Décisions | Sommaires
ACJC/525/2025 du 10.04.2025 sur OSQ/22/2024 ( SQP ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/10905/2024 ACJC/525/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU JEUDI 10 AVRIL 2025 |
Entre
A______ SA, sise ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 9 septembre 2024, représentée par Me Didier BOTTGE, avocat, Bottge & Associés SA, place de la Fusterie 11, case postale, 1211 Genève 3,
et
Madame B______, domiciliée p.a. C______, ______, SAINT-KITTS-ET-NEVIS, intimée, représentée par Me Guy STANISLAS, avocat, Jacquemoud Stanislas, rue de la Coulouvrenière 29, case postale, 1211 Genève 8.
A. Par jugement OSQ/22/2024 du 9 septembre 2024, le Tribunal de première instance a déclaré recevable l'opposition formée par B______ contre l'ordonnance de séquestre rendue le 15 mai 2024 dans la cause C/10905/2024 (chiffre 1 du dispositif), l'a admise (ch. 2), révoqué en conséquence l'ordonnance de séquestre précitée (ch. 3), mis les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., à la charge de A______ SA, condamné cette dernière à verser à B______ 1'500 fr. à titre de restitution de l'avance fournie (ch. 4 à 6), ainsi que 4'000 fr. à titre de dépens (ch. 7) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).
B. a. Par acte déposé le 23 septembre 2024 auprès de la Cour de Justice, A______ SA recourt contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation.
Principalement, elle conclut à ce que B______ soit déboutée des fins de son opposition à séquestre formée contre l'ordonnance du 15 mai 2024 et au maintien du séquestre. Subsidiairement, elle sollicite le renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision.
b. Dans sa réponse, B______ conclut au rejet du recours et à la confirmation du jugement entrepris.
c. Les parties ont répliqué et dupliqué et se sont encore déterminées les 22 et 29 novembre 2024, en persistant dans leurs conclusions respectives.
A l'appui de leurs différentes écritures, les parties ont produit des pièces complémentaires.
d. Par avis de la Cour du 3 janvier 2025, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
e. A______ SA et B______ ont, par la suite, déposé de nombreuses écritures spontanées entre le 16 janvier 2025 et le 3 mars 2025 au sujet de faits nouveaux survenus postérieurement à la mise en délibération de la cause.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.
a. A______ SA est une société sise à Genève, active notamment dans le courtage immobilier.
b. B______ est une ressortissante russe domiciliée à Chypre, détenant, par l'intermédiaire de plusieurs sociétés, un appartement situé à D______ [Royaume-Uni] qu'elle a souhaité mettre en vente.
c. L'appartement en question est formellement détenu par la société E______ INC., sise aux Iles Vierges Britanniques, elle-même détenue par la société F______ INC., également sise aux Iles Vierges Britanniques, laquelle est, à son tour, détenue par G______ TRUST, dont B______ est la seule bénéficiaire.
Le trustee est C______ LTD.
B______ est également l'ayant droit économique de E______ INC.
d. Le 7 septembre 2022, B______ et A______ SA ont conclu un contrat de courtage portant sur la vente de l'appartement situé à D______ [Royaume-Uni], pour un prix de 53'000'000 GBP.
Le contrat prévoit une commission de 5% du prix de vente et que celle-ci "will be paid once the transaction will be closed".
A______ SA a sous-mandaté H______ SA pour la vente de l'appartement moyennant une commission de 2.6% du prix de vente, ce montant n'étant dû qu'en cas de vente et après paiement du prix en totalité.
e. En octobre 2022, I______, avocat anglais, a informé son confrère J______, avocat anglais de E______ INC., de ce qu'un de ses clients (à savoir K______/L______ INC.), d'ores et déjà propriétaire d'un appartement dans le même immeuble, offrait 51'500'000 GBP pour l'acquisition de l'appartement.
Il a précisé qu'il était un "cash buyer", pouvant procéder à la transaction rapidement.
f. Le 25 novembre 2022, A______ SA et C______ LTD ont conclu un contrat de courtage relatif à la vente de l'appartement à L______ INC., représentée par K______, pour un prix de 51'500'000 GBP.
Ce contrat prévoit que la commission de 5% du prix de vente sera payée par C______ LTD "the same day that the transaction will be closed".
g. Par courrier du 1er décembre 2022, A______ SA a informé C______ LTD avoir une offre portant sur un montant de 51'500'000 GBP. Sa mission était terminée et la commission de 5% du prix de vente serait distribuée 24 heures après la date de clôture de la transaction.
h. Le 14 juin 2023, J______ a confirmé à I______ que sa cliente acceptait de vendre l'appartement pour un montant de 45'858'750 GBP et requis davantage d'informations au sujet notamment de l'identité de l'acheteur et des projets de contrats.
I______ a répondu que le prix était accepté. Selon lui, le fait que l'acheteur soit au final K______ ou sa société n'avait pas d'incidence.
i. Le 19 juin 2023, J______ a soumis à I______ un projet de contrat de vente, les parties ayant finalement convenu de ce que la vente s'effectuerait au nom de E______ INC. et L______ INC.
Ce projet de contrat prévoyait notamment que l'acheteur était tenu de procéder au dépôt d'une garantie au plus tard à la date du contrat (art. 2.2.1).
j. Entre décembre 2023 et février 2024, J______ a relancé à plusieurs reprises I______ indiquant qu'il attendait son retour sur les projets de contrats soumis et lui a demandé si la transaction pouvait être clôturée avant la fin de l'année 2023, prolongé au 18 janvier, puis au 14 février 2024.
Il a fini par indiquer que si la transaction n'intervenait pas avant le 14 février prochain, il mettrait fin aux pourparlers et annulerait la transaction.
k. Le 14 février 2024, I______ a confirmé que son client disposait des fonds nécessaires et requis J______ de lui revenir au sujet d'une modification qu'il avait proposée au projet de contrat.
l. Le 29 février 2024, I______ a indiqué à son confrère que son client ne pouvait procéder au dépôt de garantie, les banques craignant que le bénéficiaire final soit M______, un oligarque russe faisant l'objet de sanctions économiques ayant un lien avec B______.
m. Le 17 avril 2024, J______ s'est étonné du temps nécessaire pour réunir les fonds, précisant que la banque suisse de sa cliente était prête à les assister en vue de la transaction. Il a nié tout lien entre M______ et l'appartement en question, se référant à une due diligence remise en annexe.
n. I______ lui a répondu que son client détenait les fonds nécessaires à l'acquisition de l'appartement et remis des documents bancaires y relatifs.
o. Par courriel du 23 avril 2024, J______ a avisé I______ du fait que sa cliente, après avoir pris en considération les explications fournies et la documentation produite, entendait se retirer du contrat avec effet immédiat et remettre l'appartement en vente.
p. Par courrier du 25 avril 2024, C______ LTD a résilié avec effet immédiat le contrat de courtage la liant à A______ SA en raison de l'interruption des négociations menées avec K______ le 23 avril 2024.
q. Par courriel du lendemain, I______ a notamment indiqué que son client avait engagé d'importantes sommes d'argent dans le projet d'achat et pourrait prétendre à des dommages-intérêts.
r. Par courriel du 27 avril 2024, J______ a indiqué à I______ que le contrat était résilié et que sa cliente avait désigné N______ à titre de courtier, avec exclusivité, de sorte que si son client demeurait intéressé à acheter l'appartement, il devait s'adresser à cette entité.
s. Le 3 mai 2024, A______ SA a fait parvenir à B______ ainsi qu'à C______ LTD une facture de 2'300'000 GBP correspondant à la commission due suite à la vente de l'appartement, payable immédiatement.
Le même jour, C______ LTD a indiqué à A______ SA que dans la mesure où l'appartement n'était toujours pas vendu et en raison de la résiliation du contrat, la facture, sans fondement, lui était retournée.
t. Par requête formée le 15 mai 2024 auprès du Tribunal, A______ SA a requis le séquestre à l'encontre de B______, à concurrence d'un montant de 2'615'000 fr. avec intérêts à 5% portant sur tous les avoirs, de quelque nature que ce soit, appartenant à B______ auprès de [la banque] O______, et tous avoirs que possédait B______ directement ou indirectement, en mains et/ou sous contrôle de C______ LDT – dont une société sœur aurait son siège dans le canton de Vaud –, notamment au travers de G______ TRUST.
Selon A______ SA, la commission était due dans la mesure où l'acheteur et le vendeur s'étaient entendus sur les éléments essentiels du contrat de vente, à savoir la détermination du bien vendu et la contreprestation financière. Par ailleurs, C______ LTD et B______ étaient codébiteurs solidaires de la commission de courtage due en vertu des deux contrats de courtage.
u. Par ordonnance du même jour, le Tribunal a prononcé le séquestre des avoirs détenus par B______ auprès de [la banque] O______ et rejeté la requête pour le surplus, faute pour la séquestrante d'avoir rendu vraisemblable l'existence d'autres biens pouvant faire l'objet d'un séquestre.
v. Par acte du 17 juin 2024, B______ a formé opposition au séquestre, concluant à son rejet.
Elle a exposé que le contrat de courtage liant A______ SA et C______ LTD avait été résilié en raison de l'incapacité de l'acheteur présenté par A______ SA de produire une preuve des fonds en vue de la transaction, malgré les dix-huit mois écoulés et en dépit du fait que l'acheteur, qui semblait rencontrer des difficultés financières, s'était présenté comme un "cash buyer".
En revanche, le contrat de courtage conclu avec elle-même était toujours en vigueur, de sorte que si une vente était conclue avec une personne introduite par A______ SA, la commission serait due.
w. Dans ses déterminations écrites du 5 août 2024, A______ SA a conclu au rejet de l'opposition.
Elle a maintenu que la commission de courtage était due dès lors que l'acquéreuse qu'elle avait présentée et le vendeur s'étaient mis d'accord sur le prix de vente. Selon elle, le contrat de courtage avait été résilié de manière abusive par sa cocontractante, invoquant un faux prétexte afin de se soustraire à ses obligations contractuelles.
A______ SA a produit une attestation du 7 juin 2024 d'une représentante de H______ SA qui indiquait être en contact direct avec B______ concernant la vente de l'appartement à D______, et que selon ses avocats anglais, B______ avait pris conscience du montant trop élevé de la commission due à A______ SA.
x. Dans une attestation du 16 août 2024, la représentante de N______ a indiqué ne jamais avoir dit que le contrat de courtage de A______ SA avait été résilié en raison du montant de la commission.
y. Lors de l'audience du 19 août 2024, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions. La cause a ensuite été gardée à juger par le Tribunal.
z. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a relevé qu'à teneur des contrats de courtage, la commission du courtier n'était due qu'après la clôture de la transaction. Or, aucune transaction n'avait été effectuée. L'appartement, objet du contrat de courtage, n'avait en l'état pas été vendu, de sorte que la commission du courtier n'était pas due malgré ses efforts. La créance à la base du séquestre n'était ainsi pas rendue suffisamment vraisemblable. L'argument de la séquestrante consistant à dire que le contrat aurait été conclu sur la base d'échange concordant de volonté sur les points essentiels du contrat n'était pas rendu vraisemblable sur la base des pièces produites et devrait faire l'objet d'un examen approfondi par le juge du fond. Enfin, aucun élément ne permettait de retenir, à ce stade, que l'opposante aurait adopté une attitude déloyale pour empêcher la conclusion du contrat.
1. 1.1 Le jugement entrepris est une décision sur opposition à séquestre, de sorte que seule la voie du recours est ouverte (art. 278 al. 3 LP; art. 309 let. b ch. 6 et 319 let. a CPC).
Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours dès la notification de la décision motivée (art. 278 al. 1 LP et 321 al. 2 CPC).
Déposé selon la forme et dans le délai requis par la loi (art. 130, 131 et 142 al. 1 et 3 CPC), le recours est recevable.
1.2 Les parties ont déposé de nombreuses écritures spontanées et produit des pièces complémentaires devant la Cour.
1.2.1 Par exception au principe général de l'art. 326 al. 1 CPC, l'art. 278 al. 3 LP prévoit que, dans le cadre d'un recours contre une décision rendue sur opposition à séquestre, les parties peuvent alléguer des faits nouveaux et produire, à l'appui de ces faits, des moyens de preuve nouveaux (art. 326 al. 2 CPC).
Cette disposition vise tant les faits et moyens de preuves survenus après les dernières plaidoiries dans la procédure d'opposition au séquestre (vrais nova) que ceux qui existaient déjà avant (pseudo nova; ATF 145 III 324 consid. 6.6 et 6.6.4).
L'invocation devant l'autorité de recours de pseudo nova n'est toutefois admissible que pour autant que les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC, applicables par analogie, soient réalisées (ATF 145 III 324 consid. 6.6.2). La partie qui entend se prévaloir de pseudo nova doit ainsi démontrer n'avoir pas pu le faire avant la procédure de recours bien qu'elle ait fait preuve de la diligence requise (cf. ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).
A partir du début des délibérations, les parties ne peuvent toutefois plus introduire de nova, même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC sont réunies. La phase des délibérations débute dès la clôture des débats, s'il y en a eu, respectivement dès que l'autorité d'appel a communiqué aux parties que la cause a été gardée à juger (ATF 142 III 695, consid. 4.1.4; 142 III 413 consid. 2.2.3-2.2.6; arrêts du Tribunal fédéral 5A_478/2016 du 10 mars 2017 consid. 4.2.2; 5A_456/2016 du 28 octobre 2016 consid. 4.1.2).
1.2.2 En l'espèce, les parties se sont exprimées à plusieurs reprises devant la Cour, avant d'être informées de ce que la cause était gardée à juger par avis du 3 janvier 2025. Seules les écritures déposées jusqu'à cette date sont donc recevables, les écritures, pièces et faits invoqués postérieurement à la mise en délibération étant, quant à eux, irrecevables.
S'agissant des pièces produites à l'appui des écritures admissibles, les pièces 44, 45, 49, 50 et 51 de la recourante datent de février et mars 2024 et, partant, existaient déjà lors de la procédure de première instance. La recourante n'explique pas pour quel motif elle aurait été empêchée de s'en prévaloir précédemment. Ces pièces, produites tardivement, sont donc irrecevables. En revanche, ses pièces 46, 47, 52, 53 et 54 à 59 sont postérieures à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger et ont été produites sans retard, de sorte qu'elles sont recevables. Pour le surplus, les pièces produites par la recourante jusqu'au 3 janvier 2025 sont des actes de procédure qui figurent déjà au dossier et qui ne constituent dès lors pas des pièces nouvelles.
Les pièces produites par l'intimée jusqu'à la mise en délibération de la cause devant la Cour sont toutes recevables dès lors qu'elles se rapportent à des faits postérieurs à la date à laquelle la cause a été gardée à juger par le Tribunal et ont été produites avec la diligence requise.
1.3 La cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC et 278 al. 3 LP).
2. Invoquant une constatation manifestement inexacte des faits, la recourante reproche au Tribunal d'avoir considéré que l'existence de sa créance n'avait pas été rendue suffisamment vraisemblable.
2.1.1 En de l'art. 272 al. 1 LP, le séquestre est autorisé par le juge du for de la poursuite ou par le juge du lieu où se trouvent les biens, à condition que le créancier rende vraisemblable que sa créance existe (ch. 1), qu'on est en présence d'un cas de séquestre (ch. 2) et qu'il existe des biens appartenant au débiteur (ch. 3).
Le créancier séquestrant a le fardeau de l’allégation et de la preuve des faits qui sont à l’origine de sa créance. Il doit ainsi alléguer les faits et, pratiquement, produire une pièce ou un ensemble de pièces qui permettent au juge du séquestre d'acquérir, sur le plan de la simple vraisemblance, la conviction que la prétention existe pour le montant énoncé et qu'elle est exigible. Le critère de la vraisemblance s'applique non seulement à l'existence de la créance en fait, mais aussi à son existence juridique (ATF 138 III 232 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_328/2023 du 15 février 2024 consid. 6.2.2 et les références citées).
La procédure d'opposition au séquestre (art. 278 LP) a le même objet que la procédure de séquestre, à savoir les conditions d'autorisation de celui-ci (art. 272 LP; ATF 140 III 466 consid. 4.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_228/2017 du 26 juin 2017 consid. 3.1). Le juge réexamine en contradictoire la réalisation des conditions du séquestre qu'il a ordonné. L'opposant doit tenter de démontrer que son point de vue est plus vraisemblable que celui du créancier séquestrant. Le juge doit revoir la cause dans son entier et tenir compte de la situation telle qu'elle se présente au moment de la décision sur opposition (ATF 140 III 466 consid. 4.2.3).
La cognition du juge est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (ATF 140 III 466 consid. 4.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_328/2023 du 15 février 2024 consid. 6.2.2 et les références citées). Il suffit ainsi que l'autorité, se fondant sur des éléments objectifs, acquière l'impression que les faits pertinents se sont produits, mais sans qu'elle doive exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement
(ATF 138 III 232 consid. 4.1.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_328/2023 du 15 février 2024 consid. 6.2.2; 5A_151/2020 du 13 mai 2020 consid. 5.1.3 et les références citées).
2.1.2 Selon l'art. 117 LDIP, à défaut d’élection de droit, le contrat est régi par le droit de l’Etat avec lequel il présente les liens les plus étroits (al. 1).
Ces liens sont réputés exister avec l’Etat dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle ou, si le contrat est conclu dans l’exercice d’une activité professionnelle ou commerciale, son établissement (al. 2).
Les exigences de rapidité peuvent empêcher l’autorité d’obtenir une connaissance suffisante du droit étranger et conduire à l’application supplétive du droit suisse (Bucher, in Commentaire romand LDIP, 2ème éd., 2025, n. 12 ad art. 10 LDIP et les références citées).
2.1.3 Selon l'art. 413 al. 1 CO, le courtier a droit à son salaire dès que l’indication qu’il a donnée ou la négociation qu’il a conduite aboutit à la conclusion du contrat. La naissance du droit du courtier au versement de sa rémunération dépend seulement de la conclusion du contrat principal. Il n’est pas tenu compte des efforts déployés ou du temps consacré par le courtier pour exécuter son mandat; seul le rôle que le courtier a joué dans l’aboutissement de l’affaire est déterminant (Rayroux, in Commentaire Romand, CO I, 3ème éd. 2021 n. 1 ad art. 413 CO).
Le contrat principal doit respecter les exigences de forme prévues par la loi ou les cocontractants (CO 16).
2.1.4 Selon l'art. 156 CO, traitant des obligations conditionnelles, la condition est réputée accomplie quand l’une des parties en a empêché l’avènement au mépris des règles de la bonne foi.
L'art. 156 CO concrétise l’interdiction de l’abus de droit (art. 2 al. 2 CC). Il faut cependant se garder d'assimiler à un abus de droit tout comportement entraînant la défaillance de la condition. L'art 156 CO n'est applicable que lorsque le comportement adopté revêt un caractère déloyal (arrêt du Tribunal fédéral 4A_203/2018 du 5 novembre 2018 consid. 3.2.2.).
2.2 En l'espèce, la recourante considère que sa commission de courtage serait due en raison du fait que la vente conclue avec l'acquéreur était parfaite et que son inexécution relèverait du seul fait de l'intimée qui avait adopté un comportement déloyal.
2.2.1 La recourante est au bénéfice de deux contrats de courtage portant sur la vente de l'appartement situé à D______, le premier conclu avec l'intimée et le second avec la société C______ LTD. Selon les termes - quasi identiques - de ces contrats, la commission de 5% du prix de vente est due à la clôture de la transaction ("once the transaction will be closed").
La commission est ainsi exigible à la "clôture" de la transaction, soit en d'autres termes une fois la transaction terminée. C'est ce qui ressort aussi du courrier du 1er décembre 2022 de la recourante, qui a, elle-même, précisé que la commission devait être "distribuée" dans les 24 heures suivant la date de "clôture" de la transaction. Par ailleurs, la recourante a également convenu de ne verser l'éventuelle commission à la société qu'elle avait sous-mandatée pour cette vente qu'une fois la vente réalisée et après règlement intégral du prix de vente, ce qui tend à corroborer le fait que la vente de l'appartement devait être aboutie pour donner droit au paiement de la commission de courtage.
Or, comme l'a relevé le Tribunal, aucune transaction n'a finalement eu lieu, ce qui n'est en soi pas contesté.
La recourante allègue que sa commission serait néanmoins due en raison du fait que le contrat de vente entre l'intimée et l'acquéreuse était, selon elle, parfait et valablement conclu dès lors que ces dernières s'étaient mises d'accord sur les points essentiels de la transaction, soit en particulier le prix de vente. Son argument ne convainc pas. D'une part, ce raisonnement repose sur le droit suisse dont il n'est pas rendu vraisemblable qu'il serait applicable à la vente de l'appartement situé en Angleterre, intervenant entre deux personnes ne présentant a priori aucun lien avec la Suisse. D'autre part, il résulte de la documentation produite, en particulier des projets de contrat et des échanges de courriels, que l'intimée et l'acquéreuse entendaient réserver la forme écrite à la vente, ce qui paraît du reste usuel et vraisemblable au vu des montants en jeu de plus de 45'000'000 GBP, condition qui fait en l'occurrence défaut. A cela s'ajoute encore le fait que selon leurs derniers échanges datant de février 2024, les parties étaient encore en pourparlers quant à la teneur du contrat de vente et de ses modalités, les projets de contrats échangés étant restés dans l'attente de validation. Dans ce contexte, on ne saurait retenir, même sous l'angle de la vraisemblance, que le contrat de vente a été conclu entre l'intimée et l'acquéreuse. Même à considérer que tel fût le cas, il n'apparaît pas vraisemblable que cela aurait suffi à donner lieu au paiement de la commission puisque, comme vu précédemment, celle-ci n'était due, selon les termes contractuels choisis du contrat de courtage, qu'une fois la transaction terminée.
2.2.2 Reste à examiner si, comme le soutient la recourante, la transaction a été empêchée de manière déloyale par l'intimée.
Les parties s'opposent sur les raisons pour lesquelles les négociations ont été interrompues. L'intimée invoque l'incapacité de l'acquéreuse présentée par la recourante de concrétiser la transaction après 18 mois de négociations, tandis que la recourante reproche à l'intimée, d'une part, d'avoir refusé de donner des informations sur le financement initial de l'appartement, lequel était susceptible de faire l'objet de mesure de blocage au regard des sanctions prononcées à l'encontre d'un proche de l'intimée, puis, d'autre part, d'avoir voulu se départir du contrat de courtage pour éluder ses obligations contractuelles.
Il ressort du dossier que les pourparlers au sujet de la vente de l'appartement ont débuté fin 2022 et que l'intimée a relancé l'acquéreuse à plusieurs reprises notamment pour connaître l'identité finale de l'acheteur et pour qu'elle démontre sa capacité financière (l'évidence des fonds) permettant d'exécuter la transaction. Contrairement à l'avis de la recourante, le Tribunal n'a procédé à aucune constatation manifestement inexacte des faits en retenant que, le 14 juin 2023, la vendeuse ignorait encore l'identité du potentiel acheteur puisqu'à cette période il n'était pas encore arrêté, selon les échanges de correspondances produits au dossier, si c'était K______ en personne ou sa société L______ INC. qui allait se porter acquéreur. S'agissant du financement, alors que l'acquéreuse avait été présentée comme un "cash buyer" capable de réaliser rapidement la transaction, ce n'est qu'en avril 2024, soit 18 mois plus tard, qu'elle a transmis la documentation en lien avec la preuve du financement et n'a jamais procédé au dépôt de la garantie telle que requise dans les projets de contrat. Ces éléments pouvaient vraisemblablement susciter des doutes chez l'intimée quant à la capacité financière de sa cocontractante. De plus, dans la chronologie des faits, l'intimée a mis un terme aux négociations juste après avoir reçu la documentation requise, qu'elle a jugée insuffisante, ce qui tend à rendre vraisemblable que le motif pour lequel elle a interrompu les négociations reposait bel et bien sur un éventuel problème de financement.
Pour sa part, la recourante ne rend pas vraisemblable son argument fondé sur d'éventuelles sanctions. Mis à part le courriel de son avocat du 29 février 2024, dont la force probante équivaut à celle d'une allégation de partie, rien ne permet de retenir, au degré de la vraisemblance, qu'elle aurait été empêchée de procéder en raison d'une éventuelle sanction frappant l'appartement litigieux. Son argument développé devant la Cour repose en grande partie sur une pièce nouvelle irrecevable (cf. consid. 1.2.2 supra). A teneur des indications figurant au dossier, ni l'intimée, ni aucune des sociétés propriétaires de l'appartement ne fait apparemment l'objet de sanction et l'appartement n'est vraisemblablement pas soumis à une quelconque mesure de restriction. L'intimée a du reste effectué et produit une procédure de due diligence concernant l'appartement qui exclut tout lien entre le tiers soumis aux sanctions et l'appartement. Au demeurant, la question d'une éventuelle sanction n'a été soulevée que le 23 février 2024, soit plus d'un an après le début des négociations, si bien que l'argument soulevé par la recourante n'explique pas pour quel motif l'acquéreuse n'a pas été en mesure de produire les documents relatifs à sa capacité financière entre fin 2022 et février 2024.
Sur ce point, la recourante ne parvient pas à rendre sa version des faits plus vraisemblable que celle de sa partie adverse.
Quant à ses allégations selon lesquelles l'intimée aurait résilié le contrat de courtage dans le seul but d'éviter de payer la commission, jugeant celle-ci trop élevée, force est de constater qu'elles reposent sur des propos rapportés de manière indirecte au bénéfice d'une force probante limitée et qu'elles ont, de surcroît, été contredites par la représentante de N______. De plus, l'intimée a réaffirmé à plusieurs reprises que le contrat de courtage conclu par elle-même demeurait valable, ce qui donnerait droit à la commission si la transaction était menée à son terme.
Par conséquent, il n'est, en l'état, pas suffisamment rendu vraisemblable que l'intimée aurait adopté une attitude déloyale pour se soustraire à ses obligations, sans préjuger d’un examen plus approfondi sur le fond.
Infondé, le recours sera rejeté.
3. Les frais judiciaires de recours seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront arrêtés à 3'000 fr. (art. 48 et 61 OELP) et entièrement compensés avec l'avance de frais du même montant fournie par cette dernière, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).
Au vu de l'issue du litige, la recourante sera, en outre, condamnée à verser la somme de 4'000 fr. à l'intimée à titre de dépens de recours (art. 84, 85 et 88 à 90 RTFMC), débours compris (art. 25 et 26 LaCC), mais sans TVA compte tenu du domicile à l'étranger de cette dernière (ATF 141 IV 344 consid. 4.1).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 23 septembre 2024 par A______ SA contre le jugement OSQ/22/2024 rendu le 9 septembre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/10905/2024–12 SQP.
Au fond :
Le rejette.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais de recours :
Arrête les frais judiciaires du recours à 3'000 fr., les met à la charge de A______ SA et dit qu'ils sont entièrement compensés par l'avance de frais du même montant qu'elle a versée, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.
Condamne A______ SA à verser à B______, la somme de 4'000 fr. à titre de dépens de recours.
Siégeant :
Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Laura SESSA, greffière.
Le président : Laurent RIEBEN |
| La greffière : Laura SESSA |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.