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Décisions | Sommaires

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C/3562/2025

ACJC/1554/2025 du 03.11.2025 sur JTPI/10703/2025 ( SML ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3562/2025 ACJC/1554/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 3 NOVEMBRE 2025

 

Entre

A______, sise ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 17ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 29 août 2025,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé.

 


EN FAIT

A. a. Le 28 avril 1993, l'Office des faillites de C______ (VS) a délivré à la [banque] E______ - devenue par la suite la [banque] A______ (ci-après : A______) - un acte de défaut de biens après faillite n° 1______ pour une créance de 109'137 fr. 60 à l'encontre de B______. Il y était mentionné que le failli reconnaissait la créance. La rubrique "Titre et date de la créance" était remplie comme suit : "solde débiteur au 03.09.1992".

b. Le 11 septembre 2015, B______ a fait l'objet d'une nouvelle faillite prononcée à Genève (faillite n° 2______).

Le 28 septembre 2015, A______ a produit sa créance de 109'137 fr. 60, résultant de l'acte de défaut de biens précité, dans le cadre de cette faillite.

Le 1er juillet 2016, l'Office des faillites a informé A______ que, par jugement du 29 juin 2016, le Tribunal de première instance avait clôturé la faillite de B______ pour défaut d'actif.

c. Le 16 janvier 2025, A______ a fait notifier à B______ un commandement de payer, poursuite n° 3______, portant sur la somme de 109'137 fr. 60, due selon l'acte de défaut de biens du 28 avril 1993, auquel opposition totale a été formée.

d. Par requête du 12 février 2025 formée devant le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), A______ a requis la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer précité, sous suite de frais et dépens.

e. Lors de l'audience tenue devant le Tribunal le 29 août 2025, A______ n'était ni présente ni représentée. Aux termes du procès-verbal de l'audience, B______ a déclaré : "Je persiste dans mes conclusions" (sic).

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

f. Par jugement JTPI/10703/2025 du 29 août 2025, reçu par la A______ le
4 septembre 2025, le Tribunal a débouté la précitée de ses conclusions en mainlevée provisoire (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 750 fr., compensés avec l'avance fournie et laissés à sa charge (ch. 2 et 3).

Le Tribunal a considéré que la créance était prescrite, l'acte de défaut de biens ayant été délivré le 28 avril 1993 et la poursuite n° 3______ ayant débuté plus de vingt ans plus tard.

B. a. Par acte expédié le 9 septembre 2025 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre ce jugement, concluant à son annulation et, cela fait, au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée à la poursuite n° 3______, sous suite de frais judiciaires de première et seconde instances.

b. B______ n'a pas répondu au recours dans le délai fixé.

c. La cause a été gardée à juger le 9 octobre 2025, ce dont les parties ont été informées le jour même.

EN DROIT

1.             1.1 Seule la voie du recours est ouverte contre une décision de mainlevée
(art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC).

Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 321 al. 1 et 2 et 251 let. a CPC).

1.2 En l'espèce, interjeté dans le délai prévu par la loi, et selon la forme requise, le recours est recevable.

1.3 Le pouvoir d'examen de l'autorité de recours est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1,
255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

2.             La recourante fait grief au Tribunal d'avoir considéré que l'acte de défaut de biens du 28 avril 1993 était prescrit. Elle soutient avoir interrompu la prescription le
28 septembre 2015, en produisant sa créance dans la faillite ouverte à l'encontre de l'intimé le 11 septembre 2015.

2.1 Selon l'art. 82 al. 1 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire.

Selon l'art. 265 LP, l'acte de défaut de biens après faillite vaut reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP, s'il mentionne que le failli a reconnu la créance
(al. 1 in fine). Il produit les effets juridiques mentionné à l'art. 149a LP (al. 2).

La créance constatée par un acte de défaut de biens se prescrit par 20 ans à compter de la délivrance de l'acte de défaut de biens (art. 149a al. 1 LP).

L'art. 149a LP est entré en vigueur le 1er janvier 1997, à l'occasion de la révision de la LP du 16 décembre 1994. En vertu des dispositions transitoires de la LP, lorsque l'acte de défaut de biens a été délivré avant l'entrée en vigueur de cette révision, la prescription de 20 ans commence à courir dès le 1er janvier 1997 (Rey-Mermet, CR LP, 2ème éd. 2025, n. 5 ad art. 149a LP).

Véritable délai de prescription (art. 127 LP), le délai de 20 ans prévu par l'art. 149a LP peut être interrompu par l'un des moyens indiqués à l'art. 135 CO, un nouveau délai de 20 ans commençant à courir dès l'interruption (Rey-Mermet, op. cit., n. 2 ad art. 149a LP).

Selon l'art. 135 ch. 2 CO, la prescription est interrompue lorsque le créancier fait valoir ses droits par des poursuites, une requête de conciliation, une action ou une exception devant un tribunal ou par une intervention dans une faillite.

Par "intervention dans une faillite", il faut comprendre la production d'une créance dans la faillite; celle-ci interrompt la prescription (art. 231 ss LP)
(PICHONNAZ, CR CO I, 3ème éd. 2021, n. 14 ad art. 132 CO).

2.2 En l'espèce, c'est à bon droit que la recourante reproche au Tribunal d'avoir retenu que sa créance était prescrite.

L'acte de défaut de biens après faillite du 28 avril 1993, qui mentionne que le failli (i.e. l'intimé) a reconnu la créance, vaut reconnaissance de dette au sens de
l'art. 82 LP. Dans la mesure où cet acte de défaut de biens a été délivré avant l'entrée en vigueur de l'art. 149a LP, le délai de prescription de 20 ans a commencé à courir le 1er janvier 1997. Il ressort par ailleurs des pièces produites qu'en date du 28 septembre 2015, la recourante a produit sa créance dans la faillite ouverte à l'encontre de l'intimé. Or, conformément aux principes rappelés ci-dessus, cette production (qui correspond à une "intervention dans une faillite" au sens de l'art. 135 ch. 2 CO) a eu pour effet d'interrompre la prescription, laquelle a commencé à courir à nouveau pour une durée de 20 ans. Partant, c'est à tort que le Tribunal a considéré que la créance objet de la poursuite n° 3______, fondée sur l'acte de défaut de biens du 28 avril 1993, était prescrite.

Le jugement attaqué sera dès lors annulé et il sera statué à nouveau
(art. 327 al. 3 let. b CPC), en ce sens que la mainlevée provisoire requise sera prononcée.

3.             Les frais judiciaires de première instance et de recours, arrêtés à 1'875 fr.
(750 fr. + 1'125 fr.) (art. 48 et 61 OELP), seront mis à la charge de l'intimé qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). L'intimé sera condamné à verser 1'875 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire. La recourante se verra restituer ses avances en 750 fr. et 1'125 fr. (art. 111 al. 1 CPC).

Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à la recourante qui plaide en personne et n'a pas effectué de démarches justifiant leur allocation (art. 95 al. 3 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 9 septembre 2025 par la A______ contre le jugement JTPI/10703/2025 rendu le 29 août 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3562/2025–17 SML.

Au fond :

Annule ce jugement.

Cela fait, statuant à nouveau :

Prononce la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 3______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de première instance et de recours à 1'875 fr., les met à la charge de B______ et condamne celui-ci à verser ce montant à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ ses avances en 750 fr. et 1'125 fr.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Barbara NEVEUX, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.