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ACJC/1672/2025 du 21.11.2025 sur JTPI/11322/2025 ( SML ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
| POUVOIR JUDICIAIRE C/4798/2025 ACJC/1672/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU VENDREDI 21 NOVEMBRE 2025 | ||
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par la 21ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 8 septembre 2025, représenté par Me Arnaud MOUTINOT, avocat, Atlas Legal, boulevard des Philosophes 17, case postale 89, 1211 Genève 4,
et
B______ SA, sise ______ [VD], intimée.
A. Par jugement JTPI/11322/2025 du 8 septembre 2025, expédié pour notification aux parties le 15 septembre 2025, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire de l’opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 1), arrêté les frais judicaires à 200 fr., compensés avec l’avance effectuée et mis à la charge de A______, condamné à en rembourser B______ SA (ch. 2 et 3), et dit qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 4).
Il a considéré que « les pièces produites à la procédure » rendaient vraisemblable qu’un dommage avait été constaté par l’agence de location lors de la restitution du véhicule loué, que, selon les conditions générales signées, un montant de 2'000 fr. pouvait être exigé du locataire pour tout dommage survenu pendant la location, que dès lors B______ SA était au bénéfice d’un titre de mainlevée au sens de l’art. 82 LP, que A______ n’avait pas fait valoir de moyen libératoire, que par conséquent, la mainlevée provisoire requise devait être prononcée.
B. Par acte du 26 septembre 2025 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre ce jugement. Il a conclu à l’annulation de celui-ci, cela fait au déboutement de B______ SA des fins de sa requête de mainlevée, sous suite de frais et dépens.
A titre préalable, il a requis le bénéfice de l’effet suspensif, ce qui a été rejeté par arrêt de la Cour du 14 octobre 2025, les frais de la décision étant réservés à la décision à rendre sur le fond.
B______ SA a conclu au rejet du recours.
Par avis du 31 octobre 2025, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
C. Il résulte de la procédure de première instance les faits pertinents suivants :
a. Le 11 septembre 2024, B______ SA a remis en location à A______ un véhicule C______ blanc, immatriculé VD 2______.
Selon le contrat n° 3______ signé par les parties, le départ a eu lieu le 11 septembre 2024 à 13h01, le retour étant prévu le même jour à 17h30. Au dos de l’exemplaire du contrat figurent les conditions générales, signées par A______, lesquelles stipulent notamment, sous point 6.2 mis en exergue par un encadré de couleur rouge : « Pour tout dommage, le bailleur pourra exiger du locataire une indemnité CASCO de CHF 2'000.- […] ».
b. Par courriel du 13 septembre 2024, adressé à A______, faisant référence à un entretien téléphonique de la veille, B______ SA a observé que des dégâts (sans autre précision) au véhicule loué avaient été constatés, entraînant des « frais de réparation significatifs » s’élevant, selon devis annexé, à 2'397 fr. 80 ; une franchise de 2'000 fr. était due selon les conditions générales, montant ramené à bien plaire à 1'500 fr. à verser sous dix jours pour solde de tout compte.
c. Le 23 octobre 2024, B______ SA a adressé une mise en demeure à A______ portant sur le montant de 2'000 fr., assortie d’une facture n° 4______ du même montant.
d. Le 3 février 2025, à la requête de B______ SA, l’Office cantonal des poursuites à fait notifier à A______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur 2'000 fr. avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 11 septembre 2024. Le titre était décrit ainsi : « Facture impayée 4______ – contrat de location 3______ ».
Le poursuivi a formé opposition.
e. Le 26 février 2025, B______ SA a saisi le Tribunal d’une requête de mainlevée de l’opposition formée au commandement de payer susmentionné, dirigée contre A______. Elle n’a pas formé d’allégués, et a produit, outre le commandement de payer, les contrat, courriel, mise en demeure et facture décrits ci-avant, ainsi qu’une photographie non datée montrant un élément de carrosserie indéterminé, affecté de rayures, d’un véhicule blanc non identifié.
Figure au dossier du Tribunal une liasse de documents sur la première page de laquelle a été apposé un timbre humide « pièce(s) produite(s) le … par… », dont les rubriques ont été remplies des mentions manuscrites « 6 [recte 8 ?].09.2025 » et « C[ité ?] ». Cette liasse comporte une note non signée, datée du 18 août 2025, intitulée « Eléments portés à la connaissance du Tribunal civil par la partie citée dans le cadre de la citation à comparaître du 08.09.2025 à 8h30 » (dont résulte notamment qu’au retour du véhicule, un employé de B______ SA avait interpellé A______ pour lui signaler « une légère éraflure située côté arrière gauche à proximité de l’ouverture réservoir à essence »), ainsi qu’une formule de B______ SA intitulée « état retour suite contrat de location n° 3______ », signée par A______ après le retour du véhicule le 11 septembre 2024 à 17h01, faisant état notamment (sous numéro 10) d’une « petite éraflure » située selon croquis à proximité de la trappe du réservoir de carburant, et comportant sept photos (dont l’une montre, à proximité de la trappe du réservoir de carburant, une rayure sur la carrosserie d’un véhicule blanc).
A l’audience du Tribunal du 8 septembre 2025, B______ SA a persisté dans ses conclusions. A______, comparant par son avocat, s’est opposé à la requête, au motif qu’il n’existait pas de titre de mainlevée ; il a ajouté remettre « plusieurs pièces » au Tribunal, auxquelles il s’est référé « s’agissant des faits ».
Il a versé une formule de B______ SA intitulée « état départ suite contrat de location n° 3______ », comportant cinq photographies.
Les rubriques « état extérieur » des formules « état départ » et « état retour » remplies de façon identiques ; dans l’une comme dans l’autre figure notamment la mention (sous numéro 10) d’une « petite éraflure » située selon croquis à proximité de la trappe du réservoir de carburant.
1. 1.1 S’agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).
1.2 Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée.
Interjeté en temps utile et selon les formes prescrites, le recours est recevable.
1.3 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs que les parties adressent à la motivation du premier jugement (ATF 144 III 394 consid. 4.1.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_10/2024 du 26 mai 2025, consid. 5.1).
1.4 La procédure sommaire étant applicable, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 al. 1 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).
2. Le recourant reproche au Tribunal d’avoir retenu que les pièces produites rendaient vraisemblable le dommage évoqué dans la clause qu’il avait souscrite entraînant le paiement de 2'000 fr. pour tout dommage survenu pendant la location du véhicule.
2.1 En vertu de l'art. 82 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (al. 1); le juge la prononce si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (al. 2).
Constitue une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP, en particulier, l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi - ou son représentant -, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 145 III 20 consid. 4.1.1; 139 III 297 consid. 2.3.1 et les références); elle peut résulter du rapprochement de plusieurs pièces, dans la mesure où les éléments nécessaires en ressortent (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; 136 III 627 consid. 2 et la référence).
2.1.2 Un contrat écrit justifie en principe la mainlevée provisoire de l'opposition pour la somme d'argent incombant au poursuivi lorsque les conditions d'exigibilité de la dette sont établies et, en particulier dans les contrats bilatéraux, lorsque le poursuivant prouve avoir exécuté les prestations dont dépend l'exigibilité (ATF 145 III 20 consid. 4.1.1 et les références).
2.2 En l’espèce, il est constant que le recourant a conclu avec l’intimée un contrat dont les conditions générales dûment incorporées et signées comportent une clause, selon laquelle cette dernière est fondée à exiger une indemnité de 2'000 fr. pour tout dommage.
Pour bénéficier de la reconnaissance de dette souscrite par le recourant à concurrence de 2'000 fr., l’intimée doit établir la réalité du dommage allégué. En vertu du principe de la relativité des conventions, il ne peut s’agir que d’un dommage causé à l’objet loué au recourant, durant la période de location par ce dernier.
En annexe à sa requête de mainlevée, l’intimée, qui a certes versé le contrat susmentionné, n’a pas produit de pièces en lien avec le dommage prétendu. Il sera en effet retenu que c’est le recourant qui a déposé les « état départ » et « état retour », destinés à « faire foi » entre les parties. Ni le courriel du 13 septembre 2024, ni la photographie produite par l’intimée (qui n’est pas datée et qui ne permet pas d’identifier le véhicule concerné) n’établissent l’existence du dommage allégué comme provoqué par le recourant durant la période de location du véhicule immatriculé VD 2______.
L’intimée n’a ainsi pas déposé à la procédure des pièces dont le rapprochement permettrait d’établir une reconnaissance de dette portant sur le montant en poursuite de 2'000 fr.
En tout état, à supposer qu’il ait été considéré que l’intimée avait un titre au sens de l’art. 82 LP, il apparaît que le recourant a rendu vraisemblable sa libération. Il a en effet produit les constats de l’état du véhicule avant sa prise en location et au terme de celle-ci, lesquels sont identiques, notamment s’agissant de la présence de « petite éraflure » à proximité de la trappe de réservoir d’essence, ce qui rend vraisemblable que le recourant n’a commis aucun dégât durant la période de location, contrairement à ce que soutient l’intimée. En outre, les photographies figurant dans les deux constats précités ne montrent aucun élément qui ne serait pas conforme aux constatations de ces constats. L’argument de l’intimée selon lequel ces images viendraient cas échéant corriger les éventuelles omissions du schéma d’état du véhicule est donc sans pertinence.
Au vu de ce qui précède, le jugement qui a prononcé la mainlevée provisoire requise par l’intimée sera annulé. Il sera statué à nouveau (art. 327 al. 3 let. a CPC), dans le sens que l’intimée sera déboutée de sa requête de mainlevée provisoire de l’opposition.
3. L’intimée, qui succombe, supportera les frais de la procédure de première instance et de recours, arrêtés respectivement à 200 fr. (quotité non remise en cause et conforme à l’art. 48 OELP ; compensés avec l’avance opérée acquise à l’Etat de Genève), et 300 fr. pour la procédure de recours (art. 48, 61 OELP). Les frais de la décision refusant l’effet suspensif, en 200 fr., provoquée par le recourant, seront mis à la charge de celui-ci et compensés à due concurrence avec l'avance de frais fournie (art. 106 al. 1 CPC).
Le recourant se verra donc restituer 300 fr., tandis que l’intimée sera condamnée à verser 300 fr. à l’Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).
L’intimée versera en outre au recourant 200 fr. à titre de dépens de première instance et 300 fr. à titre de dépens de recours.
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé le 26 septembre 2025 par A______ contre le jugement JTPI/11322/2025 rendu le 8 septembre 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/4798/2025–21 SML.
Au fond :
Annule ce jugement. Cela fait :
Déboute B______ SA des fins de sa requête de mainlevée provisoire de l’opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______.
Arrête les frais judiciaires de première instance à 200 fr., compensés avec l’avance opérée, acquise à l’Etat de Genève.
Les met à la charge de B______ SA.
Condamne B______ SA à verser 200 fr. à titre de dépens à A______.
Déboute les parties de toute autre conclusion.
Sur les frais de recours :
Arrête les frais judiciaires du recours à 300 fr., et les met à la charge de B______ SA.
Condamne B______ SA à verser 300 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui Services financiers du Pouvoir judiciaire.
Arrête les frais judiciaires de la décision d’effet suspensif à 200 fr., les met à la charge de A______ et les compense à due concurrence avec l'avance de frais de 500 fr. fournie par celui-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève.
Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 300 fr. à A______.
Condamne B______ SA à verser à A______ 300 fr. à titre de dépens de recours.
Siégeant :
Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.
| La présidente : Pauline ERARD |
| La greffière : Mélanie DE RESENDE PEREIRA |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.