Décisions | Sommaires
ACJC/968/2024 du 02.08.2024 sur JTPI/3246/2024 ( SML ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/14719/2023 ACJC/968/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU VENDREDI 2 AOÛT 2024 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______, Italie, recourant contre un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 6 mars 2024, représenté par Me Benoît MAURON, avocat, LALIVE SA, rue de la Mairie 35, case postale 6569, 1211 Genève 6,
et
B______ SA, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Afshin SALAMIAN, avocat, SALAMIAN BOSTERLI & ASSOCIÉS, rampe de la Treille 5, case postale 3339, 1211 Genève 3.
A. Par jugement JTPI/3246/2024 du 6 mars 2024, reçu par les parties le 11 mars 2024, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal) a, préalablement, déclaré irrecevables les allégués complémentaires, ainsi que le bordereau de pièces, de B______ SA du 5 décembre 2023, cela fait, débouté A______ de toutes ses conclusions (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 900 fr., compensés avec l'avance de frais effectuée par le précité et mis à sa charge (ch. 2), condamné celui-ci à verser à B______ SA 1'500 fr. à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).
B. a. Par acte déposé le 21 mars 2024 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Il a conclu à ce que la Cour déclare, à titre incident, exécutoires le jugement n° 3117/2021 du 16 février 2021 rendu par le Tribunale ordinario di C______ [Italie] et la décision n° 1108/2022 du 17 février 2022 rendue par la Corte di Appello di C______, prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, et dise que la poursuite irait sa voie, sous suite de frais judiciaires et dépens. Subsidiairement, il a conclu au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision.
b. Dans sa réponse, B______ SA a conclu à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet, de ce recours et à la confirmation du jugement entrepris, sous suite de frais judiciaires et dépens.
c. Dans sa réplique, A______ a persisté dans ses conclusions.
d. Par avis du greffe de la Cour du 21 mai 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:
a. La société genevoise B______ SA, anciennement D______ & CIE SA, a pour but l'exploitation d'une galerie d'art, l'organisation d'expositions, l'achat, la vente et la consignation d'œuvres d'art, ainsi que le courtage.
E______ était administrateur de D______ & CIE SA jusqu'au changement de raison sociale, les statuts ayant été modifiés le 29 novembre 2018 et la modification publiée le ______ 2018 dans la FOSC. Les pouvoirs de E______ ont été radiés du Registre du commerce.
b. E______ est l'administrateur unique de la société genevoise F______ SA, avec signature individuelle.
c. Le 18 avril 2018, A______, domicilié à C______ [Italie], a acheté auprès de D______ & CIE SA, lors de la foire internationale ______ de G______ [Italie], une œuvre d'art de l'artiste H______ au prix de 8'500 euros.
La livraison de cette œuvre a été effectuée le 25 mai 2018. Le titre de celle-ci était toutefois manquant, soit une plaque en bois physiquement détachée de l'œuvre sur laquelle figurait l'inscription "______".
D______ & CIE SA a envoyé la plaque manquante par la poste, laquelle est arrivée le 11 juin 2018.
d. Par courriel du 11 juin 2018, A______ a informé la galerie de ce que la plaque en bois était abimée et qu'il souhaitait récupérer son argent et retourner l'œuvre.
Par courriel du 21 juin 2018, D______ & CIE SA a proposé à A______ de remplacer la plaque endommagée par une nouvelle produite par l'artiste et de lui offrir un coffret de douze lithographies, ainsi qu'un dessin original, de ce dernier d'une valeur totale de 2'500 euros. Dans l'hypothèse où il souhaitait rendre l'œuvre, il devait s'acquitter des frais d'expédition et de douane, pour un montant total de 600 euros.
Par courriel du même jour, A______ a répondu qu'il refusait de payer les frais d'expédition, estimant que ce n'était pas à lui de supporter le retour de l'œuvre en Suisse.
Par courriel du 22 juin 2018, D______ & CIE SA a accepté de prendre à sa charge les frais d'expédition, indiquant qu'elle procéderait au remboursement du prix de l'œuvre une fois celle-ci arrivée à l'adresse indiquée.
e. A la suite de nombreux courriels échangés entre les 2 et 23 juillet 2018, D______ & CIE SA a finalement refusé de récupérer l'œuvre et a informé A______ de ce qu'il recevrait prochainement un nouveau titre de celle-ci.
f. Par courriel du 2 octobre 2018, I______, intervenant pour le compte de A______, a proposé à D______ & CIE SA qu'elle rembourse le prix de l'œuvre à ce dernier et qu'elle récupère celle-ci directement auprès du précité.
Par courriel du lendemain, D______ & CIE SA a décliné cette proposition, au motif que l'attitude de A______ avait été insultante et qu'un nouveau titre, en parfait état, lui avait été livré.
g. Par courrier recommandé du 9 octobre 2018, le conseil italien de A______ a mis en demeure D______ & CIE SA de s'acquitter de la somme de 9'000 euros.
D______ & CIE SA n'a pas répondu à ce courrier.
h. Par acte du 8 mars 2019, A______ a formé une action à l'encontre de D______ & CIE SA auprès du Tribunale ordinario di C______, concluant à la résiliation du contrat de vente liant les parties et à la condamnation de celle-ci à lui verser le prix de vente de 8'500 euros, ainsi 6'500 euros à titre de préjudice non patrimonial et 2'000 euros à titre de préjudice patrimonial.
i. Le 15 mars 2019, le greffe du Tribunale ordinario di C______ a envoyé une demande au Tribunal afin qu'il notifie l'acte introductif d'instance à "D______ & Cie SA, dans la personne du représentant légal pro tempore, numéro d'enregistrement TVA CHE-2______ et CH-3______, basé à Genève (Suisse), no. ______, Rue 4______, au sens de l'article 5 Convention de La Haye 15 novembre 1965".
Il ressort de l'attestation de délivrance et du récépissé y afférent que le Tribunal a effectué cette notification le 3 avril 2019 auprès de F______ SA, no. ______, route 5______, [code postal] J______ [GE], en mains de E______.
Par courrier du 17 avril 2019, le Tribunal a confirmé à l'autorité requérante la notification de l'acte et joint ladite attestation et le récépissé.
j. Par courrier du 10 octobre 2019, le Tribunal a adressé à l'autorité requérante une nouvelle attestation indiquant que la demande de notification n'avait pas pu être exécutée, au motif qu'il avait convoqué par erreur F______ SA, en lieu et place de D______ & CIE SA, devenue B______ SA.
k. Lors de l'audience du 13 février 2020 du Tribunale ordinario di C______, seul le conseil de A______ était présent. L'audition d'un représentant de
D______ & CIE SA a été admise et la prochaine audience a été fixée au 8 octobre 2020, avec un délai au 15 septembre 2020 pour notifier à la précitée ("società convenuta contumace") le procès-verbal de l'audience, ainsi que le mémoire complémentaire déposé par A______.
l. Par convocation du 7 mai 2020, le Tribunal a invité B______ SA à retirer un acte judiciaire, ce qu'elle a fait le 20 mai 2020.
L'acte contenait la convocation à l'audience du 8 octobre 2020 et le mémoire complémentaire déposé par A______.
m. Par courriel et courrier du 2 octobre 2020, B______ SA a informé la Corte di Appello di C______ de ce qu'elle n'avait jamais reçu l'acte introductif d'instance. Elle sollicitait donc l'annulation de l'audience du 8 octobre 2020 - dont le lieu n'était au demeurant pas précisé -, la notification dudit acte et des pièces y afférentes, et à ce qu'il soit sursis à toute décision dans l'intervalle. Compte tenu de la pandémie de Covid-19, limitant les déplacements internationaux, elle sollicitait également l'octroi d'un délai pour se déterminer par écrit avant de statuer sur l'opportunité de convoquer les parties à une audience.
Ce courrier a été envoyé par courriel du lendemain à la présidence du Tribunale ordinario di C______.
n. Par courriels des 6 et 7 octobre 2020, le conseil de B______ SA a demandé au conseil de A______ de lui faire parvenir l'acte introductif d'instance et son chargé de pièces.
Par courriel du 2 novembre 2020, le conseil de A______ a répondu qu'après vérification, le "juge" avait retenu que toutes les notifications avaient été faites de manière correcte et que l'affaire était prête à être jugée, consentant néanmoins à lui remettre l'acte introductif d'instance à titre confraternel.
o. Par ordonnance du 14 janvier 2021, le Tribunale ordinario di C______ a fixé l'audience de jugement au 16 février 2021 et imparti un délai aux parties échéant à cinq jours avant ladite audience pour déposer des déterminations écrites.
B______ SA a contesté avoir reçu cette ordonnance.
p. Par courrier du 19 janvier 2021, B______ SA a informé le Tribunal de la notification défectueuse d'un acte étranger. La signification de l'acte introductif d'instance n'ayant pas été valablement effectuée en raison d'une erreur du Tribunal, celui-ci était invité à annuler son attestation du 17 avril 2019, laquelle indiquait la bonne exécution de la notification, et à en informer l'autorité compétente italienne.
Une copie de ce courrier a été adressé au conseil de A______.
q. Par jugement n° 3117/2021 du 16 février 2021, le Tribunale ordinario di C______ a mis fin au contrat de vente conclu entre les parties pour faute grave de D______ & CIE SA, condamné celle-ci à restituer à A______ le montant de 8'500 euros, avec intérêts légaux dès la date de la demande et ce jusqu'au remboursement effectif, et à verser à ce dernier 2'000 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi que 2'347.50 euros correspondant aux frais de la procédure.
Ce jugement a été notifié par le Tribunal à B______ SA le 2 juin 2021.
r. Par acte du 9 septembre 2021, B______ SA a formé appel contre le jugement précité par-devant la Corte di Appello di C______.
Par décision n° 1108/2022 du 17 février 2022, la Corte di Appello di C______ a conclu à l'irrecevabilité de cet appel pour cause de tardiveté et condamné B______ SA à verser à A______ des frais d'instance de 3'118 euros.
Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours.
s. Par courrier du 27 septembre 2022, A______ a mis en demeure B______ SA de s'acquitter de la somme totale de 17'618.91 euros d'ici au 4 octobre 2022.
Par courrier du 12 octobre 2022, B______ SA a répondu qu'elle ne s'acquitterait pas de la somme requise en raison du défaut de notification de l'acte introductif d'instance.
t. Le 9 mai 2023, A______ a fait notifier à B______ SA un commandement de payer, poursuite n° 1______, pour les sommes de 8'348 fr. 76, avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2023, correspondant au montant principal dû selon le jugement italien n° 3117/2021 du 16 février 2021, 163 fr. 23, correspondant aux intérêts légaux sur ladite créance du 8 mars 2019 au 31 décembre 2022, 1'960 fr. 91, avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2023, correspondant aux dommages-intérêts dus selon le jugement précité, 17 fr. 09, correspondant aux intérêts légaux sur ladite créance du 20 avril 2022 au 31 décembre 2022, 2'301 fr. 82, avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2023, correspondant aux frais d'instance selon le jugement précité, 20 fr. 06, correspondant aux intérêts légaux sur ladite créance du 20 avril 2022 au 31 décembre 2022, 3'056 fr. 33, avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2023, à titre de frais de procédure selon la décision italienne n° 1108/2022 du 17 février 2022, et 27 fr. 64, correspondant au intérêts légaux sur ladite créance du 20 avril 2022 au 31 décembre 2022.
B______ SA y a formé opposition.
D. a. Par requête du 12 juillet 2023, A______ a conclu, "à titre incident", à ce que le Tribunal déclare exécutoires les jugements italiens n° 3117/2021 du 16 février 2021 et n° 1108/2022 du 17 février 2022 et, principalement, prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement payer susvisé, sous suite de frais judiciaires et dépens.
Il a notamment allégué que, bien que l'acte introductif d'instance n'ait pas été valablement notifié à B______ SA, celle-ci avait eu la possibilité de se défendre et de faire valoir ses droits dans le cadre de la procédure italienne, conformément aux règles de procédure de ce pays. Elle y avait toutefois sciemment renoncé, de sorte qu'elle ne pouvait pas se prévaloir d'une irrégularité de forme n'ayant pas affecté son droit d'être entendue pour échapper à ses obligations.
b. Dans sa réponse, B______ SA a conclu à ce que le Tribunal déclare que les deux jugements italiens concernés n'étaient pas exécutoires et, partant, ne pouvaient pas constituer des titres de mainlevée définitive et dise que la poursuite n'irait pas sa voie, sous suite de frais judiciaires et dépens.
Elle a allégué que le vice de notification de l'acte introductif d'instance n'avait pas été guéri. Elle n'avait appris l'existence de la procédure italienne qu'à l'occasion de la convocation à l'audience du 8 octobre 2020. Elle avait alors entrepris, sans succès, toutes les démarches pour faire annuler cette audience. Elle avait pris connaissance de l'acte introductif d'instance le 2 novembre 2020, soit après la tenue de cette audience, et n'avait pas reçu d'autres actes. Elle n'avait donc pas reçu en temps utile les éléments nécessaires à sa défense.
c. Dans leurs réplique et duplique spontanées des 23 novembre et 5 décembre 2023, les parties ont persisté dans leurs conclusions et B______ SA a allégué des faits complémentaires et produit des pièces nouvelles.
d. Par déterminations du 14 décembre 2023, A______ a conclu à l'irrecevabilité des allégués complémentaires et pièces nouvelles de B______ SA, ce que celle-ci a contesté par courrier du 27 décembre 2023.
E. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que l'acte introductif d'instance n'avait pas été notifié à B______ SA, qui n'en avait pris connaissance que le 2 novembre 2020, alors que deux audiences s'étaient déjà tenues. Le Tribunale ordinario di C______ avait été informé le 10 octobre 2019 de ce que cette notification n'avait pas été effectuée. Il ne ressortait toutefois pas des jugements italiens des 16 février 2021 et 17 février 2022 que le Tribunale ordinario di C______ et la Corte di Appello di C______ avaient abordé cette problématique.
Le défaut de notification de l'acte introductif d'instance n'avait donc pas permis à B______ SA de se défendre dans la procédure italienne initiée à son encontre par A______, ce d'autant moins que son appel avait été déclaré irrecevable. Les jugements italiens des 16 février 2021 et 17 février 2022 ne valaient donc pas titre de mainlevée définitive.
1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée de l'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).
1.2 Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 251 let. a et 321 al. 1 et 2 CPC).
Interjeté dans le délai légal et selon la forme prescrite, le recours est recevable.
2. Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). Elle a donc un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2010, n° 2307).
Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 lit. a a contrario et 58 al. 1 CPC).
3. Le recourant fait grief au Tribunal de ne pas avoir déclaré exécutoires les jugements italiens des 16 février 2021 et 17 février 2022, alors qu'aucun motif de refus ne s'opposait à leur exécution en Suisse. Il reproche au premier juge un état de faits lacunaire, une appréciation arbitraire des preuves et une violation du droit, notamment de son droit d'être entendu.
3.1.1 Selon l'art. 80 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition; les décisions étrangères peuvent également représenter des titres de mainlevée définitive, dans la mesure où elles comportent une condamnation à payer une somme d'argent.
Est exécutoire au sens de l'article précité un jugement qui a force de chose jugée sur le plan formel, c'est-à-dire qui ne peut plus être attaqué par une voie de recours ordinaire (Staehelin/Bauer, Commentaire bâlois de la LP, n° 7 ss ad art. 80 LP).
3.1.2 La Suisse et l'Italie sont parties à la Convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale du 30 octobre 2007 (Convention de Lugano; CL- RS 0.275.12).
Selon l'art. 33 al. 1 CL, les décisions rendues dans un Etat lié par la Convention sont reconnues dans les autres Etats liés par celle-ci, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure. La reconnaissance est donc automatique, même si elle est soumise à la condition qu'il n'existe pas des motifs de refus des art. 34 et 35 CL (arrêt du Tribunal fédéral 5A_248/2015 du 6 avril 2016 consid. 3.1).
L'art. 34 par. 2 CL prévoit que la décision n'est pas reconnue si l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été notifié ou signifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu'il puisse se défendre. Conformément à l'art. III par. 1 du protocole n° 1, la Suisse n'applique pas le passage final de l'art. 34 par. 2 CL, soit: "à moins qu'il n'ait pas exercé de recours à l'encontre de la décision alors qu'il était en mesure de le faire".
Cette disposition a pour but de protéger le droit d'être entendu lors de l'introduction de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 5A_46/2021 du 20 janvier 2022 conisd. 4.3.1).
La partie recherchée doit ainsi avoir été mise en mesure de comparaître devant le juge d'origine et de présenter sa défense, y compris de faire valoir un éventuel vice dans la notification de l'acte introductif de l'instance. L'art. 34 par. 2 CL n'exige ainsi pas une notification régulière, c'est-à-dire conforme aux règles du droit de procédure déterminant; une notification formellement viciée n'empêche donc l'exécution prévue par l'art. 38 par. 1 CL que si le défendeur défaillant s'est trouvé concrètement hors d'état de prendre part à l'instance et d'y faire valoir ses droits (ATF 142 III 355 consid. 3.3.3, arrêts du Tribunal fédéral 5A_711/2018 du 9 janvier 2019 consid. 3.6.1 et 5A_230/2012 du 23 octobre 2012 consid. 4.1).
Le concept d'une notification en temps utile et de telle manière que la partie recherchée puisse se défendre revêt une signification autonome dans la Convention; il est indépendant des règles de l'Etat d'origine, de celles de l'Etat d'exécution ou de celles d'un éventuel Etat tiers relatives aux notifications judiciaires (arrêt du Tribunal fédéral 5A_230/2012 précité consid. 4.1).
Lorsqu'aucune décision d'exequatur n'a été rendue à titre principal, le juge de la mainlevée tranche cette question à titre incident, dans les motifs de son jugement; il n'a pas à se prononcer sur cette question dans le dispositif de celui-ci (Abbet/Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2017, n° 38 et 39 ad art. 81 LP). La procédure de mainlevée étant toujours contradictoire, le débiteur peut se prévaloir de toutes les exceptions prévues par la CL (art. 34 et 35 CL). Les motifs de refus sont exhaustivement énumérés aux art. 34 et 35 CL. Interprétés restrictivement, à la lumière du principe favor recognitionis, ils doivent être invoqués et prouvés par celui qui s'oppose à la reconnaissance (arrêt du Tribunal fédéral 5A_248/2015 précité consid. 3.1; Abbet, La mainlevée de l'opposition, 2017, n° 51 et 56 ad art. 81 LP).
En effet, le fardeau de la preuve des objections incombe à la partie qui s'oppose à la reconnaissance (arrêts du Tribunal fédéral 5A_46/2021 précité consid. 4.1 et 5A_979/2020 du 11 juin 2021 consid. 4.3) et lesdites objections ne doivent s'appliquer que dans des cas exceptionnels (arrêt du Tribunal fédéral 5A_248/2015 précité consid. 3.1).
3.2 En l'espèce, il est établi que l'acte introductif d'instance n'a pas été notifié à l'intimée en raison d'une erreur commise par le Tribunal.
Le conseil du recourant a toutefois transmis cet acte au conseil de l'intimée par courriel du 2 novembre 2020, ce qui est établi et non contesté. Les documents y afférents sont donc bien parvenus dans la sphère de connaissance de l'intimée, soit de son conseil, qui était habilité à comprendre l'importance de cet envoi, qu'il avait d'ailleurs lui-même requis.
Bien qu'il s'agisse d'un envoi informel, l'intimée a échoué à prouver que le défaut de notification formelle l'aurait concrètement mise hors d'état de participer à la procédure italienne initiée à son encontre par le recourant et d'y faire valoir ses droits.
En effet, après avoir pris connaissance de l'acte introductif d'instance le 2 novembre 2020, l'intimée s'est contentée d'attendre. Elle n'a entrepris aucune démarche afin d'éviter qu'une décision ne soit rendue par défaut, étant relevé qu'elle a contesté avoir reçu l'ordonnance du Tribunal ordinario di C______ du 14 janvier 2021. En particulier, elle ne s'est pas adressée au greffe de cette juridiction afin de s'enquérir de l'état de la procédure et n'a pas mandaté de conseil italien. Elle s'est limitée à envoyer un courriel au Tribunal le 19 janvier 2021, soit trois mois plus tard, pour requérir l'annulation de l'attestation du 17 avril 2019, laquelle indiquait, à tort, la bonne exécution de la notification.
En outre, il est établi que, dans le cadre de la procédure italienne, le mémoire complémentaire du recourant, ainsi qu'une convocation à une audience fixée au 8 octobre 2020, ont été valablement notifiés à l'intimée en date du 20 mai 2020. Dès cette date, elle connaissait donc l'existence d'une procédure judiciaire initiée à son encontre par le recourant en Italie. Compte tenu des nombreux échanges intervenus entre les parties en juillet et octobre 2018, notamment la mise en demeure du recourant du 9 octobre 2018, l'intimée connaissait également les faits afférents à cette procédure et la prétention du recourant en remboursement du prix de vente de l'œuvre, objet du litige entre les parties.
A réception des actes judiciaires susvisés, et malgré la diligence qui s'imposait, l'intimée n'a effectué aucune démarche, en particulier elle n'a pas contacté le greffe du Tribunal ordinario di C______. Or, elle disposait du temps nécessaire pour préparer sa défense et requérir l'acte introductif d'instance, avant l'audience du 8 octobre 2020. Elle a attendu plus de quatre mois, soit jusqu'au 2 octobre 2020, et quelques jours seulement avant ladite audience, pour se manifester auprès de la Corte di Appello di C______ et de la présidence du Tribunal ordinario di C______, ce qui ne saurait suffire.
Elle ne s'est, en outre, pas présentée, ni fait représenter, à l'audience du 8 octobre 2020, pour faire valoir ses droits, y compris pour soulever l'absence de notification de l'acte introductif de l'instance. A cet égard, il sied de relever que l'épidémie de Covid-19 ne saurait à elle seule justifier l'inaction de l'intimée.
Le jugement n° 3117/2021 du 16 février 2021 rendu par le Tribunale ordinario di C______ dans la cause opposant les parties a été valablement notifié à l'intimée le 2 juin 2021. Cette dernière a formé appel contre celui-ci, qui a été déclaré irrecevable en raison de sa tardivité, par la Corte di Appello di C______ dans sa décision n° 1108/2022 du 17 février 2022.
Dans ces circonstances, dès lors que l'art. 34 par. 2 CL n'exige pas une notification régulière, on ne saurait refuser d'admettre le caractère exécutoire des jugements italiens susvisés pour ce motif. Au contraire, l'examen des faits permet de retenir que l'intimée a été mise en mesure d'exercer ses droits dans le cadre de la procédure italienne. Aucun autre motif n'est invoqué à l'encontre de la reconnaissance et l'exécution en Suisse desdits jugements, étant relevé que le recourant a produit, en première instance, les copies certifiées conformes des jugements italiens concernés, ainsi que les confirmations de leur caractère exécutoire en Italie.
Compte tenu de ce qui précède, il n'est pas nécessaire d'examiner l'ensemble des griefs soulevés par le recourant.
Ainsi, le jugement entrepris sera annulé, les jugements italiens étant exécutoires en Suisse, et il sera statué à nouveau, en ce sens que la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, n° 1______, sera prononcée.
4. L'intimée, qui succombe, sera condamnée aux frais de première et seconde instance (art. 106 al. 1 CPC).
Les frais judiciaires des deux instances, arrêtés à un total de 2'000 fr. (48 et 61 OELP) seront entièrement compensés avec les avances de frais fournies par le recourant totalisant ce même montant, acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimée sera ainsi condamnée à verser au recourant 2'000 fr. à titre de remboursement des avances de frais effectuées.
L'intimée sera, en outre, condamnée à verser au recourant des dépens arrêtés pour les deux instances à 2'500 fr., débours compris, mais hors TVA, vu le domicile à l'étranger de ce dernier (art. 85, 89 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 21 mars 2024 par A______ contre le jugement JTPI/3246/2024 rendu le 6 mars 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/14719/2023-13 SML.
Au fond :
Annule le jugement entrepris et, statuant à nouveau :
Prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______.
Sur les frais des deux instances :
Arrête les frais judiciaires à 2'000 fr. pour les deux instances, les met à la charge de B______ SA et les compense avec les avances fournies par A______, acquises à l'Etat de Genève.
Condamne B______ SA à verser à A______ 2'000 fr., à titre de remboursement des avances de frais fournies par celui-ci.
Condamne B______ SA à verser à A______ 2'500 fr. à titre de dépens pour les deux instances.
Siégeant :
Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.
La présidente : Pauline ERARD |
| La greffière : Marie-Pierre GROSJEAN |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.