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Décisions | Sommaires

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C/16019/2023

ACJC/722/2024 du 05.06.2024 sur JTPI/3843/2024 ( SFC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16019/2023 ACJC/722/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 5 JUIN 2024

 

 

A______ SA, c/o B______ SARL, ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 19 mars 2024, représentée par Me Carla PYTHON, avocate, Python & Richard, case postale 3194, 1211 Genève 3.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement du 19 mars 2024, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la faillite de A______ SA le jour même à 14h30 (ch. 1 du dispositif), arrêté à 1'000 fr. les frais judicaires, mis à la charge de la précitée (ch. 2), arrêté à 15'000 fr. les frais et honoraires de C______, expert-comptable c/o D______ SA, pour l'activité déployée du 20 novembre 2023 au 14 mars 2024 en qualité de commissaire au sursis provisoire et ordonné en conséquence aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de lui verser ladite somme par prélèvement sur les avances fournies par A______ SA (ch. 3) et débouté A______ SA de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a.a Par acte expédié à la Cour de justice le 26 mars 2024, A______ SA a formé recours contre ce jugement. Elle a conclu, au fond, à ce que ledit jugement soit réformé et à ce que les ch. 1, 2 et 4 de son dispositif soient mis à néant et, cela fait, à ce qu'un sursis concordataire de six mois lui soit définitivement octroyé, avec suite de frais.

Elle a conclu, préalablement, à la suspension des effets juridiques de l'ouverture de la faillite, conclusion à laquelle la Cour a fait droit par arrêt du 27 mars 2024.

a.b. A______ SA a complété l'argumentation de son recours par acte déposé, dans le délai de recours, le 8 avril 2024 et a persisté dans ses conclusions.

b. C______ a été invité à se déterminer sur le recours, ce qu'il a fait le 19 avril 2024, sans prendre de conclusion formelle.

c. A______ SA a été informée par la Cour le 13 mai 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a.a A______ SA est une société anonyme inscrite au registre du commerce le ______ 2007 dont le siège est à E______ (GE). Elle a pour but l'exploitation de brevets et de savoir-faire dans le domaine des détecteurs et des accélérateurs de particules en vue de leur application médicale ou industrielle, la conception, le développement et la mise en œuvre d'applications médicales ou industrielles utilisant les détecteurs ou les accélérateurs de particules et finalement la création d'un centre d'excellence dans la recherche d'applications possibles des détecteurs ou des accélérateurs de particules.

a.b. Elle a été fondée comme une société spin-off du F______ pour développer et promouvoir l'application médicale des accélérateurs linéaires de particules, en particulier pour traiter les cellules cancéreuses.

a.c Le conseil d'administration de A______ SA est composé de G______, administrateur président sans signature, H______, administrateur délégué avec signature individuelle, I______, administrateur avec signature individuelle, J______, administrateur avec signature individuelle, K______, L______, M______, et N______, tous administrateurs sans signature.

a.d A la création de A______ SA, l'organe de révision était O______ SA.

Dès le 6 octobre 2023, P______ SARL a été nommée nouvel organe de révision de A______ SA selon décision de l'assemblée générale extraordinaire du même jour.

b. En 2013, le capital-actions de A______ SA d'une valeur nominale de 1'500'000 fr., entièrement libéré, composé de 1'500 actions de 1'000 fr., nominatives, liées selon les statuts, a été entièrement acquis par une société de droit anglais cotée en bourse, Q______ PLC (ci-après: Q______), ayant son siège à R______ [Angleterre].

c. A______ SA est devenue le centre de recherche et de développement de Q______ dans le but de développer un équipement linéaire de protonthérapie appelé X______ (ci-après: système X______).

A______ SA est exclusivement financée par Q______ qui recherche des investisseurs pour la commercialisation du système X______. Elle ne génère pas de revenus à ce stade, mais supporte des charges liées principalement aux salaires des employés, au matériel nécessaire à son activité et à ses locaux.

Q______ a deux autres filiales, soit Q______/1______ INC, au S______ (US) et Q______/2______ B.V aux Pays-Bas. Ces sociétés sont en charge de la commercialisation pour les partenaires américains, respectivement, européens.

d. Lors de la séance du Conseil d'administration du 5 juillet 2023, ce dernier a décidé de déposer une requête de sursis concordataire pour A______ SA par-devant le Tribunal, selon procès-verbal daté du 22 septembre 2023.

e. Le 31 juillet 2023, A______ SA a formé par-devant le Tribunal une requête de sursis provisoire d'une durée de quatre mois, avec nomination d'un commissaire et a conclu à ce que le Tribunal renonce à la publication du sursis.

A l'appui de sa requête, elle a exposé qu'elle se trouvait dans une situation d'insolvabilité et que ses dettes (créanciers tiers) au 31 juillet 2023 s'élevaient au total à 8'355'400 fr. 13.

Les mesures d'assainissement proposées par A______ SA étaient, d'une part la réduction de ses charges courantes (masse salariale et locaux) et, d'autre part la recherche et l'obtention de financements.

f. Selon le rapport d'audit de P______ SARL du 23 octobre 2023, les comptes intermédiaires au 31 août 2023 révèlent que "les engagements de la société ne sont plus couverts par les actifs à la valeur d'exploitation et à la valeur de liquidation, de sorte qu'un surendettement au sens de l'art. 725b CO existe. Des créanciers de la société ayant postposé un montant de 127'310'674 fr. et ajourné leurs créances, le conseil d'administration n'est pas tenu d'aviser le juge. Toutefois, la solvabilité de la société et, partant, la continuation de l'exploitation de A______ SA, dépendent d'apports imminents de liquidités".

Il ressort des comptes intermédiaires révisés établis au 31 août 2023, que les actifs de A______ SA totalisent 62'765'350 fr. à la valeur d'exploitation (et 12'735'548 fr. à la valeur de liquidation), composés de:

-     8'842 fr. de trésorerie,

-     29'597 fr. de débiteurs divers,

-     115'642 fr. de stocks,

-     112'729 fr. d'actifs de régularisation,

-     62'226'008 fr. de frais de développement (droits de propriété intellectuelle),

-     3'360 fr. de meubles,

-     18'933 fr. d'informatique,

-     250'239 fr. de bunker au F______.

Ses fonds de tiers s'élèvent à 138'608'125 fr. dont:

-     7'757'868 fr. de créanciers divers,

-     3'539'583 fr. de passifs de régularisation

-     127'310'674 fr. de prêt actionnaire postposé.

g. Lors de l'audience du 13 septembre 2023 devant le Tribunal, A______ SA a notamment exposé que les modalités du plan de financement avaient été modifiées depuis le dépôt de la requête dans le sens où ces modalités s'inscrivaient dans le programme américain d'aide à l'économie EB-5.

A______ SA a produit lors de ladite audience un budget prévisionnel et un plan de trésorerie réactualisé à la date du 11 septembre 2023.

h. Le 6 octobre 2023, A______ SA a signé un contrat de service de bureaux en co-working avec effet au 16 octobre 2023 à l'adresse route 3______ no. ______ à E______ moyennant paiement de 441 fr. par mois, et y a transféré ses locaux et son siège, tandis que le loyer mensuel, charges comprises de ses anciens locaux sis à la rue 4______ no. ______ à E______ s'élevait à 56'450 fr. charges comprises.

i. Selon écriture du 24 octobre 2023, A______ SA a attesté avoir versé les sommes de 163'311 fr. et 113'311 fr. en faveur de la T______, respectivement les 10 et 20 octobre 2023, montants provenant de prêts-relais octroyés par les actionnaires de Q______ et qu'un autre prêt-relais de 30'000 GBP devait être crédité sur son compte les jours suivants.

j. Lors de l'audience du 16 novembre 2023 devant le Tribunal, A______ SA, représentée par I______, administrateur, a persisté dans sa requête de sursis concordataire.

I______ a notamment confirmé que le dernier prêt-relais de 30'000 GBP avait été crédité en faveur de A______ SA dans l'intervalle. Les démarches entreprises dans le cadre du programme EB-5 évoluaient favorablement. En particulier, une première tranche de 15'000'000 USD devait être réglée dans les quelques semaines, le total de 80'000'000 USD de financement devant être atteint et crédité d'ici la fin de l'année 2023.

A______ SA a produit une lettre d'intention du 14 novembre 2023 de la société V______ PLC, prévoyant que la totalité du capital-actions de A______ SA soit reprise par U______ LTD au prix de 15'000'000 USD, étant expressément convenu qu'une partie du prix de vente devrait être affecté au paiement des dettes de A______ SA.

Elle a également produit un projet du 13 novembre 2023 de vente d'actions, non signé, s'inscrivant dans le projet V______, portant sur une convention de vente d'actions entre Q______ (en tant que vendeuse) et U______ LTD (en tant qu'acheteuse) concernant l'achat et la vente de la totalité du capital-actions de A______ SA pour le prix de 15'000'000 USD.

k. Par jugement JTPI/13469/2023 du 20 novembre 2023, le Tribunal a octroyé un sursis provisoire de quatre mois à A______ SA, soit jusqu'au 20 mars 2024, et a notamment renoncé à la publication du sursis, désigné en qualité de commissaire au sursis provisoire C______, expert-comptable c/o D______ SA, autorisé A______ SA à poursuivre son activité sous la surveillance de ce dernier et invité celui-ci à déposer au Tribunal, d'ici au 12 mars 2024 au plus tard, un rapport de son activité et de ses constatations, y compris son pronostic et ses conclusions sur les perspectives d'assainissement ou d'homologation d'un concordat, accompagné de toutes pièces utiles, notamment, un bilan et compte de pertes et profits audités de A______ SA établis au 31 décembre 2023 aux valeurs de continuation et de liquidation ainsi que des indications, documents à l'appui, relatives à l'avancement des résultats des démarches entreprises dans le cadre du programme EB-5 ou de toute autre opération de financement, tout document attestant de la situation financière de A______ SA, notamment de l'évolution des dettes des créanciers tiers, un relevé mensuel de ses revenus et charges concernant les six derniers mois, un extrait des éventuelles poursuites en cours dirigées contre elle et un plan de trésorerie prévisionnel réactualisé.

l. Le 22 janvier 2024, le commissaire au sursis provisoire a remis au Tribunal une note d'honoraires du 12 janvier 2024 d'un montant de 9'000 fr. pour son activité du 20 novembre 2023 au 31 décembre 2023.

m. Par courrier du 27 février 2024, le commissaire au sursis provisoire a avisé le Tribunal de ce que A______ SA n'était plus en mesure de payer ses charges courantes, ce qui était susceptible d'entraîner la révocation immédiate du sursis provisoire, que le 26 janvier 2024, A______ SA avait payé ses charges courantes du mois de décembre 2023, que les charges courantes du mois de janvier 2024 demeuraient impayées, malgré son insistance auprès de la société, et que celle-ci ne lui transmettait aucun des documents comptables visés dans le jugement du 20 novembre 2023, alors qu'il les avait expressément demandés à la sursitaire.

En annexe audit courrier, il a produit un certain nombre d'emails qu'il avait adressés à A______ SA dans ce sens.

n. Par ordonnance du 28 février 2024, le Tribunal a imparti un délai à A______ SA au 7 mars 2024 pour se déterminer sur la teneur du courrier du commissaire au sursis provisoire du 27 février 2024.

Ledit délai a été prolongé au 13 mars 2024, sur requête de A______ SA.

o. Selon rapport du 12 mars 2024, le commissaire au sursis provisoire a indiqué au Tribunal qu'aucun élément nouveau n'était intervenu depuis son courrier du 27 février 2024, de sorte qu'il maintenait sa requête de révocation du sursis.

Il a rappelé que A______ SA était toujours en phase de recherche et de développement, et que par conséquent, elle ne générait aucun revenu, son financement demeurant exclusivement externe. Il a indiqué qu'aucun versement n'avait été obtenu pour remédier à l'insolvabilité de la sursitaire, bien que les partenaires en charge de la structuration du financement lié au programme EB-5, à savoir U______ GROUP et W______ LLC, avaient réitéré leur soutien au projet dans des lettres d'intention des 12 janvier 2024 et 23 février 2024 et que la mise à disposition des fonds avait déjà été évoquée pour l'automne 2023.

Le commissaire au sursis a chiffré à 168'000 fr. les charges mensuelles de A______ SA, composées des salaires nets de 11 employés ainsi que des cotisations sociales et de l'impôt à la source. Il a estimé l'augmentation des dettes entre le 1er janvier 2024 et le 12 mars 2024, à 401'008 fr., composées des salaires nets et cotisations sociales, y compris l'impôt à la source, dont 153'086 fr. de salaires nets de trois directeurs/membres du conseil d'administration qui avaient accepté de postposer leurs salaires nets dès le 20 novembre 2023.

Faute de les avoir reçus de la part de la sursitaire, il a précisé ne pas être à même de remettre au Tribunal les documents comptables visés par le jugement du 20 novembre 2023, à savoir les documents attestant des dettes des créanciers tiers, un relevé mensuel des revenus et charges de la société concernant les six derniers mois, un extrait éventuel des poursuites en cours, un plan de trésorerie prévisionnel réactualisé ainsi que le compte de pertes et profit et le bilan révisé au 31 décembre 2023.

En annexe à son rapport du 12 mars 2024, il a produit notamment un courrier de U______ GROUP du 12 janvier 2024 adressé à I______, informant ce dernier de ce que U______ GROUP recevrait la première tranche de 5'000'000 USD (hors l'engagement initial de 15'000'000 USD) dès la semaine suivante et que sur cette somme de 5'000'000 USD, au moins 4'000'000 USD seraient consacrés à Q______ et que U______ GROUP s'attendait à ce que le solde de 15'000'000 USD suive durant le mois de février 2024.

Le commissaire au sursis provisoire a en outre produit un courrier de W______ LLC daté du 23 février 2024 adressé à qui de droit, attestant de son intention de poursuivre le financement de Q______, étant précisé qu'un montant approximatif de 80'000'000 USD devrait être apporté dans ce projet d'ici le mois suivant, au pire des cas, durant la première partie du mois d'avril.

p. Selon déterminations du 13 mars 2024, A______ SA s'en est rapportée à justice sur la révocation du sursis concordataire. Elle a indiqué avoir déployé tous les efforts possibles en vue d'obtenir le financement prévu dans le cadre du programme EB-5, en vain à ce jour, que les charges courantes du mois de décembre 2023 avaient pu être payées par deux apports en espèces de 52'500 fr., l'un de H______, membre du Conseil d'administration et de Q______, et l'autre de U______ GROUP, mais qu'elle n'était plus à même de couvrir ses charges courantes, malgré les encouragements de W______ LLC.

A cet égard, elle a produit un courrier de W______ LLC du 11 mars 2024 adressé notamment au CEO de U______ GROUP indiquant que l'apport de fonds d'un capital partner devrait avoir lieu vers le 15 mars 2024.

Enfin, elle a ajouté que la révision de ses comptes était compromise, en particulier car elle ne disposait plus des liquidités pour régler la facture à venir de son réviseur.

q. Lors de l'audience du 14 mars 2024 devant le Tribunal, le commissaire au sursis provisoire a confirmé les termes de son courrier du 27 février 2024 et de son rapport du 12 mars 2024.

A______ SA, représentée par I______, a conclu à une prolongation du sursis provisoire jusqu'au 15 avril 2024 au motif qu'une perspective d'assainissement existait. Elle a remis au Tribunal un courriel de U______ GROUP reçu le jour même selon lequel celle-ci était en train de finaliser l'engagement avec W______ afin de commencer le processus EB-5. Ce dernier devrait prendre trois à quatre mois pour être finalisé et requerrait un investissement de U______ GROUP de plus de 250'000 USD. Ces fonds devraient être transférés d'ici le début de la semaine suivante. U______ GROUP précisait avoir un capital partner qui envisageait d'apporter la différence nécessaire et qu'elle devrait connaître d'ici fin mars 2024 le délai dans lequel cet investissement pourrait avoir lieu.

I______ a indiqué que le solde disponible sur les comptes de A______ SA était actuellement inférieur à 3'000 fr. Aucune pièce n'a été produite à ce sujet.

Interpellé par le Tribunal, le commissaire au sursis provisoire a déclaré qu'il ne préavisait pas la prolongation du sursis provisoire, car il estimait que durant la prolongation du sursis, le passif continuerait à augmenter. Il a relevé que A______ SA n'avait même pas été en mesure de remettre des comptes révisés, tels que demandé.

A l'issue de ladite audience le Tribunal a gardé la cause à juger.

r. Par courrier du 15 mars 2024, le commissaire au sursis provisoire a remis au Tribunal sa note d'honoraires pour son activité durant la période du 1er janvier 2024 au 14 mars 2024 d'un montant de 6'000 fr.

s. Dans son jugement du 19 mars 2024, le Tribunal a relevé qu'en l'absence de conclusion du commissaire provisoire en ce sens, il ne pouvait prolonger le sursis provisoire au-delà du 20 mars 2024.

S'agissant de l'octroi du sursis définitif, A______ SA ne générait aucun revenu, étant toujours en phase de recherche et de développement. Malgré les efforts entrepris pour réduire ses charges courantes, elle ne parvenait plus à couvrir celles-ci depuis le mois de janvier 2024 inclus, totalisant 168'000 fr. par mois.

Le plan d'assainissement consistait en l'obtention de financements dans le cadre du programme américain d'aide à l'économie EB-5 et la reprise de son capital-actions actuellement entièrement détenu par la société britannique Q______.

Les apports de fonds annoncés devaient intervenir au 30 septembre 2023, mais au jour de l'audience du 14 mars 2024, les démarches entreprises en vue de l'obtention de financements n'avaient abouti à aucun apport de fonds concret. La trésorerie de A______ SA était inférieure à 3'000 fr. La précitée n'avait produit aucune convention signée relative à la cession des actions Q______ ni aucune pièce comptable, ni de bilan et compte de pertes et profits au 31 décembre 2023, en expliquant qu'elle ne disposait pas des liquidités lui permettant de payer la facture du réviseur.

L'ensemble de ces éléments ne permettait pas de retenir l'existence de chances réalistes d'assainissement. Par conséquent, il a prononcé la faillite de A______ SA.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel étant irrecevable dans les affaires relevant de la compétence du tribunal de la faillite ou du concordat selon la LP (art. 309 let. b ch. 7 CPC), seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a CPC; art. 295c al. 1 LP).

1.2 Formé selon la forme et dans le délai prévus par la loi (art. 174 al. 1 LP; art. 321 al. 1 et 2 CPC), le recours est recevable.

1.3. La recourante a produit des pièces nouvelles devant la Cour.

1.3.1 Dans le cadre d'un recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC). Les dispositions spéciales de la loi sont réservées (al. 2).

L'art. 174 al. 1 LP applicable à la faillite sans poursuite préalable par renvoi de l'art. 194 al. 1 LP prévoit que les parties peuvent faire valoir des faits nouveaux, lorsque ceux-ci se sont produits avant le jugement de première instance. Cette disposition spéciale de la loi, au sens de l'art. 326 al. 2 CPC, vise les faits nouveaux improprement dits (faux nova ou pseudo-nova), à savoir ceux qui existaient déjà au moment de l'ouverture de la faillite et dont le premier juge n'a pas eu connaissance pour quelque raison que ce soit. Ces faits peuvent être invoqués sans restriction et prouvés par pièces, pour autant qu'ils le soient dans le délai de recours (arrêts du Tribunal fédéral 5A_252/2020 du 18 juin 2020 consid. 4.1.2 et 5A_243/2019 du 17 mai 2019 consid. 3.1, in SJ 2019 I p. 376).

1.3.2 En l'espèce, la recourante a produit des procès-verbaux de réunions du conseil d'administration de Q______ des 20 février, 28 février et 3 mars 2024, antérieurs à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger. Il s'agit de pseudo-nova qui sont recevables.

1.4 Le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

1.4.1 En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1; 136 III 552 consid. 4.2).

1.4.2. En l'espèce, la recourante invoque une constatation manifestement inexacte des faits par le Tribunal en tant qu'il a retenu qu'"au jour de l'audience du 14 mars 2024, les démarches entreprises en vue de l'obtention de financements n'ont abouti à aucun apport de fonds concret. La trésorerie de la requérante est inférieure à 3'000 fr. La requérante n'a produit aucune convention signée relative à la cession des actions Q______. Elle n'a produit aucune pièce comptable, ni de bilan et comptes de pertes et profits au 31 décembre 2023, en expliquant qu'elle ne disposait pas des liquidités lui permettant de payer la facture du réviseur. L'ensemble de ces éléments ne permet pas de retenir qu'il existe des chances réalistes d'assainissement".

Il ressort des explications de la recourante qu'elle ne critique pas les éléments de fait évoqués par le Tribunal (absence de trésorerie, de convention de cession ou d'éléments comptables) et elle n'en démontre pas l'arbitraire. Quant à l'absence de chance d'assainissement, qui comporte certes une composante factuelle, elle constitue une question de droit. La Cour revoit ainsi librement si des perspectives d'assainissement suffisantes existent au regard des exigences en la matière posée par l'art. 294 LP (cf. infra consid. 2.2).

1.5 Le recours est instruit en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC) et la maxime inquisitoire s'applique (art. 255 let. a CPC).

2. La recourante conteste le jugement attaqué en tant qu'il a considéré que son projet d'assainissement ne présentait pas de chances réalistes de succès.

2.1 L'art. 294 al. 1 LP prévoit que si, durant le sursis provisoire, des perspectives d’assainissement ou d’homologation d’un concordat apparaissent, le juge du concordat octroie définitivement un sursis de quatre à six mois; il statue d’office avant l’expiration du sursis provisoire.

Au contraire du sursis provisoire qui doit être accordé sauf s'il apparaît clairement dès le départ qu'il n'existe aucune perspective d'assainissement ou d'homologation d'un concordat, le sursis définitif nécessite "une perspective d'assainissement ou d'homologation d'un concordat" au sens d'une condition positive (art. 294 al. 1 et 3 LP; ATF 147 III 226 consid. 3.1.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_510/2023 du 16 novembre 2023 consid. 5.1.1; 5A_495/2016 du 11 novembre 2016 consid. 3.1). Pour que le sursis définitif soit accordé, la perspective d'un assainissement sans conclusion d'un concordat suffit (assainissement au sens étroit). Dans le cadre d'un assainissement au sens étroit, tous les créanciers doivent en principe être intégralement remboursés, sauf si des solutions individuelles peuvent être trouvées (arrêt du Tribunal fédéral 5A_495/2016 du 11 novembre 2016 consid. 3.1).

Selon l'art. 294 al. 3 LP, le juge prononce d’office la faillite s’il n’existe aucune perspective d’assainissement ou d’homologation d’un concordat. Le défaut de perspective n'a pas besoin d'être manifeste. Est déterminante l'existence de chances réalistes d'assainissement ou de concordat (arrêt du Tribunal fédéral 5A_950/2015 du 29 septembre 2016 consid. 8.3.1).

2.2
2.2.1 En l'espèce, la recourante fait état d'une perspective d'assainissement, déjà évoquée devant le Tribunal, soit la vente de ses actions, laquelle devait aboutir à l'injection de fonds permettant un assainissement complet de ses dettes. La vente de ses actifs, constitués de droits de propriété intellectuelle, prendrait du temps et rapporterait moins que la valeur de liquidation projetée. Elle avait réduit ses charges mensuelles qui n'étaient plus que de 105'000 fr. environ depuis le 1er janvier 2024.

Pour sa part, le commissaire au sursis provisoire expose que si les perspectives évoquées par la recourante se concrétisaient, la situation des créanciers serait plus favorable qu'en cas de faillite. L'octroi d'un sursis définitif de six mois entraînerait toutefois le risque de voir les passifs concordataires augmenter de l'ordre de 870'000 fr., sans qu'aucune garantie n'ait été apportée quant à ces passifs. Malgré les "lettres de confort" faisant état d'un réel intérêt pour le projet, aucun financement relais n'avait pu être obtenu. Il était surprenant qu'aucune structure intermédiaire n'ait souhaité s'engager dans le projet malgré les échéances de la procédure concordataire, ce qui n'était pas de nature à créer de la confiance quant aux réelles perspectives de réussite du projet.

2.2.2 La recourante ne dispose pas de revenus, sa trésorerie est quasi inexistante et, selon ce qu'elle indique, ses charges mensuelles sont d'environ 100'000 fr., voire plus si on ne tient pas compte de la postposition de créances salariales, qui n'a pas pour effet d'effacer celles-ci, de sorte que ses dettes sont susceptibles d'augmenter de 600'000 fr, voire 870'000 fr. durant le sursis de six mois si celui-ci était accordé. La recourante n'a même pas été en mesure de faire réviser ses comptes car elle ne disposait plus des liquidités pour régler la facture à venir de son réviseur.

La seule perspective d'assainissement réside dans les discussions qui ont eu lieu concernant la vente des actions de la recourante. Cette dernière a toutefois déjà fait état il y a plusieurs mois de projets en ce sens. Une transaction n'a cependant pas été conclue à ce jour. Les parties intéressées ont certes persisté dans leur intérêt selon les indications de la recourante, mais aucun versement n'a été opéré pour remédier à l'insolvabilité de la sursitaire. Le bouclement de la transaction envisagée nécessite certes du temps, mais aucun signe concret n'a été fourni permettant de penser que le principe de la vente est vraisemblablement acquis et que seuls certains détails doivent être finalisés. La recourante indique d'ailleurs dans son recours que le capital partner envisagé avait dû être changé à la suite de vérifications de compliance, ce qui implique que le projet de vente doit vraisemblablement être largement repris. Même si la recourante allègue que W______ gère un large éventail de capital partners disposant des liquidités nécessaires et que "peu de doutes" sont émis sur le fait que d'autres capital partners seront proposés pour investir dans la transaction, cette affirmation n'est étayée d'aucune manière et la concrétisation d'une perspective de vente semble aléatoire. Un nouveau délai à la fin du mois d'avril 2024 était mentionné dans le recours pour qu'un versement de 15'000'000 USD soit opéré. Ce délai est toutefois largement échu et aucun versement n'a été annoncé à la Cour. Avec l'écoulement du temps, la perspective d'une vente paraît ainsi encore plus éloignée en l'état qu'elle ne pouvait l'être au moment où le Tribunal a examiné la question.

Dès lors, au vu de l'ensemble des circonstances, une perspective concrète d'assainissement fait défaut. Il doit par conséquent être considéré que les conditions d'octroi d'un sursis définitif ne sont pas remplies, comme l'a retenu à juste titre le Tribunal.

Le recours n'est ainsi pas fondé, de sorte qu'il sera rejeté, le prononcé de la faillite en cas d'absence de perspective d'assainissement n'étant pas en lui-même contesté.

3. Lorsque l'effet suspensif octroyé par l'autorité de recours porte également sur la suspension des effets juridiques de l'ouverture de la faillite, et non seulement sur le caractère exécutoire du jugement de faillite, et que l'autorité rejette en fin de compte le recours contre la faillite, le moment de l'ouverture de la faillite est différé à la date du prononcé de l'arrêt de seconde instance. L'autorité doit par conséquent fixer à nouveau ce moment (arrêt du Tribunal fédéral 5A_92/2016 du 17 mars 2016 consid. 1.3.2.1).

La faillite de la recourante sera dès lors confirmée, avec effet à la date du prononcé du présent arrêt.

4. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais judiciaires de recours (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 1'700 fr. (art. 48 et 61 OELP).

Les honoraires du commissaire seront fixés à 500 fr. au vu de la difficulté et de l'ampleur de son activité déployée devant la Cour (art. 55 OELP).

Le solde des avances fournies par la recourante lui sera restitué.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ SA contre le jugement JTPI/3843/2024 rendu le 19 mars 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/16019/2023–5 SFC.

Au fond :

Rejette ce recours.

Confirme le jugement querellé, la faillite de A______ SA prenant effet le 5 juin 2024 à 12 heures.

Déboute A______ SA de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 1'700 fr., les met à la charge de A______ SA et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Arrête les frais et honoraires de C______, expert-comptable c/o D______ SA, pour l'activité déployée devant la Cour à 500 fr., montant que les Services financiers du Pouvoir judiciaire sont invités à lui verser par prélèvement sur les avances fournies par A______ SA.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ SA le solde de ses avances, soit 1'300 fr.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.