Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/704/2001

ATA/175/2002 du 09.04.2002 ( CE ) , REJETE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 9 avril 2002

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur K.

représenté par Me Jean-Pierre Garbade, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

 

CONSEIL D'ETAT

 



EN FAIT

 

 

1. Né en 1962, célibataire, Monsieur K. est entré au service de l'administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC), le 1er mai 1996.

 

Il a été nommé fonctionnaire dès le 1er mai 1999.

 

2. Son travail de contrôleur fiscal l'a amené à entreprendre une procédure de contrôle dirigée contre la société X. dont Monsieur W.K. était l'un des administrateurs.

 

3. a. En mars 2000 en effet, l'AFC a reçu une lettre de dénonciation mettant en cause la société X. et son directeur financier, M. W.K.. Selon la pratique de l'AFC, le dossier est attribué à un contrôleur responsable qui commencera son travail par une étude préliminaire. Il s'agit d'un examen de la situation du contribuable sur la base des éléments internes dont dispose l'administration. A l'issue de cette étude, le contrôleur rend un rapport et propose soit le classement de la procédure, soit l'ouverture formelle d'une procédure de contrôle. Dans ce dernier cas, le contribuable est alors averti par courrier recommandé. Tel a été le cas pour X., au sujet de laquelle une demande d'enquête spéciale fut enregistrée dans la base de données informatiques. En revanche, M. W.K. lui-même n'a pas fait l'objet d'une procédure de contrôle, l'AFC en étant restée au stade de l'étude préliminaire.

 

b. Au cours de ses investigations, M. K. a appris que M. W.K. se serait constitué un domicile fictif dans le canton de Vaud et que de ce fait, certaines commissions reçues auraient échappé au fisc. Comme l'administration fiscale fédérale procédait de son côté à une enquête sur X., M. K. se mit en rapport avec les fonctionnaires de cette administration afin d'en savoir plus sur certains éléments du salaire de M. W.K. et des commissions qu'il aurait éventuellement touchées.

 

c. M. K. partit en vacances et fut de retour le 21 août 2000. Quelques jours après, il téléphona à M. W.K. pour l'informer qu'il allait rencontrer un fonctionnaire de l'administration fiscale fédérale et qu'il serait informé sous peu des suites de la procédure de contrôle ouverte contre X.. Au cours de cet entretien téléphonique, M. W.K. demanda à M. K. un rendez-vous à l'extérieur au sujet "d'autre chose". M. W.K. proposa comme lieu de rendez-vous "le Grand-Lac", à la rue Plantamour. M. K. accepta le rendez-vous fixé au 29 août 2000 à 17h00.

 

M. K. ne mit pas sa hiérarchie au courant de ce rendez-vous.

 

d. Lors de celui-ci, M. W.K. aurait proposé à M. K. de l'engager dans sa société en raison de ses qualités professionnelles. A cette proposition, M. K. a répondu comme suit : "Je lui ai précisé que de toute façon je ne pouvais pas m'engager, compte tenu de la procédure en cours contre la société et qui avait amené à s'intéresser à ses dirigeants. Par conséquent, mon engagement n'était pas envisageable avant la fin de cette procédure. Quant il m'a demandé pourquoi, je lui ai indiqué que nous avions fait une enquête sur lui et que nous avions établi qu'il avait un domicile fictif dans le canton de Vaud. Je lui ai dit que nous avions pris connaissance de sa déclaration fiscale sur le canton de Vaud, que nous avions des photos de sa maison là-bas, que nous avions également contacté le buraliste postal et les voisins ... M. W.K. a continué de réfléchir, c'est là qu'il m'a demandé si on ne pouvait pas arranger cette affaire financièrement. J'ai été surpris. Je ne savais plus quoi faire. J'ai bluffé en lui demandant s'il n'avait pas au moins CHF 160'000.- tout en sachant que je ne pourrais lui donner aucune garantie sur cette affaire. Il m'a dit qu'il pouvait avoir l'argent pour le lendemain, tout en me demandant quelle garantie je pouvais lui donner. Il est clair que dans mon esprit, je ne pouvais lui donner aucune garantie, que j'avais demandé une enquête officielle au service compétent et je lui ai répondu qu'on verrait cela un autre jour. Voilà quelle était la substance de cet entretien. Nous avons fixé un rendez-vous pour le lendemain à 19h00".

 

M. K. n'a pas mis au courant sa hiérarchie de ce deuxième rendez-vous.

 

e. Le 30 août au matin, M. W.K. a déposé plainte pénale. Il a été entendu par la police. M. K. a été mis sur écoutes téléphoniques et une souricière a été tendue. Ce jour-là, M. K. a téléphoné à M. W.K.. Au sujet de cet entretien, il a précisé ce qui suit devant le juge d'instruction : "... je ne me souviens plus quels termes j'ai précisément utilisés lorsque j'ai appelé M. W.K. le lendemain du rendez-vous au Grand-Lac pour indiquer que je voulais de l'argent liquide, mais c'était bien l'idée. J'avais bien l'idée de le tromper sur mes intentions. Toute cette histoire est une bêtise".

 

f. Le rendez-vous a finalement eu lieu le 31 août 2000 à "la Cave Valaisanne". Ce jour-là, entre 8h15 et 8h30, M. K. a appelé la secrétaire de direction à la division du contrôle pour l'informer qu'il ne pourrait pas venir travailler car il avait reçu un ballon de football sur la tête. En réalité, cet incident s'était produit le mardi 29 août 2000 et n'avait pas empêché M. K. de travailler.

 

g. "J'ai appelé effectivement avant le moment convenu. M. W.K. a voulu à nouveau parler de la question de garantie. Comme j'étais coincé à ce sujet, j'ai une nouvelle fois repoussé la réponse. M. W.K. a dit qu'il ne pouvait pas avoir le tout, mais seulement la moitié de l'argent. Nous avons convenu du montant lorsque nous étions au restaurant. Je ne me rappelle pas du montant de CHF 160'000.- précisément, je me souviens avoir articulé le montant d'au moins CHF 160'000.-. Le but du rendez-vous était que l'on s'explique. Je ne croyais pas qu'il amenait l'argent puisque je n'avais pas donné de garantie. Quand nous nous sommes trouvés au rendez-vous, il a dit qu'il avait l'argent. J'étais de mon côté dans l'impossibilité de faire quoi que ce soit pour son dossier. Je ne pouvais pas lui donner quoi que ce soit en contrepartie. Je m'étais embarqué dans une histoire invraisemblable. J'étais paniqué. Je suis allé aux toilettes pensant que je trouverais une solution. Si je n'ai pas parlé de cela à mes supérieurs hiérarchiques, c'est qu'à aucun moment je n'ai cru qu'il allait me donner de l'argent". A une autre occasion, il a déclaré qu'il n'avait pas informé sa hiérarchie car il n'avait aucun élément concret et il craignait de ne pas être pris au sérieux en l'absence de preuves.

 

h. En revenant des toilettes, M. K. a été arrêté. Il avait laissé son sac contenant ses vêtements de moto sous la table, et pendant son absence, M. W.K. a glissé dans ce sac deux enveloppes contenant CHF 160'000.-.

 

i. A une question posée à M. K., au cours de l'instruction, de savoir s'il n'avait pas eu l'idée ou le réflexe, lors de ses rendez-vous avec M. W.K., de l'avertir des conséquences de sa proposition de rémunération, il a répondu : "... j'indique que j'ai été surpris et je n'ai pas eu le temps de réfléchir pour donner ma réponse et j'ai, dès le départ, bluffé. Quant aux garanties que me demandait M. W.K., nous n'avons pas abordé leur contenu. Il m'a demandé qu'est-ce que je pouvais lui demander (sic) comme garantie, sans autres précisions, et je lui ai répondu qu'on verrait cela plus tard".

 

4. M. K. a été conduit à Champ-Dollon après avoir été inculpé de délit manqué de chantage et de corruption passive.

 

Il a été mis en liberté provisoire le 25 octobre 2000 moyennant une caution de CHF 100'000.-.

 

5. Par arrêté du 6 septembre 2000, le Conseil d'Etat a ordonné l'ouverture d'une enquête administrative à l'encontre de M. K., ainsi que la suspension provisoire du prénommé avec suppression de toutes prestations à la charge de l'Etat.

 

Dite décision de suspension provisoire a été rendue exécutoire nonobstant recours.

 

6. M. K. a recouru auprès du Tribunal administratif par acte du 16 octobre 2000. Il n'a pas contesté l'ouverture d'une enquête administrative, mais seulement la suspension provisoire de sa fonction et la suppression de toutes prestations en sa faveur.

 

7. Par arrêt du 13 février 2001, le Tribunal administratif a rejeté le recours (cause no A/1127/2000-CE).

 

8. Confiée au directeur du service de l'application des peines et mesures, l'enquête a abouti à un rapport du 27 février 2001.

 

Considérant que M. K. avait accepté des rendez-vous dans des lieux publics avec un contribuable dont il avait personnellement la charge du dossier, qu'il n'avait pas informé sa hiérarchie de ces rendez-vous, qu'il avait délibérément trompé celle-ci sur le motif pour lequel il ne pouvait pas être à sa place de travail le 31 août au matin et qu'enfin, en ayant voulu tester le contribuable, test consistant bel et bien en la remise par celui-ci d'une somme d'argent, l'enquêteur a conclu que les fautes commises étaient de nature à compromettre la confiance qu'impliquait l'exercice de la fonction de contrôleur fiscal.

 

9. Par arrêté du 13 juin 2001, le Conseil d'Etat a prononcé le licenciement de M. K., avec effet immédiat et rétroactif au 6 septembre 2000, en application des articles 21 alinéa 2 lettre b et 22 lettre b de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05).

 

Cette décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

 

10. M. K. a recouru auprès du Tribunal administratif par acte du 11 juillet 2001.

 

Il a conclu à titre préalable à la restitution de l'effet suspensif, sans toutefois motiver une telle demande.

 

11. Le Conseil d'Etat s'est opposé à toute restitution de l'effet suspensif, s'appuyant sur la jurisprudence du tribunal de céans en la matière.

 

12. A l'occasion d'une écriture spontanée du 9 août 2001, M. K. a informé le tribunal que le juge d'instruction en charge du dossier pénal avait accepté de revoir à la baisse le montant de la caution. Celle-ci a été ramenée à CHF 60'000.- et le solde de CHF 40'000.- a été mis à la disposition de l'intéressé.

 

Le juge avait retenu que les charges à l'encontre de M. K. ne s'étaient pas aggravées.

 

13. Par ordonnance signée du vice-président du Tribunal administratif le 14 août 2001, l'effet suspensif a été refusé.

 

14. Sur le fond du recours, M. K. a développé son argumentation. Durant les cinq années passées au service de l'AFC, il ne s'était jamais rendu coupable d'aucune entorse aux règlements. Il n'a admis qu'un seul reproche, celui d'avoir indiqué à la secrétaire de direction une fausse excuse concernant son absence le 31 août au matin. Il a reconnu avoir violé son devoir à cet égard, mais cette violation n'était pas grave au point de justifier un licenciement. S'agissant des autres griefs, ils étaient infondés. S'il avait accepté de rencontrer M. W.K., c'était parce que ce dernier était susceptible de lui fournir des informations à l'occasion d'autres procédures de contrôle alors en cours, M. W.K. étant un proche parent des personnes suspectées. Jamais il n'avait articulé aucune proposition ni promis aucun arrangement à M. W.K.. Disposant d'économies suffisantes, et menant un train de vie modeste, il n'avait pas besoin d'argent. S'il avait accepté d'entrer dans le jeu de M. W.K., c'était dans le but de le faire parler et de le confondre. Cette tactique lui avait été enseignée à l'occasion de cours donnés aux contrôleurs fiscaux par des inspecteurs de l'Ecole de police. Si M. W.K. acceptait de payer une somme aussi importante - ce à quoi lui-même, M. K. n'avait jamais cru -, c'était parce qu'il avait d'autres faits à cacher qui pouvaient intéresser l'AFC. A aucun moment, M. K. n'avait eu l'intention d'accepter de l'argent au cas où, contre toute attente, M. W.K. amènerait de l'argent au deuxième rendez-vous. Par ailleurs, il était impossible de mettre un terme à l'enquête fiscale en cours dirigée contre M. W.K., car trop de monde était au courant de ce dossier et de l'enquête spéciale qu'il avait initiée et dûment enregistrée dans l'informatique.

 

Le recourant a critiqué l'enquête administrative au cours de laquelle il avait été privé de la possibilité d'offrir la preuve contraire des faits qui lui étaient reprochés. Les contrôleurs fiscaux disposaient d'une certaine liberté d'action dans la conduite des procédures de contrôle. Il n'existait aucune directive interne réglant le problème des contacts entre un contrôleur et un contribuable. En acceptant des rendez-vous avec l'un d'eux, il n'avait nullement violé ses obligations.

 

S'agissant du licenciement proprement dit, celui-ci était intervenu avec effet immédiat. Or, à supposer que les griefs fussent avérés, le Conseil d'Etat aurait dû respecter le délai de résiliation, car le licenciement avec effet immédiat était réservé à des actes particulièrement graves. Or, le simple fait de rencontrer un contribuable qui tentait de corrompre un fonctionnaire, et cela en vue de le confondre ou de réunir des preuves adéquates permettant de le dénoncer, ne constituait pas un manquement grave. Un tel comportement était tout au plus risqué, puisqu'il pouvait donner la fausse impression que le fonctionnaire était prêt à accepter d'être corrompu et que l'administré pouvait chercher à en tirer profit, comme c'était le cas en l'espèce.

 

Le recourant a conclu à ce que le tribunal propose au Conseil d'Etat sa réintégration dans ses fonctions ou dans d'autres fonctions au sein de l'administration cantonale et, en cas de décision négative du Conseil d'Etat, de lui allouer une indemnité équitable en application de l'article 31 alinéa 3 LPAC.

 

15. Le Conseil d'Etat s'est opposé au recours. L'intéressé avait commis plusieurs manquements graves à ses devoirs. Il avait pris spontanément contact avec un contribuable qui ne faisait pas encore l'objet d'une procédure de contrôle officielle, et dont il s'occupait à l'occasion du contrôle de sa société. Il n'avait pas averti sa hiérarchie des rendez-vous qu'il avait acceptés avec M. W.K.. Ayant appris dans le cadre de ses recherches que ce dernier possédait un domicile fictif dans le canton de Vaud, il aurait dû immédiatement informer sa hiérarchie et avertir la direction des personnes physiques afin qu'une procédure de contrôle soit ouverte contre M. W.K. lui-même, ce qui n'avait pas été le cas. S'il avait bluffé lors du premier rendez-vous et qu'il avait été pris de panique à l'annonce qu'une somme d'argent pouvait lui être versée, cet effet de surprise avait eu le temps de se dissiper entre le premier et le deuxième rendez-vous. Il était exact que les contrôleurs avaient subi une formation sur "les techniques d'interrogatoires" dispensées par la police. Cette formation portait sur la préparation et la conduite d'entretiens et comportait des simulations. Or, la principale règle enseignée à cette occasion était de ne jamais être seul dans ces circonstances. A l'occasion de cette formation, l'on avait précisément mis en évidence que l'utilisation de moyens de pressions psychologiques ou du "bluff" n'était pas compatible avec l'obligation des contrôleurs fiscaux dans leurs relations avec les contribuables.

 

Le Conseil d'Etat a rappelé que l'enquête préliminaire était une démarche interne qui n'impliquait aucun contact avec le contribuable. Rien ne permettait à M. K. de justifier sa rencontre avec M. W.K., en quelque qualité que ce soit.

 

A l'occasion de sa duplique, le Conseil d'Etat a précisé que X. apparaissait dans la base de données du service de contrôle, tandis que le nom de M. W.K. n'y figurait pas.

 

En résumé, la confiance devant exister entre le Conseil d'Etat et ses agents avait été irrémédiablement rompue et justifiait le licenciement.

 

16. La procédure pénale consécutive à la plainte de M. W.K. (no P/11641/2000) a fait l'objet d'une décision de "soit-communiqué" du 28 novembre 2001. Sur recours, la Chambre d'accusation a rendu une ordonnance le 21 mars 2002 renvoyant la cause au juge d'instruction aux fins d'entendre un témoin. Elle a déclaré d'autres conclusions irrecevables.

 

 

EN DROIT

 

 

1. La recevabilité du présent recours a déjà été admise dans la décision du 14 août 2001 rejetant la demande de restitution de l'effet suspensif.

 

2. Les relations entre le recourant, fonctionnaire, et l'Etat de Genève sont gouvernées par la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05).

 

3. Après la période probatoire, il peut être mis fin aux rapports de service du fonctionnaire pour un motif objectivement fondé, en respectant le délai de résiliation (art. 21 al. 2 let. b LPAC).

 

Selon l'article 20, le délai de résiliation varie suivant que celle-ci intervient pendant le temps d'essai, durant la première année d'activité, ou après une période plus longue (al. 1 à 3). Les cas de résiliation des rapports de service avec effet immédiat sont réservés (al. 4).

 

4. La LPAC a une nouvelle teneur depuis le 1er mars 1998. La jurisprudence développée sous l'empire de l'ancienne loi relative au personnel de l'administration cantonale reste toutefois applicable, avec cette réserve que le licenciement pouvait intervenir avec effet immédiat s'il était "fondé sur une raison particulièrement grave excluant la continuation des rapports de service" (art. 23 al. 3 aLPAC), tandis que l'actuel alinéa 4 de l'article 20 précité ne pose aucune condition particulière à un licenciement prononcé avec effet immédiat.

 

5. a. La résiliation des rapports de service pour justes motifs peut être considérée comme une notion autonome de droit public (ATA D. du 22 juin 1999). Son contenu est objectif, en ce sens que la décision de licenciement doit être fondée sur l'incompatibilité existant entre la personne de l'agent et ses tâches au sein du service (ATA D. du 31 août 1999).

b. Il résulte de la jurisprudence du Tribunal fédéral qu'une mesure de résiliation des rapports de service avec effet immédiat ne peut intervenir que dans des cas de violation grave des obligations du fonctionnaire (ATA L. du 12 septembre 1990 in SJ 1991 p. 500). La doctrine a encore précisé que les circonstances doivent être telles qu'elles ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé qu'il poursuive l'exécution du contrat; ces circonstances doivent être appréciées selon les règles de la bonne foi visées à l'article 2 alinéa 2 du Code Civil.

 

L'appréciation des justes motifs de résiliation ne peut cependant se déterminer d'une manière générale; la solution dépend au contraire des circonstances du cas particulier, notamment de la position et de la responsabilité du travailleur, de la nature et de la durée des relations contractuelles, ainsi que du genre et de la gravité du grief. Le contrat de travail, qui est prévu pour durer, repose d'habitude sur des liens de confiance spécialement solides surtout quand l'employé occupe un poste de commandement. Au surplus, il convient de garder présent à l'esprit qu'il existe une relation particulière entre l'Etat et ses agents, fonctionnaires ou employés, qui suppose l'obéissance de ces derniers à un certain nombre de devoirs généraux de la fonction (ATA L. précité; ATA V. du 14 février 1990).

 

A été notamment considéré comme justifié le licenciement avec effet immédiat du fonctionnaire de police qui s'est rendu coupable d'entrave à l'action pénale et de violation du secret de fonction en contactant, par amitié, les parents d'une personne suspectée de trafic de stupéfiants, de telle façon que l'enquête de police et le démantèlement d'une filière de trafiquants ont été compromis (ATA V. du 30 janvier 1996).

 

Dans le cas d'espèce, quelle que soit la qualification pénale, s'il y en a une, qui s'appliquera aux agissements du recourant, force est de constater que le recourant a trompé la confiance placée en lui et que celle-ci est irrémédiablement détruite. Comme le souligne avec justesse l'intimé, la fonction de contrôleur fiscal exige un degré de confiance particulièrement élevé et un comportement sans faille. Or, il est inexplicable que le recourant ait pu s'engager seul, sans en parler à sa hiérarchie, dans une entreprise aussi risquée et hasardeuse que celle de confondre un contribuable qui lui a proposé une somme d'argent élevée. Le simple fait d'avoir laissé ses supérieurs ou ses collègues dans l'ignorance des rendez-vous qu'il se proposait d'avoir avec M. W.K. et d'avoir entouré ces entretiens du plus grand secret, au point de mentir à sa direction au sujet de son emploi du temps le 31 août 2000, est de nature à saper la confiance de ses supérieurs. Même s'il n'est pas établi que M. K. était disposé à accepter la somme de CHF 160'000.-, ce qui est décisif est qu'il ait agi seul, créant ainsi auprès de son employeur de sérieux doutes, parfaitement fondés, au sujet de son honnêteté professionnelle. Cette activité solitaire, déployée en cachette et au prix d'excuses mensongères, était de nature à ruiner la confiance mise en lui.

 

A cela s'ajoute des fautes objectives commises par le recourant : M. K. n'avait pas à accepter un rendez-vous dans un lieu public avec un contribuable dont il avait personnellement la charge du dossier, en l'absence d'une procédure de contrôle officiel. Il n'avait pas davantage le droit de révéler à cette personne les éléments qu'il avait découverts, soit l'existence d'un domicile fictif dans le canton de Vaud. A ce sujet, aussitôt découverte l'existence de ce domicile fictif, M. K. aurait dû informer sa hiérarchie immédiatement, de façon à ouvrir de manière officielle une procédure de contrôle, ce qu'il n'a pas fait, alors que la découverte de cet élément était amplement suffisante.

 

Quant aux excuses que l'intéressé a cru devoir avancer, elles ne sont pas crédibles. L'on pense en particulier à l'effet de surprise qui a été le sien lorsque M. W.K. lui a offert de l'argent, et la panique qui se serait emparée de lui lors du premier rendez-vous. Comme le soutient à juste titre le Conseil d'Etat, cet effet de surprise devait s'être dissipé lorsque l'intéressé a envisagé un deuxième rendez-vous, celui au cours duquel de l'argent liquide, selon son propre souhait, devait lui être remis. Il était encore temps au recourant de s'en ouvrir à sa direction, voire de se faire accompagner par une deuxième personne.

 

6. En tous points mal fondé, le recours sera rejeté. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 3'000.- sera mis à sa charge.

 

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 11 juillet 2001 par Monsieur K. contre la décision du Conseil d'Etat du 13 juin 2001;

 

au fond :

 

le rejette;

 

met à la charge du recourant un émolument de CHF 3'000.-;

communique le présent arrêt à Me Jean-Pierre Garbade, avocat du recourant, ainsi qu'au Conseil d'Etat.

 


Siégeants : M. Paychère, président, M. Thélin, M. Schucani, Mme Bonnefemme-Hurni, juges, M. Torello, juge suppléant.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. : le vice-président :

 

M. Tonossi F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci