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ACJC/539/2025 du 17.04.2025 sur JTPI/15213/2024 ( SML ) , MODIFIE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/15657/2024 ACJC/539/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU JEUDI 17 AVRIL 2025 |
Entre
A______ SA, sise ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 7ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 8 novembre 2024, représentée par Me Bastien GEIGER, avocat, Woodtli Lévy Brutsch & Geiger, rue Prévost-Martin 5, case postale 60, 1211 Genève 4,
et
B______ SA, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Michel D'ALESSANDRI, avocat, Budin & Associés, rue De-Candolle 17, case postale 166, 1211 Genève 12.
A. Par jugement JTPI/15213/2024 du 8 novembre 2024, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal) a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ à concurrence de 65'790 fr. 90 (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 500 fr., compensés avec l'avance effectuée par A______ SA, mis à la charge de B______ SA, condamnée à les verser à la précitée qui en avait fait l'avance (ch. 2 et 3), et condamné celle-ci à verser à celle-là 1'999 fr. à titre de dépens (ch. 4).
En substance le Tribunal a retenu que A______ SA était au bénéfice d'une reconnaissance de dette pour la somme de 154'819 fr. 30 HT, valant titre de mainlevée provisoire, que toutefois il n'en ressortait pas que B______ SA avait expressément reconnu devoir s'acquitter en sus de la TVA. Après déduction des montants que A______ SA avait reçus, B______ SA restait devoir la somme 65'790 fr. 90.
B. a. Par acte expédié le 17 décembre 2024 à la Cour de justice, A______ SA a formé recours contre ce jugement, qu'elle a reçu le 9 décembre 2024, concluant à son annulation et, cela fait, au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de 72'156 fr., avec intérêt à 5% l'an à compter du 14 juillet 2022, sous suite de frais et dépens de première et seconde instance.
b. Par réponse du 13 janvier 2025, B______ SA a conclu au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens. Elle a soutenu que la recourante alléguait des faits nouveaux, irrecevables.
Elle a allégué nouvellement avoir déposé une action en libération de dette devant le Tribunal, dont elle a produit une copie, et avoir versé la somme de 19'967 fr. 87 non prise en compte par le Tribunal, tout en admettant qu'il s'agissait d'un fait nouveau irrecevable.
c. Par réplique du 27 janvier 2025, la recourante a contesté l'irrecevabilité de certains de ses allégués, relevé celle des allégués nouveaux de sa partie adverse, et persisté dans ses conclusions pour le surplus.
d. L'intimée a dupliqué le 10 février 2025, persistant dans ses conclusions.
e. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 27 février 2025 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits suivants ressortent du dossier soumis au Tribunal.
a. Depuis 2020, C______ SA (nouvellement A______ SA, suite à la fusion avec reprise d'actifs et passifs intervenue en juin 2022) et B______ SA ont collaboré en vue de réaliser différents ouvrages sur plusieurs chantiers.
b. En vue de solder l'ensemble des comptes relatifs aux ouvrages réalisés, les parties ont conclu, le 14 juillet 2022, un accord de règlement, signé par B______ SA, aux termes duquel celle-ci restait devoir à A______ SA la somme de 154'819 fr. 30 HT [recte: 150'176 fr. 58, le tableau comprenant une erreur de calcul]. Figurent dans ce décompte les montants HT restant à payer par B______ pour chacun des chantiers (sous réserve d'un montant de 30'324 fr. 37 qui n'est rattaché à aucun chantier), les montants versés pour un total de 89'028 fr. 40 TTC, ainsi que les avis de crédit y relatifs. Selon le tableau produit, la somme de 89'028 fr. 40 a été affectée au paiement de différents montants HT totalisant 83'162 fr. 86. Le décompte comporte une note manuscrite à la teneur suivante: "11'921,9 = 166'740, 39", aux côtés de laquelle figurent deux signatures, sans référence à un chantier particulier.
c. Par courrier du 30 janvier 2024, A______ SA a mis B______ SA en demeure de lui verser la somme lui restant due selon décompte du 14 juillet 2022, de 72'156 fr. HT, déduction faite des montants versés.
d. Le 15 avril 2024, B______ SA s'est vu notifier, à la requête de A______ SA, un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur la somme de 72'156 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 14 juillet 2022, due selon accord de règlement du 14 juillet 2022. Opposition totale y a été formée.
e. Par requête expédiée au Tribunal le 3 juillet 2024, A______ SA a requis le prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer précité à concurrence de 72'156 fr., sous suite de frais et dépens. Elle a allégué que depuis l'accord de règlement, B______ SA s'était acquittée du montant total de 89'028 fr. 40 TTC, soit 82'663 fr. 30 HT (TVA 7,7%). Lors de l'audience du Tribunal du 7 octobre 2024, B______ SA a conclu au rejet de la requête. Elle a allégué avoir payé des montants supérieurs à ceux réclamés. Elle était en train de reconstituer les montants qu'elle devait payer.
A______ SA a contesté que sa partie adverse ait procédé à d'autres versements que ceux comptabilisés, relevant qu'aucune pièce n'était produite à cet égard.
Sur quoi, le Tribunal a gardé la cause à juger.
1. Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure de recours demeure régie par l’ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d’application immédiate énumérées à l’art. 407f CPC.
2. 2.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).
2.2 Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée.
Interjeté en temps utile, au vu de la date de réception du jugement attaqué selon le suivi des envois de la Poste, et selon les formes prescrites, le recours est recevable.
2.3 La procédure sommaire étant applicable, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 al. 1 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).
2.4 Selon l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables. La recevabilité des allégations et pièces nouvelles des parties peut demeurer indécise, celles-ci n'étant pas déterminantes pour la solution du litige.
3. La recourante reproche au Tribunal de n'avoir pas prononcé la mainlevée provisoire pour la totalité du montant en poursuite, comme requis.
L'intimée se contente d'opposer qu'elle a procédé à des versements supplémentaires, lesquels constituent des faits nouveaux irrecevables. Elle affirme que l'accord conclu le 14 juillet 2022 ne mentionnait pas si les montants reconnus devaient être payés HT ou TTC.
3.1 Selon l'art. 82 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (al. 1); le juge la prononce si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (al. 2).
Constitue une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP, en particulier, l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi - ou son représentant -, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 145 III 20 consid. 4.1.1; 139 III 297 consid. 2.3.1 et les références). Une reconnaissance de dette peut résulter du rapprochement de plusieurs pièces, dans la mesure où les éléments nécessaires en résultent (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; 136 III 627 consid. 2 et la référence).
Pour valoir titre de mainlevée provisoire, une reconnaissance de dette doit chiffrer de manière précise le montant de la prétention déduite en poursuite ou renvoyer à un document écrit qui permet au juge de la mainlevée de déterminer avec exactitude le montant dû. La créance doit être déterminée ou déterminable au moment de la signature de la reconnaissance de dette (Abbet/Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2ème éd., 2022, n. 47 et 48 ad art. 82 LP).
3.2 En l'espèce, comme l'a justement retenu le Tribunal, le décompte signé par l'intimée le 14 juillet vaut reconnaissance de dette pour la somme totale à tout le moins de 150'176 fr. 58 HT, compte tenu de l'erreur de calcul et abstraction faite de la mention manuscrite, au demeurant non comprise dans le montant en poursuite. Après déduction de la somme de 83'162 fr. 86 HT, il apparaît que l'intimée reste devoir à la recourante le montant HT de 67'013 fr. 72, et non celui en poursuite de 72'156 fr., résultant d'erreurs de calcul de la recourante (154'819 fr. 30 [au lieu de 150'176 fr. 58] – 82'663 fr. 30 [au lieu de 83'162 fr. 86] = 72'156 fr. [au lieu de 67'013 fr. 72].
C'est à concurrence de ce montant que le Tribunal aurait dû prononcer la mainlevée provisoire requise, sur la base des titres produits.
Le jugement entrepris sera en conséquence annulé; il sera statué à nouveau dans le sens qui précède, plus intérêts à 5% dès le 14 juillet 2022, ce point n'étant pas remis en cause.
4. L'issue du litige ne commande pas de revoir les frais de première instance.
L'intimée, qui succombe pour l'essentiel, sera condamnée aux frais de la procédure de recours, arrêtés à 450 fr., compensés avec l'avance fournie par la recourante, acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2025). Elle sera ainsi condamnée à en rembourser la recourante, ainsi qu'à verser à celle-ci la somme de 500 fr. débours et TVA compris à titre de dépens de recours (art. 84 et ss RTFMC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 17 décembre 2024 par A______ SA contre le jugement JTPI/15213/2024 rendu le 8 novembre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/15657/2024–7 SML.
Au fond :
Annule le chiffre 1 du dispositif de ce jugement. Statuant à nouveau sur ce point:
Prononce la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de 67'013 fr. 72, plus intérêts à 5% dès le 14 juillet 2022.
Rejette le recours pour le surplus.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais du recours à 450 fr., les met à la charge de B______ SA, et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.
Condamne B______ SA à verser à A______ SA la somme de 450 fr., à titre de remboursement de son avance.
Condamne B______ SA à verser à A______ SA la somme de 500 fr., à titre de dépens de recours.
Siégeant :
Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.
La présidente : Pauline ERARD |
| La greffière : Marie-Pierre GROSJEAN |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.