Skip to main content

Décisions | Sommaires

1 resultats
C/7519/2024

ACJC/555/2025 du 15.04.2025 sur OSQ/33/2024 ( SQP ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7519/2024 ACJC/555/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 15 AVRIL 2025

 

1) A______ LTD, sise ______, Chypre,

2) B______ SA, sise ______ [GE],

recourantes contre un jugement rendu par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 27 novembre 2024, représentées par Me Patrick EBERHARDT, avocat, EVERSHEDS SUTHERLAND SA, rue du Marché 20, case postale 3465,
1211 Genève 3,

et

C______ SA, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Charles GOUMAZ, avocat, SCHELLENBERG WITTMER SA, rue des Alpes 15bis, case postale 2088, 1211 Genève 1.

 


EN FAIT

A. Par jugement OSQ/33/2024 du 27 novembre 2024, reçu le 2 décembre 2024 par les parties, le Tribunal de première instance a ordonné la jonction des causes C/7519/2024 et C/7953/2024 sous le numéro C/7519/2024 (chiffre 1 du dispositif), déclaré recevables les oppositions formées par A______ LTD et B______ SA contre les ordonnances de séquestre rendues les 5 et 9 avril 2024 (ch. 2 et 3), rejeté celles-ci (ch. 4), arrêté les frais judiciaires à 8'000 fr., en les compensant avec les avances fournies par les parties, condamné A______ LTD et B______ SA, solidairement entre elles, à verser 2'000 fr. à C______ SA à titre de restitution de son avance (ch. 5), ainsi que 41'300 fr. à titre de dépens (ch. 6), et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

B. a.a Par acte déposé le 12 décembre 2024 au greffe de la Cour de justice, A______ LTD et B______ SA ont formé recours contre ce jugement, dont elles sollicitent l'annulation. Cela fait, elles ont conclu à ce que la Cour admette leurs oppositions à séquestre et révoque les ordonnances de séquestre rendues les 5 et 9 avril 2024 dans les causes C/7519/2024 et C/7953/2024, sous suite de frais judiciaires et dépens. Subsidiairement, elles ont sollicité le renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision.

Elles ont produit des pièces nouvelles, soit un courrier de D______ LLC à B______ SA du 25 octobre 2023 (pièce n° 38), une facture du 13 octobre 2023 (n° 39), ainsi qu'un contrat conclu entre les précitées le 5 septembre 2023 (n° 40).

a.b A titre préalable, elles ont requis l'octroi de l'effet suspensif à leur recours.

Par décision du 13 décembre 2024, la Cour a constaté que cette requête de suspension était sans objet, conformément à l'art. 278 al. 4 LP.

b. C______ SA a conclu au rejet de ce recours et à l'irrecevabilité des pièces nouvelles susvisées, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Dans leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

d. A______ LTD et B______ SA se sont encore déterminées dans le délai imparti à cet effet.

e. Par avis du greffe de la Cour du 27 février 2025, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a. C______ SA est une société anonyme inscrite au Registre du commerce genevois, active dans le négoce international de matières premières.

E______ en est l'administrateur président avec pouvoir de signature individuelle.

b. D______ LLC est une entité sise à Y______ [Emirats Arabes Unis], active dans le commerce de ______.

c. A______ LTD, sise à Chypre, est une société active dans la transformation d'oléagineux, la production et la commercialisation de ______, ainsi que dans les services de transbordement et de fret.

F______ en est le directeur général exécutif, un des administrateurs, ainsi que l'actionnaire principal à hauteur de 87.5%. La société G______ LP détient le 12.5% du capital-actions restant.

d. B______ SA, société anonyme inscrite au Registre du commerce genevois, a pour but l'achat et la vente, au plan international, de matières premières agricoles.

F______ en est le directeur avec pouvoir de signature individuelle.

A teneur de l'état financier consolidé de A______ LTD au 30 juin 2023, celle-ci détenait l'intégralité du capital-actions de B______ SA.

A teneur du registre des actions de B______ SA au 11 avril 2024, l'intégralité de celles-ci était détenue par H______ SA, société anonyme inscrite au Registre du commerce genevois, elle-même détenue par A______ LTD.

e. A______ LTD et ses filiales forment le groupe de sociétés I______ (ci-après: I______), dont le fondateur est F______ et le directeur financier J______.

f.a Le 14 août 2023, C______ SA, en qualité de vendeuse, et D______ LLC, en qualité d'acheteuse, ont conclu un contrat portant sur la vente de 65'000 tonnes métriques de ______ brésilien (ci-après: la marchandise), au prix de 1.18 USD par boisseau, fixé selon le "Chicago Board of Trade" de septembre 2023.

Ce contrat prévoyait que le paiement du prix de vente devait s'effectuer par virement bancaire dans les deux jours ouvrables après remise des documents d'expédition et que l'intérêt de retard s'élevait à 24% l'an.

f.b Par addendum du même jour, C______ SA et D______ LLC ont convenu que le paiement du prix de vente devait avoir lieu au plus tard le 15 novembre 2023, contre remise des documents d'expédition, avec pour effet que les intérêts de retard étaient dus à compter du lendemain de cette date.

g.a Le 29 septembre 2023, la marchandise a été chargée à bord du navire M/V K______ au port de L______ (Brésil), à destination du port de M______, PERSIAN GULF (Iran).

g.b Le même jour, C______ SA a émis une facture N______-1______/23 à l'attention de D______ LLC pour un montant de 15'411'820.32 EUR correspondant aux prix de vente et livraison de la marchandise.

h.a Le 10 octobre 2023, C______ SA, en qualité de bénéficiaire, et "[Groupe] I______ (A______ LTD)", en qualité de garante, ont conclu un contrat de garantie.

Il ressort du préambule de ce contrat que D______ LLC avait requis de C______ SA l'autorisation pour que la marchandise soit déchargée au port d'arrivée avant qu'elle n'effectue le paiement du prix de vente conformément au contrat du 14 août 2023.

En contrepartie de ce qui précède, A______ LTD garantissait notamment à C______ SA, de manière irrévocable et inconditionnelle, en tant que débitrice principale, de payer sur demande les obligations garanties - soit notamment les obligations de paiement de D______ LLC découlant du contrat de vente susvisé (art. 1.2) - si la précitée ne payait pas l'une desdites obligations à l'échéance (art. 1.1.1).

A______ LTD acceptait également, en tant qu'obligation et responsabilité séparées et indépendantes, d'indemniser C______ SA, sur demande, contre toutes les pertes, coûts, réclamations, responsabilités, dommages, demandes et dépenses subis ou encourus en raison de, ou en rapport avec, les obligations garanties non recouvrables pour quelque raison que ce soit ou tout manquement de D______ LLC à exécuter ou à s'acquitter de ses obligations (art. 1.1.2 du contrat).

Ce contrat prévoyait l'application du droit anglais, ainsi qu'une clause compromissoire (art. 3.3).

h.b Ce contrat a été signé par F______, pour le compte de A______ LTD, ainsi que par E______ et un tiers, pour le compte de C______ SA.

i. Par courriel du 23 octobre 2023, C______ SA a transmis à D______ LLC les documents d'expédition afin qu'elle procède au paiement du prix de la marchandise, soit 15'411'820.32 EUR, d'ici au 15 novembre 2023.

j.a La marchandise a été déchargée au port de M______, PERSIAN GULF courant novembre 2023.

j.b Le 15 novembre 2023, D______ LLC n'a pas procédé au paiement requis par C______ SA, au motif que ses comptes bancaires étaient bloqués.

k. Par courrier du 19 décembre 2023, C______ SA a indiqué à D______ LLC n'avoir toujours pas reçu le paiement dû depuis le 15 novembre 2023. Elle a sollicité une confirmation que l'intégralité du prix serait acquittée sans délai supplémentaire, précisant notamment, qu'à défaut de paiement, elle actionnerait la garantie.

Une copie de ce courrier était adressée [au groupe] I______.

l.a Entre les 26 et 28 décembre 2023, E______ et F______ ont échangé des messages WhatsApp au sujet du paiement de la marchandise, dans le cadre desquels le premier cité a notamment transmis la facture N______-1______/23.

F______ a, par message vocal du 28 décembre 2023, annoncé à E______ que le paiement serait effectué "dans quelques heures", précisant que celui-ci interviendrait probablement en deux parties et que le solde de "8 millions" serait versé le lendemain.

l.b Le 28 décembre 2023, C______ SA a établi une facture N______-2______/23 à l'attention de B______ SA portant sur un montant de 16'382'952.82 USD, que E______ a transmise à F______ par message WhatsApp.

m.a Le 29 décembre 2023, B______ SA a requis de [la banque] O______ le versement en faveur de C______ SA d'un montant de 8'300'000 USD, avec comme indication "payment for ______ [marchandise] loaded on vessel K______ unter the inv. N______ 2______/23 dd 28.12.2023".

m.b E______ a demandé à F______, par message WhatsApp, si le solde serait réglé le jour même.

m.c Ce versement de 8'300'000 USD n'a pas été crédité sur le compte de C______ SA en raison de demandes d'informations émanant de l'Office of Foreign Assets Control (ci-après: OFAC), celui-ci soupçonnant que B______ SA aurait contrevenu aux sanctions émises à l'encontre de l'Iran.

n. Par message vocal du 8 janvier 2024, F______ a signalé à E______ que la réunion avec l'OFAC était reportée au lendemain et qu'une fois celle-ci terminée, il prendrait contact avec lui afin d'établir un plan.

o. Par courrier du 17 janvier 2024, C______ SA a mis D______ LLC en demeure de lui payer, dans un délai de quarante-huit heures, la somme de 16'383'060.83 USD, plus intérêts, découlant de l'exécution de leur contrat de vente.

Une copie de ce courrier était adressée, par courriels, à F______ (F______@I______corp.ch) et J______ (J______@I______corp.com).

p. Par message vocal du 18 janvier 2024, F______ a communiqué à E______, en se référant au courrier susvisé, ce qui suit: "as a matter of fact our funds are still not released from P______ Bank so we're doing it from our own cash flow so I mean there's no need to push like this, and if your guys your team or someone there is pushing like that okay, we will make another payment of eight if money get stuck then it will be your issue you'd have to travel take lawyers and do other things you know but I'm telling you we are doing all we can do to break this ice and we were actually promised that this would be done this week, you know, so that's all [..]" (soit la traduction libre suivante: "En fait, nos fonds n'ont toujours pas été débloqués par [la banque] P______ et nous utilisons donc notre propre trésorerie. Il n'est pas nécessaire d'insister, et si votre équipe ou quelqu'un d'autre insiste de la sorte, nous ferons un autre paiement de huit si l'argent est bloqué, alors ce sera votre problème, vous devrez voyager, prendre des avocats et faire d'autres choses, mais je vous dis que nous faisons tout ce que nous pouvons pour briser la glace et on nous a promis que ce serait fait cette semaine, donc c'est tout…").

q. Entre le 17 et le 23 janvier 2024, C______ SA et J______ (J______@I______corp.com), ainsi que D______ LLC, ont échangé des courriels au sujet du blocage des fonds.

Par courriel du 18 janvier 2024, J______ a indiqué à C______ SA ce qui suit: "As you might know, the funds received for K______ are still blocked in P______ bank. However, we paid C______ SA USD 8.3mm from our own cash, which eventually got stuck. We can pay you the balance of USD 8mm, but given current situation with OFAC there is a 100% chance they will get stuck as well. Thus, it will leave us with USD 16.3mm out of our cash flow and with the payment issue still unsolved. Also, paying from another bank is not a solution. If, however, you still insist us to pay you balance, then we can do that and let C______ SA to follow and recover the funds. Please note we are doing our best to pushing the release of USD 8.3mm and "clear" the situation with OFAC, which will allow us to make further payments" (soit la traduction libre suivante: "Comme vous le savez peut-être, les fonds reçus pour K______ sont toujours bloqués à la banque. Cependant, nous avons versé à C______ SA 8.3 millions USD à partir de nos propres liquidités, qui ont fini par être bloquées. Nous pouvons vous verser le solde de 8 millions USD, mais compte tenu de la situation actuelle avec l'OFAC, il y a 100% de chances qu'il soit également bloqué. Nous nous retrouverons donc avec 16.3 millions USD prélevés sur nos liquidités et le problème du paiement n'aura toujours pas été résolu. De plus, payer à partir d'une autre banque n'est pas une solution. Si, toutefois, vous insistez pour que nous vous payions le solde, nous pouvons le faire et laisser C______ SA suivre et récupérer les fonds. Veuillez noter que nous faisons de notre mieux pour obtenir le déblocage de 8.3 millions USD et "clarifier" la situation avec l'OFAC, ce qui nous permettra d'effectuer d'autres paiements").

Par courriel du 23 janvier 2024, J______ a transmis à C______ SA et D______ LLC un extrait d'un courrier de l'OFAC à B______ SA, précisant que le problème serait rapidement réglé et que les fonds seraient finalement débloqués.

r. Par courrier du 14 février 2024, C______ SA a, à nouveau, mis D______ LLC en demeure de lui verser, dans un délai de sept jours, 16'609'353.96 EUR, incluant les intérêts contractuels et un montant dû à titre de "laytime amount", précisant qu'à défaut elle ferait appel à la garantie.

Une copie de ce courrier était adressée à I______.

s. Par courrier du 22 février 2024, C______ SA a requis de I______ le paiement de l'intégralité du prix en exécution de la garantie, soit un montant total de 17'679'973.39 USD, incluant le prix de la marchandise de 16'382'952.82 USD, les intérêts de retard de 1'242'920.02 USD et un montant additionnel de 54'100.55 USD.

Une copie de ce courrier était adressée, par courriel, à F______ (F______@I______corp.ch), et, par courrier, à D______ LLC.

t. Par courrier du 8 mars 2024, aucun paiement n'étant intervenu, C______ SA a interpellé I______ en sollicitant une confirmation que le paiement serait exécuté sans retard conformément à la garantie. A défaut, elle ferait valoir ses droits.

Ce courrier était également adressé, par courriel, à F______ (F______@I______corp.ch), et une copie de celui-ci, par courriels, à deux administrateurs de A______ LTD, dont Q______.

u. Par courriers du même jour, C______ SA a informé tant A______ LTD que D______ LLC de ce qu'elle initiait des procédures d'arbitrage à leur encontre.

v. Le 26 mars 2024, l'OFAC a mis D______ LLC sur la liste des entités sanctionnées en raison de leurs liens avec le régime syrien.

D. a.a Par requête du 4 avril 2024, enregistrée sous numéro de cause C/7519/2024, C______ SA a requis du Tribunal le séquestre à l'encontre de A______ LTD, à concurrence de 16'151'804 fr. 07, de tous les avoirs, titres, espèces, valeurs, créances, actions nominatives, connaissements, objets, comptes, placements, dépôts ou coffres-forts, ou tout bien ou droit de quelque nature et en quelque monnaie que ce soit, sous désignation conventionnelle, fiduciaire, numérique ou pseudonymique, détenus par B______ SA, en particulier le compte bancaire ouvert auprès de [la banque] R______ (IBAN 3______), ou appartenant à A______ LTD, en particulier ledit compte bancaire.

C______ SA a fondé cette requête en séquestre sur l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP. Elle a allégué, en substance, que sa créance reposait sur les contrats de vente et garantie, plus précisément sur les factures N______-1______/23 et N______-2______/23 des 29 septembre et 28 décembre 2023, lesquelles n'avaient jamais été contestées par A______ LTD ou D______ LLC. Elle avait valablement fait appel à la garantie et requis le paiement intégral de la marchandise, par courrier du 22 février 2024, sa créance étant exigible et D______ LLC étant en défaut de paiement. A______ LTD détenait, directement ou indirectement, l'intégralité des actions de B______ SA. A______ LTD avait, en outre, fait intervenir la précitée dans le cadre de l'exécution de la garantie, alors que celle-ci ne disposait d'aucun intérêt à le faire, ce qui démontrait que A______ LTD se servait de sa filiale à sa guise afin de payer des dettes dont elle était débitrice. Ces dernières formaient ainsi une unité économique. A______ LTD pouvait donc disposer des avoirs disponibles sur le compte bancaire de B______ SA, de sorte que celle-ci détenait, pour le compte de A______ LTD, les actifs qui y étaient déposés.

a.b Par ordonnance du 5 avril 2024, le Tribunal a ordonné le séquestre requis.

b.a Par requête du 9 avril 2024, enregistrée sous numéro de cause C/7953/2024, C______ SA a requis du Tribunal le séquestre à l'encontre de A______ LTD, à concurrence de 16'239'704 fr., de tous avoirs, titres, espèces, valeurs, créances, actions nominatives, connaissements, objets, comptes, placements, dépôts ou coffres-forts, ou de tout bien ou droit de quelque nature et en quelque monnaie que ce soit, sous désignation conventionnelle, fiduciaire, numérique ou pseudonyme, directement ou indirectement détenus par et/ou appartenant à celle-ci et/ou à B______ SA, en mains [des banques] S______, T______, U______, V______, ainsi que W______.

Elle a fait valoir les mêmes arguments que dans sa requête du 4 avril 2024.

b.b Par ordonnance du même jour, le Tribunal a ordonné le séquestre requis.

c.a Le 17 avril 2024, A______ LTD a formé opposition contre les ordonnances de séquestre susvisées, concluant notamment à leur annulation, étant précisé qu'elle sollicitait, au préalable, la jonction des causes C/7519/2024 et C/7953/2024.

Elle a, en substance, allégué que le contrat de garantie n'avait pas été valablement conclu. En effet, ses statuts imposaient des restrictions internes relatives à la conclusion des contrats, conformément auxquelles deux directeurs auraient dû signer le contrat de garantie, qui aurait dû être préalablement approuvé par les actionnaires. Le sceau de la société aurait, en outre, dû être apposé sur ledit contrat. La garantie litigieuse n'était donc pas valable. Par ailleurs, elle ne formait pas une unité économique avec B______ SA, qui était indépendante, et donc elle n'était pas détentrice des biens séquestrés. B______ SA avait eu un intérêt à effectuer le virement du 29 décembre 2023 à hauteur de 8'300'000 USD en faveur


de C______ SA, celui-ci ayant été ordonné à la demande de D______ LLC afin de solder une dette que B______ SA avait envers celle-ci, qui découlait de leur relation commerciale. A cet égard, A______ LTD a produit un courriel de D______ LLC, adressé le 21 décembre 2023 à I______ (X______.trading@I______corp.com; "Dear I______ team"), dont il ressort que B______ SA était débitrice d'une dette de 8'547'992 EUR en sa faveur.

c.b Le 17 avril 2024, B______ SA a également formé opposition contre les ordonnances de séquestre entreprises, concluant notamment à leur annulation.

Elle a, en substance, fait valoir les mêmes arguments que A______ LTD.

d. Le 5 juin 2024, B______ SA et A______ LTD ont l'une et l'autre déposé des déterminations complémentaires identiques, étayant leur thèse selon laquelle la garantie n'avait pas été valablement conclue.

e. Dans sa réponse, dont le contenu est identique dans les procédures C/7519/2024 et C/7953/2024, C______ SA a notamment conclu au rejet des oppositions de B______ SA et de A______ LTD aux séquestres et à la confirmation des ordonnances des 5 et 9 avril 2024.

Elle a allégué ne pas avoir eu connaissance des restrictions internes relatives au pouvoir d'engager A______ LTD, de sorte que celles-ci ne lui étaient pas opposables. En outre, le principe de la transparence (Durchgriff) était applicable. En effet, son interlocuteur direct et indirect, lors de la signature et l'exécution de la garantie, était F______, lequel était membre du conseil d'administration de B______ SA, directeur exécutif de A______ LTD, actionnaire majoritaire de celle-ci, ainsi que fondateur de I______. En outre, B______ SA était intégralement détenue par A______ LTD. Ces dernières entretenaient d'ailleurs intentionnellement une confusion entre les différentes entités du groupe I______. De plus, elles étaient de mauvaise foi lorsqu'elles alléguaient que l'ordre de paiement effectué par B______ SA le 29 décembre 2023 à hauteur de 8'300'000 USD avait pour but de solder une dette à l'égard de D______ LLC. En effet, B______ SA avait offert de s'acquitter du solde de 8'000'000 USD dû en vertu de la garantie, alors que sa prétendue dette envers D______ LLC ne s'élevait qu'à 8'547'992 EUR. L'ensemble de ces éléments démontrait que B______ SA et A______ LTD formaient une unité économique, justifiant de considérer que les biens détenus par B______ SA, en Suisse, appartenaient à A______ LTD.

f. Le 17 juin 2024, B______ SA et A______ LTD ont chacune déposé des déterminations complémentaires identiques, à teneur desquelles elles ont fait valoir que C______ SA ne pouvait pas ignorer les restrictions internes à A______ LTD relatives à la conclusion des contrats. En effet, Q______, membre du conseil d'administration de la précitée, était également membre du conseil d'administration de la société mère de C______ SA, dans lequel siégeait aussi E______.

g. Lors de l'audience du Tribunal du 17 juin 2024, tenue dans les causes C/7519/2024 et C/7953/2024, C______ SA a contesté les allégués susvisés.

A l'issue de cette audience, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions, sur quoi le Tribunal a gardé la cause à juger.

h. Par courriers du 18 juin 2024, A______ LTD et B______ SA se sont encore déterminées.

E. Dans le jugement entrepris, sur les points litigieux en appel, le Tribunal a considéré que les conditions du séquestre étaient réalisées.

En particulier, il a retenu que la garantie litigieuse était valable, de sorte que C______ SA était créancière de A______ LTD. Le fait que les statuts de la précitée étaient accessibles au public ne constituait pas une preuve suffisante pour retenir que C______ SA avait eu connaissance des limitations imposées aux administrateurs de la société, ce qui n'était, au demeurant, pas rendu vraisemblable.

Le Tribunal a également considéré que les biens séquestrés appartenaient à A______ LTD, en application du principe de la transparence. En effet, la précitée avait apparemment la mainmise sur les avoirs de B______ SA, dont l'indépendance ne semblait être invoquée que pour se soustraire aux séquestres litigieux. B______ SA était dominée économiquement par A______ LTD, ce qui était démontré par son implication dans le paiement découlant de la garantie. L'allégation des opposantes selon laquelle le paiement du 29 décembre 2023 était destiné à acquitter une dette de B______ SA à l'égard de D______ LLC n'emportait pas conviction. En effet, même si B______ SA semblait être débitrice d'un montant de 8'547'992 EUR en faveur de D______ LLC, les opposantes n'expliquaient pas les raisons pour lesquelles B______ SA aurait accepté de procéder à un versement supplémentaire de 8'000'000 USD, soit en plus de celui de 8'300'000 USD déjà ordonné. En outre, il existait une confusion entre les patrimoines de B______ SA et de A______ LTD, dès lors que I______ ne faisait aucune distinction entre les fonds de ses différentes entités. Enfin, soutenir l'indépendance entre B______ SA et A______ LTD, alors que la première citée avait effectué un versement en faveur de C______ SA et était disposée à procéder à un autre, sans que cela ne découle d'un engagement auquel elle était directement partie, démontrait que les opposantes invoquaient leur dualité juridique au détriment des intérêts de C______ SA.


 

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.

1.2 Le jugement entrepris étant une décision statuant sur opposition à séquestre, seule la voie du recours est ouverte (art. 278 al. 3 LP; art. 309 let. b ch. 6 et 319 let. a CPC).

Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 278 al. 1 LP et 321 al. 2 CPC).

Déposé dans le délai et selon la forme prescrits par la loi (art. 130 et 131 CPC), le recours est recevable.

2. La cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC et 278 al. 3 LP), dans la limite des griefs motivés qui sont formulés.

La procédure de séquestre est soumise dans toutes ses phases aux maximes de disposition et des débats (art. 58 al. 2 et 255 CPC a contrario) et la procédure sommaire est applicable (art. 251 let. a CPC).

3. Les recourantes ont produit des pièces nouvelles.

3.1 En matière d'opposition au séquestre, l'art. 278 al. 3 LP dispose que les parties peuvent alléguer des faits nouveaux dans la procédure de recours contre la décision rendue sur opposition. Cette disposition instaure une exception à l'art. 26 al. 1 CPC, qui prohibe les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles dans le cadre d'un recours (cf. art. 326 al. 2 CPC).

Les faits nouveaux, qui selon l'art. 278 al. 3 LP, peuvent être invoqués devant l'instance de recours, comprennent autant les pseudo nova que les vrais nova, les pseudo nova désignant les faits et moyens de preuves qui existaient déjà avant la décision sur opposition. Pour ce qui est des conditions auxquelles ceux-ci peuvent être introduits en procédure de recours, il faut appliquer par analogie les règles prévues par l'art. 317 al. 1 CPC (ATF 145 III 324 consid. 6.6 et 6.2). La partie qui entend se prévaloir de pseudo nova doit ainsi démontrer n'avoir pas pu le faire avant la procédure de recours bien qu'elle ait fait preuve de la diligence requise (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

3.2 En l'occurrence, les pièces nouvelles n° 38 à 40 produites par les recourantes sont largement antérieures à la date à laquelle le premier juge a gardé la cause à juger, soit le 17 juin 2024. Les faits y afférents constituent donc de pseudo nova, en lien avec les raisons pour lesquelles B______ SA aurait proposé à l'intimée, par courriel du 18 janvier 2024, de procéder à un versement supplémentaire de 8'000'000 USD.

Les recourantes pouvaient se prévaloir de ces faits devant le premier juge en faisant preuve de la diligence requise. En effet, contrairement à ce qu'elles soutiennent, la question des motifs justifiant ce versement supplémentaire a été expressément soulevée par l'intimée dans le cadre de son mémoire réponse de première instance (cf. p. 27).

Ces pièces nouvelles et les faits y afférents sont donc irrecevables.

4. Les recourantes reprochent au Tribunal d'avoir constaté les faits de façon incomplète en ne retenant pas que Q______ siégeait tant au conseil d'administration de A______ LTD qu'au sein de celui de la société mère de l'intimée, et que E______ était également président du conseil d'administration de ladite société mère. Ainsi, selon les recourantes, l'intimée ne pouvait pas ignorer les restrictions internes de A______ LTD relatives à la conclusion des contrats.

4.1 Lorsqu'elle est saisie d'un recours, la Cour doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits retenus par le premier juge et ne peut s'en écarter que s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2), ce qui équivaut à l'arbitraire. La constatation des faits ou l'appréciation des preuves est arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3; 137 III 226 consid. 4.2). Encore faut-il que cette appréciation erronée porte sur des faits pertinents susceptibles d'avoir une incidence déterminante sur le sort de la cause (Jeandin, Commentaire romand CPC, 2019, n° 5 ad art. 320 CPC).

4.2 En l'occurrence, les faits litigieux ne sont pas déterminants. En effet, ils ne permettent pas encore d'imputer à l'intimée, même sous l'angle de la vraisemblance, la connaissance d'une limitation statutaire des pouvoirs de signature au sein de A______ LTD. A défaut d'autres éléments probants, les seules fonctions occupées par Q______ et E______ ne suffisent pas à retenir que ce dernier ou encore l'intimée aurait effectivement eu connaissance des directives internes de A______ LTD.

Ces faits ne sont donc pas susceptibles d'influencer le sort de la cause, ce que les recourantes n'allèguent d'ailleurs pas. En effet, elles ne remettent pas en cause le raisonnement du premier juge à teneur duquel le contrat de garantie du 10 octobre 2023 a été valablement conclu, de sorte que l'intimée était créancière de A______ LTD en vertu de cette garantie.

Aucune constatation arbitraire des faits ne sera donc retenue.

5. Les recourantes font grief au Tribunal d'avoir appliqué le principe de la transparence, alors que les conditions y relatives ne seraient pas réalisées.

5.1.1 Aux termes de l'art. 272 al. 1 LP, le séquestre est autorisé par le juge du for de la poursuite ou par le juge du lieu où se trouvent les biens, à condition que le créancier rende vraisemblable que sa créance existe (ch. 1), qu'on est en présence d'un cas de séquestre (ch. 2) et qu'il existe des biens appartenant au débiteur (ch. 3).

La procédure d'opposition au séquestre (art. 278 LP) a le même objet que la procédure de séquestre, à savoir les conditions d'autorisation de celui-ci (art. 272 LP; ATF 140 III 466 consid.4.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_228/2017 du 26 juin 2017 consid. 3.1). Le juge réexamine en contradictoire la réalisation des conditions du séquestre qu'il a ordonné. L'opposant doit tenter de démontrer que son point de vue est plus vraisemblable que celui du créancier séquestrant. Le juge doit revoir sa cause dans son entier et tenir compte de la situation telle qu'elle se présente au moment de la décision sur opposition. Il s'agit d'une procédure sommaire au sens propre; elle présente les trois caractéristiques de la simple vraisemblance des faits, l'examen sommaire du droit et une décision provisoire (ATF 140 III 466 consid. 4.2.3).

5.1.2 L'art. 271 al. 1 LP envisage plusieurs cas de séquestre. Il dispose notamment que le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse lorsque le débiteur n'habite pas en Suisse et qu'il n'y a pas d'autre cas de séquestre, pour autant que la créance ait un lien suffisant avec la Suisse ou qu'elle se fonde sur une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP (ch. 4).

Conformément à cet article, un séquestre ne peut frapper que les "biens du débiteur". Ne sont des biens du débiteur que les choses et droits qui, selon les allégations que le créancier rend vraisemblables, lui appartiennent juridiquement, et pas seulement économiquement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_629/2011 du 26 avril 2012 consid. 5.1). Doivent donc être considérés comme biens de tiers tous ceux qui, en vertu des normes du droit civil, appartiennent à une personne physique ou morale autre que le débiteur; en principe, seule l'identité juridique est déterminante en matière d'exécution forcée (arrêts du Tribunal fédéral 5A_876/2015 du 22 avril 2016 consid. 4.2; 5A_873/2010 du 3 mai 2011 consid. 4.2.2 et 5A_654/2010 du 24 novembre 2011 consid. 7.3.1).

5.1.3 Toutefois, dans des circonstances particulières, un tiers peut être tenu des engagements d'un débiteur avec lequel il forme une identité économique. En effet, selon le principe de la transparence ("Durchgriff"), on ne peut pas s'en tenir sans réserve à l'existence formelle de deux personnes juridiquement distinctes lorsque tout l'actif ou la quasi-totalité de l'actif d'une personne morale appartient soit directement, soit par personnes interposées, à une même personne, physique ou morale; malgré la dualité de personnes à la forme, il n'existe pas deux entités indépendantes, la personne morale étant un simple instrument dans la main de son auteur, qui, économiquement, ne fait qu'un avec elle. On doit admettre que, conformément à la réalité économique, il y a identité de personnes et que les rapports de droit liant l'une lient également l'autre; ce sera le cas chaque fois que le fait d'invoquer la diversité des sujets constitue un abus de droit, notamment en détournant la loi, en violant un contrat ou en portant une atteinte illicite aux intérêts d'un tiers (art. 2 al. 2 CC; ATF 144 III 541 consid. 8.3.1).

L'application du principe de la transparence suppose donc, tout d'abord, qu'il y ait identité des personnes, conformément à la réalité économique, ou, en tout cas, la domination économique d'un sujet de droit sur l'autre. Il faut ensuite que la dualité soit invoquée de manière abusive, c'est-à-dire pour en tirer un avantage injustifié (144 III 541 consid. 8.3.2; 132 III 489; arrêts du Tribunal fédéral 5A_205/2016 du 7 juin 2016 consid. 7.2 et 4A_417/2011 du 30 novembre 2011 consid. 2.3).

S'agissant de l'identité économique entre la personne morale et le sociétaire, elle repose sur le fait que celui-ci peut dominer celle-là et suppose un rapport de dépendance qui peut être exercé d'une quelconque manière - autorisée ou non, à long ou à court terme, fortuitement ou de manière planifiée - et qui résulte de la possession de l'actionnariat ou d'autres causes, comme des liens contractuels ou des relations familiales ou amicales (ATF 144 III 541 consid. 8.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_330/2012 du 17 juillet 2012 consid. 3.2 et 5A_498/2007 du 28 février 2008 consid. 2.2).

S'agissant de l'abus de droit, il n'y a pas de définition spécifique du "Durchgriff". On généralise seulement, de jurisprudence constante, qu'il n'y a pas besoin que la fondation elle-même de la personne morale poursuive des buts abusifs, mais qu'il suffit que la personne morale soit utilisée de manière abusive ou de se prévaloir de manière abusive de la dualité juridique pour ne pas remplir des obligations légales ou contractuelles (ATF 132 III 489 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5C_201/2001 du 20 décembre 2001 consid. 2c). On exige également une accumulation de comportements différents et extraordinaires en ce sens qu'il en résulte une machination et atteinte qualifiée d'un tiers (ATF 144 III 541 consid. 8.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_587/2007 du 28 février 2008 consid. 2.2).

Pour le reste, les cas constitutifs d'abus de droit, voire les faits sur lesquels l'examen doit porter, sont difficilement généralisables. Doctrine et jurisprudence procèdent par indices. Il s'agit notamment des cas où les sphères et patrimoines du sociétaire et de la personne morale sont confondus (abandon de l'indépendance de la personne morale par les sociétaires eux-mêmes), ceux où une structure appropriée de gestion et d'organisation fait défaut, ceux, très proches, où le sociétaire poursuit ses propres intérêts aux dépens de ceux de la personne morale, et celui de la sous-capitalisation mettant en danger le but de la personne morale (arrêts du Tribunal fédéral 5A_113/2018 du 12 septembre 2018 consid. 8.3.2; 5A_587/2007 précité consid. 2.2 et 5A_498/2007 précité consid. 2.2).

5.1.4 On distingue la transparence directe, qui entraîne la responsabilité du sociétaire dominant, à côté de la société, pour les dettes de celle-ci, de la transparence inversée, qui entraîne la responsabilité de la société dominée, à côté du sociétaire, pour les dettes de celui-ci. En matière d'exécution forcée, il s'ensuit que, dans la poursuite de l'un, le patrimoine de l'autre peut être réalisé, dans un sens ou dans un autre (ATF 144 III 541 consid. 8.3.4).

En matière de séquestre et d'action révocatoire qui peut s'ensuivre en cas de contestation relative aux biens mis sous main de justice, la majorité des affaires portées devant le Tribunal fédéral concerne des cas de transparence inversée, où le créancier plaide que les biens séquestrés auprès de la personne morale doivent être réalisés dans la poursuite dirigée contre la personne physique avec laquelle il existe une identité économique. On ne trouve que de rares cas d'application du principe de la transparence directe (cf. arrêts du Tribunal fédéral 5A_876/2015 du 22 avril 2016 consid. 4 [action en contestation de la revendication]; 5A_739/2012 du 17 mai 2013 consid. 7, in SJ 2014 I p. 17; 5P.68/1996 du 12 août 1996 consid. 4a; 5P.109/1994 du 21 juillet 1994 consid. 3; arrêt du 21 février 1973 [Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral] consid. 2 et 3, in SJ 1973 p. 369). La levée du voile social n'a du reste été confirmée que dans le premier des cas cités. Il faut en conclure que, dans un tel cas de figure, l'application du principe de la transparence doit être admise avec retenue parce que le créancier qui conclut librement un contrat avec une personne morale sait, en principe, qu'elle court le risque de son insolvabilité à défaut de garanties fournies par la personne physique et que, en mettant en poursuite la personne morale, il reconnaît lui-même l'existence de la personnalité de celle-ci. Il est toutefois possible d'appliquer la théorie du Durchgriff lorsque la personne physique utilise la personne morale pour éluder sciemment les obligations résultant du contrat au détriment du créancier ou que, grâce à sa position dominante, elle force la personne morale à se dessaisir de ses actifs à son profit pour les soustraire au créancier qui demanderait l'exécution du contrat (ATF 144 III 541 consid. 8.3.4).

5.1.5 Il appartient au séquestrant de rendre vraisemblable que, malgré notamment la possession, l'inscription dans un registre public ou l'intitulé du compte bancaire, les biens à mettre sous mains de justice appartiennent au débiteur (ATF 126 III 95 consid. 4a; 107 III 33 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_205/2016 du 7 juin 2016 consid. 7.2).

5.2.1 En l'espèce, les recourantes reprochent au premier juge d'avoir retenu une unité économique entre elles sur la base de critères étrangers à la jurisprudence topique. Selon elles, aucune des hypothèses envisagées par celle-ci n'était réalisée, dès lors que A______ LTD n'était pas la propriétaire légale des biens séquestrés, B______ SA ne détenait pas ceux-ci pour le compte de la précitée ou encore que celle-ci n'avait pas abusivement transféré lesdits biens à B______ SA.

Ce raisonnement ne saurait être suivi. En effet, la jurisprudence citée sous consid. 5.1.3 supra rappelle que le principe de la transparence ne s'applique pas à des cas fixes et prédéfinis. Ce principe est fondé sur celui général de l'abus de droit et s'applique lorsque des circonstances particulières permettent notamment de retenir une unité économique entre deux sujets juridiquement distincts.

A cet égard, le premier juge a retenu l'existence d'une domination économique de A______ LTD sur B______ SA, ce qui n'est pas critiquable. En effet, la première citée, qui est une holding, détient directement la seconde, selon son état financier au 30 juin 2023, ou indirectement par le biais de la société H______ SA, elle-même entièrement détenue par A______ LTD, selon le registre des actions de B______ SA au 11 avril 2024. Les recourantes semblent d'ailleurs être directement dirigées et contrôlées par F______, directeur de celles-ci, fondateur du groupe I______ dont elles font parties, ainsi qu'administrateur et actionnaire principal de A______ LTD à hauteur de 87.5%.

F______ a signé le contrat de garantie litigieux au nom de A______ LTD, qui devenait garante, et a été le principal interlocuteur de l'intimée dans le cadre de l'exécution de ce contrat, aux côtés du directeur financier du groupe, J______. Aucun autre dirigeant de A______ LTD - ou même de B______ SA - n'est intervenu lors des échanges relatifs à la garantie. Il ressort, en outre, de ces échanges que F______ et J______ ont toujours utilisé des adresses électroniques comportant l'indication "@I______corp.com" ou "@I______corp.ch", soit du groupe et non de l'une des recourantes, créant ainsi une certaine opacité, en ce sens qu'il n'y pas de réelle distinction dans la structure des sociétés du groupe.

B______ SA, non partie au contrat de garantie, n'avait aucune raison d'intervenir dans l'exécution de celui-ci et d'ordonner un versement en faveur de l'intimée pour le paiement partiel de la garantie le 29 décembre 2023 à hauteur de 8'000'000 USD, sauf à retenir un rapport de domination avec A______ LTD. Sur ce point, le premier juge était fondé à retenir que les allégations des recourantes, selon lesquelles B______ SA aurait donné cet ordre afin d'éteindre une dette qu'elle avait contractée auprès de D______ LLC, n'étaient pas convaincantes, ni rendues vraisemblables. En effet, la seule pièce recevable produite à l'appui de cette thèse, soit le courriel de D______ LLC du 21 décembre 2023, ne suffit pas, même sous l'angle de la vraisemblance, à retenir que cet ordre du 29 décembre 2023 aurait été donné à ce titre. Par ailleurs, par courriel du 18 janvier 2024, J______ a proposé à l'intimée d'effectuer un ordre additionnel de 8'000'000 USD à titre du solde de la garantie, toujours par le biais de B______ SA, selon les allégations des recourantes, alors que la créance de B______ SA envers D______ LLC ne s'élevait qu'à 8'547'992 EUR.

Par ailleurs, le fait que le courriel de D______ LLC du 21 décembre 2023 soit adressé au groupe I______ ("Dear I______ team"), et non spécifiquement à B______ SA, accrédite la thèse soutenue par l'intimée, soit une confusion entre les différentes entités du groupe et leur patrimoine.

A cela s'ajoute qu'il ressort du message vocal de F______ - dont la retranscription effectuée par le Tribunal n'a pas été remise en cause - et du courriel de J______ adressés à l'intimée le 18 janvier 2024 que ces derniers considéraient les fonds à transférer le 29 décembre 2023 depuis le compte bancaire de B______ SA comme appartenant au groupe et non à celle-ci. Le fait que les représentants du groupe ne fassent aucune distinction entre les fonds des différentes entités suffit à retenir, sous l'angle de la vraisemblance, une unité économique entre celles-ci.

Il est ainsi suffisamment rendu vraisemblable que B______ SA n'était qu'un simple instrument de A______ LTD, qui économiquement, ne faisait qu'un avec elle ou, à tout le moins, était dominée par elle.

5.2.2 Les recourantes font grief au premier juge d'avoir méconnu le caractère exceptionnel de l'abus de droit et admis celui-ci alors que les conditions y afférentes ne seraient pas réalisées.

La jurisprudence n'a toutefois pas dégagé de conditions spécifiques pour retenir un cas constitutif d'un abus de droit, précisant que de telles conditions n'étaient pas généralisables et qu'il fallait procéder par indices.

Le premier juge a considéré que les recourantes invoquaient leur dualité juridique de manière abusive, ce qui n'est pas critiquable. En effet, comme relevé supra, les patrimoines des recourantes semblent confondus, ce qui ressort des échanges entre les parties du 18 janvier 2024. B______ SA a d'ailleurs donné l'ordre du versement du 29 décembre 2023, concernant le paiement partiel de la garantie, alors même qu'elle n'était pas partie au contrat y afférent. A______ LTD a ainsi utilisé les fonds de sa filiale au détriment des intérêts de celle-ci. Contrairement à ce que soutiennent les recourantes, l'indépendance juridique de B______ SA apparaît donc n'être qu'une façade.

Les recourantes ne semblent pas non plus disposer chacune d'une structure appropriée favorisant une réelle indépendance et cette confusion a été entretenue, à plusieurs reprises, à l'égard de l'intimée. En effet, comme déjà relevé, F______ et J______ ont été les seuls interlocuteurs de l'intimée dans le cadre de l'exécution de la garantie et ont, pour ce faire, utilisé des adresses électroniques comportant l'indication du groupe et non de l'une ou l'autre des recourantes.

Compte tenu de ces éléments, en invoquant dorénavant l'indépendance juridique de B______ SA vis-à-vis de A______ LTD, ces dernières tentent de soustraire de manière abusive aux séquestres litigieux les biens détenus au nom de B______ SA et ce, au détriment des intérêts de l'intimée.

5.2.3 En se fondant sur l'ATF 144 III 541 (cf. consid. 5.1.4 supra), les recourantes reprochent au premier juge de ne pas avoir tenu compte du fait que le "Durchgriff" inversé - applicable en l'espèce - devrait être admis avec plus de retenue que le "Durchgriff" direct.

A la lecture de cet arrêt, il semble que le Tribunal fédéral ait considéré, au contraire, que le principe de la transparence directe devait être appliqué avec plus de retenue que celui de la transparence inversée.

En tout état, l'application du principe de la transparence effectuée par le premier juge n'est pas critiquable, A______ LTD ayant vraisemblablement la mainmise sur les avoirs de B______ SA, dont l'indépendance ne semble être invoquée que pour se soustraire aux séquestres litigieux.

5.2.4 Pour le surplus, les recourantes ne remettent pas en cause la réalisation des autres conditions des art. 271 al. 1 ch. 4 et 272 al. 1 LP.

Infondé, le recours sera donc rejeté.

6. Les recourantes, qui succombent, seront condamnées, solidairement entre elles, aux frais judiciaires du recours (art. 106 al. 1 CPC). Ceux-ci seront arrêtés à 6'000 fr. (art. 48 et 61 al. 1 OELP) et compensés avec l'avance de même montant versée par elles, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Les recourantes seront, en outre, condamnées, solidairement entre elles, à verser 10'000 fr. à l'intimée à titre de dépens du recours, débours et TVA compris (art. 84, 85, 89 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 12 décembre 2024 par A______ LTD et B______ SA contre le jugement OSQ/33/2024 rendu le 27 novembre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/7519/2024-12 SQP.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 6'000 fr., les met à charge de A______ LTD et B______ SA, solidairement entre elles, et les compense entièrement avec l'avance fournie par celles-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ LTD et B______ SA, solidairement entre elles, à verser à C______ SA 10'000 fr. à titre de dépens du recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.