Skip to main content

Décisions | Sommaires

1 resultats
C/5148/2019

ACJC/187/2020 du 28.01.2020 sur OSQ/44/2019 ( SQP ) , JUGE

Recours TF déposé le 12.03.2020, rendu le 13.07.2020, CONFIRME, 5A_205/2020
Descripteurs : OPPOSITION(PROCÉDURE);ORDONNANCE DE SÉQUESTRE;SOCIÉTÉ SIMPLE;LOYER
Normes : LP.278; CO.18; CO.530
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5148/2019 ACJC/187/2020

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du mardi 28 janvier 2020

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, Ile Maurice, recourant contre un jugement sur opposition à séquestre rendu par le Tribunal de première instance de ce canton le
6 novembre 2019, comparant par Me Peter Schaufelberger, avocat, place Benjamin-Constant 2, case postale 5624, 1002 Lausanne, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, Allemagne, intimée, comparant par
Me Edouard Faillot, avocat, rue de Berne 10, 1201 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement OSQ/44/2019 du 6 novembre 2019, reçu par les parties le 7 novembre 2019, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a, notamment, rejeté l'opposition à séquestre formée par A______ contre l'ordonnance de séquestre rendue le 7 mars 2019 dans la présente cause
(ch. 3 du dispositif), condamné A______ à supporter les frais judiciaires, arrêtés à 750 fr., ainsi qu'à verser 3'650 fr. de dépens à B______ (ch. 4 à 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

B. a. Le 18 novembre 2019, A______ a formé recours contre ce jugement, concluant à ce que la Cour l'annule, de même que l'ordonnance de séquestre, et ordonne à l'Office des poursuites de libérer les biens séquestrés, avec suite de frais et dépens.

b. Le 9 décembre 2019, B______ a conclu au rejet du recours, avec suite de frais et dépens.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

d. Elles ont toutes les deux produit des pièces nouvelles.

e. Elles ont été informées le 8 janvier 2020 de ce que la cause était gardée à juger.

f. A______ a déposé une écriture spontanée le 20 janvier 2020.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. B______ et A______ sont les enfants de feu C______, décédé le ______ 2015.

b. C______ était propriétaire d'une villa sise [no.] ______, chemin 1______, à D______ (VD), dont, par acte du 30 juillet 2013, il a donné la nue-propriété à ses enfants, en propriété commune sous la forme d'une société simple.

c. B______ a emménagé en 2013 dans une autre maison à D______. A l'époque, elle s'entendait bien avec son frère, qui habitait l'Ile Maurice, et lui a à plusieurs reprises indiqué qu'elle souhaiterait qu'il s'installe dans la région.

d. A la suite du décès de leur père, B______ et A______ ont convenu que ce dernier rachèterait la part de copropriété de sa soeur de la villa.

En mai 2015, les parties se sont mises d'accord pour fixer la valeur de la villa à 5'800'000 fr., sur la base d'une estimation effectuée par la société E______.

e. Par courriel du 22 juin 2015, B______ a informé l'exécuteur testamentaire désigné pour la succession de C______ que son frère souhaitait emménager dans la maison et, de ce fait, prévoyait d'acheter sa part.

f. A______ et sa famille se sont installés dans la villa durant l'été 2015.

g. Le 29 juillet 2015, A______ a fait savoir à l'exécuteur testamentaire qu'il s'était mis d'accord avec sa soeur pour racheter sa part de la maison de D______ pour le prix de 2'500'000 fr.

Conformément aux instructions conjointes des parties, un projet d'acte notarié de vente à terme a ainsi été établi le 14 août 2015. Il ressort de ce projet que B______ s'engageait à vendre à A______ sa part d'une moitié de la parcelle de D______ pour le prix de 2'500'000 fr.

La signature de cet acte a été fixée au 29 octobre 2015.

h. Le 7 octobre 2015, A______ a fait savoir à sa soeur qu'avant de finaliser la vente, il souhaitait régler l'ensemble des dossiers en commun en cours, à savoir la succession, les meubles et "F______".

Il a précisé que, selon lui, la valeur de l'immeuble de D______ était de
4'600'000 fr., début 2015. Il fondait ce chiffre sur une expertise effectuée par le père des parties en 2012 et deux expertises différentes établies par la société G______.

i. B______ a répondu le 8 octobre 2015 qu'elle était d'accord de régler tous les dossiers en cours, proposant de commencer par la vente de D______.

A______ lui a répondu le même jour que cette vente était selon lui le dernier point à traiter.

j. Les parties sont ensuite entrées en discussions concernant un règlement global de leurs rapports financiers.

k. Un projet de "convention de partage partiel relative à la succession de feu Monsieur C______" leur a ainsi été soumis en mars 2016 par l'exécuteur testamentaire. Il résulte de ce projet que l'actif successoral se montait à
28'031'558 fr., non compris la villa de D______ et une autre villa située au F______, en France, biens qui avaient fait l'objet de donation à A______ et B______ du vivant de leur père.

Le préambule de cette convention indique que B______ s'engageait à transférer à A______, dans les 30 jours dès la signature de la convention, la propriété de la villa de D______ pour un prix attribué à l'immeuble de 5'000'000 fr. Elle s'engageait en outre à renoncer à requérir de son frère le paiement d'un loyer pour l'usage de la villa.

Cette convention n'a finalement pas été signée.

l. Les parties ont fait établir plusieurs expertises de la valeur de la villa entre 2013 et 2018. Ces expertises faisaient état des montants suivants : 5'250'000 fr. (mars 2013), 4'226'000 fr. (juillet 2013), 5'775'000 fr. (mars 2015), 5'800'000 fr. (avril 2015), 4'000'000 fr. (juillet 2015), 4'950'000 fr. (février 2018), 5'500'0'00 (mars 2018).

Selon l'expertise de juillet 2015 fixant la valeur de la villa à 4'000'000 fr. établie par la société G______, le loyer annuel de marché de ce bien était estimé à 136'000 fr.

Les parties n'ont pas réussi à s'entendre sur un prix, de sorte que la vente de la part de B______ à A______ n'a finalement jamais eu lieu.

m. A ce jour, la villa demeure ainsi la propriété commune des parties. A______ continue de l'occuper, sans payer d'indemnité. Depuis le mois d'octobre 2016, il a fait changer les serrures de la villa, à laquelle B______ n'a donc plus accès.

n.a B______ allègue avoir, depuis 2015, continuellement manifesté son désaccord avec l'occupation gratuite de la villa par son frère.

A______ conteste que sa soeur se soit adressée à lui pour lui réclamer le paiement d'un loyer. Il allègue qu'il avait été convenu, peu après le décès de leur père, alors qu'il habitait à l'étranger, qu'il s'installerait dans cette villa, car les frère et soeur avaient tous deux le souhait de se rapprocher géographiquement. Le paiement d'un loyer n'avait jamais été convenu entre les parties.

n.b A cet égard, il ressort du dossier que B______ a envoyé le 4 février 2016 un courriel aux exécuteurs testamentaires indiquant que, puisque son frère n'avait pas respecté son engagement de racheter sa part de la maison, elle s'estimait en droit de percevoir un loyer de 6'000 fr. par mois pour l'occupation de la part lui appartenant. Elle demandait aux exécuteurs testamentaires de faire savoir à son frère qu'il devait lui virer la somme de 48'000 fr. correspondant aux loyers de juillet 2015 à février 2016, puis s'acquitter d'un montant de 6'000 fr. par mois par la suite.

A______ allègue n'avoir jamais eu connaissance de ce courriel avant la présente procédure.

n.c Le 7 novembre 2017, B______ a fait notifier à l'épouse de A______ un commandement de payer portant sur 196'000 fr. avec intérêts moratoires à 2% dès le 1er juillet 2015 au titre de "non versement des compensations financières de 7'000 fr. par mois liées à l'occupation à titre de résidence principale de la villa sise chemin 1______ [no.] ______, [code postal] D______, de juillet 2015 à octobre 2017". Il a été formé opposition à ce commandement de payer.

n.d. Le 14 février 2018, B______ a fait savoir par courriel à son frère qu'elle souhaitait inspecter la villa en vue de sa vente, précisant que celui-ci et son épouse l'occupaient contre sa volonté.

o. Par acte du 2 novembre 2018, B______ a introduit une action en partage de la villa et une demande en paiement à l'encontre de A______ par-devant les juridictions vaudoises. Il n'est pas contesté qu'elle réclame dans le cadre de cette action la réparation du préjudice qu'elle allègue avoir subi en raison de l'occupation de la villa par son frère.

Cette procédure est actuellement pendante.

p. Le 26 novembre 2018, B______ a indiqué à l'épouse de A______ qu'elle occupait sans droit la villa depuis trois ans et qu'elle n'avait jamais consenti à une telle occupation à titre gratuit, raison pour laquelle un commandement de payer lui avait été notifié le 7 novembre 2017. Un délai au 31 janvier 2019 lui était imparti pour quitter la maison.

Le 17 janvier 2019, l'épouse de A______ a répondu qu'elle occupait cette maison avec ses filles, avec l'accord de A______ et de sa soeur. B______, son mari et ses enfants étaient d'ailleurs venus leur rendre visite à plusieurs reprises lorsqu'ils habitaient à proximité.

q. Il n'est pas contesté que A______ a payé l'intégralité des frais, charges et autres taxes afférents à la villa litigieuse.

r. Le 7 mars 2019, B______ a déposé à l'encontre de A______ une requête de séquestre, concluant à ce que le Tribunal ordonne, à concurrence de 249'626 fr. 71 plus intérêts à 5% l'an dès le 4 juillet 2015, le séquestre des biens de A______ en mains de [la banque] H______ à Genève.

Elle a fait valoir qu'en s'appropriant, sans son accord, l'usage exclusif de la villa dont les parties sont copropriétaires, A______ avait accompli un acte de représentation non autorisée en violation des règles de la société simple. Cet acte lui avait causé un dommage, correspondant à la moitié du loyer qui aurait été perçu si la villa avait été louée depuis juillet 2015. Sa partie adverse était tenue à réparation de ce dommage.

Le séquestre requis, fondé sur l'article 271 al. 1 ch. 4 LP, a été ordonné le jour même.

s. Par courrier du 15 mars 2019, A______ a formé opposition contre l'ordonnance de séquestre du 7 mars 2019. Il a motivé son opposition par mémoire du 15 août 2019.

A l'appui de son opposition, il a allégué que les parties n'avaient jamais eu l'intention de louer la villa à un tiers et qu'à aucun moment il n'avait été question qu'il verse un loyer pour son occupation.

Par mémoire réponse du 23 septembre 2019, B______ a conclu au rejet de l'opposition à séquestre.

A______ a produit des écritures supplémentaires, expédiées au Tribunal le
4 octobre 2019.

t. Lors de l'audience qui s'est tenue le 7 octobre 2019, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions respectives. A______ a précisé que le procès-verbal de séquestre ne lui avait pas encore été notifié.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement entrepris étant une décision statuant sur opposition à séquestre, seule la voie du recours est ouverte (art. 278 al. 3 LP; art. 309 let. b ch. 6 et 319 let. a CPC).

Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 278 al. 1 LP et 321 al. 2 CPC).

Déposé dans le délai et selon les formes requis par la loi, le recours est recevable.

1.2 La cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC et 278 al. 3 LP).

2. Les deux parties ont déposé des pièces nouvelles.

2.1 En matière d'opposition au séquestre, l'art. 278 al. 3 LP dispose que les parties peuvent alléguer des faits nouveaux dans la procédure de recours contre la décision rendue sur opposition. Cette disposition instaure une exception à l'art. 326 al. 1 CPC, qui prohibe les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles dans le cadre d'un recours (cf. art. 326 al. 2 CPC).

Les "faits nouveaux", qui selon l'art. 278 al. 3 2e phrase LP, peuvent être invoqués devant l'instance de recours, comprennent autant les pseudo nova que les vrais nova, les pseudo nova désignant les faits et moyens de preuves qui existaient déjà avant la décision sur opposition. Pour ce qui est des conditions auxquelles les pseudo nova peuvent être introduits en procédure de recours, il faut appliquer par analogie les règles prévues par l'art. 317 al. 1 CPC (arrêt du Tribunal fédéral 5A_626/2018 du 3 avril 2019 consid. 6.6 et 6.2). 

Selon l'article 317 al 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s'ils sont invoqués ou produits sans retard et s'ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise.

2.2 En l'espèce, les pièces 222 et 223 de l'intimée (courriers échangés avec l'Office des poursuites et le Tribunal) font partie du dossier et ne sont dès lors pas nouvelles. Les pièces 224 à 227 de l'intimée sont postérieures au 7 octobre 2019, date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger, et remplissent par ailleurs les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC, de sorte qu'elles sont recevables.

Les pièces 228 à 237 de l'intimée sont par contre des pseudo nova et auraient pu être produites devant le Tribunal, de sorte qu'elles sont irrecevables.

Les pièces 132 et 134 du recourant sont également irrecevables, pour les mêmes motifs.

3. Le Tribunal a retenu que l'écriture spontanée expédiée par le recourant le 4 octobre 2019 n'était pas recevable, dans la mesure où il avait fixé une audience le 7 octobre 2019, lors de laquelle le recourant avait la possibilité de se déterminer oralement.

Le recourant fait valoir que le Tribunal a violé son droit d'être entendu en déclarant irrecevable son écriture spontanée du 4 octobre 2019.

3.1 En procédure sommaire, l'article 253 CPC met en oeuvre le droit d'être entendu. Un second échange d'écritures n'y est pas prévu, de sorte qu'au vu de la nature de la procédure sommaire, il s'impose de faire preuve de retenue à cet égard. Cela ne change cependant rien au fait que les parties, en vertu des articles 6 § 1 CEDH et/ou 29 al. 1 et 2 Cst., ont le droit de se déterminer sur toute écriture du tribunal ou de la partie adverse, indépendamment du fait que celle-ci contienne ou non des éléments nouveaux et importants (arrêt du Tribunal fédéral 5A_82/2015 du 16 juin 2015 consid. 4.1, in RSPC 2015 p. 424, n° 1717).

Cependant, l'avis selon lequel le juge devait, en procédure sommaire, accepter toute écriture des parties présentée même lors de l'audience ne saurait être suivi. Il va à l'encontre de la grande liberté de manoeuvre que le législateur a entendu donner au juge dans la procédure sommaire en vue de réaliser la souplesse et la rapidité qui caractérisent celle-ci. Il va également à l'encontre de la jurisprudence, rejoignant sur ce point la doctrine majoritaire, qui reconnaît au juge
(art. 124 CPC), et non aux parties, un pouvoir d'appréciation dans la manière de diriger la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 5A_403/2014 du 19 août 2014 consid. 4.2.1).

3.2 En l'espèce, les parties ont été citées à une audience qui s'est tenue le 7 octobre 2019. Il s'ensuit que le droit à la réplique du recourant a été garanti dès lors qu'il a pu l'exercer oralement lors de ladite audience. L'exercice en la forme écrite du droit à la réplique n'étant pas garanti, c'est à juste titre que le Tribunal a déclaré irrecevable l'écriture spontanée expédiée le 4 octobre 2019 par le recourant.

Le grief de ce dernier est par conséquent infondé.

4. Le Tribunal a considéré que la créance de l'intimée était vraisemblable car, lorsque le recourant s'était installé dans la villa litigieuse, il était prévu que leur propriété commune allait être liquidée à bref délai par le rachat par le recourant de la part de l'intimée. Après l'échec de l'opération, l'intimée avait à plusieurs reprises marqué son désaccord avec l'occupation gratuite de la villa par le recourant. Une telle occupation nécessitait une décision unanime des propriétaires car elle constituait un acte juridique excédant les opérations ordinaires de la société simple formée par les parties. Cette occupation ne reposait vraisemblablement sur aucune décision valable des associés, de sorte que l'intimée avait rendu vraisemblable sa prétention visant à réparer le dommage subi du fait de l'occupation illicite de la villa par le recourant. Le dommage correspondait vraisemblablement à la moitié du loyer que l'intimée aurait pu percevoir si la villa avait été louée à un tiers.

Le recourant fait valoir que l'intimée n'a pas rendu sa créance vraisemblable. Elle ne s'était pas opposée à ce qu'il occupe gratuitement la maison. Il avait été convenu entre les parties qu'il occuperait gratuitement la maison jusqu'à son rachat. Le fait que le rachat ne soit pas encore intervenu ne permettait pas de conclure que les parties avaient renoncé au principe de la gratuité. Aucune décision prévoyant le paiement d'un loyer n'avait été prise entre les parties.Celles-ci avaient conclu un contrat de prêt à usage, ce qui était attesté par le fait que le recourant supportait seul les frais d'entretien de la maison, conformément à l'art. 307 CO.

4.1.1 Selon l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP, le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse lorsque le débiteur n'habite pas en Suisse et qu'il n'y a pas d'autre cas de séquestre, pour autant que la créance ait un lien suffisant avec la Suisse ou qu'elle se fonde sur une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP.

Selon l'art. 272 al. 1 LP, le séquestre est autorisé par le juge du for de la poursuite ou par le juge du lieu où se trouvent les biens, à condition que le créancier rende vraisemblable que sa créance existe (ch. 1), qu'on est en présence d'un cas de séquestre (ch. 2) et qu'il existe des biens appartenant au débiteur (ch. 3).

La procédure d'opposition au séquestre (art. 278 LP) est une procédure sommaire au sens propre; elle présente les trois caractéristiques de simple vraisemblance des faits, examen sommaire du droit et décision provisoire. Elle a en outre un objet et un but particulier : le séquestre, auquel le débiteur s'oppose, est une mesure conservatoire, soit la mise sous mains de justice de biens du débiteur, qui permet de garantir une créance pendant la durée de la procédure de validation du séquestre (art. 279 LP). En tant que procédure spécifique de la LP, la procédure d'opposition au séquestre est aussi une procédure sur pièces (Aktenprozess; procedura in base agli atti; art. 256 al. 1 CPC). C'est au cours de l'action civile en reconnaissance de dette (en validation du séquestre) qui suivra, soumise à une procédure avec un examen complet en fait et en droit, que les parties pourront faire valoir tous leurs moyens de preuve (ATF 138 III 636 consid. 4.3.2 et les références citées).

Le critère de la vraisemblance s'applique non seulement à l'existence de la créance en fait, mais aussi à son existence juridique. Ainsi, les faits à l'origine du séquestre doivent être rendus simplement vraisemblables. Tel est le cas lorsque, se fondant sur des éléments objectifs, le juge acquiert l'impression que les faits pertinents se sont produits, mais sans qu'il doive exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement. A cet effet, le créancier séquestrant doit alléguer les faits et produire un titre qui permette au juge du séquestre d'acquérir, au degré de la simple vraisemblance, la conviction que la prétention existe pour le montant énoncé et qu'elle est exigible. S'agissant de l'application du droit, le juge procède à un examen sommaire du bien-fondé juridique, c'est-à-dire un examen qui n'est ni définitif, ni complet, au terme duquel il rend une décision provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_560/2015 du 13 octobre 2015 consid. 3).

Compte tenu des effets rigoureux du séquestre, il n'est pas arbitraire d'user d'une appréciation sévère pour l'examen de la vraisemblance (CHAIX, Jurisprudences genevoises en matière de séquestre, in SJ 2005 II 363; GILLIERON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 2003, n. 27 ad art. 278 LP).

L'opposant doit tenter de démontrer que son point de vue est plus vraisemblable que celui du créancier séquestrant (arrêts du Tribunal fédéral 5A_328/2013 du 4 novembre 2013 consid. 4.3.2; 5A_925/2012 du 5 avril 2013 consid. 9.3).

4.1.2 Lorsque plusieurs personnes formant une communauté en vertu de la loi ou d'un contrat sont propriétaires d'une chose, le droit de chacun s'étend à la chose entière (art. 652 al. 1 CC).

Les droits et les devoirs des communistes sont déterminés par les règles de la communauté légale ou conventionnelle qui les unit (art. 653 al. 1 CC). A défaut d'autre règle, les droits des communistes, en particulier celui de disposer de la chose, ne peuvent être exercés qu'en vertu d'une décision unanime (art. 653
al. 2 CC).

4.1.3 La société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent d'unir leurs efforts ou leurs ressources en vue d'atteindre un but commun (art. 530 al. 1 CO).

Les associés sont tenus de partager entre eux tout gain qui, par sa nature, doit revenir à la société (art. 532 CO).

Outre les "fruits naturels", un chose peut produire des "fruits civils", à savoir les revenus qui peuvent être tirés de la chose en raison d'un rapport juridique avec un tiers, notamment un bail (Steinauer, Les droits réels, tome I, 2019, n. 1478).

Les fruits découlant de la propriété commune sont des gains revenant à la société (Chaix, Commentaire romand, n. 3 ad art. 532 CO).

Sauf convention contraire, chaque associé a une part égale dans les bénéfices et les pertes, quelles que soient la nature et la valeur de son apport (art. 533
al. 1 CO).

Selon l'article 534 al. 1 CO, les décisions de la société sont prises du consentement de tous les associés.

Aux termes de l'article 535 CO, tous les associés ont le droit d'administrer, à moins que le contrat ou une décision de la société ne l'ait conféré exclusivement soit à un ou plusieurs d'entre eux, soit à des tiers (al. 1). Lorsque le droit d'administrer appartient à tous les associés ou à plusieurs d'entre eux, chacun d'eux peut agir sans le concours des autres; chacun des autres associés gérants peut néanmoins s'opposer à l'opération avant qu'elle soit consommée (al. 2). Le consentement unanime des associés est nécessaire pour nommer un mandataire général, ou pour procéder à des actes juridiques excédant les opérations ordinaires de la société; à moins toutefois qu'il n'y ait péril en la demeure (al. 3).

Enfin, chaque associé est tenu envers les autres associés du dommage qu'il leur a causé par sa faute, sans pouvoir compenser avec ce dommage les profits qu'il a procurés à la société dans d'autres affaires (art. 538 al. 2 CO).

4.1.4 Le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté (art. 1 al. 1 CO). Cette manifestation peut être expresse ou tacite (art. 1 al. 2 CO).

A teneur de l'art. 18 al. 1 CO, pour apprécier la forme et les clauses d'un contrat, il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention.

Le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices; si elle aboutit, cette démarche conduit à une constatation de fait. S'il ne parvient pas à déterminer cette volonté, ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté manifestée par l'autre, le juge doit rechercher, par l'interprétation selon la théorie de la confiance, quel sens les parties pouvaient ou devaient donner, de bonne foi, à leurs manifestations de volonté réciproques (principe de la confiance); il s'agit d'une question de droit. Le principe de la confiance permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même s'il ne correspond pas à sa volonté intime (ATF
142 III 671 consid. 3.3, 140 III 134 consid. 3.2, 136 III 186 consid. 3.2.1 et
135 III 295 consid. 5.2).

Le juge tiendra compte des termes utilisés ainsi que du contexte et de l'ensemble des circonstances dans lesquelles les déclarations ont été émises (ATF 125 III 305 consid. 2b et les références citées).

4.2 En l'espèce, le recourant soutient qu'il avait été convenu entre les parties qu'il pourrait occuper gratuitement la villa dont elles sont propriétaires en commun alors que l'intimée affirme que tel n'est pas le cas et qu'un loyer lui est dû.

Les parties admettent toutes les deux former une société simple. Dans la mesure où les règles de la société simple ne prévoient pas de disposition particulière sur l'occupation par l'un ou l'autre des associés de l'immeuble dont ceux-ci sont propriétaires, il convient de déterminer ce que les parties ont convenu à cet égard dans le cas d'espèce.

Il n'est pas contesté que le recourant s'est installé dans la villa avec sa famille en 2015 avec le consentement de l'intimée et qu'il n'a, à l'époque, pas été convenu qu'il verserait un loyer. La raison en était que les parties avaient prévu que le recourant rachèterait la part de l'intimée.

Ce rachat ne s'est finalement pas fait car les parties n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur le prix de vente.

Dans la mesure où l'accord des parties sur l'occupation gratuite de la maison n'a pas été limité dans le temps, le seul fait que le premier projet de contrat de vente n'ait pas été signé comme prévu en octobre 2015 ne permet pas de retenir que, dès cette date, l'accord de l'intimée sur les modalités d'occupation de la villa a été révoqué.

En effet, les parties ont continué à négocier après octobre 2015 pour trouver une convention de règlement globale de leurs rapports financiers.

Pendant la durée de ces négociations, l'intimée n'a pas manifesté au recourant sa volonté de revenir sur les modalités convenues pour l'occupation de l'immeuble.

Contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, l'intimée n'a pas "adressé plusieurs courriers aux époux A______ entre 2015 et 2019 pour s'opposer à l'occupation à titre gratuit de la villa".

Son courriel du 4 février 2016 est adressé à l'exécuteur testamentaire, et non au recourant, qui affirme n'en avoir jamais eu connaissance avant la présente procédure. Dans la mesure où aucun élément du dossier ne permet de retenir que l'exécuteur testamentaire a effectivement transmis au recourant la demande de l'intimée, cette affirmation est vraisemblable.

Par la suite, l'intimée a fait notifier, le 7 novembre 2017, un commandement de payer à l'épouse de A______ au titre de "non versement des compensations financières de 7'000 fr. par mois liées" à l'occupation de la villa de D______.

Ce document a cependant été adressé à l'épouse du recourant, et non à celui-ci directement et il n'est pas établi que le recourant en a eu connaissance. Cela est d'autant plus vrai qu'il semble vivre séparé de son épouse, puisqu'il est domicilié à l'Ile Maurice. L'épouse du recourant a d'ailleurs indiqué à l'intimée qu'elle vivait dans la maison avec ses filles.

Il ne ressort par ailleurs pas suffisamment précisément du courriel du 14 février 2018 de l'intimée au recourant, indiquant à ce dernier qu'il occupait la villa contre sa volonté, que l'intimée entendait lui réclamer un loyer. En effet, elle ne précise pas quelle est, selon elle, la conséquence de cette occupation "contre sa volonté", ni ne formule de prétention chiffrée en paiement d'un loyer.

Les manifestations de volonté précitées ne sont ainsi pas suffisamment claires pour considérer que, ce faisant, l'intimée a fait part au recourant de son intention de remettre en cause l'accord initial conclu entre les parties et de lui réclamer un loyer pour l'occupation de la maison.

La situation s'est cependant modifiée suite au dépôt par l'intimée d'une action en partage et demande en paiement par-devant les tribunaux vaudois, le 2 novembre 2018.

Il n'est pas contesté que, dans sa demande en paiement, l'intimée réclame une indemnité pour l'occupation de la villa par le recourant et/ou sa famille, de sorte que, dès cette date, le recourant savait que l'intimée estimait que l'accord initialement conclu entre les parties sur la gratuité de l'occupation de la villa n'était plus valable.

Dès novembre 2018, le recourant ne pouvait ainsi plus se croire autorisé à occuper gratuitement la villa.

En continuant à occuper la villa après cette date sans verser d'indemnité, ou en autorisant sa famille à le faire, le recourant ne pouvait ignorer qu'il s'exposait à devoir payer une indemnité à l'intimée pour cette occupation.

En effet, il lui a vraisemblablement causé ce faisant un dommage puisque, s'il n'occupait pas la villa, l'intimée aurait eu la possibilité d'en tirer un revenu en la louant à un tiers.

Il résulte de ce qui précède que l'intimée a rendu vraisemblable qu'elle a une créance en dommages-intérêts envers le recourant au titre d'occupation de la villa de D______ pour la période du 3 novembre 2018 (dépôt de sa demande en paiement) au 7 mars 2019, date du dépôt de la requête en séquestre, soit 5 mois environ. Cette créance peut se fonder, comme l'a retenu le Tribunal, sur les règles de la société simple.

Il convient encore de fixer le montant de l'indemnité mensuelle due en réparation de ce dommage.

A cet égard le recourant ne conteste pas le montant de loyer annuel de 136'500 fr. résultant de l'expertise effectuée par la société G______, correspondant à
11'375 fr. par mois. L'indemnité due à l'intimée, propriétaire de la moitié de la maison, peut ainsi, au stade de la vraisemblance, être estimée à 5'687 fr. par mois arrondis.

Le montant de la créance rendue vraisemblable par l'intimée est ainsi de 28'435 fr. (5'687 fr. x 5). Ce montant portera intérêts à 5% dès la date moyenne du 31 décembre 2018 (art. 104 al. 1 CO).

Aucun montant ne peut en l'état être déduit de cette somme au titre des éventuels charges et frais relatifs à la maison payés par le recourant. Celui-ci n'a en effet pas pris de conclusion en ce sens et n'a pas chiffré les frais qu'il a assumés.

Le recourant ne conteste par ailleurs pas les considérants du Tribunal selon lesquels les autres conditions légales pour le prononcé du séquestre sont réalisées.

Le jugement querellé sera dès lors réformé en ce sens que le séquestre sera confirmé à hauteur du montant précité.

5. Selon l'art. 106 al. 1 CPC, les frais sont mis à la charge de la partie succombante. Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC).

En l'espèce, l'intimée a gain de cause sur le principe du séquestre, mais non sur son montant. Il se justifie par conséquent, en équité, de mettre les frais à la charge des parties à raison d'une moitié chacune.

Les frais judiciaires de première instance seront arrêtés à 750 fr. et ceux de recours à 1'125 fr. et compensés avec les avances versées par les parties, soit 750 fr. pour l'intimée et 1'125 fr. pour le recourant, acquises à l'Etat de Genève (art. 48 et 61 OELP; 111 al. 1 CPC). L'intimée sera par conséquent condamnée à verser 188 fr. au recourant au titre des frais judiciaires (1'875 fr. de frais judiciaires : 2 = 937 fr. 50 fr. - 750 fr. = 188 fr. arrondis).

Compte tenu de l'issue du litige, chaque partie gardera ses propres dépens à sa charge.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre le jugement OSQ/44/2019 rendu le 6 novembre 2019 par le Tribunal de première instance dans la cause C/5148/2019-24 SQP.

Au fond :

Annule les chiffres 3 à 6 du dispositif de ce jugement et, statuant à nouveau :

Admet partiellement l'opposition formée le 15 mars 2019 par A______ contre l'ordonnance de séquestre rendue le 7 mars 2019 par le Tribunal de première instance dans la cause C/5148/2019.

Confirme le séquestre des biens et avoirs appartenant à A______, de quelque nature que ce soit, sous son nom propre, désignation conventionnelle ou numérique déposés en mains de [la banque] H______, [no.] ______, rue 2______, [code postal] Genève, notamment le compte n° 3______, à hauteur de 28'435 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 31 décembre 2018.

Ordonne la levée du séquestre pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête à 1'875 fr. les frais judiciaires de première et seconde instance, les compense avec les avances versées par les parties, acquises à l'Etat de Genève, et les met à charge des parties à raison d'une moitié chacune.

Condamne B______ à verser 188 fr. à A______ au titre de frais judiciaires des deux instances.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.