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Décisions | Sommaires

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C/19743/2021

ACJC/872/2022 du 24.06.2022 sur OTPI/36/2022 ( SP ) , MODIFIE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/19743/2021 ACJC/872/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 24 JUIN 2022

 

Entre

A______ [coopérative], représentée par B______ SA, sise ______[GE], appelante d'une ordonnance rendue par la 25ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 26 janvier 2022, comparant par Me Arun CHANDRASEKHARAN, avocat, Des Gouttes & Associés, avenue de Champel 4, 1206 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

C______ SA, sise ______[GE], intimée, comparant par Me Pierre OCHSNER, avocat, OA Legal SA, place de Longemalle 1, 1204 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/36/2022 du 26 janvier 2022, reçue le 31 janvier 2022 par les parties, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles, a déclaré irrecevable la conclusion n° VI de la requête formée le 19 octobre 2021 par la A______ (ci-après: A______) à l'encontre de C______ SA (chiffre 1 du dispositif), ordonné, aux risques et périls de la A______, au Conservateur du Registre foncier de Genève de procéder, au bénéfice de cette dernière, à l'inscription provisoire d'une hypothèque légale à l'encontre de C______ SA à concurrence de 170'213 fr. 85, avec intérêts à 5% dès le 15 avril 2021, sur les unités de propriété d'étages n° PPE D______/1______ sur 2______, propriété de cette dernière (ch. 2), rejeté ladite requête pour le surplus (ch. 3), imparti à la A______ un délai de soixante jours dès notification de l'ordonnance pour faire valoir son droit en justice (ch. 4) et dit que l'ordonnance déploierait ses effets jusqu'à droit jugé ou accord entre les parties (ch. 5).

Le Tribunal a arrêté les frais judiciaires à 1'500 fr., mis à la charge de la A______ à concurrence de 1'000 fr., et de C______ SA à concurrence de 500 fr., et compensés avec l'avance fournie par la A______, condamné en conséquence C______ SA à verser à celle-ci 500 fr. à titre de restitution partielle de l'avance de frais (ch. 6), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 7) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).

B. a. Par acte déposé le 10 février 2022 au greffe de la Cour de justice, la A______, représentée par B______ SA, appelle de cette ordonnance, dont elle sollicite l'annulation des chiffres 3, 6, 7 et 8 du dispositif. Cela fait, elle conclut à ce que la Cour ordonne en sa faveur l'inscription provisoire d'une hypothèque légale à l'encontre de C______ SA à concurrence de 169'480 fr. 75, avec intérêts à 5% dès le 31 mai 2019, sur les unités de propriété d'étages n° PPE D______/1______ sur 2______, propriété de cette dernière, et confirme l'ordonnance entreprise pour le surplus, sous suite de frais judiciaires et dépens de première et seconde instance.

Ce montant correspond aux charges de copropriétés pour l'exercice 2019 dû pour par C______ SA.

b. Dans sa réponse, C______ SA conclut au déboutement de la A______ de toutes ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Par avis du greffe de la Cour du 24 mars 2022, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure:

a. C______ SA est propriétaire d'une part de copropriété inscrite au Registre foncier sous n° 1______ de la commune de D______ (GE), correspondant à 2______èmes de la A______, lui donnant un droit exclusif sur les parties 3_____, 4_____, 5_____, 6______, 7______, 8______, 9______, ainsi que sur des locaux annexes, exploités par la Clinique E______. Le lien entre C______ SA et la clinique n'a pas été allégué par les parties.

Le bien-fonds concerné est grevé d'un droit de superficie distinct et permanent immatriculé au Registre foncier sous n° D______/1______.

b. La COOPERATIVE F______ était administratrice de la A______ jusqu'au 31 décembre 2019. B______ SA a ensuite été désignée administratrice de celle-ci à une date inconnue.

c. Le 16 décembre 2016, la A______ a établi un règlement de copropriété, approuvé lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 11 décembre 2018.

A teneur de l'art. 21 dudit règlement, "chaque copropriétaire [devait] verser avant le 10ème jour du premier mois de chaque trimestre les acomptes de sa participation aux charges et frais communs, tels qu'ils résult[aient] du budget adopté par l'Assemblée des copropriétaires".

d. Lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 11 décembre 2018, ces derniers ont accepté le budget 2019 à l'unanimité, lequel prévoyait des charges totales de 491'490 fr. 05, dont 145'073 fr. 05 pour la "Clinique".

e. Par courrier du 11 février 2020, la Coopérative immobilière F______ a mis en demeure la Clinique E______ de s'acquitter des charges de copropriété pour l'exercice 2019, arrêtées à 169'480 fr. 75, les coûts réels de certains postes de charges ayant augmenté par rapport à ceux budgétés.

f. Lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 15 avril 2021, le mandat d'administrateur de la A______ de B______ SA a été renouvelé pour l'exercice 2021. A la majorité des présentés et représentés (vote contre de C______ SA), les comptes 2020 ont été approuvés.

Le point n° 8 du procès-verbal afférent à la teneur suivante: "A ce jour la Clinique E______ SA/C______ SA est redevable d'un arriéré de Fr. 245'777.85 (charges dues pour la période du 01.01.2020 au 30.06.2021).

S'agissant des charges dues au 31 décembre 2019, la Coopérative immobilière F______ a engagé personnellement une procédure judiciaire en vue du dépôt d'une hypothèque légale à l'encontre de C______ SA.

Monsieur G______, représentant C______ SA, conteste la répartition des charges, notamment le fait de supporter les coûts de la conciergerie, d'eau froide, de maintenance des ascenseurs, car ils possèdent leurs propres contrats et ne bénéficient pas du tout de ces prestations.

Une séance amiable entre B______ SA et C______ SA est actée pour le 22 avril 2021 en vue d'éclaircir les points litigieux.

A l'unanimité des présents et représentés, l'assemblée décide de confier le mandat à B______ SA pour engager une procédure de recouvrement et toutes démarches nécessaires (La Clinique E______ SA/C______ SA ne participe bien entendu pas à ce vote), dans le cas où aucun accord ne pourra être trouvé".

g. Par acte du 19 octobre 2021, la A______, représentée par B______ SA, a, sur mesures superprovisionnelles, requis du Tribunal qu'il ordonne l'inscription provisoire d'une hypothèque légale en garantie des charges de copropriété sur la part de copropriété de C______ SA à hauteur de 169'480 fr. 75 pour l'exercice 2019, avec intérêts à 5% dès le 31 mai 2019 (conclusion n° I), de 170'213 fr. 85 pour l'exercice 2020, avec intérêts à 5% dès le 31 mai 2020, et de 174'156 fr. pour l'exercice 2021, avec intérêts à 5% dès le 31 mai 2021, et charge le Conservateur du Registre foncier de procéder, sans délai, auxdites inscriptions.

Sur mesures provisionnelles, elle a notamment conclu au maintien de l'inscription provisoire de l'hypothèque légale requise (conclusion n° VI), à l'octroi d'un délai de six mois pour ouvrir l'action au fond et à la dispense de fournir des sûretés, sous suite frais judiciaires et dépens.

Elle a allégué que B______ SA était son administratrice depuis le 1er janvier 2020, succédant à la COOPERATIVE F______, de sorte qu'elle bénéficiait de la qualité pour agir. C______ SA ne s'était pas acquittée de ses charges de copropriété, comprenant notamment sa quote-part de la rente de superficie, pour les années 2019, 2020 et 2021 et n'avait fourni aucune sûreté à cet égard.

A l'appui de ses allégués, selon lesquels les comptes 2020 et le budget 2021 avaient été approuvés par l'assemblée générale des copropriétaires du 15 avril 2021, elle a produit le procès-verbal afférent.

h. Par ordonnance du 19 octobre 2021, le Tribunal a rejeté la requête sur mesures superprovisionnelles, faute d'urgence vraisemblable.

i. Dans sa réponse, C______ SA a conclu à l'irrecevabilité de la requête, subsidiairement, à son rejet, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a soutenu qu'il ne ressortait pas des pièces produites que B______ SA avait été valablement nommée administratrice de la A______, de sorte que la requête était irrecevable. De plus, seul le propriétaire du bien-fonds concerné était légitimé à requérir l'inscription d'une hypothèque légale pour une créance découlant de la rente issue du droit de superficie. En tous les cas, une hypothèque légale ne pouvait pas être requise pour l'année 2021, celle-ci étant en cours. Au surplus, elle contestait le montant des charges, dès lors qu'elle disposait notamment de ses propres accès, ascenseurs, assurances, contrat de conciergerie et qu'elle n'utilisait pas les parties communes du bâtiment.

j. Lors de l'audience du Tribunal du 6 décembre 2021, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

D. Dans l'ordonnance attaquée, le Tribunal a considéré que B______ SA avait suffisamment rendu vraisemblable son mandat d'administratrice de la A______.

En revanche, s'agissant des charges 2019, B______ SA n'avait pas rendu vraisemblable avoir obtenu de l'assemblée générale des copropriétaires l'autorisation préalable nécessaire à l'introduction de la présente procédure. Au contraire, selon le procès-verbal de l'assemblée générale du 15 avril 2021, une procédure judiciaire avait déjà été introduite par la COOPERATIVE F______. Lors de cette assemblée, les copropriétaires ne s'étaient d'ailleurs prononcés que sur les charges dues du 1er janvier 2020 au 30 juin 2021. La requête devait donc être déclarée irrecevable en tant qu'elle visait les charges 2019 "(conclusion n° VI)".

S'agissant des charges 2020, B______ SA avait rendu vraisemblable son autorisation pour agir en justice et le fait que C______ SA ne s'était pas acquittée de celles-ci. Par ailleurs, la A______, soit pour elle son administratrice, avait la qualité pour agir en inscription d'une hypothèque légale s'agissant des charges correspondant à la rente de superficie. Au stade des mesures provisionnelles, il n'appartenait pas au Tribunal de statuer sur les charges et frais dus en fonction des infrastructures réellement utilisées par C______ SA.

Enfin, s'agissant des acomptes 2021, la requête devait être rejetée, faute de viser une dette échue.

EN DROIT

1. 1.1 L'ordonnance querellée a été rendue sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC). La voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai de 10 jours (art. 314 al. 1 CPC) et selon la forme prévue par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC), l'appel est recevable.

1.3 La maxime des débats (art. 55 CPC et art. 255 CPC a contrario) et le principe de disposition (art. 58 CPC) sont applicables.

2. La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). La requête en inscription provisoire d'une hypothèque légale étant soumise à la procédure sommaire (art. 248 let. d et 249 let. d ch. 5 CPC), l'autorité peut toutefois s'en tenir à la vraisemblance des faits allégués et à un examen sommaire du droit (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb, in JdT 2002 I 352; arrêt du Tribunal fédéral 5A_12/2013 du 8 mars 2013 consid. 2.2).

3. Les conclusions doivent être interprétées selon le principe de la confiance, à la lumière de la motivation de l'acte. L'interdiction du formalisme excessif commande, pour sa part, de ne pas se montrer trop strict dans la formulation des conclusions si, à la lecture du mémoire, on comprend clairement ce que veut le recourant (arrêt du Tribunal fédéral 5A_368/2018 du 25 avril 2019 consid. 4.3.3 et les références citées).

A la lecture de l'appel, il est évident que l'appelante, outre l'annulation des chiffres 3 et 6 à 8 du dispositif de l'ordonnance querellée auxquels elle conclut expressément, sollicite aussi l'annulation du chiffre 1 dudit dispositif en tant qu'il visait l'irrecevabilité de sa requête s'agissant des charges de copropriété 2019, ce que l'intimée semble également admettre. En effet, l'acte d'appel porte uniquement sur ce point.

4. L'appelante fait grief au premier juge de ne pas avoir ordonné l'inscription provisoire d'une hypothèque légale s'agissant des charges de copropriété 2019. A cet égard, elle fait valoir que son administratrice n'avait pas besoin d'une autorisation préalable de l'assemblée des copropriétaires pour requérir une telle inscription. De plus, le premier juge n'était pas fondé à retenir l'existence d'une litispendance préexistante, non établie et non alléguée par les parties.

4.1.1 Aux termes de l'art. 712h al. 1 CC, les copropriétaires contribuent aux charges communes et aux frais de l'administration commune proportionnellement à la valeur de leurs parts.

Selon l'art. 712i al. 1 CC, pour garantir son droit aux contributions des trois dernières années, la communauté des copropriétaires d'étages peut requérir l'inscription d'une hypothèque sur la part de chaque copropriétaire actuel. L'administrateur ou, à défaut d'administrateur, chaque copropriétaire autorisé par une décision prise à la majorité des copropriétaires ou par le juge, ainsi que le créancier en faveur duquel la contribution est saisie peuvent requérir l'inscription (al. 2). Pour le reste, les dispositions relatives à la constitution de l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs s'appliquent par analogie (al. 3).

L'alinéa 2 susvisé autorise l'administrateur à requérir l'inscription d'une hypothèque légale même sans décision de l'assemblée des propriétaires d'étage. Il s'agit là d'une compétence légale qui lui est attribuée. Il ne doit pour cela pas se faire accorder des pouvoirs particuliers. Cette compétence légale de l'administrateur existe pour la procédure extra judiciaire en inscription, ainsi que pour une éventuelle procédure sommaire subséquente, par exemple pour l'inscription provisoire. En revanche, lorsqu'il s'agit d'obtenir, par voie de procédure ordinaire ou simplifiée, l'inscription définitive de l'hypothèque légale, l'administrateur doit obtenir une autorisation de l'assemblée des propriétaires d'étage (Wermelinger, La propriété par étages, 2021, n° 14 ad art. 712i CC; Piguet, Commentaire romand CC II, 2016, n° 5 ad art. 712i CC).

Les éléments suivants doivent être réunis pour l'obtention d'une inscription provisoire d'une hypothèque légale au sens de l'art. 712i CC: l'existence d'une propriété par étages; l'existence de contributions impayées par un ou des propriétaires d'étages (les frais et charges communs concernant au plus les trois dernières années échues); l'absence de sûretés suffisantes (Bohnet, Actions civiles, Volume I: CC et LP, 2019, n° 27 à 30 ad art. 712i CC).

Le paiement des rentes du droit de superficie fait partie des charges communes des copropriétaires; la communauté des copropriétaires d'étages a la capacité d'être partie et d'ester en justice dans les litiges qui ont pour objet ce paiement (ATF 117 II 40 consid. 1).

Conformément à l'art. 961 al. 3 CC, applicable à l'hypothèque légale de la copropriété par étages, le juge prononce après une procédure sommaire et permet l'inscription provisoire si le droit allégué lui paraît exister. L'inscription provisoire est accordée à des conditions plus larges que la simple vraisemblance: l'inscription provisoire ne doit être refusée que s'il apparaît clairement que le droit n'existe pas ou qu'il est peu vraisemblable; en cas de doute, elle doit être ordonnée et la décision sur l'existence du droit invoqué doit être prise par le juge ordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_102/2007 du 29 juin 2007 consid. 2.1; Mooser, Commentaire romand CC II, 2016, n° 9 et 11 ad art. 961 CC; Bohnet, op. cit., n° 18 ad art. 712i CC).

4.1.2 L'absence de litispendance préexistante est une condition de recevabilité (art. 59 al. 1 et al. 2 let. d CPC), qui doit être examinée d'office (art. 60 CPC).

L'examen d'office de la recevabilité porte sur les questions juridiques, ce qui suppose que, dans les causes où la maxime des débats est applicable - comme en l'espèce -, il incombe aux parties d'alléguer et de prouver la réalisation, respectivement l'absence des faits permettant de considérer la demande comme recevable ou non (ATF 141 III 294 consid. 6.1; 139 III 278 consid. 4.3). Il n'appartient pas au tribunal de rechercher les faits justifiant la recevabilité de la demande; il incombe aux parties d'alléguer et de prouver ces faits (Haldy, Commentaire romand CPC, 2019, n° 18 ad art. 55 CPC). En effet, l'obligation d'examiner d'office les conditions de recevabilité n'implique pas que dans les procès soumis à la maxime des débats, le tribunal doive rechercher de son propre chef les faits qui ont trait à la recevabilité de la demande (ATF 139 III 278 consid. 4.3).

Le juge n'est pas autorisé non plus à pallier les carences d'une partie, par exemple en attirant l'attention de celle-ci sur des faits qu'elle n'a pas allégués, pas plus qu'il ne peut l'aider à mieux défendre sa cause ou lui suggérer des arguments (ATF 142 III 462 consid. 4.3).

4.1.3 De jurisprudence constante, le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours au fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2, 2.3.2 et 2.6; arrêt du Tribunal fédéral 5A_699/2017 du 24 octobre 2017 consid. 3.1.3).

La violation du droit d'être entendu peut cependant être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave aux droits procéduraux de la partie lésée. Cela étant, une réparation de la violation du droit d'être entendu peut également se justifier, même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 145 I 167 consid. 4.4; 142 II 218 consid. 2.8.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_31/2020 du 6 juillet 2020 consid. 3.1).

4.2.1 En l'espèce, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il est établi que B______ SA, administratrice de l'appelante, a le pouvoir de requérir, pour le compte de celle-ci, l'inscription provisoire d'une hypothèque légale concernant les charges de copropriété 2019.

En effet, dès lors qu'il s'agit d'une procédure sommaire, il n'est pas nécessaire que l'administratrice obtienne au préalable une autorisation expresse de l'assemblée générale des copropriétaires pour requérir une telle inscription.

4.2.2 Par ailleurs, le premier juge a, à tort, tenu pour vraisemblable l'existence d'une litispendance préexistante, motif pris de ce que la COOPERATIVE F______, ancienne administratrice de l'appelante, avait déjà introduit une procédure judiciaire concernant les charges de copropriété 2019, selon le procès-verbal de l'assemblée général du 15 avril 2021.

En effet, les parties n'ont pas allégué l'existence d'une telle procédure. L'appelante s'est limitée à verser le procès-verbal susvisé à l'appui d'allégués, selon lesquels les comptes 2020 et le budget 2021 avaient été approuvés par l'assemblée générale des copropriétaires. De plus, l'intimée, assistée d'un conseil, n'a pas conclu à l'irrecevabilité de la requête, au motif qu'une procédure judiciaire aurait été déjà pendante s'agissant des charges de copropriété 2019, à laquelle elle aurait été partie.

A défaut d'allégations, le Tribunal n'était pas fondé à rechercher lui-même des faits justifiant l'irrecevabilité de la requête en ce qui concernait les charges de copropriété 2019, ni, au demeurant, retenir ces faits sans donner l'occasion aux parties de s'exprimer sur ceux-ci, afin de garantir leur droit d'être entendues, en particulier lors de l'audience du 6 décembre 2021.

4.2.3 Dès lors que la Cour dispose d'un plein pouvoir d'examen en droit, le renvoi de la cause au premier juge pour violation du droit d'être entendu des parties constituerait une vaine formalité.

En effet, à ce jour, l'intimée ne s'est vraisemblablement pas acquittée de ses contributions aux charges 2019, lesquelles s'élèvent à 169'480 fr. 75 selon les pièces produites par l'appelante. Elle ne prétend d'ailleurs pas le contraire dans sa réponse à l'appel, se limitant à émettre un doute sur le statut d'administratrice de B______ SA. En outre, elle a approuvé le budget 2019 lors de l'assemblée générale du 11 décembre 2018. Elle ne critique pas non plus le fait que le premier juge a considéré que les investigations nécessaires pour déterminer quels postes de charges et frais pouvaient lui être imputés, au motif notamment qu'elle n'utilisait pas les infrastructures correspondantes, devaient être menées par le juge du fond. Enfin, l'intimée ne soutient pas avoir fourni les sûretés suffisantes à cet égard.

Il s'ensuit que le droit à l'inscription provisoire d'une hypothèque légale s'agissant des charges de copropriété 2019 paraît exister. Partant, les chiffres 1 et 3 du dispositif de l'ordonnance entreprise seront annulés et il sera statué à nouveau sur ces points dans le sens qu'une telle inscription sur les unités de propriété d'étages appartenant à l'intimée sera ordonnée.

Le dies a quo des intérêts moratoires sera fixé au 11 février 2020, date à laquelle l'appelante a mis l'intimée en demeure de lui verser les charges dues selon les comptes 2019 (art. 102 et 104 CO).

5. 5.1 Lorsque l'autorité d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

En l'espèce, la quotité des frais judiciaires de première instance, arrêtée à 1'500 fr. conformément aux règles applicables (art. 95, 96, 104 al. 1 et 105 CPC; art. 26 RTFMC), n'est pas remise en cause par les parties, de sorte qu'elle sera confirmée.

Compte tenu de l'issue du litige, l'appelante obtient finalement gain de cause s'agissant des charges de copropriété 2019 et 2020, mais pas pour celles 2021. Il se justifie donc de répartir les frais judiciaires de première instance à raison d'un tiers à charge de cette dernière, soit 500 fr., et de deux tiers à charge de l'intimée, soit 1'000 fr. (art. 106 al. 2 CPC), de sorte que le chiffre 6 du dispositif de l'ordonnance entreprise sera annulé et modifié en conséquence.

Aucune des parties ayant obtenu entièrement gain de cause, le premier juge n'a pas alloué de dépens, ce qui n'est pas critiquable. D'ailleurs l'appelante ne motive aucun grief à cet égard. Le chiffre 7 du dispositif de l'ordonnance attaquée sera donc confirmé.

5.2 Les frais judiciaires d'appel seront mis à la charge de l'intimée, qui succombe (106 al. 1 CPC). Ceux-ci seront arrêtés à 1'200 fr. et compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par l'appelante, qui reste acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC; art. 26, 35 et 37 RTFMC). L'intimée sera par conséquent condamnée à rembourser ce montant à l'appelante.

L'intimée sera également condamnée à verser 1'500 fr. à l'appelante à titre dépens d'appel, débours et TVA compris (art. 25 et 26 al. 1 LaCC; art. 85, 88 et 90 RTFMC), étant relevé qu'une seule écriture a été déposée par celle-ci devant la Cour.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 10 février 2022 par la A______ contre les chiffres 1, 3 et 6 à 8 du dispositif de l'ordonnance OTPI/36/2022 rendue le 26 janvier 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/19743/2021-25 SP.

 

Au fond :

Annule les chiffres 1, 3 et 6 du dispositif de l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau sur ces points:

Ordonne, aux risques et périls de la A______, au Conservateur du Registre foncier de Genève de procéder, au bénéfice de cette dernière, à l'inscription provisoire d'une hypothèque légale à l'encontre de C______ SA à concurrence de 169'480 fr. 75, avec intérêts à 5% dès le 11 février 2020, sur les unités de propriété d'étages n° PPE D______/1______ sur 2______, propriété de cette dernière.

Condamne C______ SA à verser 1'000 fr. à la A______ à titre de remboursement partiel de l'avance de frais.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

 

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'200 fr., les met à la charge de C______ SA et les compense avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne C______ SA à verser 1'200 fr. à la A______ à titre de remboursement de l'avance de frais.

 

Condamne C______ SA à verser 1'500 fr. à la A______ à titre de dépens d'appel.

 

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.