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Décisions | Sommaires

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C/7669/2024

ACJC/620/2025 du 12.05.2025 sur JTPI/686/2025 ( SML ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7669/2024 ACJC/620/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 12 MAI 2025

 

Entre

A______ SA, sise c/o Fiduciaire B______ Sàrl, ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 17 janvier 2025, représentée par Me Laurent WINKELMANN, avocat, NOMEA Avocats SA, avenue de la Roseraie 76A, case postale, 1211 Genève 12,

et

C______ CO, LTD, sise ______, Hong Kong (Chine), intimée, représentée par
Me Bernhard BERGER, avocat, Kellerhals Carrard Bern KIG, Effingerstrasse 1, case postale, 3001 Berne.

 

 

 

 

 


EN FAIT

A. a. Par jugement JTPI/686/2025 du 17 janvier 2025, le Tribunal de première instance a, préalablement, reconnu et déclaré exécutoire en Suisse la sentence arbitrale du 29 août 2023 rendue par la China International Economic and Trade Arbitration Commission (Affaire n° 1______) dans la cause opposant C______ CO, LTD et A______ SA (ch. 1 du dispositif). Cela fait, il a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ SA au commandement de payer, poursuite n° 2______ (ch. 2), mis à la charge de A______ SA les frais judiciaires, arrêtés à 750 fr. et compensés avec l’avance fournie par C______ CO, LTD, condamné A______ SA à payer à celle-ci 750 fr. à titre de restitution de l'avance de frais (ch. 3) et 3'100 fr. à titre de dépens (ch. 4), et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

b. Par acte expédié le 31 janvier 2025 par messagerie sécurisée au greffe de la Cour de justice, A______ SA recourt contre ce jugement, qu’elle a reçu le 21 janvier 2025, concluant à son annulation et, cela fait, au rejet de la requête en mainlevée définitive formée par C______ CO, LTD, avec suite de frais judiciaires et dépens des deux instances. Subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause au Tribunal pour qu’il statue dans le sens des considérants.

c. C______ CO, LTD conclut à l’irrecevabilité du recours, faute de motivation précise, subsidiairement à son rejet, avec suite de frais judiciaires et dépens.

d. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

e. Par courriers du greffe du 21 mars 2025, elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

B. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. A______ SA est une société anonyme sise à Genève, dont D______ était administrateur, vice-président, avec signature individuelle, jusqu'à son décès intervenu le ______ 2021. E______ en est par ailleurs président du conseil d'administration.

b. Le 28 décembre 2020, A______ SA et C______ CO, LTD ont conclu un contrat portant sur la vente de ______ par la première à la seconde.

c. D______ était la personne de contact chez A______ SA dans le cadre de l'exécution de ce contrat.

d. Le contrat de vente contenait une clause d'arbitrage prévoyant, comme tribunal arbitral, la China International Economic and Trade Arbitration Commission (la CIETAC), le droit chinois étant applicable.

e. Un litige est survenu entre les sociétés C______ CO, LTD et A______ SA, qui a conduit à l'ouverture d'une procédure arbitrale diligentée sous l'égide de la CIETAC le 6 mai 2023.

f. Dans le cadre de cette procédure, C______ CO, LTD a notamment produit des enregistrements d'une conversation téléphonique intervenue entre D______ et C______ CO, LTD.

g. Le 29 août 2023, le tribunal arbitral a rendu une sentence (affaire n° 1______), devenue immédiatement définitive et exécutoire, par laquelle il a condamné A______ SA à payer à C______ CO, LTD les sommes de 123'111.59 USD plus intérêts à titre de dommages-intérêts et 51'410 USD à titre d'indemnité de partie, ainsi qu'à supporter les frais de la procédure en 34'021.60 USD.

h. Par courriers des 5 septembre et 20 octobre 2023, C______ CO, LTD a invité A______ SA à lui payer les sommes allouées par la sentence arbitrale.

i. Par pli du 17 novembre 2023, A______ SA a informé C______ CO, LTD qu'elle avait cessé ses activités en mars 2021 à la suite du décès de son directeur et s'occupait de liquider ses opérations ouvertes initiées par ce dernier avant de possiblement se mettre en liquidation. La société ne disposait pas des moyens financiers nécessaires pour payer les montants dus selon la sentence arbitrale. Ses actionnaires auraient en revanche pu payer une somme forfaitaire pour solde de tous comptes.

j. Par courrier du 24 novembre 2023, C______ CO, LTD a, en substance, maintenu ses prétentions découlant de la sentence arbitrale.

k. Le 31 janvier 2024, C______ CO, LTD a fait notifier à A______ SA un commandement de payer, poursuite n° 2______, portant sur les sommes de 106'050 fr. 17 avec intérêts à 5.350% dès le 6 mars 2023, 44'285 fr. 35 avec intérêts à 5.350% dès le 9 septembre 2023, 29'306 fr. 72 avec intérêts à 5.350% dès le 9 septembre 2023, et 1'699 fr. 15 correspondant à 0.8% d'intérêts sur le montant de 106'050 fr. 17 du 4 mars 2021 au 5 mars 2023.

l. Le même jour, A______ SA a formé opposition audit commandement de payer.

m. Le 26 mars 2024, C______ CO, LTD a déposé auprès du Tribunal de première instance une requête en mainlevée définitive de cette opposition, invoquant la sentence arbitrale du 29 août 2023.

n. Dans sa réponse du 11 octobre 2024, A______ SA a conclu au rejet de la requête.

Elle a allégué que les enregistrements produits dans le cadre de la procédure arbitrale avaient été réalisés à l'insu de D______, ainsi que des autres participants aux conversations téléphoniques, et qu’ils avaient été déterminants pour l'issue de cette procédure. A l’appui de ces allégations, elle s’est référée à des passages de la sentence arbitrale portant sur une conférence téléphonique du 26 février 2021. Elle n'avait alors pas pu s'opposer à la production de ces enregistrements, un tel moyen de preuve étant admissible en droit chinois. Ceux-ci avaient cependant été obtenus illégalement et constituaient dès lors des preuves illicites sous l'angle du droit suisse. Par ailleurs, en raison de son décès, D______ n'avait pas pu être auditionné et n'avait par conséquent pas pu apporter la contre-preuve des éléments pertinents en ressortant. Son droit d'être entendue avait donc été violé dans le cadre de la procédure arbitrale.

L'exploitation d'enregistrements illicites en tant que preuves et la privation de l'opportunité pour D______, et donc pour A______ SA, de se défendre, heurtaient de manière intolérable les principes fondamentaux de la justice suisse, de sorte que la sentence arbitrale ne pouvait être reconnue et déclarée exécutoire en Suisse. Partant, la requête en mainlevée devait être rejetée.

o. Par pli du 11 octobre 2024, communiqué le 15 octobre suivant, le Tribunal a transmis à C______ CO, LTD la réponse du 11 octobre 2024, avec la mention que la cause serait gardée à juger à l'issue d'un délai de 10 jours à compter de la notification dudit pli.

p. Par réplique du 25 octobre 2024, C______ CO, LTD a persisté dans ses conclusions.

A______ SA alléguait pour la première fois que les enregistrements des conversations téléphoniques avaient été obtenus illégalement et qu’elle n’avait pas pu s’exprimer à ce sujet dans le cadre de la procédure arbitrale. A______ SA avait elle-même utilisé lesdits enregistrements pour étayer ses arguments devant la CIETAC, notamment en les citant dans ses écritures responsives. Le tribunal arbitral avait dûment examiné les arguments de A______ SA en regard de la conférence téléphonique du 26 février 2021. A______ SA avait encore réalisé une transcription de l'enregistrement de cette conversation téléphonique, qu'elle avait soumis comme preuve au tribunal arbitral, transcription sur laquelle ce dernier avait fondé les considérations suivantes : « Alors que C______ CO, LTD a été plutôt sélective dans la manière dont elle a présenté la téléconférence, le Défendeur présente la transcription dans son intégralité et met l'accent sur les éléments suivants: […] ». En agissant de la sorte, A______ SA avait admis l'authenticité et la légalité des enregistrements soumis par les deux parties à la procédure arbitrale.

A l’appui de ses allégués, C______ CO, LTD a notamment déposé, sous pièce « PJ 22 », la transcription de la conversation téléphonique du 26 février 2021 produite par A______ SA dans la procédure arbitrale, désignée dans le cadre de celle-ci comme étant la pièce justificative « D-24 ». Ce document, de dix pages, contient des passages en anglais et d’autres en caractères chinois. Au début de la première page sont mentionnés les participants à la conversation (« F______ (« F______ ») and Ms. G______ from C______ CO, LTD/H______, I______ (« I______ »), J______ from A______ »), la plateforme informatique utilisée pour réaliser la conférence (« zoom »), l’heure de début et de fin de ladite conversation.

q. Par duplique du 5 novembre 2024, A______ SA a conclu à l'irrecevabilité des faits nouveaux allégués par son adverse partie dans sa réplique spontanée du 25 octobre 2024 (allégués 5 à 13), ainsi que les pièces nouvelles s’y rapportant (pièces PJ 20 à 24), au motif qu’ils avaient été invoqués tardivement.

r. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que A______ SA avait participé à la procédure arbitrale et avait pu faire valoir ses moyens. En outre, D______ n'était pas l'unique administrateur de A______ SA et l'absence d’audition de celui-ci – cas échéant en qualité de témoin – n'était pas constitutive de violation du droit d'être entendue de A______ SA dans la procédure arbitrale.

S’agissant des enregistrements litigieux, A______ SA n’avait pas démontré son allégation selon laquelle les participants à la conversation téléphonique – singulièrement, D______ – n'auraient pas eu connaissance ou conscience du fait qu'elle était enregistrée. Elle n'alléguait pas, ni n'établissait par qui et pour quel motif l'échange avait été enregistré. Au demeurant, même à admettre que l'enregistrement litigieux eût été fait à l'insu des participants à la conversation téléphonique, et que son utilisation en qualité de preuve pût être qualifiée de contraire à l'ordre public procédural suisse – question qui pouvait demeurer indécise –, A______ SA ne pouvait pas s'en prévaloir au stade de la reconnaissance de la sentence arbitrale sauf à adopter un comportement contradictoire, contraire à la bonne foi (venire contra factum proprium).

En conséquence, les conditions à la reconnaissance et à l'exécution de la sentence étaient réunies.

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties après le 1er janvier 2025, les voies de droit prévues par la nouvelle procédure sont applicables (art. 405 al. 1 CPC).

S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 3 et 319 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, compte tenu de l'application de la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

La motivation du recours doit, à tout le moins, satisfaire aux exigences qui sont posées pour un mémoire d'appel. Il incombe dès lors au recourant de s'en prendre à la motivation de la décision attaquée pour tendre à en démontrer le caractère erroné. Pour satisfaire à cette exigence, le recourant doit discuter au moins de manière succincte les considérants du jugement qu'il attaque. Il ne lui suffit pas de renvoyer aux moyens soulevés en première instance, ni de se livrer à des critiques toutes générales de la décision attaquée. Sa motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance de recours puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 147 III 176 consid. 4.2.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_693/2022 du 6 mars 2023 consid. 6.2; 5D_43/2019 du 24 mai 2019 consid. 3.2.2.1).

1.2 En l'espèce, le recours a été interjeté auprès de l'autorité compétente et dans le délai prescrit. Il est, de ce point de vue, recevable.

A sa lecture, on comprend quels aspects du jugement sont contestés et pour quels motifs (cf. considérants suivants). L'intimée est d'ailleurs parvenue à se prononcer sur l'argumentation développée par la recourante. La motivation étant suffisante, la recevabilité du recours sera en conséquence admise.

1.3 Le recours étant instruit en procédure sommaire (art. 251 let. a; 335 al. 3 et 339 al. 2 CPC), la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

1.4 Le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

2. La recourante soutient pour la première fois devant la Cour que les conversations enregistrées étaient des échanges informels entre partenaires.

Cette allégation nouvelle est irrecevable (art. 326 al. 1 CPC). La recourante n’invoque au demeurant aucun élément au dossier pour la corroborer.

La Cour examinera la cause sur la base du dossier dont disposait le premier juge.

3. La recourante fait grief au Tribunal d’avoir admis à la procédure les allégués et pièces nouveaux invoqués par sa partie adverse le 25 octobre 2024. Cette dernière n’avait pas fait preuve de la diligence requise par l’art. 229 al. 1 let. b aCPC, dès lors que la recourante avait déjà contesté, dans le cadre de la procédure arbitrale, la production des écoutes téléphoniques, notamment en soulevant des doutes quant à leur authenticité.

3.1 Selon l'art. 229 al. 1 aCPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont admis aux débats principaux que s’ils sont invoqués sans retard et qu’ils remplissent l’une des conditions suivantes: a. ils sont postérieurs à l’échange d’écritures ou à la dernière audience d’instruction (novas proprement dits); b. ils existaient avant la clôture de l’échange d’écritures ou la dernière audience d’instruction mais ne pouvaient être invoqués antérieurement bien que la partie qui s’en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (novas improprement dits).

En procédure sommaire, notamment de mainlevée, les parties ne peuvent d'emblée pas compter sur un deuxième échange d'écritures et sont dès lors tenues de présenter tous leurs arguments et moyens de preuve dans le premier échange d'écritures (art. 229 aCPC par analogie). Un deuxième échange d'écritures avec possibilité (pour les deux parties) d'invoquer librement des faits et moyens de preuve nouveaux (art. 229 al. 2 aCPC) n'est ordonné qu'exceptionnellement. A défaut de second échange, seule demeure le droit inconditionnel de répliquer du requérant sur le contenu de la réponse (ATF 146 III 237 consid. 3.1; 144 III 117 consid. 2.1-2.3). Dans ce cas, les faits et moyens de preuve nouveaux ne seront admis qu'aux conditions de l'art. 229 al. 1 let. a et b aCPC, en particulier, s'agissant des novas improprement dits, que si ces moyens sont destinés à faire échec à des objections ou exceptions du poursuivi que le poursuivant ne pouvait prévoir lors du dépôt de la requête malgré la diligence requise. Tel est le cas lorsque le poursuivant ne pouvait s'attendre à ce que le poursuivi soulève certains moyens de défense (notamment le paiement, l'exception d'inexécution ou la prescription); le poursuivant doit pouvoir dans ce cas alléguer et prouver les faits qui mettent à néant ce moyen de défense (arrêt du Tribunal fédéral 5A_84/2021 du 17 février 2022 consid. 3.2.1; Abbet, in La mainlevée de l'opposition, 2ème éd., 2022, n.98 ad art. 84 LP).

3.2 En l’espèce, bien que la recourante ne précise pas les novas concernés par son grief, il résulte de la procédure que ces derniers sont ceux liés au caractère licite des enregistrements et au fait que la recourante avait fait usage de ceux-ci dans la procédure arbitrale. Ces éléments nouveaux constituent des novas improprement dits au sens de l’art. 229 al. 1 let. b aCPC, auquel la procédure de première instance était soumise.

La recourante n’allègue, ni ne démontre s’être prévalue, avant le dépôt au Tribunal de sa réponse du 11 octobre 2024, du fait que les enregistrements auraient été effectués à son insu. Le fait qu’elle ait pu, à un moment donné de la procédure arbitrale, remettre en cause l’authenticité des pièces produites par sa partie adverse, ne saurait suffire pour retenir que celle-ci aurait dû anticiper, lors du dépôt de sa requête, l’argument de la recourante relatif au défaut d’autorisation des enregistrements. Dans ces circonstances, l’intimée pouvait invoquer dans sa réplique spontanée des éléments nouveaux destinés à faire échec à la thèse de la


recourante. Ces novas ont été invoqués sans retard, dans le délai de 10 jours depuis la notification de la réponse de la recourante, de sorte qu’ils sont recevables.

Le premier grief de la recourante est donc infondé.

4. La recourante reproche au Tribunal d'avoir, à tort, écarté son opposition à la reconnaissance et à l'exécution de la sentence arbitrale en raison de la violation de son droit d'être entendue. La privation de l’opportunité pour feu D______, représentant de la recourante, de se défendre heurterait de manière intolérable les principes fondamentaux de la justice suisse.

4.1. Les sentences rendues par les tribunaux arbitraux sont assimilées à des décisions rendues par des tribunaux étatiques (ATF 130 III 125 consid. 2).

Les décisions de tribunaux arbitraux qui n'ont pas leur siège en Suisse sont des sentences arbitrales étrangères. Comme les jugements étrangers rendus par des tribunaux étatiques, elles nécessitent d'être reconnues pour produire leurs effets en Suisse. Dans une procédure de mainlevée définitive, cette décision d'exequatur est prise à titre incident sur la base de l'art. 81 al. 3 LP. A cet effet et pour juger des exceptions recevables selon cette disposition, le juge de la mainlevée doit, en vertu de l'art. 194 LDIP, appliquer la Convention de New York pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangère du 10 juin 1958 (CNY, RS 0.277.12) (ATF 135 III 136 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_409/2014 du15 septembre 2014 consid. 4).

Aux termes de l'art. V ch. 1 let. b CNY, la reconnaissance et l'exécution de la sentence ne seront refusées, sur requête de la partie contre laquelle elle est invoquée, que si cette partie fournit à l'autorité compétente du pays où la reconnaissance et l'exécution sont demandées la preuve que la partie contre laquelle la sentence est invoquée n'a pas été dûment informée de la désignation de l'arbitre ou de la procédure d'arbitrage, ou qu'il lui a été impossible, pour une autre raison, de faire valoir ses moyens. Ce texte vise, pour l'essentiel, toute violation du droit d'être entendu (arrêt du Tribunal fédéral 5A_68/2013 du 26 juillet 2013 consid. 4.2.1). Il ne va cependant pas plus loin que de garantir le respect des exigences minimales d'un procès équitable (Bucher, in CR LDIP/CL, 2ème éd. 2025, n. 31 ad art. 194 LDIP). La partie qui n’a pas pu se faire entendre à un moment déterminé de l’instance arbitrale, mais qui a continué à procéder sans faire de réserve, ne peut invoquer ce motif pour refuser l’exécution de la sentence (arrêts du Tribunal fédéral 4A_57/2024 du 3 septembre 2024 consid. 3.3.3 ; 4A_374/2014 du 26 février 2015 consid. 4.2.2; Bucher, op. cit., ibidem).


 

Selon l'art. V ch. 2 let b CNY, la reconnaissance et l'exécution d'une sentence arbitrale peuvent aussi être refusées si la reconnaissance ou l'exécution de la sentence serait contraire à l'ordre public du pays où la reconnaissance et l'exécution sont requises.

Il y a violation de l'ordre public lorsque la reconnaissance ou l'exécution d'une décision étrangère heurte de manière intolérable les conceptions suisses de la justice. Une décision étrangère peut être incompatible avec l'ordre juridique suisse non seulement à cause de son contenu matériel, mais aussi en raison de la procédure dont elle est issue. A cet égard, l'ordre public suisse exige le respect des règles fondamentales de la procédure déduites de la Constitution, telles que le droit à un procès équitable et celui d'être entendu. En tant que clause d'exception, la réserve de l'ordre public s'interprète de manière restrictive, spécialement en matière de reconnaissance et d'exécution de jugements étrangers, où sa portée est plus étroite que pour l'application directe du droit étranger (effet atténué de l'ordre public : arrêt du Tribunal fédéral 5A_427/2011 du 10 octobre 2011 consid. 7.1 et les arrêts cités).

4.2 En l’espèce, à l’appui de son grief, la recourante se prévaut du fait que D______, son représentant ayant participé aux conversations enregistrées, n’avait pas pu être entendu par le tribunal arbitral, en raison de son décès avant le début de la procédure arbitrale.

Ce faisant, la recourante se plaint de la disparition d’un moyen de preuve, soit de l’audition de la personne l’ayant représentée au moment des conversations litigieuses. Or, cette circonstance ne saurait constituer une violation de son droit d’être entendue.

Au demeurant, il n’est pas contesté que D______ n’était pas l’unique administrateur de la recourante. Celle-ci a en outre pu largement s’exprimer sur les enregistrements litigieux dans le cadre de la procédure arbitrale, le tribunal arbitral ayant discuté ses arguments dans sa sentence. Cette dernière ne consacre ainsi aucune violation de son droit d’être entendue. Il sera par ailleurs relevé que la recourante ne s’est jamais prévalue de cette circonstance dans le cadre de la procédure arbitrale, de sorte qu’elle ne saurait, en tout état de cause, l’invoquer pour refuser l’exécution de la sentence.

Ce moyen est par conséquent également mal fondé.

5. La recourante soutient que la sentence arbitrale ne pouvait être reconnue et déclarée exécutoire en Suisse car elle serait fondée sur des moyens de preuves illicites en droit suisse. A cet égard, elle conteste avoir failli à apporter la preuve du caractère illicite des enregistrements litigieux. Le Tribunal ne pouvait pas lui reprocher de s’être prévalue de ces enregistrements dans la procédure arbitrale, dès lors que ces preuves étaient recevables selon le droit procédural chinois. Ce faisant, elle n’avait pas reconnu leur licéité selon le droit suisse.

5.1 Au terme de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit.

La règle de l'art. 8 CC s'applique en principe également lorsque la preuve porte sur des faits négatifs, c'est-à-dire que celui qui les allègue doit les prouver (ATF 119 II 305 consid. 1.b/aa).

5.2 En l’espèce, la recourante allègue que l’intimée n’avait pas rendu attentifs ses représentants, participant aux conversations litigieuses, de l’enregistrement de celles-ci. Pour prouver ses allégués, elle se limite à se référer à la pièce désignée « D-24 », soit la transcription de l’enregistrement de la conférence téléphonique du 26 février 2021, qu’elle a elle-même produite devant le tribunal arbitral. Elle ne précise pas les passages concernés, étant relevé que le document contient dix pages et plusieurs passages en caractères chinois. Cette pièce ne lui est ainsi d’aucun secours.

Au demeurant, le fait que cette retranscription ne fasse pas état de l’enregistrement de la conversation ne permet pas de retenir que celui-ci aurait été réalisé à l’insu de la recourante, les parties ayant pu convenir dudit enregistrement au préalable et/ou l’information de ce dernier ayant pu être donnée par la plateforme informatique utilisée pour réaliser la réunion du 26 février 2021. Il résulte en revanche des éléments au dossier que la recourante ne s’est jamais plainte avant le début de la présente procédure de ce que les enregistrements auraient été réalisés à son insu. Elle s’est prévalue, devant le tribunal arbitral, des conversations enregistrées, sans prétendre que ses représentants ignoraient leur enregistrement. Même à admettre qu’un enregistrement effectué secrètement soit recevable selon le droit de procédure chinois, la recourante aurait néanmoins pu se prévaloir de ce fait pour démontrer que le contenu des conversations était, dans ce cas, sujet à caution dès lors que seul un participant auxdites conversations avait conscience de leur enregistrement et, partant, du fait que celles-ci auraient pu être utilisées, comme moyen de preuve, dans le cadre d’une procédure. L’absence d’indice en faveur d’une quelconque réaction de la recourante au moment de la production des enregistrements par sa partie adverse devant le tribunal arbitral plaide en faveur de la connaissance par celle-ci de l’existence desdits enregistrements.

Au vu de ce qui précède, la recourante ne démontre pas, ni même ne rend vraisemblable, son défaut de consentement aux enregistrements litigieux.

Ce grief se révèle donc tout aussi infondé que les précédents.


 

6. Au regard des considérants qui précèdent, le recours sera entièrement rejeté.

7. Les frais judiciaires du recours seront arrêtés à 3'125 fr. (art. 48 et 61 OELP; art. 26 et 38 RTFMC). Ils seront mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 106 CPC) et entièrement compensés avec l'avance du même montant fournie, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Vu l'issue du litige, la recourante sera condamnée aux dépens de sa partie adverse (art. 111 al. 2 CPC), arrêtés à 2'000 fr. (art. 84, 85, 89 et 90 RTFMC), TVA non comprise compte tenu du domicile à l'étranger de l'intimée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_623/2015 du 3 mars 2016).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 31 janvier 2025 par A______ SA contre le jugement JTPI/686/2025 rendu le 17 janvier 2025 par le Tribunal de première instance dans la cause C/7669/2024–20 SML.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 3'125 fr., les met à la charge de A______ SA et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SA à verser à C______ CO, LTD 2'000 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.