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Décisions | Sommaires

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C/3225/2024

ACJC/496/2025 du 07.04.2025 sur JTPI/10505/2024 ( SML ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3225/2024 ACJC/496/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 7 AVRIL 2025

 

Entre

Monsieur A______, dont le domicile n'a pas été communiqué, recourant contre un jugement rendu par la 22ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 10 septembre 2024, représenté par Me Florian BAIER, avocat, BAIER & SAGER Avocats, cours de Rive 2, case postale 3131, 1211 Genève 3,

et

Madame B______, domiciliée ______, Grande-Bretagne, intimée, représentée par Me Benoît MAURON, avocat, Lalive SA, rue de la Mairie 35, case postale 6569, 1211 Genève 6.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/10505/2024 du 10 septembre 2024, le Tribunal de première instance a reconnu et déclaré exécutoire en Suisse la sentence arbitrale finale rendue le 12 décembre 2022 par l'arbitre unique de la London Court of International Arbitration (ch. 1), prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 1'500 fr., compensés avec l'avance opérée par B______ et mis à la charge de A______, condamné à en rembourser B______ (ch. 3 et 4), ainsi qu'à lui verser 3'000 fr. à titre de dépens (ch. 5).

Ce jugement a été rendu à l'encontre de A______ "sans domicile connu". Il a été expédié pour notification le ______ septembre 2024 à B______, en son domicile élu, et à A______ par publication dans la Feuille d'avis officielle du ______ 2024.

B.            Par acte du 31 octobre 2024 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre le jugement précité. Il a conclu à la constatation de la nullité de celui-ci, sous suite de frais et dépens.

La page de garde de son recours ne porte pas d'indication de son domicile, seule l'adresse de l'avocat par lequel il comparaît étant indiquée. La procuration produite en faveur de l'avocat comporte une signature et une date, la rubrique "Established in" étant laissée vide.

A______ a allégué qu'il avait communiqué à l'Office des poursuites par courriel de son avocat du 18 novembre 2023 une adresse de notification
(no. ______, 2______ street à D______ [code postal], Israël), précisant avoir fermé la case postale dont il disposait antérieurement aux Iles Caïmans, qu'en définitive, l'"assistant" de son avocat était passé à l'Office des poursuites pour se faire notifier le commandement de payer le 24 janvier 2024 et former opposition. Son avocat avait reçu de l'Office des poursuites, en date du 29 octobre 2024, une copie du jugement du Tribunal du 10 septembre 2024, dont il n'avait pas eu connaissance.

Il a déposé les titres précités, ainsi que le courriel de l'Office des poursuites du
29 octobre 2024 précisant que le jugement précité avait été "reçu du créancier lors du dépôt de la réquisition de continuer".

B______ a conclu à la forme à l'irrecevabilité du recours, au fond au rejet de celui-ci, sous suite de frais et dépens.

Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

La cause a été gardée à juger le 27 janvier 2025.

C.           Il résulte de la procédure de première instance les faits pertinents suivants:

a.    Le 8 février 2024, B______ a saisi le Tribunal d'une requête de mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite
n° 1______, avec conclusion préalable en reconnaissance et déclaration exécutoire en Suisse de la sentence arbitrale du Sole Arbitrator de la London Court of international Arbitration du 12 décembre 2022. Elle a dirigé sa requête contre A______ "dont le dernier domicile constitué [était] E______, no. ______ 3______ Street, [code postal] Iles Caimans".

Elle a notamment allégué que le précité était précédemment domicilié à G______ [GE], que selon attestation du 3 août 2023 de l'Office cantonal de la population et des migrations, il avait quitté le canton, et que selon courriel du
8 août 2023 de la commune de H______ (BE), son adresse était E______, no. ______ 3______ Street, [code postal] Iles Caimans, ajoutant qu'elle avait appris oralement de l'Office des poursuites qu'il ne serait plus domicilié à cet endroit. Elle a notamment déposé le commandement de payer, poursuite n° 1______, notifié à « M. F______, avocat, avec procuration », frappé d’opposition, et la sentence arbitrale susvisée.

b.   Par décision DTPI/5519/2024 du 30 mai 2024, le Tribunal, considérant le domicile à l'étranger de A______, lequel impliquait des frais de traduction, a requis de B______ une avance de frais de 1'900 fr. dans un délai échéant au 28 juin 2024.

Par courrier du 13 juin 2024, B______ a observé que A______ n'était "vraisemblablement plus domicilié aux Iles Caïmans". Elle s'est référée à des décisions de cet Etat des 21 juin et 29 décembre 2023, qui montraient que des poursuites ne pouvaient être notifiées (décisions qu'elle avait produites), ainsi qu'à la circonstance que dans le cadre de la procédure en validation de séquestre, le précité avait fait opposition par une étude d'avocats au bénéfice d'une procuration, mais sans élection de domicile. Elle a requis dès lors une notification par voie édictale en application de l'art. 141 al. 1 let. a CPC.

c.    Par décision DTPI/6198/2024 du 17 juin 2024, le Tribunal, considérant que la notification était impossible ou présentait des difficultés extraordinaires et que partant il convenait de procéder par voie édictale, a requis de B______ l'avance des frais de publication, par 180 fr.

Ce montant ayant été versé, une publication a eu lieu dans la Feuille d'avis officielle à une date ne résultant pas du dossier, portant convocation à une audience fixée le 26 août 2024.

A cette audience, A______ n'a pas comparu. B______, représentée par son avocat, a persisté dans les termes de sa requête. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le
1er janvier 2025, la présente procédure d’appel demeure régie par l’ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d’application immédiate énumérées à l’art. 407f CPC.

1.2 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 3 et 319 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, compte tenu de l'application de la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

1.3 Selon la jurisprudence, la nullité absolue d'un acte juridique ou d'une décision judiciaire doit être constatée d'office, en tout temps et par toute autorité chargée d'appliquer le droit, même en procédure de recours. Elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement décelables; sa constatation ne doit pas mettre sérieusement en danger la sécurité du droit (ATF 138 II 501 consid. 3.1; 137 I 273 consid. 3.1). Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 130 II 249 consid. 2.4).

Des vices de la procédure qui tiennent à des violations du droit d'être entendu sont en soi guérissables et ne conduisent en règle générale qu'à l'annulabilité de la décision entachée du vice. S'il s'agit cependant d'un manquement particulièrement grave aux droits essentiels des parties, les violations du droit d'être entendu entraînent aussi la nullité. C'est en particulier le cas quand la personne concernée par une décision, à défaut d'avoir été citée valablement, ignore tout de la procédure ouverte à son encontre et, partant, n'a pas eu l'occasion d'y prendre part. L'irrégularité de la citation à comparaître empêche ainsi l'intéressé de prendre part à la procédure et de préserver ses droits procéduraux. Un jugement par défaut suppose une citation régulière (ATF 129 I 361 consid. 2.1 et 2.2 et les références citées, JdT 2004 II 47).

1.4 Le tribunal notifie aux personnes concernées notamment les ordonnances et les décisions (art. 136 let. b CPC). Elles sont notifiées par envoi recommandé ou d'une autre manière contre accusé de réception (art. 138 al. 1 CPC).

Selon l'art. 141 al. 1 CPC, la notification est effectuée par publication dans la feuille officielle cantonale [à Genève : la FAO] ou dans la Feuille officielle suisse du commerce lorsque le lieu de séjour du destinataire est inconnu et n'a pu être déterminé en dépit des recherches qui peuvent raisonnablement être exigées
(let. a), lorsqu'une notification n'est pas possible ou présente des difficultés extraordinaires (b), ou lorsque la partie domiciliée à l'étranger n'a pas élu de domicile de notification en Suisse malgré l'injonction du tribunal (let. c).

La voie édictale n'est praticable que si le demandeur ignore de bonne foi la résidence ou le domicile du destinataire de l'acte, après avoir accompli toutes les démarches utiles pour le localiser. L'ignorance ne suffit pas : il faut encore que le demandeur ait procédé en vain aux recherches que l'on peut raisonnablement attendre de lui. La partie instante doit par conséquent user de diligence pour découvrir le domicile de sa partie adverse, diligence qui doit s'apprécier au regard de l'ensemble des circonstances. L'assignation par voie édictale est ainsi régulière lorsque la partie instante n'avait pas la possibilité de découvrir le domicile de sa partie adverse ou lorsque celle-ci, sachant qu'un procès a été ouvert contre elle ou ayant même procédé, s'est dérobée à la notification en changeant de domicile sans aviser le greffe. Dite assignation est en revanche inadmissible lorsque le lieu de séjour du destinataire est connu ou peut facilement être découvert. L'autorité doit intervenir d'office pour vérifier que les conditions légales sont bien réunies, mais il appartient au demandeur de justifier préalablement par pièces avoir entrepris des recherches infructueuses (ATF 136 III 571 consid. 4-6; 129 I 361 consid. 2).

La notification par voie édictale est le moyen ultime auquel le tribunal ne peut avoir recours que lorsque l'une des trois hypothèses énumérées exhaustivement à l'art. 141 al. 1 let. a à c CPC est réalisée. Si le tribunal utilise la notification par voie édictale alors que les conditions n'en sont manifestement pas réunies, la décision souffre d'un vice de procédure d'une gravité telle qu'en règle générale elle apparaît nulle. Il en va ainsi, à tout le moins, dans les cas où le destinataire n'a eu aucune connaissance de la procédure en cours et n'a donc pas eu la possibilité d'y participer. La sanction de la nullité ne s'applique ainsi pas systématiquement en cas de notification viciée par la voie édictale, la nullité apparaissant en définitive limitée aux cas où la partie n'a pas eu connaissance de la procédure. Il convient d'examiner dans chaque cas, d'après les circonstances de l'espèce, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l'irrégularité de communication et a, de ce fait, subi un préjudice. Les règles de la bonne foi, qui fixent une limite à l'invocation d'un vice de forme, sont à cet égard décisives (arrêt du Tribunal fédéral 5A_170/2023 du 13 octobre 2023 consid. 4.1.4 et les références citées).

1.5 L'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi (art. 2 al. 2 CC). Cette règle permet au juge de corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste. Le juge apprécie la question au regard des circonstances concrètes. L'abus de droit doit être admis restrictivement, comme l'exprime l'adjectif "manifeste" utilisé dans le texte légal (ATF 143 III 279 consid. 3.1; 135 III 162 consid. 3.3.1 et les arrêts cités).

Il y a notamment abus de droit lorsqu'une institution juridique est utilisée à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, c'est-à-dire quand elle est invoquée pour servir des intérêts qu'elle ne veut précisément pas protéger (ATF 138 III 401 consid. 2.4.1; 137 III 625 consid. 4.3; 135 III 162 consid. 3.3.1).

1.6 Les exigences de forme du recours (art. 321 al. 1 et 3 CPC) sont les mêmes qu'en appel. Les art. 221 et 244 CPC sont applicables par analogie
(ATF 138 III 213 consid. 2.3).

La désignation des parties et de leurs représentants (cf. art. 221 al. 1 let. a et
244 al. 1 let. a CPC) doit être sans équivoque, de manière à éviter toute incertitude quant à leur identité (Heinzmann, Petit commentaire CPC, 2021, n° 4 ad art. 221 CPC). Pour les personnes physiques, il suffit en général d'indiquer leurs nom, prénom et adresse (arrêt du Tribunal fédéral 4A_242/2016 du 5 octobre 2016 consid. 3.4, non publié in ATF 142 III 623, et la référence; Heinzmann, op. cit., n° 6 ad art. 221 CPC). Si le vice dans la désignation des parties et de leurs représentants est léger, à l'instar de l'absence de l'adresse d'une des parties ou de leurs représentants, le tribunal fixe un délai au plaideur pour qu'il le rectifie conformément à l'art. 132 CPC (Heinzmann, op. cit., n° 5 ad art. 221 CPC). À défaut de rectification dans le délai fixé, l'acte entaché du vice de forme n'est pas pris en considération (art. 132 al. 1 i.f. CPC).

1.7 En l'occurrence, le jugement a été notifié à l'adresse du recourant par voie édictale.

Cette publication dans la Feuille d'avis officielle, le ______ 2024, emporte présomption irréfragable de sa notification à la date à laquelle elle est intervenue.

Le recours formé le 31 octobre 2024 ne respecte donc pas le délai de recours de dix jours tel que prévu par l'art. 321 CPC.

Le recourant soutient que son recours serait recevable en tout temps, dans la mesure où il porterait sur une décision frappée de nullité.

Devant le Tribunal, l'intimée a justifié, par les démarches effectuées, que sa partie adverse n'avait plus de domicile ni à Genève, ni en Suisse, et que le dernier domicile qu'elle connaissait aux Iles Caïmans n'était plus d'actualité à en croire les décisions rendues dans cet Etat qu'elle a produites.

Comme elle le relève, elle n'avait pas à inférer du nom porté dans l'exemplaire du commandement de payer frappé d'opposition – qui n'est pas celui d'un avocat comme l’admet le recourant lui-même – qu'un domicile aurait été élu auprès d'une étude genevoise (élection de domicile qui n'est d'ailleurs pas prétendue par le recourant).

Au demeurant, le recourant s'est appliqué à ne pas communiquer son domicile aux autorités de poursuite, en dépit des demandes qui lui étaient soumises, pas plus que, représenté par avocat, il ne le fait dans la présente procédure de recours;
il s'est en effet abstenu de faire figurer son adresse sur la page de garde de son acte, contrairement aux principes procéduraux qui prévalent en la matière, et a produit une procuration dont la rubrique relative au lieu d'établissement de celle-ci a été laissée vierge de mention.

Pareille attitude permet de retenir un comportement non conforme à la bonne foi en procédure.

Dès lors, au vu de cette attitude délibérée, il sera renoncé à procéder en application de l'art. 132 CPC, aux fins de donner la faculté au recourant de se conformer à l'art. 221 al. 1 let. a CPC, sous peine d'irrecevabilité du présent recours.

En tout état, en effet, le recours n'est pas recevable, pour le motif que la notification par voie édictale est valablement intervenue, le Tribunal ayant retenu à raison que l'intimée avait procédé aux recherches pertinentes en vain, car la notification pouvait être considérée comme impossible ou présentant des difficultés extraordinaires. En omettant sciemment de donner les informations lui permettant de l'atteindre directement, le recourant apparaît l'unique responsable de l'échec de la transmission des actes du Tribunal; il n'est donc pas fondé à invoquer ses propres manquements aux fins de se plaindre d'une notification irrégulière, sauf à protéger un comportement contraire à la bonne foi procédurale.

Le recours sera dès lors déclaré irrecevable.

2. Le recourant, qui succombe supportera les frais de son recours (art. 106
al. 1 CPC), arrêtés à 2'750 fr. (art. 48, 61 OELP), compensés avec l’avance fournie, acquise à l’Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Il versera en outre à l'intimée 2'000 fr. à titre de dépens de recours.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Déclare irrecevable le recours formé le 31 octobre 2024 par A______ contre le jugement JTPI/10505/2024 rendu le 10 septembre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3225/2024-22 SML.

Sur les frais :

Arrête à 2'750 fr. les frais judiciaires du recours, compensés avec l'avance opérée, acquise à l'ETAT DE GENEVE.

Les met à la charge de A______.

Condamne A______ à verser à B______ 2'000 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.