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Décisions | Sommaires

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C/17398/2023

ACJC/719/2024 du 04.06.2024 sur JTPI/2861/2024 ( SML ) , RENVOYE

Normes : CPC.53; CP.82
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17398/2023 ACJC/719/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 4 JUIN 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 27 février 2024, représenté par Me Marie BERGER, avocate, BRS Berger Recordon & de Saugy, boulevard des Philosophes 9, case postale, 1211 Genève 4,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant en personne faisant élection de domicile de notification auprès de Me Pascal LABBE, LexCentral, 54, rue de la Gare, 2501 Bienne.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/2861/2024 du 27 février 2024, reçu par les parties le 29 février 2024, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée par A______ au commandement de payer poursuite n° 1______ (ch. 1 du dispositif), condamné ce dernier à verser 750 fr. à B______ au titre des frais judiciaires (ch. 2 et 3), ainsi que 4'000 fr. de dépens (ch. 4).

B. a. Le 11 mars 2024, A______ a formé un recours contre ce jugement, concluant principalement à ce que la Cour l'annule et déboute B______ de toutes ses conclusions. Subsidiairement, il a conclu à ce que la Cour renvoie la cause au Tribunal, le tout avec suite de frais et dépens.

b. B______ a conclu au rejet du recours, avec suite de frais et dépens.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. A______ s'est encore prononcé spontanément sur la duplique de sa partie adverse.

e. Les parties ont été informées le 15 mai 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. B______ et A______ se sont mariés le ______ 1989 à Genève.

b. Par acte notarié du 19 juillet 2010, les précités ont liquidé leur régime matrimonial de la communauté de biens et adopté le régime de la séparation de biens. L'acte mentionne que les époux souhaitaient liquider leur régime matrimonial du fait que leur couple vivait "actuellement des turbulences".

Cet acte contient notamment la clause suivante, intitulée "promesse de donner":

"Monsieur A______ relève qu'il a actuellement des espérances successorales qui, après le décès de ses deux parents, devraient représenter au moins (…) 500'000 fr. Il promet dès lors de donner à son épouse, Madame B______, qui accepte, un montant en titres et espèces de (…) 250'000 fr. quelle que soit la valeur exacte de son héritage, et ce dans l'année suivant le décès du second de ses parents. Ce montant de (…) 250'000 fr. est indexé dès ce jour à l'indice suisse des prix à la consommation (base juin 2010; 104.2)."

c. Par jugement du 13 septembre 2013, le Tribunal, statuant sur requête commune, a dissout par le divorce le mariage des époux A______/B______. Il a notamment donné acte aux parties de ce que, moyennant respect et exécution du chiffre 5 de leur convention de divorce du 12 mars 2013, elles avaient liquidé leur régime matrimonial et leurs rapports patrimoniaux et n'avaient plus aucune prétention à faire valoir l'une envers l'autre.

L'art. 5 de la convention de divorce concerne la mise en vente et le partage du prix de vente du bien immobilier appartenant aux parties sis à C______.

Le Tribunal a pour le surplus ratifié la convention précitée – à l'exception d'une clause concernant l'enfant majeur des parties - et dit que celle-ci faisait partie intégrante du jugement de divorce.

d. Les parties se sont remariées le ______ 2016.

e.a Le 1er avril 2020, A______ a déposé une requête unilatérale en divorce.

e.b Par jugement du 8 avril 2022, le Tribunal a prononcé le divorce des parties et, entre autres, réservé la liquidation de leur régime matrimonial.

Le Tribunal a notamment considéré que, en tant que B______ fondait des prétentions tirées du régime matrimonial sur le contrat de séparation de biens du 19 juillet 2010, elle ne pouvait qu'être déboutée, puisque, lors de leur premier divorce, les parties s'étaient donné solde de tout comptes. La question de savoir si elle pouvait se prévaloir de la clause du contrat de séparation de biens en tant qu'acte de donation séparée a été laissée ouverte au motif que la mère de A______ n'était pas décédée.

e.c Par arrêt du 19 janvier 2023, la Cour a confirmé ce jugement sur le principe du divorce, mais l'a annulé sur d'autres points, notamment sur la question de la liquidation du régime matrimonial.

La Cour a considéré que les conditions pour le renvoi de la liquidation du régime matrimonial à une procédure séparée n'étaient pas réalisées. La cause a été retournée au Tribunal pour que celui-ci liquide les rapports patrimoniaux entre les époux, "y compris les obligations que ceux-ci pourraient avoir contractées entre eux", ainsi que leur régime matrimonial.

La cause est actuellement pendante par devant le Tribunal.

f. Le père de A______ est décédé le ______ 2015 et sa mère le ______ 2022.

g. Le 16 août 2022, B______ a adressé ses condoléances à A______ et l'a prié de lui verser le montant indexé de 258'221 fr. conformément à la promesse de donner du 19 juillet 2010.

h. Le 20 octobre 2022, A______ a répondu qu'il contestait l'existence de toute promesse de donner la concernant. A supposer qu'une telle promesse existe, elle était invalidée pour erreur, voire dol et subsidiairement révoquée.

i. Le 19 juillet 2023, B______ a fait notifier à A______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur 260'797 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er juillet 2023 au titre de "paiement dû selon la promesse de donner inscrite dans le contrat notarié du 19 juillet 2010". Opposition a été formée à ce commandement de payer.

j. Le 18 août 2023, B______ a requis du Tribunal la mainlevée provisoire de cette opposition, faisant valoir que la promesse de donner figurant dans l'acte notarié du 19 juillet 2010 constituait un titre de mainlevée.

k. A______ a conclu à ce que le Tribunal déboute B______ de toutes ses conclusions. Il a fait valoir que la promesse de donner figurait dans le contrat de séparation de biens des époux et était donc liée à leur premier mariage. Ce mariage avait été dissout par jugement du 13 septembre 2013, de sorte que ladite promesse n'était plus valable. Cela était confirmé par le fait que le jugement de divorce précité mentionnait expressément que les parties avaient liquidé leur régime matrimonial ainsi que leurs rapports patrimoniaux et qu'elles n'avaient plus aucune prétention à faire valoir l'une envers l'autre. En invoquant, dans le cadre de la procédure de divorce pendante, un document datant de janvier 1995 pour réclamer une partie de l'héritage qu'il avait reçu, B______ avait de plus admis que la promesse de donner de 2010 n'était plus valable. En tout état de cause, cette promesse avait été invalidée pour erreur, voire dol.

l. B______ a répliqué, faisant valoir que la déclaration d'invalidation du 20 octobre 2022 était tardive et infondée. La promesse de donner n'était assortie d'aucune condition de maintien du mariage. Le jugement de divorce du 13 septembre 2013 ne visait que les effets accessoires du divorce et non la clause litigieuse.

m. A______ a dupliqué et persisté dans ses conclusions.

n. La cause a été gardée à juger par le Tribunal à une date qui ne ressort pas du dossier.

EN DROIT

1.             1.1 En matière de mainlevée d'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 3 CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

1.2 Interjeté dans le délai et selon la forme prévus par la loi, le recours est recevable.

1.3 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., Berne, 2010, n° 2307).

Le recours est instruit en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC), la preuve des faits allégués devant être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

2. Le Tribunal, qui n'a pas rédigé d'état de fait, a considéré que les pièces produites valaient reconnaissance de dette et que le recourant n'avait fait valoir aucun moyen libératoire susceptible de faire échec au prononcé de la mainlevée. Il n'a examiné aucun des arguments soulevés par le recourant.

2.1.1 Aux termes de l'art. 82 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (al. 1). Le juge la prononce si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (al. 2).

Constitue une reconnaissance de dette au sens de cette disposition, en particulier, l'acte sous seing-privé, signé par le poursuivi ou son représentant, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable et exigible (ATF 148 III 145 consid. 4.1.1; 145 III 20 consid. 4.1.1.1; ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_688/2022 du 23 novembre 2022 consid. 4.1.1). Il peut s'agit soit d'une reconnaissance de dette formelle (art. 17 CO), soit d'un ensemble de pièces dans la mesure où il en ressort les éléments nécessaires (ATF 139 III 297 précité).

La promesse de donner signée par le donateur ou conclue en la forme authentique constitue une reconnaissance de dette pour autant que la volonté de donner ressorte de l'acte, ce qui peut résulter de la renonciation à une contreprestation. Le donateur poursuivi peut invoquer en particulier les motifs de révocation et de refus d'exécution prévus à l'art. 250 CO (Abbet/ Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2022, n. 199a ad art. 82 LP).

Le poursuivi peut se prévaloir de tous les moyens de droit civil – exceptions ou objections – qui infirment la reconnaissance de dette (ATF 145 III 20 consid. 4.1.2 et la référence; 131 III 268 consid. 3.2). Il n'a pas à apporter la preuve absolue (ou stricte) de ses moyens libératoires, mais seulement à les rendre vraisemblables, en principe par titre (art. 254 al. 1 CPC; ATF 145 III 20 consid. 3.1.2 et la référence). Le juge n'a pas à être persuadé de l'existence des faits allégués; il doit, en se fondant sur des éléments objectifs, avoir l'impression qu'ils se sont produits, sans exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement (ATF 142 III 720 consid. 4.1 et la référence).

Pour s'opposer à la mainlevée provisoire, le poursuivi peut notamment rendre vraisemblable que l'obligation constatée dans le titre, causal ou abstrait, n'est pas valable en raison d'un vice de la volonté : lésion, erreur, dol ou crainte fondée (Abbet/ Veuillet, op. cit., n. 119 ad art. 82 LP).

La procédure de mainlevée n'a un caractère sommaire au sens propre qu'en ce qui concerne les moyens libératoires du débiteur. Par conséquent, s'agissant de l'existence du titre de mainlevée, l'application de la procédure sommaire n'implique pas en soi un abaissement du degré de la preuve à la simple vraisemblance. Le degré de preuve requis est donc, à cet égard, celui de la preuve stricte (arrêt du Tribunal fédéral 5A_740/2018 du 1er avril 2019, consid. 6.1.3).  

2.1.2 Le droit d'être entendu, en tant que droit personnel de participer à la procédure, exige que l’autorité écoute effectivement, puis examine soigneusement et sérieusement, et prenne en compte dans sa décision, les arguments de la personne dont la décision touche la position juridique. Il implique l'obligation, pour l'autorité, de motiver sa décisionafin que son destinataire puisse la comprendre et l'attaquer utilement s'il y a lieu. Le juge n'a en revanche pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties; il suffit qu'il mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2, JdT 2016 II 347; 129 I 232 consid. 3.2, JdT 2004 I 588, SJ 2003 I 513; arrêt du Tribunal fédéral 4A_523/2010 du 22 novembre 2010 consid. 5.3).

Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision. En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2015 du 20 octobre 2015 consid. 3.1).

Dans la mesure où l'instance précédente a violé des garanties formelles de procédure, la cassation de sa décision est la règle. En outre, les justiciables ont en principe le droit au respect des degrés de juridiction (ATF 137 I 195 consid. 2.7, SJ 2011 I 345).

Toutefois, une violation pas particulièrement grave du droit d’être entendu peut exceptionnellement être guérie si l’intéressé peut s’exprimer devant une instance de recours ayant libre pouvoir d’examen en fait comme en droit (ATF 137 I 195 consid. 2.2, 2.3.2 et 2.6, SJ 2011 I 345).

2.2 En l'espèce, le Tribunal a violé le droit d'être entendu du recourant car il n'a traité aucun des arguments soulevés par celui-ci dans ses déterminations écrites, alors même que ces arguments étaient pertinents.

Cette violation ne peut pas être guérie dans le cadre du présent recours car la Cour de céans ne dispose pas d'un libre pouvoir d'appréciation en fait. A cela s'ajoute que les parties ont principe le droit au respect des degrés de juridiction.

La décision litigieuse sera par conséquent annulée et le dossier retourné au Tribunal pour qu'il se prononce sur les arguments invoqués par le recourant pour s'opposer au prononcé de la mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer litigieux.

3. L'intimée, qui succombe, sera condamnée aux frais du recours (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires seront arrêtés à 1'325 fr. (art. 48 et 61 al. 1 OELP) et compensés avec l'avance versée par le recourant, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimée sera condamnée à payer ce montant à ce dernier.

Les dépens dus au recourant seront fixés à 2'000 fr., TVA et débours compris (art. 25 et 26 al. 1 LaCC; art. 85, 89 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement JTPI/2861/2024 rendu le 27 février 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/17398/2023–20 SML.

Au fond :

Annule le jugement précité.

Renvoie la cause au Tribunal pour nouvelle décision au sens des considérants.

Sur les frais :

Met à la charge de B______ les frais judiciaires de recours, arrêtés à 1'325 fr. et compensés avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser à A______ 1'325 fr. au titre des frais judiciaires de recours.

Condamne B______ à verser à A______ 2'000 fr. de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.