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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/300/2005

ATA/865/2005 du 20.12.2005 ( IEA ) , IRRECEVABLE

Parties : VILLE DE GENEVE / OFFICE DES TRANSPORTS ET DE LA CIRCULATION
En fait
En droit
Par ces motifs

République et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/300/2005-IEA ATA/865/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 20 décembre 2005

dans la cause

 

 

VILLE DE GENÈVE - DÉPARTEMENT MUNICIPAL DE L'AMÉNAGEMENT, DES CONSTRUCTIONS ET DE LA VOIRIE

 

contre

 

OFFICE DES TRANSPORTS ET DE LA CIRCULATION



1. La parcelle n° 395 feuille 11 de la commune de Genève, section Eaux-Vives, est propriété de la Ville de Genève et fait partie du domaine privé de celle-ci. Elle forme une partie de la place du Pré-l’Evêque, entre l’avenue Pictet-de-Rochemont, l’avenue de Frontenex et la rue du Jeu-de-l’Arc.

Elle avait été précédemment propriété de la Société économique et avait été cédée par celle-ci à la Ville de Genève, moyennant l’inscription en 1925 d’une servitude de jouissance en faveur du canton de Genève, selon une convention dont la teneur ne résulte pas de la réquisition d’inscription de ladite servitude.

Cette parcelle a été classée en zone de verdure en 1961 par le Grand Conseil (27 527 – www.topoweb.ge.ch).

Pendant plusieurs années et jusqu’en décembre 2003, un pavillon sis sur cette parcelle a abrité un office de La Poste. De plus, treize places de stationnement payantes pour voitures, d’une durée maximale de 90 minutes, y avaient été aménagées.

Suite au départ de La Poste, la Ville de Genève a décidé de procéder au réaménagement de toute la place du Pré-l’Evêque.

2. Dans cette perspective, la Ville de Genève a entrepris plusieurs démarches et elle a notamment requis de l’OTC le 5 décembre 2003 l’abrogation des arrêtés qui autorisaient jusqu’ici le stationnement de véhicules sur la parcelle 395, soit en particulier d'un arrêté pris le 1er mars 1999 autorisant le parcage contre paiement (4.20 de l’ordonnance sur la signalisation routière du 5 septembre 1979 (OSR – RS 741.21).

3. Par avis publié dans la Feuille d'Avis Officielle (ci-après  : FAO) du 28 janvier 2004, l'OTC a ouvert une enquête publique (E.P. 2370) car dans le cadre de l'aménagement provisoire de la place du Pré-l'Evêque, l'arrêté instaurant sur celle-ci des places de parc contre paiement, limitées à 90 minutes, devait être abrogé.

La section genevoise du Touring Club Suisse et l'Association des intérêts des Eaux-Vives se sont opposées à la suppression de ces place de stationnement. Le maire de la ville de Genève a émis un préavis favorable quant à cette abrogation.

4. Par décision du 18 mai 2004, adressée à la Ville de Genève, l’OTC a rejeté la requête de l'intéressée du 5 décembre 2003 vu la pénurie en stationnement dans le quartier des Eaux-Vives (6'250 véhicules immatriculés pour 1'657 places en zone bleue et 2'598 macarons délivrés), le caractère provisoire de l'aménagement projeté sur la place du Pré-l'Evêque et la possibilité de réaliser partiellement cet aménagement sans toucher au stationnement existant. Il était précisé que cette décision était susceptible de recours dans les 30 jours auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : CCRMC), conformément à l'article 6A de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 (LaLCR - H 1 05).

5. Par acte daté du 18 juin 2004 et réceptionné par la CCRMC le 21 juin 2004, la Ville de Genève a recouru contre cette décision, reçue le 21 mai, en concluant à son annulation. Le dossier devait être renvoyé à l’OTC pour qu’il prenne un arrêté abrogeant l’autorisation de stationnement actuellement en vigueur.

Les parties ont été entendues par la CCRMC en audience de comparution personnelle le 11 novembre 2004. A cette occasion, le représentant de l’OTC a indiqué que si l'office envisageait d’entrer en matière sur la suppression des places de parc dans le cadre d’un projet définitif, c’était en raison du fait que ce projet prévoyait la création d’un garage souterrain.

6. Par décision du 24 janvier 2005, la CCRMC a déclaré le recours irrecevable et l’a transmis pour raison de compétence au Tribunal administratif. Elle a considéré que la décision contestée n’était pas une réglementation locale du trafic au sens de l’article 6A alinéa 1 LaLCR. Selon cette disposition en effet, la CCRMC ne pouvait connaître que des réglementations locales du trafic édictées pour une durée supérieure à 60 jours ou se répétant régulièrement.

Tel n'était pas le cas de la décision prise par l'OTC le 18 mai 2004. Celle-ci constituait cependant une décision au sens de l'article 4 alinéa 1 lettre c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). En application des articles 56A ss de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ - E 2 05), le recours devait être transmis au Tribunal administratif, auquel était dévolue la plénitude de juridiction en matière administrative.

7. a. Invité à se déterminer, l’OTC a répondu le 21 mars 2005 en reprenant l'historique du dossier.

La place du Pré-l'Evêque était certes en zone de verdure. Toutefois, les places de stationnement existantes n'étaient pas des constructions nouvelles. Elles bénéficiaient de la situation acquise, au sens de l'article 24c alinéa 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) ; elles étaient autorisables au sens de l'article 24 alinéa 2 LaLAT car elles servaient "à l'aménagement de la zone de verdure en autorisant un accès aux véhicules proche et facile". Enfin, selon l'article 24 alinéa 3 LaLAT, des constructions d'utilité publique pouvaient être autorisées si la destination principale de la zone était respectée et dont l'emplacement était imposé par leur destination.

Tel était le cas en l'espèce car la majorité de la place avait été réaménagée conformément à la zone de verdure et l'emprise du stationnement sur la pointe sud de la place était minime.

b. Le 15 avril 2005, la Ville de Genève s’en est rapportée à justice sur la compétence non sans relever qu’en cas de rejet d’une réglementation locale du trafic, la requérante ne disposerait selon la CCRMC que d’une voie de droit alors que l’opposant à une décision favorable pourrait recourir auprès de la CCRMC puis du Tribunal administratif.

Par ailleurs, le refus de l’OTC d’annuler l’arrêté de circulation autorisant le stationnement sur la parcelle n° 395 constituait une grave violation de l’article 24 LaLAT. Ce stationnement n’avait été autorisé qu’en raison de la présence du pavillon de La Poste. Les motifs invoqués par l’OTC à l’appui de son refus étaient dénués de toute pertinence. De plus, le secteur des Eaux-Vives était extrêmement bien doté en parking visiteurs (Villereuse, Eaux-Vives 2000, parking Migros) et il existait dans ces quartiers un nombre important de places de parking privées.

c. Le juge délégué a prié l'OTC de lui envoyer les arrêtés qui autorisaient le stationnement sur cette place et auxquels se référait la requête de la Ville de Genève du 5 décembre 2003. L'OTC a envoyé au tribunal de céans le seul arrêté précité du 1er mars 1999, qui abrogeait tous ceux qui lui étaient antérieurs.

8. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

1. Le Tribunal administratif examine d'office sa compétence (ATA/316/2005 du 26 avril 2005).

2. Selon l'article 3 alinéas 1 et 2 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958, qu'il s'agisse de la loi dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2004 ou de la novelle en vigueur depuis le 1er janvier 2005, (LCR - RS 741.01), la souveraineté cantonale sur les routes est réservée dans les limites du droit fédéral et les cantons sont compétents pour interdire, restreindre ou régler la circulation sur certaines routes.

A teneur de l'alinéa 4 de cette même disposition, "d'autres limitations ou prescriptions peuvent être édictées lorsqu'elles sont nécessaires pour protéger les habitants ou d'autres personnes touchées de manière comparable contre le bruit et la pollution de l'air, pour assurer la sécurité, faciliter ou régler la circulation, pour préserver la structure de la route, ou pour satisfaire à d'autres exigences imposées par les conditions locales. Pour de telles raisons, la circulation peut être restreinte et le parcage réglementé de façon spéciale, notamment dans les quartiers d'habitation".

La décision cantonale de dernière instance concernant de telles mesures peut dorénavant faire l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral (art. 3 al. 4 LCR) alors que précédemment ce recours devait être porté devant le Conseil fédéral (art. 3 al. 4 aLCR).

Les communes ont conservé la qualité pour recourir lorsque des mesures touchant la circulation sont ordonnées sur leur territoire (art. 3 al. 4 in fine LCR).

3. L'article 107 alinéa 5 aOSR, de même que le nouvel article 107 alinéa 5 OSR, prévoient que "s'il est nécessaire d'ordonner une réglementation locale du trafic, on optera pour la mesure qui atteint son but en restreignant le moins possible la circulation. Lorsque les circonstances qui ont déterminé une réglementation locale du trafic se modifient, cette réglementation sera réexaminée et, le cas échéant, abrogée par l'autorité".

4. Les modifications procédurales étant d'application directe, le tribunal de céans fera référence aux dispositions précitées dans leur teneur dès le 1er janvier 2005, les dispositions de fond n'ayant d'ailleurs pas changé.

5. La décision prise le 18 mai 2004 par l'OTC et celle du 24 janvier 2005 de la CCRMC sont fondées sur l'article 6A, alinéas 1 et 2 LaLCR, ainsi libellé :

"Les réglementations locales du trafic édictées pour une durée supérieure à 60 jours ou se répétant régulièrement peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la CCRMC. La commune de site a qualité pour recourir.

Les autres réglementations locales du trafic ne sont pas sujettes à recours sur le plan cantonal".

6. La présente procédure porte sur le refus de l'OTC d'abroger, à la requête de la Ville de Genève, l'arrêté pris le 1er mars 1999 par le département de justice et police et des transports - devenu le département des institutions - qui autorisait "le parcage des véhicules automobiles contre paiement à la place du Pré-l'Evêque, sur son tronçon compris entre l'avenue Pictet-de-Rochemont et l'avenue de Frontenex" et abrogeait toute réglementation antérieure relative au temps de parcage.

Il faut ainsi considérer la requête présentée à l'OTC par la Ville le 5 décembre 2003 comme une demande de reconsidération de l'arrêté précité, compte tenu de la modification des circonstances intervenue, (soit de la disparition du pavillon abritant La Poste), au sens de l'article 107 alinéa 5 OSR, et de la volonté affichée par la Ville de Genève de rendre l'aménagement de cette partie de la place conforme à son affectation de zone de verdure au sens de l'article 24 alinéa 1 LaLAT, dont la teneur est la suivante  :

"1. La zone de verdure comprend les terrains ouverts à l'usage public et destinés au délassement, ainsi que les cimetières ;

2. Les constructions, installations et défrichements sont interdits s'ils ne servent à l'aménagement de lieux de délassement en plein air, respectivement de cimetières ;

3. Toutefois, si la destination principale est respectée, le département peut exceptionnellement, après consultation de la commission d'urbanisme, autoriser les constructions d'utilité publique dont l'emplacement est imposé par leur destination, et des exploitations agricoles".

7. La requête en abrogation de la réglementation locale du trafic n'est pas l’une de celles visées à l'article 6A alinéa 1 LaLCR, comme l'a jugé la CCRMC. Toutefois, les autres réglementations, prévues par les articles 3 alinéa 4 LCR et 107 alinéa 5 OSR, doivent pouvoir faire l'objet d'un recours sur le plan cantonal en application des articles 98 lettre g et 98a de la loi sur l'organisation judiciaire fédérale du 16 décembre 1943 (OJF - RS 173.110), même si l'article 6A alinéa 2 LaLCR prévoit le contraire, un recours de droit administratif étant dorénavant ouvert auprès du Tribunal fédéral contre la décision de la dernière instance cantonale.

Par analogie, il se justifie que de telles réglementations puissent être revues d'abord par la CCRMC, puis cas échéant par le tribunal de céans, pour les raisons sus-exposées.

8. Le recours sera ainsi déclaré irrecevable et retransmis pour raison de compétence à la CCRMC.

Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument.

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

déclare irrecevable le recours interjeté le 18 juin 2004 par la Ville de Genève -département municipal de l'aménagement, des constructions et de la voirie - contre la décision de l’office des transports et de la circulation du 18 mai 2004 ;

le transmet pour raison de compétence à la commission cantonale de recours en matière de constructions ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

communique le présent arrêt à la Ville de Genève - département municipal de l'aménagement, des constructions et de la voirie -, à l’office des transports et de la circulation ainsi qu’à la commission cantonale de recours en matière de constructions.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :