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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1974/2004

ATA/700/2005 du 25.10.2005 ( TPE ) , REJETE

Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION; PERMIS DE CONSTRUIRE; ZONE AGRICOLE; ORDRE DE DEMOLITION; EGALITE DE TRAITEMENT; AUTORISATION DEROGATOIRE(ART. 24 LAT)
Normes : CST.8; LCI.130; LCI.129 litt.e; LALAT.27; LALAT.20 al.1 litt.a; LALAT.20 al.1 litt.b; LALAT.20 al.1 litt.c; LAT.24
Résumé : Recours rejeté contre l'ordre de démolition d'une cabane à outils et d'évacuation d'une caravane. Les constructions toutes sans autorisations ne pouvant bénéficier d'une dérogation fondée sur l'article 24 LAT la parcelle étant située en zone agricole. Pas d'inégalité de traitement même si des constructions non autorisées subsistent sur les parcelles voisines car le département instruit les diverses situations illégales constatées.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1974/2004-TPE ATA/700/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 25 octobre 2005

dans la cause

 

Monsieur A._______

contre

DÉPARTEMENT DE L’aménagement, DE L’Équipement ET DU LOGEMENT


 


1. Monsieur A._______, domicilié à X._______ (VD), est propriétaire, depuis le 13 novembre 1970, de la parcelle no __feuille __de la commune d’Avusy, à l’adresse Y._______. Cette parcelle est en zone agricole, soit destinée à l’exploitation agricole ou horticole (art. 20 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30).

2. Lors d’un contrôle effectué le 6 août 2004, un inspecteur de la police des constructions du département de l’aménagement, de l’équipement et du logement (ci-après : DAEL) a constaté que se trouvaient sur la parcelle précitée : un pigeonnier, une caravane, deux automobiles et une cabane à outils de jardin de 8 m2.

3. Le pigeonnier, qui a l’aspect d’une grande roulotte, appartient à Monsieur B._____, domicilié à Z. Il abrite des pigeons de concours.

4. Par décision du 10 août 2004, dont copie a été communiquée à M. B._____, le DAEL a ordonné à M. A._______ d’enlever, dans un délai de 60 jours, le pigeonnier, la caravane, les automobiles et la cabane à outils susmentionnés.

5. Par courrier du 16 août 2004, M. A._______ a informé le DAEL qu’il était propriétaire de la parcelle en cause depuis 1970. La cabane de jardin y était « depuis toujours ». Il avait reçu du DAEL l’information selon laquelle l’entreposage de la caravane n’était pas soumis à autorisation. Il allait enlever les deux voitures dans le délai imparti. Enfin, il souhaitait être autorisé à maintenir le pigeonnier.

6. Le 2 septembre 2004, le DAEL a confirmé sa décision du 10 août 2005.

7. Le 13 septembre 2004, M. A._______ a transmis au DAEL un second exemplaire de son courrier du 16 août 2005, accompagné d’une lettre dans laquelle il indiquait faire recours au Tribunal administratif.

8. Le 21 septembre 2004, le DAEL a transmis le pli précité au tribunal de céans, comme étant constitutif d’un recours.

9. Le 22 octobre 2004, le DAEL s’est opposé au recours. Les objets visés dans la décision querellée étaient des constructions ou installations soumises à autorisation et non autorisables car non conformes à l’affectation de la zone dans laquelle était classée la parcelle en cause. Leur évacuation était la seule mesure permettant de rétablir une situation conforme au droit.

10. Le 27 octobre 2004, le Tribunal administratif a ordonné l’appel en cause de M. B._____.

11. Le 22 novembre 2004, M. B._____ s’est déterminé. Il souhaitait être autorisé à maintenir son pigeonnier sur le terrain de M. A._______, car un déplacement ferait perdre leurs repères aux pigeons.

12. Une audience de comparution personnelle des parties a eu lieu le 4 mars 2005.

M. A._______ a déclaré avoir évacué les deux voitures « depuis longtemps » et la caravane pouvait être tractée hors de la parcelle. Quant à la cabane à outils, elle existait avant qu’il ait acquis le terrain, mais il n’avait pas d’éléments permettant de le démontrer. Il relevait que les parcelles voisines supportaient des constructions plus importantes, sans que leurs propriétaires aient des problèmes.

M. B._____ était à la recherche d’un endroit pour placer son pigeonnier. Il souhaitait qu’il n’y ait pas d’évacuation avant le mois d’août, car il était en pleine période de concours avec ses pigeons.

Le DAEL a indiqué qu’il vérifierait la situation des constructions érigées sur les parcelles voisines de celle du recourant.

Sur quoi la procédure a été suspendue, à la demande des parties, jusqu’au 30 septembre 2005.

13. Par courrier du 30 septembre 2005, le DAEL a informé le tribunal de céans qu’à l’occasion d’un nouveau contrôle, un inspecteur de la police des constructions avait constaté que le pigeonnier et les deux voitures avaient été évacués. S’agissant des parcelles avoisinantes, diverses situations d’infraction étaient en cours d’instruction ou en vue de résolution. Il persistait dans les termes de sa décision s’agissant de la caravane et de la cabane à outils.

14. Le 5 octobre 2005, le recourant et l’appelé en cause on été informés de la reprise de la procédure et les parties ont été avisées que la cause était gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le litige ne porte plus que sur l’ordre d’évacuer la caravane et la cabane à outils. M. B._____, appelé en cause en qualité de propriétaire du pigeonnier aujourd’hui déplacé en un autre lieu, n’est dès lors plus concerné par la procédure et sera mis hors de cause.

3. a. Selon l’article 1 alinéa 1 lettre a de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), nul ne peut, sur tout le territoire du canton, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation. De même n’est-il pas possible de modifier, même partiellement, le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation sans autorisation (art. 1 al. 1 let. b LCI).

b. Par constructions ou installations, on entend toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires (art. 1 al. 1 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 - RALCI - L 5 05 01).

c. En zone à bâtir, l’édification de constructions de très peu d’importance - les cabanes amovibles de dimension modeste, de l'ordre de 5 m2 au sol et 2 m de hauteur, entre autres – n’est pas soumise à autorisation de construire (art. 1 al. 3 et 4 let. a LCI.

La parcelle du recourant sur laquelle sont édifiées les constructions litigieuses est sise en zone agricole. Le régime dérogatoire de l’article 1 alinéa 3 LCI ne s’appliquant qu’en zone à bâtir, il ne leur est en tout état pas applicable.

4. L’article 20 alinéa 1 lettres a, b et c LaLAT prévoit que ne sont autorisées en zone agricole que les constructions et installations qui sont destinées à cette activité et aux personnes l’exerçant à titre principal, respectant la nature et la paysage ainsi que les conditions fixées par les articles 34 et suivants de l’ordonnance fédérale (OAT – RS 700.1). Cette dernière précise notamment que les constructions et installations qui servent à l’agriculture pratiquée en tant que loisir ne sont pas réputées conforme à l’affectation de la zone agricole.

Tant la situation personnelle du recourant – qui n’exerce pas d’activité agricole à titre principal – que l’utilisation des constructions litigieuses excluent la conformité de ces dernières à une affectation agricole.

5. Selon l’article 24 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700), des autorisations peuvent être délivrées hors des zones à bâtir pour de nouvelles constructions ou installations ou pour tout changement d’affectation si l’implantation de ces constructions ou installations est imposée par leur destination et qu’aucun intérêt prépondérant ne s’y oppose. La teneur de l’article 27 LaLAT est identique.

La LAT a subi diverses modifications qui sont entrées en vigueur le 1er septembre 2000, sans toutefois toucher la substance des conditions précitées (A. MEYER-STAUFFER, « La zone agricole » in Journée du droit de la construction, 2001, p. 48).

Ni la caravane, ni la cabane à outils ne sont des constructions dont l’emplacement est imposé en zone agricole par leur destination. Elles ne pourraient donc bénéficier d’une dérogation fondée sur l’article 27 LaLAT.

6. Lorsqu’une construction ou une installation n’est pas conforme aux prescriptions de la LCI et de ses dispositions d’application, le département peut notamment ordonner sa suppression ou sa démolition (art. 129 litt. e et 130 LCI).

Les constructions litigieuses, soumises au régime ordinaire de l’autorisation, ont été édifiées en violation de l’article 1 alinéa 1 RALCI et ne sont pas autorisables.

Le département était donc en droit d’ordonner leur démolition.

7. Il reste à examiner si cette mesure est proportionnée.

Le principe de la proportionnalité implique que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé et porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés, compte tenu du résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 123 I 112 consid. 4e p. 121 et les arrêts cités).

Il ne fait aucun doute que la suppression des constructions illicites soit apte à atteindre le but visé, soit le rétablissement d’une situation conforme au droit. Les constructions litigieuses n’étant pas autorisables, leur démolition apparaît être le seul moyen pour parvenir audit but.

8. M. A._______ allègue que la cabane à outils existe depuis qu’il a acquis la parcelle litigieuse en 1970. Toutefois, il n’a pas été en mesure de le démontrer, que ce soit par pièce ou par témoignage. Il n’y a donc pas lieu d’examiner si ladite cabane peut être mise au bénéfice de la prescription trentenaire qui empêcherait l’autorité compétente d’ordonner le rétablissement d’une situation conforme au droit (ATA/363/2005 du 24 mai 2005 et les références citées).

9. Le recourant a relevé que les parcelles voisines supporteraient des constructions non autorisées.

a. Le principe de l’égalité de traitement déduit de l’article 8 Cst n’est violé que si des situations essentiellement semblables sont traitées différemment ou si des situations présentant des différences essentielles sont traitées de manière identique (ATF 108 Ia 114).

b. Selon la jurisprudence, un justiciable ne saurait en principe se prétendre victime d’une inégalité de traitement au sens de la disposition précitée lorsque la loi est correctement appliquée à son cas, alors même que dans d’autres cas, elle aurait reçu une fausse application ou n’aurait pas été appliquée du tout (ATF 115 Ia 93 ; 113 Ib 313 ; ATA/832/2004 du 26 octobre 2004).

Cependant, cela présuppose de la part de l’autorité dont la décision est attaquée la volonté d’appliquer correctement à l’avenir les dispositions légales en question et de les faire appliquer par les services qui lui sont subordonnés (A. AUER, L’égalité dans la l’illégalité, ZBl 1978 pp. 281ss, 290 ss).

En revanche, si l’autorité persiste à maintenir une pratique reconnue illégale ou s’il y a de sérieuses raisons de penser qu’elle va persister dans celle-ci, le citoyen peut demander que la faveur accordée illégalement à des tiers le soit aussi à lu-même, cette faveur prenant fin lorsque l’autorité modifie sa pratique illégale (ATF 105 V 192 ; 104 Ib 373 ; 99 Ib 383 ; ATA/832/2004 précité).

Le DAEL a indiqué que diverses situations d’infraction étaient en cours d’instruction ou en voie de résolution concernant les parcelles avoisinantes. Force est donc de constater qu’il n’a pas adopté de pratique illégale en matière de délivrance d’autorisations de construire ou d’admission de situation non conforme au droit. Partant, le principe d’égalité de traitement n’a pas été violé.

10. Mal fondé, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 LPA).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 septembre 2004 par Monsieur A._______ contre la décision du département de l’aménagement, de l’équipement et du logement du 10 août 2004 ;

au fond :

le rejette ;

met hors de cause Monsieur B._____ ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.- ;

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par-devant le Tribunal fédéral ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14 ; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A._______, ainsi qu’au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement et le dispositif du présent arrêt, pour information, à Monsieur B._____.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la secrétaire-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

le président :

 

 

A. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :