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C/16960/2025

ACJC/1510/2025 du 27.10.2025 ( IUS ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16960/2025 ACJC/1510/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 27 OCTOBRE 2025

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], requérante suivant requête en approbation d'une décision prise par l'assemblée des créanciers obligataires, représentée par Me Nicolas JEANDIN, avocat, Fontanet & Associés, Grand-Rue 25, case postale 3200, 1211 Genève 3.


EN FAIT

A. a. A______ SA (ci-après A______) est une société anonyme inscrite au Registre du commerce genevois depuis le ______ 2007.

Son capital-actions est composé de 1000 actions nominatives d'une valeur de 1'000 fr. chacune.

Elle a notamment pour but social la participation, sous toutes formes, à des sociétés commerciales, financières, mobilières et immobilières, en Suisse et à l'étranger.

b. A______ « chapeaute » de très nombreuses sociétés qui composent le
[Groupe] A______, actif actuellement principalement dans les domaines immobilier et de la finance. La division "immobilière" est « chapeautée » par la A______/C______ SA, inscrite au registre du commerce de Genève. L’activité financière du groupe s’exerce en particulier par [la banque] D______ (anciennement E______), inscrite au registre du Commerce de Zurich. Les activités bancaires de D______ sont autorisées par la FINMA.

c. Dans le cadre de son projet d’acquisition de D______ en 2022, A______ a entrepris de lever des fonds à hauteur de 20 à 25 millions.

A______, respectivement [la banque] F______ (ci-après : F______) auprès de qui l’argent devait être versé, a fait appel à divers intermédiaires professionnels en vue de trouver des investisseurs.

d. Les conditions d'acquisition d'obligations (ci-après également Notes) sont régies par le "Notes Purchase Agreement" (ci-après NPA). Ce contrat stipule, dans sa première partie (A), que l’émetteur a l’intention d’émettre des obligations de premier rang non garanties d’une durée de deux ans, libellées « en
CHF 5'000'000.- ou en multiples de CHF » (les Notes, chacune étant une Note), pour un montant en capital total pouvant aller jusqu’à 150'000'000 fr.

L’annexe 1 du NPA (« Schedule 1 ») prévoit notamment que ces Notes sont émises sous la forme de droits de valeur simples au sens de l’article 973c CO, lesquelles sont créées par leur inscription au registre des droits-valeurs de l’émetteur (art. 1b), qu’elles portent un intérêt au taux de 15% par an, montant payable annuellement (art. 2), qu’elles arrivent à échéance deux ans après la date d’émission (art. 3), et qu’aussi longtemps que les Notes sont en circulation, l’octroi de garanties pour de nouveaux engagements obligataires ("bonds, notes, debentures or other securities") de la holding ou de ses filiales importantes sans procéder à un nantissement identique en faveur des détenteurs des Notes est interdit (« negative pledge ») (art. 6). Le NPA instaure également une clause de confidentialité (art. 10).

L’annexe 1 du NPA prévoit en outre notamment que le non-remboursement du capital investi à l’échéance ou le non-paiement des intérêts convenus doit être qualifié de "Event of Default" et que dans ces circonstances, F______ (le "Paying Agent") en sa qualité de "Holders Representative" a le droit, mais non l’obligation, de déclarer les Notes immédiatement remboursables; les articles 7 et 11 de l’annexe précisent que dans cette hypothèse de "Event of Default", les articles 1157 ss CO sont applicables.

Selon l’art. 9 de ladite annexe, les Notes ne peuvent être cédées qu’au moyen d’une déclaration écrite de cession du titulaire cédant ou d’un accord de cession conclu entre le titulaire cédant et le cessionnaire. Le transfert de tout billet, autre qu’un transfert entre les détenteurs, l’émetteur ou son actionnaire, est soumis au consentement écrit préalable de F______, qui peut être refusé à la seule discrétion de cette dernière.

e. B______ (BVI) LIMITED (ci-après : B______) est une entité des Iles Vierges Britanniques fondée en 1989. Elle a pour but l’investissement et le financement d’activités économiques.

f. Le 1er août 2022, B______, représentée par G______, et A______ ont signé un contrat NPA, portant sur l’achat, par B______, de deux Notes émises par A______ au prix de 5'000'000 fr. chacune.

g. Le 2 septembre 2022, A______ a émis vingt-cinq obligations, d'une valeur nominale de 5'000'000 fr. chacune, représentant 125'000'000 fr., pour une durée de deux ans, soit jusqu'au 2 septembre 2024.

H______ a souscrit onze obligations (55'000'000 fr.), I______ quatre obligations (20'000'000 fr.), J______ SA une obligation (5'000'000 fr.), K______ LTD trois obligations (15'000'000 fr.), L______ deux obligations (10'000'000 fr.), M______  une obligation (5'000'000 fr.), N______ une obligation (5'000'000 fr.) et B______ deux obligations (10'000'000 fr.).

h. Le 10 novembre 2022, A______ a émis trois obligations supplémentaires qui ont été souscrites par [le groupe] O______ SA, représentant 15'000'000 fr.

i. Le 19 janvier 2023, H______ et B______ ont conclu un contrat de cession, visant la vente par le premier nommé de deux obligations à la seconde.

Le même jour, H______ et A______ ont signé un contrat de "Release Agreement", portant sur la libération de certains actifs mis en gage par la précitée à titre de sûretés, à la suite de la vente des deux obligations précitées.

Toujours le 19 janvier 2023, B______ et A______ ont signé un contrat de "Share Peldge Agreement" portant sur la mise en gage par cette dernière en faveur de la première nommée d'actions de A______/P______, société du [Groupe] A______, en vue de garantir lesdites obligations. Ces actions ont été déposées auprès d'un cabinet d'avocats genevois, selon contrat conclu le même jour ("Escrow Agreement").

j. A______ s'est acquittée du paiement des intérêts sur les obligations en septembre 2023.

Elle a réglé partiellement le paiement des intérêts sur les obligations en septembre 2024.

En raison d'un manque de liquidités, elle n'a pas été en mesure de rembourser le capital à l'échéance des obligations fixée le 2 septembre 2024.

Avec l'accord des obligataires, l'échéance de paiement a été prolongée au
2 décembre 2024.

k. Entre novembre 2024 et mars 2025, en vue de l’assainissement du [Groupe] A______, de nombreuses discussions ont eu lieu entre A______ et l’ensemble des créanciers obligataires, dont B______.

Il est admis tant par A______ que par B______ que des discussions très avancées sont intervenues, lesquelles n’ont finalement pas abouti. Les précitées divergent toutefois sur les raisons pour lesquelles un accord n’a pas été conclu. Selon A______, les conditions proposées par B______ n’étaient pas acceptables, dans la mesure où tous les créanciers devaient être mis sur un pied d’égalité. Pour B______, l’absence d’accord découlait non pas des termes et conditions proposés mais d’une mesure de représailles, en raison de la saisine du Tribunal de première instance d’une requête de faillite sans poursuite préalable à l’encontre de A______.

l. Par courrier du 13 mars 2025, B______ a mis en demeure A______ de procéder au remboursement de quatre Notes, correspondant à un montant en capital et intérêts de 21'591'666 fr. 67.

m. Le 25 mars 2025 s'est tenue une première assemblée des créanciers obligataires afin de discuter de l'opportunité de notifier un avis des défauts ("Default Notice"). Tous les représentants des obligations étaient présents. Plusieurs possibilités ont été évoquées, soit en premier lieu l’échange des obligations contre de nouvelles obligations Q______, d’une société luxembourgeoise (R______). Les conditions générales de l’obligation Q______ ont été distribuées à chaque obligataire. Il a également été fait mention de l’échange des obligations contre des actions de D______ et de l’échange des obligations dans le cadre d’un nouveau prêt.

Par 16 voix contre, 4 abstentions et 4 voix pour, il a été décidé de ne pas procéder à la notification d’un avis des défauts.

n. Le 30 mars 2025, le conseil de B______ a transmis à S______, directeur général et président du [Groupe] A______, un projet de convention concernant le règlement des Notes émises par A______ en septembre 2022, prenant en compte les indications fournies à ce sujet lors de l’assemblée des créanciers du 25 mars 2025. Ce projet avait pour but de donner davantage de temps au [Groupe] A______ pour payer les montants dus à B______, en contrepartie de l’octroi de garanties sur des actifs immobiliers détenus par T______ SA ainsi que des garanties personnelles.

o. Le 7 avril 2025, une seconde assemblée des créanciers s'est tenue. L'ordre du jour portait sur la discussion et le vote des mesures à prendre conformément à l'art. 1170 CO, soit un moratoire sur les intérêts pendant trois ans et/ou la diminution du taux d'intérêts à 8% par an, et/ou le report de trois ans de la date de remboursement, avec la possibilité de compenser la créance avant ce délai, la renonciation totale ou partielle à une garantie fournie pour l'émission de notes, les mesures pouvant être combinées.

Selon le procès-verbal de l'assemblée, les 28 obligations, représentant
140 millions de francs suisses, ont été représentées. Selon le registre ("Schedule 2") du 3 février 2025, annexé audit procès-verbal, H______ détenait quatre obligations, I______ trois obligations, S______ une obligation, K______ LTD sept obligations, L______ deux obligations, B______ quatre obligations, O______ SA trois obligations et U______ LIMITED quatre obligations.

Les propositions de mesures ont été acceptées (vingt-et-une voix pour et sept voix contre).

Lors de cette assemblée, B______ a relevé qu’une assemblée des obligataires convoquée pour prendre des décisions prévues par l’art. 1170 CO devait, en vertu de la loi, faire l’objet d’un acte authentique. Elle a également fait valoir que l’assemblée ne se tenait pas valablement, la double convocation dans la FOSC, conformément à l’art. 1 al. 1 de l’Ordonnance de 1949 et aux art. 1156 ss CO, n’ayant pas été faite.

p. Le 26 mars 2025, B______ a saisi le Tribunal de première instance d'une requête de faillite sans poursuite préalable de A______ (cause C/1______/2025).

Les parties ont déposé des pièces. A l'audience du Tribunal du 8 mai 2025,
A______ a déposé une réponse écrite. Les parties ont été entendues et le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

Par jugement JTPI/6718/2025 du 2______ 2025, le Tribunal a débouté B______ de ses conclusions, motif pris de ce qu'en application de l'art. 1166 al. 1 CO, il était sursis à l'exercice des droits exigibles des créanciers de l'emprunt dès que la convocation de l'assemblée des créanciers était régulièrement publiée, intervenue le ______ 2025 pour le 10 juin 2025 (cf. let. r ci-après).

q. Par courrier du 29 avril 2025, B______, invitée à commenter le projet de procès-verbal de l’assemblée des créanciers du 7 avril 2025, a communiqué au notaire que celui-ci indiquait à tort que les Notes constituaient un emprunt obligataire.

Elle en a fait de même par courrier du 2 juin 2025.

r. Une première convocation à une assemblée des créanciers fixée le 10 juin 2025 a été publiée dans la FOSC du ______ 2025, précisant l'ordre du jour, soit la constitution de l'assemblée (point 1), l'élection du Président de l'assemblée
(point 2), la discussion et le vote sur les mesures à prendre conformément à
l'art. 1170 CO (point 3), vote unique (point 3.1) ou vote séparé (point 3.2), sur la réduction du taux d'intérêts à 8% par an (art. 1170 al. 1 ch. 3 CO) (let a), l'ajournement pendant deux ans du terme de remboursement, avec possibilité de compenser la créance avant ce terme (art. 1170 al. 1 ch. 5 CO) (let. b) et la renonciation totale à une sûreté garantissant l'emprunt (art. 1170 al. 1 ch. 7 CO) (let. c).

La convocation précisait qu'étaient visés les détenteurs des "obligations d'une valeur nominale de CHF 5'000'000.00 chacune, émises le 2 septembre 2022 pour une durée de deux ans, avec une valeur totale de l'émission de CHF 140'000'000".

Le contexte des mesures proposées est ainsi rédigé : "Le 2 septembre 2022,
A______ a émis des obligations de valeur nominale de CHF 5'000'000, pour un montant total de CHF 140'000'000. Depuis lors, A______ a été confrontée à des difficultés de liquidités dues à des facteurs externes, notamment l'inflation élevée et la volatilité des marchés déclenchée par le conflit en Ukraine, ainsi qu'à des difficultés internes résultant de l'acquisition de D______. Malgré ces difficultés, A______ a entrepris d'importantes mesures de restructuration, comprenant la cession des activités non essentielles du groupe et la nomination d'une nouvelle direction. Afin de compléter son projet de redressement, A______ doit alléger le poids des remboursements du capital et des intérêts prévus par les conditions des obligations. A______ compte, grâce aux mesures qui seront adoptées lors de l'assemblée, valoriser progressivement la riche base d'actifs du groupe afin de surmonter les défis actuels".

s. L'ensemble des créanciers a été convoqué par lettre recommandée du
27 mai 2025.

Une seconde publication de la convocation à l'assemblée est parue dans la FOSC le 28 mai 2025.

t. L'assemblée des créanciers s'est tenue le 10 juin 2025 en présence de
Me V______, notaire.

Le procès-verbal de l'assemblée a été dressé par acte notarié le 9 juillet 2025. Etaient présents à l'assemblée, respectivement représentés, H______, S______, O______ SA, L______, B______, et U______ LIMITED. Leurs obligations respectives étaient au nombre de 18, d'une valeur nominale de 5'000'000 fr. A______ était également présente et détentrice de sept obligations, sans droit de vote.

Selon le registre des obligations ("Schedule 2") du 10 juin 2025, annexé audit procès-verbal (annexe 1), H______ détenait quatre obligations, S______ une obligation, K______ LTD sept obligations, A______ sept obligations, L______ deux obligations, B______ quatre obligations, O______ SA trois obligations et U______ LIMITED quatre obligations. La première partie du registre fait mention de 28 obligations, d'une valeur nominale de 5'000'000 fr., représentant un capital de 140'000'000 fr. La seconde partie, détaillant les obligataires, mentionne 25 obligations, représentant 125'000'000 fr.

La liste des participants (annexe 2) comporte les noms des obligataires, de leur(s) représentant(s), de même que leur adresse, soit ceux de H______, S______, O______ SA, U______ LIMITED, B______, L______ et F______ (Paying Agent). Elle a été signée par les deux premiers nommés et par les représentants des quatre sociétés. F______ n'était pas présente.

Dite liste ne mentionne pas le montant des obligations représentées par chaque participant.

Lors de l'assemblée, un exemplaire du bilan pour l'exercice fiscal 2024 a été remis à chacun des créanciers. W______, organe de révision de
A______, a confirmé que le bilan était exact et conforme au droit comptable, ainsi qu’aux statuts de la précitée. Le bilan correspondait à celui qui serait inclus dans son rapport d’audit des comptes annuels statutaires de l’exercice 2024.

B______ a contesté qu'il s'agisse d'un bilan audité; il ne différait pas de l'estimation de clôture 2024 (Landing Estimate).

Lors de la discussion sur les mesures à prendre conformément à l'art. 1170 CO, B______ s'est enquise des raisons pour lesquelles I______ ne participait pas à l'assemblée. Il a été indiqué que les trois Notes détenues par cette dernière avaient été remboursées et que l'accord relatif à cette transaction était confidentiel. A______ avait également racheté sept Notes détenues par K______ LTD.

D'abord par vote unique portant sur les trois mesures proposées (réduction du taux d'intérêts à 8% par an, ajournement pendant deux ans du terme de remboursement, avec possibilité de compenser la créance avant ce terme et renonciation totale à une sûreté garantissant l'emprunt), puis par vote séparé sur chaque mesure,
celles-ci ont été approuvées (14 voix en faveur, 4 voix contre et 0 abstention), selon déclaration du « président » de l’assemblée.

B______ a contesté la régularité de la réduction du capital en circulation de
140 millions à 125 millions de francs, résultant du prétendu rachat des obligations de I______ et de K______ LTD. Elle a également contesté la validité des votes.

u. Le 10 juillet 2025, A______ a saisi la Chambre civile de la Cour de justice d'une requête en approbation des décisions prises par l'assemblée générale des créanciers obligataires.

Elle a conclu à l'approbation, principalement en bloc, subsidiairement séparément et indépendamment les unes des autres, des trois décisions prises lors de l'assemblée générale des créanciers obligataires du 10 juin 2025 conformément aux points 3.1 et 3.2 de l'ordre du jour, soit la réduction du taux d'intérêts à 8% l'an (art. 1170 al. 1 ch. 3 CO), l'ajournement pendant deux ans du terme de remboursement, avec possibilité de compenser la créance avant ce terme
(art. 1170 al. 1 ch. 5 CO) et la renonciation totale à une sûreté garantissant l'emprunt (art. 1170 al. 1 ch. 7 CO).

Elle a allégué que, le 8 avril 2025, K______ LTD avait cédé ses sept obligations à R______ SA, selon un "Subscription Agreement" conclu le même jour et que, le même jour, la précitée avait cédé lesdites obligations à A______. Le 9 juin 2025, I______, souhaitant sortir de la communauté des obligataires, avait conclu un "Term Loan Agreement" avec A______ à laquelle elle avait remis ses trois obligations. Dites obligations avaient été annulées.

Les contrats précités n'ont pas été versés à la procédure.

En raison d'un manque de liquidités, A______ a ajouté qu’elle n'avait pas été en mesure de rembourser le capital à son échéance et n'avait que partiellement payé les intérêts en septembre 2024. Au 31 décembre 2024, elle disposait de liquidités s'élevant à 108'570 fr. et ses dettes à court terme portant intérêt s'élevaient à 292'198'329 fr. Ses capitaux propres, de 364'453'538 fr., ne palliaient pas la pénurie de liquidités à court terme.

A______ a allégué que l'ensemble des créanciers obligataires représentant 90'000'000 fr. (soit 140'000'000 fr. sous déduction de 15'000'000 fr. de titres annulés et 35'000'000 fr. de titres en mains de l'emprunteur) avait été présent ou valablement représenté à l'assemblée. Les obligataires représentant 70 millions sur un total de 90 millions de capital en circulation avec droit de vote avaient accepté la proposition figurant au point 3 de l'ordre du jour, soit la réduction du taux d'intérêts à 8% par an (let a), l'ajournement pendant deux ans du terme de remboursement, avec possibilité de compenser la créance avant ce terme (let. b) et la renonciation totale à une sûreté garantissant l'emprunt (let. c), par vote en bloc puis par vote séparé.

A______ a enfin fait valoir qu'elle détenait une participation substantielle dans D______, laquelle bénéficiait d'une situation financière solide, le total de ses actifs s'élevant à plus de 644 millions de francs suisses.

v. La Cour a cité les créanciers obligataires à comparaître à une audience fixée au 1er octobre 2025, par publication dans la FOSC du ______ 2025.

A______ a été citée à comparaître par pli recommandé du même jour.

w. Par déterminations écrites du 29 septembre 2025, B______ a pris des conclusions tendant au rejet de la requête, sous suite de frais.

Elle a fait valoir que A______ était actuellement débitrice de la totalité de l’emprunt, d’un montant de 23'191'666 fr. 65, soit 20'000'000 fr. de montant principal et 3'191'666 fr. 65 d’intérêts impayés depuis le 2 septembre 2024. La précitée se trouvait en situation de cessation de paiement.

B______ a soutenu que A______ avait racheté et remboursé certaines Notes de manière sélective, en violation du principe d’égalité de traitement des créanciers, quelques jours avant l’assemblée des créanciers obligataires. Par ailleurs, lors de ladite assemblée, la majorité des deux tiers du capital en circulation n’avait pas été atteinte. B______ s’est également plainte de l’absence de fourniture d’un état de situation financière aux créanciers lors de l’assemblée. Par ailleurs, A______ commettait un abus de droit en prétendant que l’emprunt contracté en 2022 constituait une émission obligataire au sens des art. 1157 ss CO, dès lors qu’elle l’avait expressément nié, lors des deux assemblées des créanciers des 7 avril et 10 juin 2025. Enfin, les décisions relatives à la suppression du droit de gage, de même que la faculté de compenser les montants dus à certains détenteurs de Notes mais non à d’autres, n’étaient pas des mesures indispensables pour remédier à la situation financière de A______ et ne sauvegardaient pas adéquatement les intérêts communs des détenteurs des Notes.

Elle a versé des pièces.

x. A l'audience de la Cour du 1er octobre 2025, A______ a persisté dans ses conclusions.

Elle a produit un chargé de pièces complémentaires, comprenant notamment la traduction des pièces ordonnée par la Cour.

Elle a indiqué que le registre des obligations avait été actualisé, avec l’approbation de l’agent payeur, à chaque modification de titulaire d’une obligation.

Au titre des créanciers obligataires était présent B______. Elle s’est plainte de l’absence d’accès au dossier de la Cour et a soutenu qu’elle n’avait pas pu défendre efficacement ses intérêts.

Malgré plusieurs demandes faites à A______, elle n’avait pas reçu d’informations de cette dernière relatives aux critères de rachat, respectivement de remboursement de certaines obligations, dont elle a contesté la régularité. A son sens, l’intégralité de la procédure de vote était viciée ; tel était également le cas du décompte des votes lors de l’assemblée des créanciers. Se référant au
procès-verbal de l’assemblée, elle a noté qu’il n’avait pas été fait état de ce que la majorité des deux tiers aurait été atteinte, mais de ce que le Président de l’assemblée avait retenu que tel était le cas.

B______ a requis que la Cour instruise la question du rachat et du remboursement des obligations. Ces dernières devaient être réintégrées dans la communauté des créanciers.

A______ a contesté toute irrégularité. Chaque créancier s’était vu proposer des possibilités de restructuration des prêts, notamment le remboursement des obligations. Certains créanciers avaient opté pour lesdites possibilités, ce qui n’avait pas été le cas de B______.

B______ a contesté que la proposition ait visé le remboursement des obligations ; il s’agissait en réalité d’augmenter son exposition financière.

S______ a déclaré qu’en vue de l’assainissement du [Groupe] A______, plusieurs possibilités avaient été offertes aux créanciers en vue de restructurer la dette. De nombreuses discussions étaient intervenues entre novembre 2024 et mars 2025 avec B______. Les conditions que cette dernière avait proposées n’étaient pas acceptables, tous les créanciers devant être mis sur pied d’égalité. Les discussions n'avaient donc pas abouti.

B______ a exposé qu’un accord n’avait pas pu être conclu, non pas en raison des termes et conditions proposées mais en raison de représailles à la suite du dépôt de la requête de faillite.

Les conseils de A______ et de B______ ont plaidé.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1.             1.1 Selon l'art. 1176 al. 1 CO, les décisions restreignant les droits des créanciers (obligataires) n'ont d'effet que si elles ont été approuvées par l'autorité concordataire cantonale supérieure en matière de concordat.

Le débiteur les soumet à l'approbation de cette autorité dans le mois à compter du jour où elles ont été prises (art. 1176 al. 2 CO).

La date prévue pour délibérer à ce sujet est publiée et les obligataires sont avisés qu’ils pourront présenter leurs observations par écrit ou, au cours de la discussion, aussi de vive voix (art. 1176 al. 3 CO).

1.2 La chambre civile de la Cour de justice exerce les compétences que la législation fédérale attribue à l'autorité supérieure en matière de concordat
(art. 120 al. 1 let. b LOJ).

Le Tribunal ou l'autorité du domicile ou du siège du requérant sont impérativement compétents pour statuer sur les affaires relevant de la juridiction gracieuse (art. 19 CPC).

Selon la doctrine, la requête prévue par l'art. 1176 CO relève de la juridiction gracieuse (Zufferey/Bechaalany, Commentaire romand, Code des obligations II, 3ème édition, 2024, n. 6 ad art. 1176-1179 CO; Reuter/Steinmann, Basler Kommentar, Wertpapierrecht, 1ère éd., 2012, n. 6 ad art. 1176 CO; Abbet, BlSchK 2020, p. 207).

1.3 Déposée auprès de l'autorité compétente et dans le délai d'un mois prévu par la loi, la requête en approbation des décisions prises par les créanciers obligataires est recevable à la forme.

1.4 La citation à l'audience de la Cour de céans du 1er octobre 2025 a été publiée dans la FOSC du ______ 2025.

La requérante a été citée par pli recommandé du même jour.

2. 2.1 Selon l'art. 1 let. a et b CPC, le Code de procédure civile règle la procédure applicable devant les juridictions cantonales aux affaires civiles contentieuses et aux décisions judiciaires de la juridiction gracieuse.

La jurisprudence définit la procédure contentieuse comme une procédure visant "à provoquer une décision sur les rapports de droit et qui se déroule en contradictoire devant un juge ou toute autre autorité ayant un pouvoir de statuer entre deux personnes physiques ou morales agissant comme sujet de droit ou entre une telle personne et une autorité à laquelle la loi confère la qualité de partie"
(ATF 
124 III 463 consid. 3a). Selon une autre définition, est contentieuse toute procédure qui tend à statuer sur un rapport de droit entre deux ou plusieurs sujets de droit ou sur un droit à l'égard de quiconque, notamment l'état d'une personne, cela afin de le régler définitivement ou durablement, donc avec l'autorité de la chose jugée (Poudret/Sandoz, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, Tome II, 1990, p. 6; Haldy, Commentaire romand, CPC, 2ème éd. 2019, n. 9 ad art. 1 CPC).

La juridiction gracieuse se définit négativement par rapport à cette définition (Haldy, op. cit., n. 10 ad art. 1 CPC). Relève de cette juridiction tout acte de l'autorité pour la création, la constatation, la modification, l'extinction ou, le plus souvent, la protection de droits privés en l'absence de contestation, hors d'une procédure contentieuse (Poudret/Sandoz, op. cit., p. 4).

La présente cause est donc de nature non contentieuse et elle n’est pas contradictoire. Il s’ensuit que la seule partie à la procédure est la requérante.

2.2 La présente cause relève de la procédure gracieuse et est donc soumise à la procédure sommaire (art. 248 let. e CPC); il s'agit d'une procédure sommaire atypique; la cognition du juge n'est pas limitée à la vraisemblance et la décision rendue est définitive, c'est-à-dire qu'elle est revêtue de l'autorité de la chose jugée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_143/2013 du 30 septembre 2013 consid. 2.3; Message relatif au code de procédure civile suisse (CPC) du 28 juin 2006,
FF 2006 6957 chiffre 5.17; Hohl, Procédure civile, tome II, 2 e éd. 2010, p. 288).

Dans les procédures relevant de la juridiction gracieuse, le tribunal établit les faits d'office (art. 255 let. b CPC).

Selon la jurisprudence et la doctrine, l’art. 255 let. b CPC prévoit une maxime inquisitoire simple ou sociale (arrêts du Tribunal fédéral 5A_823/2023 du
5 mars 2024 consid. 3.3 ; 5A_636/2018 du 8 octobre 2018 consid. 3.3.2; 4A_51/2016 du 11 octobre 2016 consid. 4.1 ; Hohl, op. cit., n. 1167).

L'obligation du juge d'établir d'office les faits ne dispense pas les parties de collaborer activement à la procédure, de renseigner le juge sur les faits pertinents de la cause et de lui indiquer les moyens de preuve propres à les établir
(ATF 141 III 294 consid. 6.1; 139 III 278 consid. 4.3). 

2.3 Seule est donc partie à la présente procédure gracieuse la requérante.

2.4 La créancière B______ se plaint d’une violation de son droit d’être entendue, dès lors qu’elle n’a pas pu accéder au dossier.

2.4.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit d'avoir accès au dossier (ATF 143 V 71 consid. 4.1; 142 II 218
consid. 2.3; 139 II 489 consid. 3.3; 139 I 189 consid. 3.2; 138 I 484
consid. 2.1; 138 I 154 consid. 2.3.3; 137 I 195 consid. 2.3.1135 I 279 consid. 2.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_699/2021 du 21 décembre 2021 consid. 3.1; 5A_923/2018 du 6 mai 2019 consid. 4.2.1).

2.4.2 En l’espèce, B______ a été valablement convoquée à l’assemblée des créanciers du 10 juin 2025 (cf. infra consid. 5.8.1) et a participé à celle-ci. Elle a voté sur les trois mesures proposées par la requérante. Elle a pour le surplus reçu un exemplaire du procès-verbal de l’assemblée, après avoir pu faire valoir ses commentaires. B______ a dès lors connaissance tant des décisions prises lors de l’assemblée, qui restreignent les droits des créanciers, que des indications et votes intervenus à cette occasion.

La présente procédure porte sur l’approbation des décisions prises lors de l’assemblée des créanciers précitée.

B______ n’ayant pas la qualité de partie, elle n’a pas accès à la procédure.

La publication à l’audience fixée par la Cour rappelle que, conformément à l’art. 1176 al. 3 CO, les obligataires peuvent présenter leurs observations par écrit ou, au cours de la discussion, aussi de vive voix. B______ a déposé ses déterminations écrites, accompagnées de pièces, le 29 septembre 2025. Elle était présente à l’audience du 1er octobre 2025 devant la Cour et a pu faire valoir ses observations également de vive voix.

Le droit de B______ de faire valoir ses observations, conformément à la loi, a dès lors été respecté.

3. B______ conteste la régularité du rachat, respectivement du remboursement des obligations de I______ et de K______ LTD. Elle requiert que la Cour instruise les critères sur lesquels la requérante s’est fondée pour racheter, respectivement rembourser lesdites obligations.

3.1 Conformément à l'art. 316 al. 3 CPC, l'instance d'appel peut librement décider d'administrer des preuves. Le droit à la preuve, comme le droit à la contre-preuve, découlent de l'art. 8 CC ou, dans certains cas, de l'art. 29 al. 2 Cst., dispositions qui n'excluent pas l'appréciation anticipée des preuves. L'instance d'appel peut en particulier refuser une mesure probatoire en procédant à une appréciation anticipée des preuves, lorsqu'elle estime que le moyen de preuve requis ne pourrait pas fournir la preuve attendue, à savoir lorsqu'il ne serait pas de nature à modifier le résultat des preuves qu'elle tient pour acquis (ATF 138 III 374
consid. 4.3.1. et 4.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_228/2012 consid. 2.3 et 5A_906/2012 du 18 avril 2013 consid. 5.1.2).

3.2 En l’espèce, B______ soutient qu’en application de l’art. 1174 al. 3 CO, l’égalité entre les créanciers n’ayant pas été respectée, du fait des rachat/remboursement des obligations, celles-ci devaient être réintégrées dans la communauté des obligataires. A son sens, 28 détenteurs d’obligations auraient dû prendre part au vote lors de l’assemblée des créanciers, et non seulement 18. Comme cela sera examiné ci-après, l’art. 1174 al. 3 CO n’est pas applicable en l’espèce (cf. infra consid. 5.8.2). Par ailleurs, le notaire chargé d’instrumenter le procès-verbal a, se fondant sur le registre des obligations, dont il n'est pas allégué qu’il serait faux ou en contradiction avec la réalité, vérifié la présence des créanciers obligataires et le nombre d’obligations dont ils étaient titulaires. Contrairement à ce que fait valoir B______, il n’appartenait pas au notaire de procéder à un « contrôle matériel » des obligations, ni de la validité des cessions intervenues.

Il n’est pour le surplus pas nécessaire d’instruire les conditions dans lesquelles lesdites cessions sont intervenues, compte tenu des considérants qui vont suivre.

4. B______ soutient que la requérante commettrait un abus de droit en qualifiant les Notes d’obligations et en se prévalant par conséquent des articles 1157 ss CO.

4.1 Lorsque les obligations d’un emprunt pour lequel des conditions uniformes ont été adoptées sont émises, directement ou indirectement, à la suite d’une souscription publique, par un débiteur ayant en Suisse son domicile ou un établissement industriel ou commercial, les créanciers constituent, de plein droit, une communauté (art. 1157 al. 1 CO).

Le législateur n’a pas donné de définition légale des obligations d’un emprunt. Selon la doctrine, les diverses définitions qu’on en trouve en jurisprudence et en doctrine sont très convergentes: l’emprunt par obligation est un prêt d’un montant élevé, divisé en tranches émises à des conditions uniformes, sur la base desquelles l’émetteur conclut des contrats particuliers et indépendants avec de nombreux prêteurs (Zufferey/Bechaalany, op. cit., n. 60 ad Intro. art.1156-1186 CO).

La liberté contractuelle valant aussi dans le domaine des émissions, il est par principe possible d’assujettir un emprunt aux conditions des art. 1157 ss CO. Une telle solution doit cependant être prévue à l’avance et intégrée dans les conditions de l’emprunt. Une reprise de tout ou partie du texte des art. 1157 al. 2 à 1186 CO est nécessaire, ou tout au moins un renvoi exprès et ciblé à ces dispositions (Zufferey/Bechaalany, op. cit., n. 10 ad art. 1157 CO).

4.2 En l’espèce, l’annexe 1 du NPA prévoit l’application des art. 1157 ss CO, notamment en cas de défaut de paiement du débiteur. Les parties au NPA avaient donc convenu que les papiers-valeur qui seraient émis étaient des obligations.

Ainsi, les art. 1157 ss CO sont applicables au présent cas.

Il sera par ailleurs relevé que lors de l’assemblée des créanciers du 7 avril 2025, B______ s’est expressément référée aux conditions légales relatives à la convocation et à la tenue d’une assemblée des créanciers obligataires au sens des art. 1157 ss CO. Son comportement, visant tant à requérir l’application des règles strictes prévues par les dispositions précitées, tout en soutenant que les titres ne seraient pas des obligations, est contraire aux règles de la bonne foi.

5. La requérante requiert l'approbation des décisions prises par l'assemblée générale des créanciers obligataires du 10 juin 2025.

5.1 La communauté des créanciers peut recourir, dans les limites de la loi, à toutes mesures utiles pour la défense des intérêts communs, notamment si le débiteur se trouve dans une situation critique (art. 1164 al. 1 CO). Les décisions de la communauté sont prises par l’assemblée des créanciers et sont valables si elles satisfont aux conditions générales ou spéciales établies par la loi (art. 1164
al. 2 CO).

Des propositions visant les mesures prévues à l’art. 1170 CO ne peuvent être faites par le débiteur et discutées par l’assemblée des créanciers que sur la base d’un état de situation au jour de sa réunion ou d’un bilan remontant à six mois au plus, régulièrement dressé et certifié exact par l’organe de révision, s’il y en a un (art. 1175 CO).

5.2 L’assemblée des créanciers est convoquée par un avis publié au moins deux fois dans la Feuille officielle suisse du commerce et dans les feuilles publiques indiquées dans les conditions de l’emprunt. Le deuxième avis doit paraître au moins dix jours avant la date fixée pour l’assemblée (art. 1 al. 1 de l'Ordonnance sur la communauté des créanciers dans les emprunts par obligations – RS 221.522.1 ; ci-après : l’Ordonnance).

Les créanciers dont les obligations sont nominatives sont convoqués en outre par lettre recommandée, au moins dix jours d’avance (art. 1 al. 2 de l'Ordonnance).

Ne peuvent participer aux délibérations et aux votations que les personnes ayant justifié de leur droit de vote auprès de l'officier public appelé à dresser l'acte authentique (art. 3 al. 1 de l'Ordonnance).

Il doit être dressé une liste des participants à l’assemblée des créanciers. Cette liste indiquera le nom et le domicile des personnes ayant droit de vote et, le cas échéant, de leurs représentants, ainsi que le montant des obligations représentées par chaque participant (art. 4 al. 1 et 2 de l'Ordonnance).

Toute décision prise par l'assemblée des créanciers doit faire l'objet d'un acte authentique. La liste des participants doit figurer dans l'acte authentique ou lui être jointe avec les pièces (art. 6 al. 1 et 2 de l'Ordonnance).

Il y a formalisme excessif, prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst., lorsque des règles de procédure sont appliquées avec une rigueur que ne justifie aucun intérêt digne de protection, au point que la procédure devient une fin en soi et empêche ou complique de manière insoutenable l'application du droit. L'excès de formalisme peut se manifester dans la règle de comportement qui est imposée au plaideur ou dans la sanction qui est attachée à cette règle (ATF 132 I 249 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1006/2017 du 5 février 2018 consid. 3.1).

5.3 Une majorité des deux tiers au moins du capital en circulation est nécessaire pour que des décisions valables puissent être prises sur les objets suivants
(art. 1170 al. 1 CO) :

- la réduction du taux de l’intérêt jusqu’à la moitié du taux stipulé dans les conditions de l’emprunt ou le remplacement d’un intérêt fixe par un intérêt dépendant du résultat des affaires, dans les deux cas pour dix années au plus, avec possibilité de prolongation pour cinq ans au plus (ch. 3)

- l’ajournement pendant dix années au plus des termes de remboursement, soit pour un emprunt échu ou venant à échéance dans le délai de cinq ans, soit pour des fractions de cet emprunt, avec possibilité de prorogation pour cinq ans au plus (ch. 5)

- la constitution d’un gage avec droit de priorité en faveur de nouveaux capitaux versés à l’entreprise, la modification des sûretés garantissant un emprunt ou la renonciation totale ou partielle à ces sûretés (ch. 7).

Les mesures peuvent être combinées (art. 1170 al. 2 CO).

Selon la doctrine, l’art. 1170 CO exige une majorité d’au moins deux tiers du capital-emprunt en circulation, soit toutes les obligations émises (et non du capital représenté à l'assemblée), pour les décisions énumérées aux ch. 1 à 9 (Zufferey/Bechaalany, Commentaire romand, Code des obligations II, 3ème édition, 2024, n. 9 et 10 ad art. 1170 CO; Reuter/Steinmann, op. cit., n. 1 ad art. 1170 CO; Philippin, Droit commercial, JdT 2012 II, p. 126; Philippin, Emprunts par obligations, not@lex 2012, p. 158; Lombardini, Droit bancaire suisse, Le rapport de l'émetteur avec les porteurs d'obligations, 2008, n. 141).

Par ailleurs, les deux tiers des obligations émises (capital en circulation) doivent être présentes par le truchement de leur propriétaire ou de leur bénéficiaire
(art. 1167 CO), respectivement du représentant de ces derniers (art. 1168 CO) pour procéder au vote (Zufferey/Bechaalany, op. cit., ibid).

Si une combinaison de mesures est proposée au sens de l'art. 1170 al. 2 CO, c’est cet ensemble qui devra respecter les exigences de quorum et de majorité qualifiée, faute de quoi aucune des mesures n’aura de validité individuelle (Zufferey/Bechaalany, op. cit., n. 10 ad art. 1170 CO).

Selon l’art. 1172 al. 1 CO, les obligations qui ne confèrent pas le droit de vote n’entrent pas en ligne de compte pour le calcul du capital en circulation.

Les obligations dont le débiteur est propriétaire ou usufruitier ne confèrent pas le droit de vote. Toutefois, lorsque des obligations appartenant au débiteur sont mises en gage, le créancier gagiste conserve le droit de vote (art. 1167 CO).

5.4 Conformément à l’art. 1176 al. 1 CO, l’approbation ne peut être refusée que dans les cas suivants: 1. si les prescriptions relatives à la convocation de l’assemblée et aux conditions que doivent remplir les décisions de celle-ci ont été violées; 2. si la décision prise pour remédier à une situation critique du débiteur n’était pas indispensable; 3. si les intérêts communs des obligataires ne sont pas suffisamment sauvegardés; 4. si la décision est intervenue d’une manière illicite (art. 1177 CO).

Selon la doctrine, le chiffre 1 de l'art. 1177 CO vise la violation des prescriptions (avant tout formelles) relatives à la convocation de l’assemblée (art. 1165 CO) ainsi qu’aux conditions à remplir pour que les décisions qu’elle prend soient valables (art. 1177 al. 1 CO), que ce soit les conditions légales (art. 1164 et
1167 ss CO ainsi que les dispositions de l’ordonnance sur la communauté des créanciers) ou les conditions qui figurent dans le prospectus. La violation des conditions formelles relatives à la prise de décision de l’assemblée conduit impérativement au refus de l’approbation; il en va en effet de la protection des créanciers minoritaires (Zufferey/Bechaalany, op. cit., n. 11 ad art. 1176-1179 CO).

Si la majorité spéciale prévue par l'art. 1170 CO n'est pas atteinte, les décisions prises ne sont pas valables (Zufferey/Bechaalany, op. cit., n. 14 ad art. 1170-1175 CO).

II y a «situation critique», au sens de l’art. 1177 ch. 2 CO, si le débiteur n’est plus en mesure de rembourser l’emprunt au moyen de ses fonds propres, même partiellement, en capital et intérêts; le risque qu’une telle circonstance se produise suffit déjà (Abbet, BlSchK 2020 p. 207).

L'art. 1177 CO s'interprète restrictivement (Zufferey/Bechaalany, op. cit., n. 9 ad art. 1176-1179 CO; Philippin, Droit commercial, JdT 2012 II, p. 126; Philippin, Emprunts par obligations, not@lex 2012, p. 158). Le libellé des cas que le législateur a visés laisse un pouvoir d'appréciation certain à l'autorité (Zufferey/Bechaalany, op. cit., n. 9 ad art. 1176-1179 CO). Cette dernière peut toutefois également vérifier l'opportunité matérielle objective de la décision. L'autorité peut refuser l'approbation requise quand bien même aucun créancier ne s'y opposerait concrètement (Phillipin, Droit commercial, JdT 2012 II, p. 126; Philippin, Emprunts par obligations, not@lex 2012, p. 158).

5.5 Le débiteur peut émettre des droits-valeurs simples ou remplacer par de tels droits-valeurs des papiers-valeurs fongibles ou des certificats globaux conservés par un même dépositaire, pour autant que les conditions de l’émission ou ses statuts le prévoient ou que les déposants aient donné leur consentement
(art. 973c al. 1 CO).

Le transfert des droits-valeurs exige une cession écrite (art. 973c al. 4 CO).

Le transfert du droit-valeur simple s’effectue par cession (art. 164 ss CO). Celle-ci nécessite une déclaration de cession écrite (art. 165 al. 1 CO). Les dispositions sur le transfert des papiers-valeurs (art. 967 ss CO) ne s’appliquent pas aux
droits-valeurs simples. Alors que l’inscription au registre des droits-valeurs est constitutive en ce qui concerne leur création, elle n’a pas d’effet constitutif en lien avec leur cession (Bohnet/Hänni, Commentaire Romand, Code des obligations II, 3ème édition, 2024, n. 23 ad art. 973c CO).

5.6 Les décisions de caractère obligatoire doivent avoir le même effet pour tous les créanciers d’une communauté, sauf l’adhésion expresse de ceux qui seraient traités plus défavorablement que les autres (art. 1174 al. 1 CO).

Sont nulles les assurances données ou les attributions faites à certains créanciers au détriment des autres membres de la communauté (art. 1174 al. 3 CO).

5.7 Lorsque deux personnes sont débitrices l’une envers l’autre de sommes d’argent ou d’autres prestations de même espèce, chacune des parties peut compenser sa dette avec sa créance, si les deux dettes sont exigibles
(art. 120 al. 1 CO).

La compensation exige un rapport de réciprocité entre deux personnes, qui doivent être à la fois débitrices et créancières l’une de l’autre (Jeandin/Hulliger, Commentaire Romand, CO I, n. 2 ad art. 120 CO).

La compensation révèle des vertus simplificatrices dans les processus de paiement, du fait qu’elle dispense les parties de flux croisés d’espèces ou de choses fongibles (Jeandin/Hulliger, op. cit., n. 2 ad Intro. art. 120-126 CO).

5.8.1 En l'espèce, la requérante a démontré avoir régulièrement convoqué l'assemblée des créanciers obligataires du 10 juin 2025, moyennant double publication dans la FOSC et courriers recommandés aux créanciers obligataires. Les conditions formelles liées à la convocation ont ainsi été respectées.

Conformément à l’art. 6 al. 1 et 2 de l’Ordonnance, les décisions prises par l’assemblée des créanciers obligataires ont fait l’objet d’un acte authentique.

Lors de l’assemblée des créanciers obligataires du 10 juin 2025 a été dressée la liste des participants, telle que prévue par l'art. 4 al. 2 de l'Ordonnance, jointe au procès-verbal notarié. Dite liste ne comporte pas le montant des obligations représentées par chaque participant à l'assemblée ; cela étant, était également joint au procès-verbal le registre des obligations au 10 juin 2025.

Afin d’éviter tout formalisme excessif, il sera considéré que ces deux annexes, lues conjointement, respectent les conditions formelles posées par l’Ordonnance.

Selon B______, le bilan remis aux créanciers obligataires lors de l’assemblée du 10 juin 2025 n’était pas audité, de sorte qu’il ne respectait pas les exigences légales. Les créanciers ne pouvaient pas voter valablement sur les propositions visant les mesures prévues à l’art. 1170 CO. L’art. 1175 CO n’exige toutefois pas, pour qu’il puisse être voté sur lesdites mesures, qu’un bilan audité soit remis aux créanciers obligataires. Seul un état de situation au jour de la réunion ou un bilan remontant à six mois au plus, régulièrement dressé et certifié exact par l’organe de révision, s’il y en a un, est exigé. En l’espèce, un exemplaire du bilan de l’exercice fiscal 2024, établi par l’organe de révision de la requérante, certifié exact et conforme au droit comptable et aux statuts de la société, a été donné, lors de l’assemblée, à chaque créancier obligataire. Ainsi, les conditions posées par l’art. 1175 CO ont été respectées.

5.8.2 La requérante soutient que l'ensemble des créanciers obligataires représentant 90'000'000 fr. (soit 140'000'000 fr. sous déduction de 15'000'000 fr. de titres annulés et 35'000'000 fr. de titres en mains de l'emprunteur) aurait été présent ou valablement représenté à l'assemblée. Selon elle, les obligataires représentant 70 millions sur un total de 90 millions de capital en circulation avec droit de vote avaient accepté la proposition figurant au point 3 de l'ordre du jour, soit la réduction du taux d'intérêt à 8% par an (let a), l'ajournement pendant deux ans du terme de remboursement, avec possibilité de compenser la créance avant ce terme (let. b) et la renonciation totale à une sûreté garantissant l'emprunt (let. c), par vote en bloc puis par vote séparé.

B______ conteste la régularité des changements de titulaire des obligations. Elle soutient que les cessions intervenues entre respectivement K______ LTD et I______, d’une part, et la requérante, d’autre part, seraient nulles au sens de l’art. 1174 al. 3 CO.

Depuis l’émission des obligations en septembre 2022, la titularité de nombreuses obligations a été modifiée. En effet, à titre d’exemple, B______, qui détenait initialement deux obligations, a conclu avec H______ un contrat de cession, portant sur l’acquisition, par la première nommée, de deux obligations propriétés du second. Il résulte également des registres des titres versés à la procédure que N______, propriétaire d’une obligation, l’a cédée, de même que J______ SA, laquelle détenait une obligation. S______ a acquis une obligation entre 2022 et 2025. Les cessions précitées n’ont fait l’objet d’aucune critique ni protestation de B______, qui n’a pas allégué ni rendu vraisemblable qu’elle se serait enquise des conditions desdites cessions.

Contrairement à ce que soutient B______, l’art. 1174 al. 3 CO n’est pas applicable en l’espèce. En effet, cette disposition vise à assurer une égalité de traitement entre l’ensemble des membres de la communauté des obligataires, et non entre ceux-ci et des tiers, dont d’anciens obligataires.

Il est admis tant par la requérante que par B______ que des discussions ont été entamées, entre la requérante et les différents créanciers obligataires depuis l’automne 2024, en vue d’assainir la situation financière de la requérante. Lors de la première assemblée des créanciers obligataires du 25 mars 2025, plusieurs options de restructuration ont été présentées aux créanciers, soit l’échange des obligations contre de nouvelles obligations Q______, l’échange des obligations contre des actions de D______ et l’échange des obligations dans le cadre d’un nouveau prêt. Il est également constant que les pourparlers entre les précitées ont échoué. Les raisons ayant conduit les intéressées à ne pas parvenir à un accord sont sans incidence sur la présente procédure.

Si les contrats de cession conclus notamment entre K______ LTD et I______ n’ont pas été versés à la présente procédure, pour des raisons de confidentialité selon la requérante, B______ n’a fourni aucun indice ni élément probant tendant à éveiller un doute sur les conditions des cessions, soit, à bien la comprendre, des conditions favorables qui auraient été conclues entre les intéressés, qui seraient inéquitables.

Il n’a pas été contesté que l’agent payeur a donné son accord à chaque modification de titulaire d’une obligation, conformément à l’art. 9 de l’annexe 1 du NPA.

En considérant que 25 obligations étaient représentées à l'assemblée, le quorum institué par l'art. 1170 CO a été respecté. Les sept obligations en mains de la requérante sont sans droit de vote, de sorte que seules 18 obligations étaient assorties du droit de vote et composaient le capital en circulation. Les mesures restreignant les droits des créanciers obligataires ont été acceptées par 14 voix pour (4 voix contre). Les créanciers ont voté, d’une part, en bloc sur les mesures proposées, et, d’autre part, sur celles-ci une à une. La majorité qualifiée des deux tiers prévue par l’art. 1170 CO a ainsi été atteinte pour l’ensemble des objets portés au vote.

En conséquence, la Cour retient que les conditions formelles relatives à la prise de décision de l’assemblée (art. 1177 ch. 1 CO) ont été respectées.

5.8.3 B______ soutient que certaines mesures votées lors de l’assemblée des créanciers n’auraient pas été nécessaires. A son sens, prévoir d’avance la possibilité de compenser la créance, avant le terme de remboursement, traduirait une volonté délibérée d’avantager certains créanciers au détriment d’autres. Par ailleurs, la renonciation totale à une sûreté garantissant l’emprunt nuirait aux intérêts des créanciers et la requérante n’aurait pas fourni d’élément justifiant ladite mesure.

Il n’est pas contesté que la requérante a rencontré, à tout le moins depuis 2024, des difficultés de liquidités, dues à des facteurs externes, et des difficultés internes résultant de l'acquisition de D______. Elle a entrepris d'importantes mesures de restructuration, comprenant notamment la cession des activités non essentielles du [Groupe] A______ et la nomination d'une nouvelle direction. Afin de compléter son projet de redressement, il était nécessaire d’alléger le poids des remboursements du capital et des intérêts prévus par les conditions des obligations. B______ ne conteste ni les problèmes financiers de la requérante, ni la nécessité de la prise de mesures en vue d’assainir la situation financière de la précitée.

Concernant la compensation, celle-ci implique que les deux parties concernées soient débitrices l’une de l’autre. On ne voit pas pour quelle raison une telle compensation pourrait avantager l’un des créanciers, dans l’hypothèse où ce dernier serait également débiteur de la requérante. Le mécanisme de la compensation permet également de faciliter les démarches de la requérante en vue de sa restructuration. Cette mesure paraît dès lors nécessaire pour permettre à la requérante de restructurer et d’assainir sa situation.

La renonciation aux sûretés permet au créancier de simplifier une opération d’achat ou de faciliter une transaction en supprimant une restriction sur des biens. Elle permet ainsi à la requérante de les utiliser librement ou de les vendre. Cette simplification est dans l’intérêt tant de la requérante que de celui des créanciers, puisque l’absence de sûreté facilite les discussions entre la requérante et ses débiteurs et allège les transactions et les opérations financières qui étaient précédemment bloquées par les sûretés. Cette mesure paraît dès lors également être nécessaire.

Il n’existe en conséquence aucun motif de refuser, au sens de l’art. 1177 CO qui s’interprète restrictivement, l’approbation des décisions prises par l’assemblée des créanciers obligataires du 10 juin 2025.

5.9 Partant, les décisions prises par l’assemblée générales des créanciers obligataires le 10 juin 2025 seront approuvées.

6. Les frais judiciaires seront arrêtés à 10'000 fr. (art. 26 RTFMC) et mis à la charge de la requérante (art. 1176 al. 4 CO). Ils seront compensés avec l'avance de frais du même montant fournie, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable la requête en approbation des décisions prises par l'assemblée des créanciers introduite le 10 juillet 2025 à la Cour de justice par A______ SA.

Au fond :

Approuve les décisions prises lors de l'assemblée des créanciers obligataires le 10 juin 2025, soit la réduction du taux d'intérêts à 8% l'an, l'ajournement pendant deux ans du terme de remboursement, avec possibilité de compenser la créance avant ce terme et la renonciation totale à une sûreté garantissant l'emprunt.

Déboute A______ SA de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 10'000 fr., compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève.

Les met à la charge de A______ SA.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.