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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/395/2004

ATA/496/2006 du 19.09.2006 ( VG ) , REJETE

Descripteurs : RÉVOCATION DISCIPLINAIRE; COMPORTEMENT; FONCTIONNAIRE; PESÉE DES INTÉRÊTS; DEVOIR PROFESSIONNEL; PROPORTIONNALITÉ; CONDAMNATION ; SANCTION ADMINISTRATIVE
Normes : Statut VG.12 ; Statut VG.13 ; Statut VG.14 ; Statut.33 ; Statut.34
Résumé : Révocation immédiate d'un fonctionnaire pour manquements graves à ses devoirs de service par ailleurs condamné au pénal pour les mêmes motifs. Selon la jurisprudence, la révocation doit en principe être précédée d'un avertissement. Cela étant, lorsque la violation est si grave, l'autorité peut exceptionnellement y renoncer. Rappel des éléments à prendre en compte par l'autorité avant le prononcé d'une sanction.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/395/2004-VG ATA/496/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 19 septembre 2006

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Claude-Alain Boillat, avocat

contre

CONSEIL ADMINISTRATIF DE LA VILLE DE GENEVE
représenté par Me Lorella Bertani, avocate


 


1. Monsieur A______, né le ______1954, a été engagé par la Ville de Genève (ci-après : la Ville) le 1er avril 1979 en qualité de bibliothécaire principal auprès du X______(ci-après : le X______) de la Ville.

2. Dans le courant du mois d'août 2003, Madame W______, aide-bibliothécaire au X______ a été amenée à travailler sur le poste de travail informatique de M. A______. En ouvrant une session sur cet ordinateur, avec son propre mot de passe, deux icônes avaient attiré son attention. En cliquant sur l'une d'entre elles, elle était tombée sur un film vidéo à caractère pornographique, ce dont elle avait immédiatement informé son supérieur hiérarchique.

3. M. A______ a été entendu à ce sujet le 25 août 2003, par Monsieur S______, directeur du X______.

A cette occasion, il a indiqué ne pas comprendre comment cela avait pu arriver et soupçonner que son poste ait été infecté par un virus, soit utilisé par un tiers.

4. Le 28 novembre 2003, le conseil administratif de la Ville (ci-après : le conseil administratif) a informé M. A______ qu'il ouvrait une enquête administrative à son encontre en raison de l’usage inadéquat qu’il avait fait de son ordinateur. Ses activité et traitement étaient suspendus, avec effet immédiat, pour un mois. Par nouvelle décision du 24 décembre 2003, cette suspension a été prolongée jusqu'à fin janvier 2004.

Il était reproché à M. A______ d’avoir accédé à des sites à caractère pornographique et pour certains pédophiles, de même que d’avoir téléchargé et archivé des photos représentant des fillettes nues sur son poste de travail.

5. Ces faits ont été dénoncés au Procureur général le 3 décembre 2003.

6. Le 7 décembre 2003, la direction des systèmes d’information (DSI) de la Ville a, aux fins de l’enquête administrative, établi un rapport analysant l’utilisation faite du poste informatique de M. A______. Pour les mois de juin et juillet 2003, les éléments suivants en sont ressortis :

- au mois de juin 2003, sur les 100 serveurs avec lesquels le plus gros volume d’échange de données avait été échangé, cinquante avaient pu être identifiés ; parmi ces derniers, 64 % étaient des sites de pornographie dure ;

- au mois de juillet 2003, sur les 85 serveurs avec lesquels le plus gros volume d’échange de données avait eu lieu, cinquante-quatre avaient pu être identifiés ; parmi ces derniers, 61 % étaient des sites de pornographie dure ;

- certains des serveurs identifiés conduisaient à des sites pédophiles ou zoophiles ;

- une première inspection des horaires de consultation de sites pornographiques avait démontré que l’accès à ces sites avait eu lieu soit juste avant l’ouverture de la bibliothèque, soit juste après sa fermeture.

7. Les 2, 8 et 12 décembre 2003, Mme W______, Messieurs S______, F_____, directeur de la DSI, L______, sous-directeur du X______, P______, conservateur au X______ et Z______, responsable de l'unité d'informatique et d'enregistrement au X______ ont été entendus dans le cadre de l'enquête administrative.

En substances, les supérieurs hiérarchiques de M. A______ se sont montrés unanimes quant aux qualités professionnelles de ce dernier. A l'exception de Mme W______, tous entretenaient d'excellentes relations professionnelles avec lui. Enfin, s'agissant de l'environnement de travail de M. A______, il est ressorti des procès-verbaux d'enquête que son poste informatique était accessible et utilisable par n'importe lequel de ses collègues.

8. Par actes séparés des 12 et 31 décembre 2003, M. A______ a recouru par-devant le Tribunal administratif à l'encontre des décisions du conseil administratif des 28 novembre et 24 décembre 2003 (causes A/2398/2003 et A/2492/2003). Il conclut à leur annulation, à la jonction des causes, à la restitution de l'effet suspensif, à sa réintégration avec paiement de son salaire du mois de décembre ainsi qu'au versement d'une équitable indemnité de procédure.

9. Les 19 décembre 2003 et 8 janvier 2004, M. A______ a été entendu dans le cadre de l’enquête administrative. Il a commencé par nier les faits pour finalement admettre avoir consulté des sites Internet, à titre privé, y compris des sites à caractère érotique et pornographique, cela de façon raisonnable et durant son temps de pause.

Il a également admis être arrivé, dans le cadre de la consultation desdits sites, sur deux photos portant respectivement l’indication "Pedolove.com" et "Heaven".

En revanche, il n'avait pas été informé de l'existence et du contenu du document "règles et usages sur Vilnet et Internet" comportant la charte du Web en Ville de Genève.

10. Par décision du 20 janvier 2004, le président du Tribunal administratif a joint les causes A/2398/2003 et A/2492/2003 sous le n° de cause A/2398/2003 et rejeté la demande de restitution de l'effet suspensif.

11. Le 29 janvier 2004, le conseil administratif a révoqué M. A______ avec effet immédiat ; cette décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

Le comportement de M. A______ était absolument inacceptable : en application de l’article 12 du statut du personnel de l’administration municipale du 3 juin 1986 (LC 21 151 - ci-après : le statut), les fonctionnaires étaient tenus au respect des intérêts de la Ville et devaient s’abstenir de tout ce qui pouvait lui porter préjudice. L’article 13 lettre c du statut stipulait que ces derniers devaient, par leur attitude, justifier et renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique devait être l’objet. Ils devaient notamment s’abstenir de tout occupation étrangère au service pendant les heures de travail (art. 14 du statut).

Partant, au vu de ce qui précédait, M. A______ n’était plus digne de la confiance qui lui avait été accordée lors de son engagement et le conseil administratif le révoquait, en application de l’article 34 du statut, avec effet immédiat. Ses traitements des mois de décembre 2003 et janvier 2004 lui seraient payés.

12. Le 25 février 2004, M. A______ a été entendu par la police.

A cette occasion, il a reconnu avoir consulté des sites pornographiques depuis son poste de travail, notamment des sites représentant des jeunes filles nues, ce en inscrivant dans les moteurs de recherche des mots tels que "teens", "lolita" ou "jeune fille". S’agissant des deux fichiers Word dans lesquels se trouvaient les deux photos représentant les fillettes nues, il admettait les avoir sauvegardés sur ces fichiers et reconnaissait avoir ainsi sauvegardé une dizaine d’images similaires qu’il avait effacées depuis lors.

13. M. A______ a recouru au Tribunal administratif le 27 février 2004 à l'encontre de la décision du conseil administratif du 29 janvier 2004 le révoquant (A/395/2004).

A titre préalable, il conclut à la restitution de l’effet suspensif et, principalement, à la mise à néant de ladite décision, à ce qu’il soit réintégré sans délai dans sa qualité de bibliothécaire principal au X______ et au paiement de son salaire à partir du mois de février 2004.

Les reproches pouvant être formulés à son encontre, à savoir la consultation occasionnelle de sites Internet à caractère privé sur le lieu de travail, ne sauraient être constitutifs d’un motif grave permettant au conseil administratif de le révoquer avec effet immédiat. En vingt-cinq ans de service, il n’avait pas fait l’objet d’un quelconque reproche au sein de l’administration et ses qualités professionnelles étaient exemplaires. Pour le surplus, sa position d’employé au X______ ne lui conférait pas un poste revêtu de la puissance publique ou à vocation de représenter l’administration. Il n’y avait donc pas d’atteinte grave aux intérêts de celle-ci. En particulier, la considération et la confiance dont la fonction publique devait être l’objet n’avaient pas été gravement compromises par son comportement et il n’existait dès lors aucun intérêt public prépondérant à sa révocation. Enfin, sa nomination à un poste supérieur - alors même que ses agissements étaient connus de ses supérieurs - et, leur absence de remarques à ce sujet, diminuaient d’autant la gravité de la faute retenue à son encontre.

Outre une atteinte psychologique particulièrement sévère, cette révocation lui portait un préjudice matériel non seulement irréparable, mais dont les conséquences seraient étendues à sa famille. Les intérêts privés à l’annulation de ladite décision étaient donc considérables. Pour ces motifs déjà, la décision du conseil administratif était disproportionnée. De surcroît, l’autorité aurait facilement pu prendre une autre sanction disciplinaire adaptée à la gravité des faits et des objectifs poursuivis, tout en respectant ce principe.

14. Par décision du 19 mars 2004, le président du Tribunal administratif a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif.

15. Le 26 mars 2004, le juge délégué a informé les parties qu'il suspendait la procédure A/395/2004 jusqu'à droit jugé dans le cadre de la procédure pénale.

16. a. Le 7 janvier 2005, le Procureur général a rendu une ordonnance de condamnation à l'encontre de M. A______. Ce dernier était reconnu coupable de pornographie au sens de l’article 197 chiffre 3 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.O) et condamné à la peine de deux mois d’emprisonnement avec sursis, la durée du délai d’épreuve étant fixée à trois ans.

b. Saisi d’une opposition de M. A______, le Tribunal de police a rendu un jugement, le 14 juin 2005, confirmant cette condamnation sous réserve de la peine d'emprisonnement qui passait de deux à trois mois avec sursis. La durée du délai d’épreuve était de cinq ans.

Il était établi que le prévenu avait enregistré, dans le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition par son employeur, des images de jeunes enfants nus, dont les sexes étaient montrés en gros plan de façon explicite. Ce faisant, il s’était rendu coupable d'une violation de l’article 197 chiffre 3 CP, au sens de la récente jurisprudence du Tribunal fédéral.

c. La Chambre pénale de la Cour de justice a confirmé ce jugement le 21 novembre 2005, sauf en ce qui concernait la durée du délai d’épreuve du sursis qui était ramenée à trois ans.

d. Cet arrêt a été confirmé par le Tribunal fédéral le 21 mars 2006 (6S.497/2005).

17. Par courrier du 1er juin 2006, le juge délégué a informé les parties de la reprise de la procédure par-devant le Tribunal administratif.

18. Le 4 juillet 2006, la Ville a fait part de ses observations au recours, sur le fond. Elle conclut à son rejet ainsi qu’au versement d’une équitable procédure.

M. A______ avait été condamné pénalement pour les faits qui lui étaient reprochés et rien ne permettait au tribunal de céans de s'écarter du jugement pénal. Or, il était indiscutable que la commission d'un délit de droit commun constituait une violation des devoirs de service. Dans ces circonstances, une mise en garde avant la révocation n'était pas nécessaire. Cela étant, même en l'absence de condamnation pénale, les agissements de M. A______ étaient suffisamment graves pour fonder une révocation, seule sanction envisageable et dès lors parfaitement proportionnée.

Plusieurs courriels de M. A______, publiés sur le Forum GHI en juin 2006, étaient versés à la procédure. Dans l'un d'eux, ce dernier déclarait : "la pédophilie, à l'instar de l'homosexualité, n'est peut être pas une maladie mais simplement une forme de sexualité différente (…). Je dirai même que c'est naturel (provocation !), n'en déplaise à Action Innocence ou Marche Blanche (publicité gratuite !) (…)".

19. Le 5 juillet 2006, les parties ont été entendues dans le cadre d’une audience de comparution personnelle.

M. A______ a indiqué avoir reçu un nouveau certificat de travail de la Ville rédigé de telle sorte qu'il l’entravait dans ses recherches d’emploi. Il souhaitait faire supprimer l’avant-dernier paragraphe, selon lequel il aurait eu un comportement incompatible avec ses fonctions.

A ce sujet, la juriste représentant la Ville a précisé que les compétences professionnelles du recourant n’étaient pas contestées et n’entraient pas en ligne de compte dans sa révocation. S’agissant du certificat de travail, la Ville avait un devoir de vérité et, compte tenu de cette exigence, le paragraphe litigieux avait été rédigé de la manière la plus sobre possible.

A propos de la consultation de sites non professionnels sur Internet, M. A______ a relevé que, de manière générale, on ne lui avait jamais fait le moindre reproche. Il avait oublié les deux images découvertes par la DSI et considérait en avoir téléchargées en tout moins d'une dizaine. Il était exact que tous les postes du X______, sauf celui du directeur, étaient en accès libre. Enfin, en tant que bibliothécaire, il avait des contacts avec le public et des chercheurs à raison d'une journée par semaine environ.

La juriste de la Ville a quant à elle précisé qu’avant le 8 octobre 2003, la Ville n’avait pas édicté de directives générales concernant l’accès à Internet sur le lieu de travail. Le personnel était tenu, à ce sujet, par les règles générales contenues dans le statut.

20. Le 25 juillet 2006, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 86A al. 1 de la loi sur l'administration des communes du 13 avril 1984 - LAC - B 6 05 ; art. 39 let. c du statut ; 56B al. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Fonctionnaire de la Ville, le recourant est soumis au statut (art. 1er).

3. La décision litigieuse respecte les conditions de forme imposées par la loi (art. 34, 37 et 38 du statut), ce que ne conteste pas le recourant. Il soutient cependant que cette dernière serait infondée et disproportionnée au motif que les reproches formulés à son encontre ne seraient pas constitutifs d'un motif grave permettant sa révocation avec effet immédiat.

4. Selon l'article 61 LPA, le pouvoir d’examen du tribunal de céans se limite à la violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (61 al. 1 let. a LPA). Le tribunal de céans ne peut ainsi pas revoir l'opportunité de la décision litigieuse (art. 61 al. 2 LPA).

5. a. Le chapitre III du statut a pour objet les devoirs et obligations des fonctionnaires. Dans les devoirs généraux, l’on trouve en particulier le respect des intérêts de la Ville (art. 12), l’attitude générale que doivent observer les fonctionnaires dans les relations avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés (art. 13) et l’exécution du travail (art. 14).

En application de cette dernière disposition, les fonctionnaires doivent notamment :

- remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence ;

- respecter leur horaire de travail ;

- assumer personnellement leur travail et s'abstenir de toute occupation étrangère au service pendant les heures de travail (…).

b. Les agents de la fonction publique étant tenus, dans leur comportement en et hors service, de se montrer dignes de la considération et de la confiance exigées par leur situation officielle, une infraction pénale peut, par sa gravité ou sa connotation infamante, porter atteinte à ces valeurs (G. BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse, in Revue jurassienne de jurisprudence, 1998, p 91).

6. En l'espèce, il ressort de l'analyse faite par le DSI du disque dur de l'ordinateur du recourant, qu'en juin et juillet 2003, sur l'ensemble des serveurs qui avaient pu être identifiés, plus de la moitié des sites visités étaient des sites de pornographie, voire pour certains pédophiles ou zoophiles. Il est également apparu que ce disque dur présentait des répertoires contenant des adresses de sites pornographiques et que deux fichiers Word contenant des images à caractère pédophile y étaient enregistrées. Le recourant a reconnu avoir visité des sites pornographiques depuis sa station de travail, notamment des sites représentant des jeunes filles nues, ce en inscrivant dans les moteurs de recherche des mots tels que "teens", "lolita" ou "jeune fille". De même, il a admis avoir sauvegardé les deux fichiers Word incriminés et reconnu avoir ainsi sauvegardé une dizaine d’images similaires, effacées depuis lors. Le recourant a été condamné pour ces derniers faits et reconnu coupable de pornographie au sens de l'article 197 chiffre 3 bis CP (Arrêt de la Cour de Justice P/18724/2003 du 21 novembre 2005 confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 6S.497/2005 précité).

La consultation de sites à caractère pornographique, voire pédophile, sur son lieu de travail et dans un espace accessible à de multiples utilisateurs, n'est pas compatible avec la loyauté et la diligence que tout employeur est en droit d'attendre de ses collaborateurs, soit, plus particulièrement, avec la considération dont doivent jouir les employés d'une collectivité publique. De surcroît, le poste de bibliothécaire principal, implique des contacts ponctuels avec le public et doit être occupé par des personnes au-dessus de tout soupçon. Il en va de la crédibilité du X______ mais également de celle de la Ville, face à la population. Reste encore à examiner si l'autorité n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en prononçant la révocation plutôt qu'une autre sanction disciplinaire.

7. a. Le fonctionnaire qui enfreint ses devoirs de service, soit intentionnellement, soit par négligence, est passible d'une sanction disciplinaire, la sanction la plus grave étant la révocation, prononcée par le Conseil administratif (art. 33 et 34 litt. c du statut).

b. Lorsque l'autorité est amenée à choisir la sanction appropriée, elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation, subordonné toutefois au respect du principe de la proportionnalité qui joue un rôle déterminant en matière disciplinaire (GYGI, Verwaltungsrecht, Berne 1986, p. 335; ATA/160/1997 du 4 mars 1997).

En application de ce principe, l'autorité doit notamment apprécier les actes ou les manquements reprochés à l'intéressé en les situant dans leur contexte, c'est-à-dire en tenant compte d'éventuelles circonstances atténuantes. Il convient de veiller à ce que la mesure soit proportionnée à la faute, c'est-à-dire que celle-ci apparaisse comme plus grave que les manquements faisant habituellement l'objet de mesures disciplinaires moins incisives (ATA/53/2005 du 1er février 2005 ; ATA/228/2004 du 16 mars 2004 et les réf. citées). Le principe de la proportionnalité suppose également que la mesure litigieuse soit apte à produire les résultats attendus et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par des mesures moins restrictives. En outre, il interdit toute limitation qui irait au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics et privés compromis (ATF 122 I 236 consid. 4e/bb p. 246 ; 119 Ia 41 consid. 4a p. 43 ; ATA/9/2004 du 6 janvier 2004).

c. Selon la jurisprudence, la révocation ne peut être prononcée que pour des infractions graves ou répétées aux devoirs de service. Les délits de droit commun sont considérés comme des violations graves des devoirs de service. La gravité de la faute se mesure selon ses éléments objectifs et subjectifs. En principe, la révocation doit avoir été précédée d'une mise en garde consistant en une peine moins grave accompagnée d'une menace de révocation. Exceptionnellement, la révocation peut être prononcée sans avertissement préalable, lorsque l'infraction commise est si grave qu'elle révèle une mentalité absolument inconciliable avec la qualité de fonctionnaire (G. BOINAY, op. cit. pp 62 et 63 et les références citées).

Il n'existe pas de critère absolu en matière d'avertissement, eu égard à la diversité des situations envisageables. La jurisprudence ne saurait poser de règles rigides sur le nombre et le contenu de ces derniers dont la méconnaissance, par le travailleur, est susceptible de justifier un licenciement immédiat. Sont décisives, dans chaque cas particulier, entre autres circonstances, la nature, la gravité, la fréquence ou la durée des manquements reprochés au travailleur, de même que son attitude face aux injonctions, avertissements ou menaces formulées par l'employeur. En particulier, la remise à l'ordre que constitue l'ouverture d'une procédure disciplinaire pour des manquements aux devoirs de service peut être considérée comme une mise en demeure suffisante, permettant au fonctionnaire incriminé de se rendre compte que son employeur envisage un licenciement (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.163/2005 du 31 août 2005 ; par analogie avec le droit privé: ATF 127 III 153 consid. 1c p. 157). Le but de l'avertissement est d'amender si possible l'intéressé (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.45/1998 du 28 mai 1998, consid. 3e).

d. Enfin, selon la doctrine, l'autorité doit tenir compte de toutes les circonstances du cas concret, notamment de la situation, de la place occupée et de la responsabilité de l'agent (B. KNAPP, La violation du devoir de fidélité, cause de cessation de l'emploi des fonctionnaires fédéraux, in RDS 103/1984 I p. 489 ss, p. 510/511; E. M. JUD, Besonderheiten öffentlichrechtlicher Dienstverhältnisse nach schweizerischem Recht, insbesondere bei deren Beendigung aus nichtdisziplinarischen Gründen, St-Gall 1975, p. 189, 190 et 197).

En l'espèce, la consultation de sites pornographiques depuis son poste de travail est déjà en soi critiquable. Le fait que le recourant ait en outre pris la peine de sauvegarder sur son disque dur des images à caractère pédophile apparaît d'une gravité telle qu'elle ne permet plus à l'autorité de lui confier un poste dans l'administration communale. La collectivité publique, tenue vis-à-vis de l'ensemble de la population d'assurer ses tâches, doit en effet pouvoir s'en remettre sans hésitation aux fonctionnaires chargés de les accomplir. De surcroît, d'une manière générale et tout au long de la procédure ouverte à son encontre, le recourant, plutôt que de s'amender, n'a cessé de minimiser les faits qui lui étaient reprochés, tentant dans un premier temps de les nier, puis allant jusqu'à oser affirmer avoir téléchargé les images mettant en scène de jeunes enfants, par pur intérêt artistique. La longue expérience et la qualité du travail accompli par le recourant pour le compte de la collectivité, ne sauraient pallier les manquements constatés et effacer la gravité de ses actes. Enfin, il est constant que ses agissements n'ont pris fin que parce qu'ils ont été découverts.

Le conseil administratif n'a dès lors pas abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que la conduite du recourant avait irrémédiablement rompu la relation de confiance et qu'elle constituait une faute si grave - tant au regard du droit pénal que du droit des fonctionnaires d'ailleurs - qu'elle justifiait une cessation immédiate des rapports de service et ce, sans qu'une mise en garde préalable ne soit nécessaire. L'intérêt public à ce que le recourant n'exerce plus sa fonction l'emporte sur l'intérêt privé du recourant à rester en poste au CBJ, sauf à compromettre le bon fonctionnement de cet établissement et sa réputation. Exiger dans le cas présent par surabondance, un avertissement formel relèverait du formalisme excessif, le recourant ayant démontré tout au long de la procédure et, pas plus tard qu'en juin 2006, en tenant des propos inadmissibles sur un site Internet ouvert au public, qu'il n'était plus à même d'offrir la considération dont doivent jouir les employés d'une collectivité publique.

8. Le recours sera rejeté et la décision litigieuse sera ainsi confirmée. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge du recourant. Il n’a en outre pas droit à une indemnité de procédure (art. 87 LPA). Pour le surplus, la Ville disposant de son propre service juridique, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA; ATA/312/2004 du 20 avril 2004).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 février 2004 par Monsieur A______ contre la décision du Conseil administratif de la Ville de Genève du 29 janvier 2004 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 2'000.- ;

communique le présent arrêt à Me Claude-Alain Boillat, avocat du recourant ainsi qu'à Me Lorella Bertani, avocate du conseil administratif de la Ville de Genève.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj.:

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :