Décisions | Sommaires
ACJC/246/2025 du 18.02.2025 sur JTPI/14464/2024 ( SFC ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/22463/2024 ACJC/246/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 18 FEVRIER 2025 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 18 novembre 2024,
et
B______, sise ______ [VD], intimée.
A. a. À la suite de la poursuite qu'elle avait requise contre A______ (poursuite n° 1______) pour deux primes d'assurance maladie de janvier et février 2024 non payées, à laquelle l'intéressé n'avait pas formé opposition, [l'assurance maladie] B______ a requis le 25 septembre 2024 la faillite du précité, inscrit au registre du commerce sous la raison sociale A______, C______ comme entreprise individuelle.
b. Lors de l'audience devant le Tribunal de première instance du 18 novembre 2024, aucune des parties n'était présente ni représentée.
B. Par jugement du 18 novembre 2024, le Tribunal a déclaré A______ en état de faillite dès le jour même à 14h15 (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judicaires à 150 fr., compensés avec l'avance fournie par B______ (ch. 2) et mis ceux-ci à la charge de A______, qui était condamné à les verser à la précitée qui en avait fait l'avance.
C. a. Par acte déposé à la Cour de justice le 3 décembre 2024, A______ a formé recours contre ce jugement. Il a conclu à son annulation et au rejet de la requête de faillite.
Il a allégué avoir payé sa dette, produisant à cet égard une quittance de l'Office des poursuites selon laquelle la poursuite n° 1______ était soldée, et être solvable.
b. Par ordonnance du 3 décembre 2024, la Cour a informé A______ qu'il pouvait produire jusqu'à l'échéance du délai d'appel les pièces justifiant de sa solvabilité (revenus, charges, fortune, comptes de l'année courante et des deux exercices précédents, contrats en cours, etc.).
c. Le 9 décembre 2024, A______ a déposé une liasse de pièces (extrait d'un compte bancaire faisant état d'un solde de 259 fr. 62 au 3 décembre 2024, polices d'assurance, récapitulatif de frais médicaux, avis de taxation fiscale 2021 retenant un revenu net de 105'619 fr. [ICC], respectivement 118'364 fr. [IFD]), sans autre explication, se limitant à indiquer qu'il n'était pas en mesure de produire les autres pièces requises par la Cour pour attester de sa solvabilité; il ne disposait pas de bilan pour les années 2022 et 2023. Il s'était laissé dépasser par les événements à la suite de la séparation d'avec son épouse.
d. Par décision du 11 décembre 2024, la Cour a fait droit à la conclusion préalable de A______ en suspension du caractère exécutoire du jugement attaqué et en suspension des effets juridiques de l'ouverture de la faillite.
e. Le même jour, la Cour a imparti à A______ un délai pour se prononcer sur la liste des poursuites en cours et actes de défaut de biens le concernant qu'elle lui transmettait.
Il ressort de cette liste que A______ a fait l'objet de 28 poursuites depuis 2020, dont treize en 2024. Onze poursuites ont notamment été requises par le Service des contraventions de l'Etat de Genève, six par l'Administration fiscale cantonale ou pour des taxes professionnelles de la Ville de Genève et huit par des compagnies d'assurance. Huit poursuites concernent des montants de 100 fr. ou moins. Cinq ont été payées à l'Office, six ont été payées après la réalisation, deux en sont au stade de la réalisation, deux ont fait l'objet d'un avis de saisie, deux ont fait l'objet d'une saisie ne couvrant pas la créance et d'une saisie de salaire et cinq en sont au stade de la commination de faillite, dont l'une pour un montant de 78 fr. 25. Les poursuites qui n'ont pas été payées, ou pas intégralement, s'élèvent à 44'494 fr. Aucun acte de défaut de biens n'est enregistré.
f. Par courrier expédié à la Cour le 27 décembre 2024, A______ a expliqué ses difficultés financières par des problèmes personnels d'ordre matrimonial et médical, lesquels avaient eu un effet négatif sur ses activités professionnelles. Il a par ailleurs annoncé qu'il solderait l'intégralité des poursuites dont il faisait l'objet le 2 janvier 2025.
Il n'a ultérieurement produit aucun justificatif des paiements qu'il aurait effectué ce jour-là.
g. B______ n'a pas répondu au recours dans le délai qui lui avait été imparti.
h. Le 22 janvier 2025, les parties ont été informées par la Cour de ce que la cause était gardée à juger.
1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 174 LP).
Les décisions rendues en matière de faillite sont soumises à la procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).
1.2 Formé selon la forme et dans le délai prévus par la loi (art. 321 al. 1 et 2 CPC), le recours est recevable.
1.3 D'après l'art. 174 al. 1, 2ème phrase LP, les parties peuvent faire valoir devant l'instance de recours des faits nouveaux qui se sont produits avant le jugement de première instance ("pseudo nova"; Cometta, in Commentaire romand LP, 2005, n. 5 ad art. 174 LP). Le débiteur peut également présenter des faits et moyens de preuve postérieurs au jugement de faillite ("vrais nova"), pour autant qu'ils servent à établir que les conditions de l'art. 174 al. 2 LP sont remplies (Cometta, op. cit., n. 6 ad art. 174 LP).
En l'espèce, les pièces nouvelles déposées par le recourant sont recevables dans la mesure où elles ont été produites dans le délai de recours, en vue d'établir que la dette avait été payée ainsi que la solvabilité de l'intéressé.
2. Le recourant sollicite l'annulation du jugement prononçant sa faillite. Il fait valoir qu'il a payé la dette pour laquelle il était poursuivi et qu'il serait solvable.
2.1 En vertu de l'art. 174 al. 2 LP, l'autorité de recours peut annuler le jugement de faillite lorsque le débiteur rend vraisemblable sa solvabilité et qu'il établit par titre que l'une des conditions suivantes a été remplie, à savoir que la dette, intérêts et frais compris, a été payée (ch. 1), que la totalité du montant à rembourser a été déposée auprès de l'autorité de recours à l'intention du créancier (ch. 2) ou que le créancier a retiré sa réquisition de faillite (ch. 3). Ainsi, le débiteur ne doit pas seulement prouver le paiement de la dette à l'origine de la faillite, mais également rendre vraisemblable sa solvabilité. Ces deux conditions sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 5A_175/2015 du 5 juin 2015 consid. 3.1; 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 2 in fine).
Le poursuivi doit rendre vraisemblable sa solvabilité, en produisant des titres immédiatement disponibles.
En principe, s'avère insolvable le débiteur qui, par exemple, laisse des comminations de faillite s'accumuler, fait systématiquement opposition et ne paie pas même des montants peu élevés. De simples difficultés passagères de paiements ne font en revanche pas apparaître insolvable le débiteur, à moins qu'il n'y ait aucun indice important permettant d'admettre une amélioration de sa situation financière et qu'il semble manquer de liquidités pour une période indéterminée. L'appréciation de la solvabilité repose sur une impression générale fondée sur les habitudes de paiement du failli (arrêts du Tribunal fédéral 5A_153/2017 du 21 mars 2017 consid. 3.1; 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1; 5A_328/2011 du 11 août 2011 consid. 2, publié in SJ 2012 I p. 25). Pour rendre vraisemblable qu'il est solvable, le débiteur doit notamment établir qu'aucune requête de faillite dans une poursuite ordinaire ou dans une poursuite pour effets de change n'est pendante contre lui et qu'aucune poursuite exécutoire n'est en cours (arrêts du Tribunal fédéral 5A_118/2012 du 20 avril 2012 consid. 3.1 et 5A_640/2011 du 4 janvier 2012 consid. 3.1).
Un fait est rendu vraisemblable si le juge, en se basant sur des éléments objectifs, a l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement (ATF 132 III 715 consid. 3.1). Pour l'annulation du prononcé de faillite, cela signifie que la solvabilité du débiteur doit être plus probable que son insolvabilité. Dans ce domaine, il ne faut pas poser d'exigences trop sévères, en particulier lorsque la viabilité de l'entreprise endettée ne saurait être déniée d'emblée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_328/2011 du 11 août 2011 consid. 2, traduit et publié in SJ 2012 I 25; Message du Conseil fédéral du 8 mai 1991 concernant la révision de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, FF 1991 III p. 130 s.).
2.2 En l'espèce, il est établi que la dette faisant l'objet de la poursuite intentée par l'intimée a été acquittée, en capital, intérêts et frais. Les frais judiciaires de première et de seconde instances ont été réglés. La première condition posée par l'art. 174 al. 2 LP est ainsi réalisée.
Quant à la solvabilité du recourant, il y a lieu de relever que ce dernier, qui ne s'est pas prononcé sur la liste des poursuites en cours, a régulièrement fait l'objet de poursuites depuis près de cinq ans. Il en payé certaines à l'Office, mais il a régulièrement fait l'objet de saisie pour désintéresser ses créanciers. Les poursuites ont été majoritairement requises par des créanciers de droit public et elles ont concerné à plusieurs reprises de faibles montants. Enfin, plusieurs poursuites en sont au stade de la commination de faillite.
Le recourant a allégué qu'il était sur le point de solder l'intégralité des poursuites dont il faisait l'objet, sans exposer comment il serait en mesure de payer immédiatement toutes ses dettes et il n'a produit aucune pièce permettant de retenir que tel aurait été le cas. Il n'a pas produit ses comptes et n'a donné aucune indication concernant ses éventuelles liquidités, étant relevé que le recourant a uniquement produit le relevé d'un compte faisant état d'un solde de 259 fr. 62 au 3 décembre 2024. Enfin, aucun élément figurant à la procédure ne permet de penser que sa situation serait susceptible de s'améliorer à court terme, au contraire même puisque pratiquement la moitié des poursuites dont il a fait l'objet depuis 2020 ont été requises en 2024 seulement.
2.3 En définitive, au vu de ce qui précède, le recourant n'a pas rendu vraisemblable sa solvabilité.
Le recours, infondé, sera dès lors rejeté.
3. Lorsque l'effet suspensif octroyé par l'autorité de recours porte également sur la suspension des effets juridiques de l'ouverture de la faillite, et non seulement sur le caractère exécutoire du jugement de faillite, et que l'autorité rejette en fin de compte le recours contre la faillite, le moment de l'ouverture de la faillite est différé à la date du prononcé de l'arrêt de seconde instance. L'autorité doit par conséquent fixer à nouveau ce moment (arrêt du Tribunal fédéral 5A_92/2016 du 17 mars 2016 consid. 1.3.2.1).
La faillite du recourant sera dès lors confirmée, avec effet à la date du prononcé du présent arrêt.
4. Le recourant, qui succombe, sera condamné aux frais judiciaires de recours (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 220 fr. (art. 52 et 61 OELP) et compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).
Il ne sera pas alloué de dépens de recours à l'intimée, qui n'a pas répondu au recours et comparaît en personne.
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La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 3 décembre 2024 par A______ contre le jugement JTPI/14464/2024 rendu le 18 novembre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/22463/2024–19 SFC.
Au fond :
Confirme le jugement querellé, la faillite de A______ prenant effet le 18 février 2025 à 12h.
Déboute les parties de toutes autres conclusions
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires du recours à 220 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais fournie, acquise à l'État de Genève.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.
Siégeant :
Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.