d’appréciation. En effet, au vu des témoignages des deux experts médicaux suivant le recourant – témoignages que le Conseil d’Etat a ignorés dans sa décision –, il n’est pas permis de douter de l’amélioration du comportement futur du recourant à un point tel qu’il se justifierait de le radier définitivement du registre des médecins. En outre, le Tribunal administratif relève qu’aucune mesure provisionnelle au sens de l’article 107 LPS n’a été prononcée dans la présente espèce. Or, si le Conseil d’Etat avait considéré que le recourant n’était plus apte à l’exercice de la médecine, il aurait dû suspendre l’autorisation de pratiquer de l’intéressé, ce qu’il n’a pas fait (ATA/396/2005 du 31 mai 2005 ; ATA/782/2004 du 18 octobre 2004 ; ATA/511/2003 du 24 juin 2003 ; ATA/583/2002 du 8 octobre 2002 ; ATA/776/1999 du 21 décembre 1999 ; ATA/458/1998 du 28 juillet 1998 et les arrêts cités).

Dans ces circonstances, le prononcé d’une radiation définitive du registre des médecins apparaît contraire au principe de la proportionnalité et doit partant être annulé.

6. Le Tribunal administratif a constamment rappelé qu'un préavis était en principe sans caractère contraignant pour l'autorité administrative et que, s'il allait de soi que cette dernière ne saurait faire abstraction des préavis exprimés dans des conditions prévues par la loi, l'autorité de décision restait libre de s'en écarter pour des motifs pertinents (ATA/37/2005 du 25 janvier 2005 ; RDAF 1983, page 344).

En l’espèce, le préavis de la commission, laquelle est notamment composée de professionnels de la santé (art. 103 LPS), a pris en compte tous les éléments énumérés ci-dessus, qu’ils soient à charge ou à décharge du recourant. Par conséquent, aucun motif pertinent ne justifiant de s’écarter de celui-ci (cf. consid. 5 supra), le Tribunal administratif, statuant à nouveau, infligera au recourant une radiation du registre des médecins d’une durée de six mois.

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du Conseil d’Etat, qui succombe (art. 87 LPA). Une indemnité de procédure, en CHF 1'000.- sera allouée au recourant, à charge de l’Etat de Genève.

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 octobre 2005 par Monsieur X___________ contre l’arrêté du Conseil d’Etat du 31 août 2005 ;

au fond :

l’admet ;

annule l’arrêté du Conseil d’Etat du 31 août 2005 ;

prononce la radiation de Monsieur X___________ du registre des médecins pour une durée de six mois ;

met à la charge du Conseil d’Etat un émolument de CHF 1’500.- ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Monsieur X___________, à charge de l’Etat de Genève ;

communique le présent arrêt à Me Didier Bottge, avocat du recourant ainsi qu'au Conseil d'Etat.

Siégeants : M. Paychère, président, Mme Bovy, M. Thélin, Mme Junod, juges, M. Grant, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :