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Décisions | Sommaires

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C/16317/2023

ACJC/960/2024 du 29.07.2024 sur JTPI/1791/2024 ( SML ) , JUGE

Normes : LP.82
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16317/2023 ACJC/960/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 29 JUILLET 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 5 février 2024, représenté par Me François MEMBREZ, avocat, Waeber Avocats, rue Verdaine 12, case postale 3647, 1211 Genève 3,

et

Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée, représenté par Me Michel BERGMANN, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8, case postale, 1211 Genève 4.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/1791/2024 du 5 février 2024, notifié aux parties le 12 février 2024, statuant par voie de procédure sommaire, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal) a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée par A______ au commandement de payer dans la poursuite n° 1______, à hauteur de 4'797 fr.16 plus intérêts à 5% l'an dès le 17 avril 2023 (ch. 1 du dispositif), mis les frais judiciaires – arrêtés à 200 fr. – à la charge de A______, compensé ces frais avec l'avance de même montant fournie par B______, condamné A______ à rembourser 200 fr. à cette dernière (ch. 2), ainsi qu'à lui payer 267 fr. TTC à titre de dépens (ch. 3), et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B.            a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 19 février 2024, A______ forme un recours contre ce jugement, dont il sollicite l'annulation.

Principalement, il conclut au déboutement de B______ des fins de sa requête de mainlevée provisoire, avec suite de frais judiciaires et dépens.

A l'appui de ses conclusions, il produit une décision d'homologation du certificat d'héritier datée du 15 juin 2020, déjà soumise au Tribunal.

b. A titre préalable, A______ a requis la restitution de l'effet suspensif au recours.

Par arrêt ACJC/244/2024 du 26 février 2024, la présidente de la Chambre civile a rejeté cette requête et dit qu'il serait statué sur les frais dans l'arrêt à rendre sur le fond.

c. Dans sa réponse, B______ a conclu au déboutement de A______ des fins de son recours et à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais judiciaires et dépens.

d. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

e. Elles ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 19 juin 2024.

C.           Les faits pertinents suivants résultent du dossier de première instance:

a. Feu C______ et sa fille B______ ont exploité à Genève un commerce d'art à l'enseigne GALERIE D______.

b. C______ est décédé le ______ 2020, laissant pour héritières son épouse, E______, et ses deux filles, B______ et F______.

c. C______ était au bénéfice d'un acte de défaut de biens après saisie (ADB n° 2______) de 31'725 fr. 25, délivré le 27 mars 2020 à l'encontre de A______, en lien avec une avance faite à ce dernier en vue de l'acquisition d'un tableau pour la galerie D______.

d. Dans sa succession, C______ a légué à sa fille B______ la totalité des biens de la GALERIE D______, qu'il exploitait avec celle-ci.

e. Le 19 juin 2023, B______ a requis le séquestre, en mains de L'ETAT DE GENEVE, de l'indemnité octroyée à A______ pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure dans la cause P/3______/2018 l'opposant à elle-même, à concurrence de 4'797 fr. 16 plus intérêts à 5% l'an à compter du 17 avril 2023.

f. Par ordonnance n° 4______ du même jour, le Tribunal a ordonné le séquestre, ce dont A______ a été informé le 23 juin 2023.

Le 3 juillet 2023, A______ a formé opposition au séquestre. Le Tribunal a rejeté cette opposition par jugement du 22 septembre 2023.

g. Dans l'intervalle, B______ a requis la poursuite de A______ à hauteur de 4'797 fr. 16 plus intérêts à 5% dès le 17 avril 2023, en validation du séquestre susvisé et en se fondant sur l'acte de défaut de biens ADB n° 2______.

A______ a formé opposition au commandement de payer, qui lui a été notifié le 17 juillet 2023, dans la poursuite n° 1______.

h. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 3 août 2023, B______ a requis la mainlevée provisoire de cette opposition, concluant en outre à ce que le Tribunal condamne A______ en tous les frais et dépens du séquestre.

h.a A l'appui de sa requête, elle a notamment allégué que la succession de son père avait été partagée et qu'elle avait succédé à celui-ci en qualité de bénéficiaire de l'acte de défaut de biens ADB n° 2______. Elle a produit à ce propos notamment un certificat d'héritier indiquant que son père lui léguait son commerce genevois avec tout son contenu, ainsi qu'une décision d'homologation dudit certificat d'héritier datée du 15 juin 2020.

h.b B______ a également produit deux attestations datées du 3 août 2023, rédigées respectivement par sa mère, E______, et sa sœur, F______, indiquant que l'acte de défaut de biens ADB n° 2______ entrait dans les avoirs de la GALERIE D______, que B______ en était la seule héritière comme indiqué dans le certificat d'héritier homologué le 15 juin 2020 et qu'elles-mêmes n'avaient aucun droit sur le montant concerné.

i. A l'audience du 27 novembre 2023, A______ a déclaré s'être opposé au séquestre.

B______ a persisté dans les termes de sa requête, sur quoi le Tribunal a gardé la cause à juger.

j. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que la requérante se fondait sur un acte de défaut de biens, lequel valait reconnaissance de dette au sens de la loi. Le cité quant à lui n'alléguait pas, ni ne rendait vraisemblable, sa libération. Partant la mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer dans la poursuite n° 1______ devait être prononcée.

Les frais du séquestre relevaient en réalité des frais de la poursuite et suivaient le sort de ceux-ci, qui ne donnaient pas lieu à un prononcé de mainlevée distinct.

EN DROIT

1.             1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire.

Interjeté en l'espèce dans le délai et selon la forme prescrits par la loi (art. 130, 131 et 142 al. 1 CPC), le recours est recevable.

1.2 Dans le cadre d'un recours, l'autorité a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait (art. 320 CPC; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2010, n. 2307).

Le recours étant instruit en procédure sommaire, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 58 al. 1 et 255 let. a a contrario CPC).

2.             Conformément à l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables.

En l'espèce, la décision d'homologation du 15 juin 2020 produite par le recourant avec son recours n'est pas nouvelle et est donc recevable, ce qui n'est pas contesté. Ceci ne préjuge cependant pas de la recevabilité des faits que le recourant allègue en relation avec cette pièce, qui sera examinée en tant que de besoin ci-dessous.

3.             Le recourant fait valoir que l'intimée n'est pas fondée à se prévaloir de l'acte de défaut de biens invoqué comme titre de mainlevée, car elle aurait dû agir avec les deux autres héritiers de C______, puisque la succession n'avait pas été encore partagée.

3.1 En vertu de l'art. 82 al. 1 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire.

Le juge prononce la mainlevée provisoire si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP).

3.1.1 Pour que la mainlevée provisoire soit prononcée, il faut que le poursuivant soit au bénéfice d'une reconnaissance de dette qui, outre les caractéristiques relatives à l'obligation de payer du débiteur, réunisse les trois identités, soit l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné, et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre qui lui est présenté (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_58/2015 du 28 avril 2015 consid. 3, non publié aux ATF 141 III 185). La reconnaissance de dette peut résulter du rapprochement de plusieurs pièces, dans la mesure où les éléments nécessaires en résultent (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; 136 III 62 consid. 2 et la référence; arrêt du Tribunal fédéral 5A_595/2021 du 14 janvier 2022 consid. 6.2.1).

L'acte de défaut de biens après saisie vaut reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP (art. 149 al. 2 LP).

3.1.2 S'il y a plusieurs héritiers, tous les droits et obligations compris dans la succession restent indivis jusqu'au partage (art. 602 al. 1 CC). Les héritiers sont propriétaires et disposent en commun des biens qui dépendent de la succession, sauf les droits de représentation et d'administration réservés par le contrat ou la loi (al. 2).

Au titre de la clôture du partage, l'art. 634 al. 1 CC prévoit que le partage oblige les héritiers dès que les lots ont été composés et reçus ou que l'acte de partage a été passé.

La clôture du partage a pour effet de transformer la propriété commune de tous les héritiers sur tous les biens successoraux en une propriété individuelle de chacun d'eux sur certains biens. Le partage peut être conventionnel ou judiciaire. Dans le partage conventionnel (ou amiable), les héritiers s'accordent sur la forme du partage, ainsi que sur la composition et l'attribution des lots. Le partage conventionnel constitue le moyen ordinaire de mettre fin à la communauté héréditaire (Vouilloz in Commentaire romand, Code civil II, 2016, n. 1 ad art. 634 CC).

La clôture du partage conventionnel se présente sous deux formes: la composition et la réception des lots (le partage manuel, le partage réel, Realteilung) et l'acte de partage (le contrat de partage, la promesse de partage, Erbteilungsvertrag). Ces deux modes de clôture du partage entraînent les mêmes effets, tant sous l'angle des obligations en résultant, que des droits réels transférés (Vouilloz, op. cit., n. 2 ad art. 634 CC).

3.1.3 Dans le cadre d'une procédure sommaire, le rôle du juge de la mainlevée n'est pas d'interpréter des contrats ou d'autres documents, mais d'accorder rapidement, après examen sommaire des faits et du droit, une protection provisoire au requérant dont la situation juridique paraît claire (arrêt du Tribunal fédéral du 10 mai 1968, résumé in JdT 1969 II 32; ACJC/658/2012 du 11 mai 2012 consid 5.2; ACJC/1211/1999 du 25 novembre 1999 consid. 3).

Lorsque le juge doit statuer selon la simple vraisemblance, il doit, en se basant sur des éléments objectifs, avoir l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement (ATF 132 III 140 consid. 4.1.1; 130 III 321 consid. 3.3; 104 Ia 408 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_413/2014 du 20 juin 2014 consid 4.1).

3.2 En l'espèce, il est constant que l'acte de défaut de biens invoqué comme titre de mainlevée par l'intimée a été établi au nom du père de celle-ci, et non de l'intimée elle-même.

Cela étant, il est également établi que dans la succession de son père, l'intimée s'est vu léguer la totalité du commerce qu'elle exploitait avec celui-ci, ainsi que son contenu, comme l'indique le certificat d'héritier produit. S'il est vrai que la créance pour laquelle l'acte de défaut de biens susvisé a été délivré ne constitue pas à proprement parler un bien matériel du commerce en question, comme le relève le recourant, il faut néanmoins tenir pour acquis que cette créance, contractée dans le cadre de l'exploitation dudit commerce, est aujourd'hui également dévolue à l'intimée, comme l'indiquent les attestations de ses cohéritières produites à l'appui de la requête.

Ces mêmes attestations, qui indiquent que les cohéritières de l'intimée n'ont plus de droit sur la créance à la base de l'acte de défaut de biens, établissent par ailleurs suffisamment que la succession du père de l'intimée a fait l'objet d'un partage conventionnel et que celui-ci a été clôturé de façon manuelle (ou réelle), par la composition et surtout par la réception des lots, dont faisait partie la créance litigieuse, conformément aux dispositions et principes rappelés ci-dessus.

Il est ici observé que les dispositions et principes susmentionnés n'exigent pas, pour que le partage puisse être clôturé, que celui-ci fasse l'objet d'un acte de partage en la forme écrite, contrairement à ce que suggère le recourant. Formulées pour la première fois devant la Cour, les allégations du recourant selon lesquelles la succession du père de l'intimée serait encore en cours de liquidation, avec notamment le concours d'un exécuteur testamentaire, sont par ailleurs irrecevables à ce stade (cf. art. 326 CPC et consid. 2 ci-dessus) et ne sauraient être prises en considération.

Ainsi, le Tribunal n'a pas violé l'art. 82 LP, ni l'art. 602 CC, ni encore d'autres dispositions exigeant que les actes de poursuite contiennent la désignation exacte du créancier (cf. art. 67 al. 1 et art. 69 al. 2 LP), en considérant que l'intimée était désormais fondée à se prévaloir en son nom de l'acte de défaut de biens litigieux, ainsi que de la créance qui y a donné lieu, pour requérir la poursuite du recourant et la mainlevée de l'opposition formée par celui-ci.

3.3 C'est donc à bon droit que le Tribunal a prononcé ladite mainlevée et le recours sera rejeté.

4.             Les frais judiciaires du recours, comprenant les frais de la décision rendue sur effet suspensif, seront arrêtés à 500 fr. (art. 48 et 61 OELP) et mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 105 al. 1, 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de même montant versée par le recourant, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Le recourant sera également condamné à payer à l'intimée la somme de 500 fr. à titre de dépens de recours (art. 105 al. 2 CPC; art. 23 al. 1 LaCC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 19 février 2024 par A______ contre le jugement JTPI/1791/2024 rendu le 5 février 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/16317/2023–19 SML.

Au fond :

Rejette le recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 500 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais de même montant fournie par celui-ci, qui demeure acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à payer à B______ la somme de 500 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.