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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/22502/2025

ACPR/901/2025 du 04.11.2025 sur OMP/24013/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN;ANTÉCÉDENT
Normes : CPP.255.al1bis; CPP.353.al1.letfbis; CPP.197.al1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22502/2025 ACPR/901/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 4 novembre 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate, Étude BAZARBACHI ARCHINARD, rue Micheli-du-Crest 4, 1205 Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 2 octobre 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 13 octobre 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 2 précédent, notifiée le même jour, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée; subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause au Ministère public.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, né le ______ 2001, est originaire de Guinée.

b. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse (au 2 octobre 2025), il a été condamné :

- le 5 juillet 2017, par le Tribunal des mineurs du canton du Valais, à une peine privative de liberté de 2 jours, pour délit contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 LStup);

- le 19 septembre 2017, par le Tribunal des mineurs du canton de Genève, à une peine privative de liberté de 9 jours, pour délit contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. a LStup) et opposition aux actes de l'autorité (art. 286 aCP);

- le 3 janvier 2018, par le Tribunal des mineurs du canton de Genève, à une peine privative de liberté de 13 jours, pour délit contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. a LStup), consommation de stupéfiants (art. 19a LStup) et séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b aLEtr);

- le 4 mars 2018, par le Tribunal des mineurs du canton de Genève, à une peine privative de liberté de 10 jours, sursis pendant 1 an, pour délit contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. a LStup);

- le 18 octobre 2018, par le Tribunal des mineurs du canton de Genève, à une peine privative de liberté de 34 jours, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b aLEtr) et délit contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. a LStup);

- le 31 octobre 2019, par le Tribunal de police du canton de Genève, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 10.- le jour, sursis pendant 3 ans, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI);

- le 1er février 2021, par le Tribunal de police du canton de Genève, à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 10.- le jour, sursis pendant 3 ans, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI) et délit contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c LStup);

- le 24 avril 2023, par le Tribunal de police du canton de Genève, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 10.- le jour, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI), non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI) et délit contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c LStup);

- le 20 juin 2024, par le Tribunal de police du canton de Genève, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 10.- le jour, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI);

- le 27 mai 2025, par la Chambre pénale d'appel et de révision du canton de Genève, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 10.- le jour, pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI).

c. Le 1er octobre 2025, A______, sans profession et sans domicile fixe, a été interpellé à la rue de Monthoux, dans le quartier des Pâquis, à Genève, dans le cadre d'un contrôle d'identité. L'intéressé était dépourvu de documents d'identité valables et se trouvait en séjour illégal en Suisse, où il avait pénétré sans en respecter les conditions d'entrée.

Il était en possession de CHF 18.20 et d'un téléphone portable [de marque] B______ – n° IMEI 1______, lequel n'était pas signalé volé dans la base de données de la police.

L'intéressé n'ayant pas de domicile connu, aucune perquisition n'a pu être effectuée.

d. Entendu le jour même par la police, A______ s'est refusé à toute déclaration.

e. Le 2 octobre 2025, en fin de journée, l'intéressé a été mis en liberté.

f. Par ordonnance pénale du même jour, le Ministère public a déclaré A______ coupable d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEI, et l'a condamné à une peine pécuniaire égale à zéro (les précédentes condamnations pour séjour illégal ayant atteint une peine totale correspondant à la peine-menace maximale prévue pour cette infraction).

Le 13 octobre 2025, A______ y a formé opposition. La procédure est toujours pendante sur opposition devant le Ministère public.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que A______ a déjà été soupçonné par la police d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN, soit à l'art. 19 al. 1 LStup.

D. a. À l'appui de son recours, A______ dénonce avoir fait l'objet d'un contrôle d'identité sur son faciès. L'ordonnance pénale du 2 octobre 2025 omettait de préciser si son profil d'ADN avait déjà été établi par le passé, en violation de l'art. 353 al. 1 let. fbis CPP. Le Ministère public avait une nouvelle fois ordonné l'établissement de son profil d'ADN, en se référant à une Directive du Procureur général, alors que tel avait déjà été le cas, à maintes reprises, par le passé. De telles mesures étaient ordonnées de manière systématique, à chaque interpellation, sans tenir compte d'éventuels prélèvements effectués précédemment. Son profil d'ADN pouvait en plus être conservé pendant dix ans au minimum après l'entrée en force du jugement (art. 16 de la Loi sur les profils d'ADN; RS 363), étant précisé qu'un nouveau délai de dix ans pouvait être prononcé par l'autorité de jugement après l'expiration du délai d'effacement (art. 17 LADN). Il ne se justifiait ainsi aucunement d'ordonner un nouvel établissement de son profil d'ADN, ce d'autant que celui-ci ne changeait pas "au cours de la vie d'un être humain". Une telle mesure était "arbitraire" et portait atteinte à sa liberté personnelle et à son droit d'être protégé contre l'emploi abusif des données le concernant (art. 8 CEDH). Des frais de CHF 20.- seraient en outre mis à sa charge et à celle du contribuable genevois en relation avec ces actes inutiles.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.

3.1.       L'établissement d'un profil d'ADN est de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données privées (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH).

Cette mesure doit, en conséquence, se fonder sur une base légale, être justifiée par un intérêt public et être proportionnée au but visé (ATF 147 I 372 consid. 2.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_631/2022 du 14 février 2023 consid. 2).

L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d).

3.2.       Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).

3.3.       L'établissement d'un profil d'ADN, lorsqu'il ne sert pas à élucider une infraction pour laquelle une instruction pénale est en cours, est conforme au principe de la proportionnalité uniquement s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3). Il convient à cet égard également de prendre en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4; arrêt du Tribunal fédéral 1B_259/2022 précité consid. 4.3).

3.4.       Selon l'art. 353 al. 1 let. fbis CPP, l’ordonnance pénale contient le délai d’effacement d’un profil d’ADN éventuellement existant.

3.5.       En l'espèce, l'établissement du profil d'ADN du recourant a été ordonné pour élucider, non pas les infractions en cours d'instruction, mais d'autres actes contraires à la LStup, dès lors que le recourant a déjà été soupçonné pour des faits similaires.

À cet égard, il existe des indices sérieux et concrets de la commission, par le recourant, de tels actes punissables.

Depuis 2017, il a en effet été condamné à sept reprises pour des délits à la LStup, soit des agissements qui dépassent le stade de la simple consommation personnelle.

Ces condamnations à la LStup vont de pair avec des condamnations répétées pour séjours illégaux (art. 115 LEI) et ruptures de ban (art. 119 LEI). Ces nombreux antécédents en un laps de temps relativement court, auxquels s'ajoute le contexte personnel du recourant, laissent craindre un ancrage dans la délinquance liée aux stupéfiants. De telles circonstances permettent de penser que l'intéressé pourrait être impliqué dans d'autres infractions à la LStup encore inconnues des autorités, qui pourraient lui être attribuées si l'on était en mesure de comparer son profil d'ADN à des traces prélevées sur les lieux de leur commission, étant précisé que le recourant a, dans la présente procédure, été interpellé dans le quartier des Pâquis, lieu réputé pour le trafic de stupéfiants à Genève.

En outre, les infractions à la LStup susceptibles d'être élucidées revêtent une certaine gravité. Il s'agit d'ailleurs d'un des cas expressément listés par la Directive A.5 du Procureur général (cf. n. 4.3), qui, bien que n'ayant pas force de loi, est fondée sur l'art. 255 al. 1bis CPP, lequel permet l'établissement d'un profil d'ADN pour les infractions passées.

Le recourant soutient qu'ordonner un nouvel établissement de son profil d'ADN alors qu'un tel profil, immuable, avait déjà été établi plusieurs fois par le passé, serait arbitraire. La Chambre de céans est toutefois d'avis que dans la mesure où les profils d'ADN sont soumis à effacement après un certain délai (art. 16 LADN), il existe un intérêt public prépondérant – quand bien même l'établissement du profil d'ADN aurait déjà été ordonné à une ou plusieurs reprises et son effacement n'interviendrait pas avant de nombreuses années –, à soumettre derechef le prévenu à cette mesure, pour autant que les conditions légales soient à nouveau réalisées, ce qui est le cas en l'espèce. Ce sont d'ailleurs les soupçons de la commission de nouvelles infractions – en l'occurrence des délits à la LStup – qui ont conduit le Ministère public à ordonner à nouveau l'établissement du profil d'ADN du recourant, afin d'en prolonger d'autant la date d'effacement dans les fichiers de la police. Dans la mesure où on se trouve dans une situation dans laquelle l'art. 255 al. 1bis CPP permet d'ordonner un tel établissement, la mesure est légale, et, partant, nullement arbitraire.

Le recourant invoque encore le droit à être protégé contre l'emploi abusif des données qui le concernent (art. 8 CEDH). Or, on ne voit pas en quoi le nouvel établissement de son profil d'ADN pourrait constituer un tel emploi abusif, puisqu'il a été ordonné sur la base – légale – de l'art. 255 al. 1bis CPP, dont les conditions sont remplies, comme cela a été retenu ci-dessus.

Ainsi, le fait pour le Ministère public d'avoir, dans de telles circonstances, ordonné une nouvelle fois l'établissement du profil d'ADN du recourant, afin d'en prolonger le délai de conservation, n'apparait nullement disproportionné.

Le recourant indique également que l'établissement de ce nouveau profil d'ADN entraînera des frais inutiles. Or, que ce coût soit éventuellement mis à sa charge ultérieurement – ce qui n'est pas évident à ce stade, dès lors que cette question ne se posera qu'à l'issue de la procédure et à la condition que l'intéressé soit condamné définitivement – n'est pas pertinent à ce stade. Pour le surplus, le recourant ne saurait se soustraire à la mesure au prétexte que les frais pourraient incomber au contribuable genevois.

L'argument portant sur une éventuelle violation de l'art. 353 al. 1 let. fbis CPP tombe à faux, dans la mesure où il concerne l'ordonnance pénale du 2 octobre 2025, soit une autre décision que celle relative au présent recours, et contre laquelle le recourant a d'ailleurs fait opposition.

Il s'ensuit que l'ordonnance querellée ne prête pas le flanc à la critique, les réquisits pour le prononcé de l'établissement du profil d'ADN du recourant étant réunis.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Catherine GAVIN, juge et
Monsieur Raphaël MARTIN, juge suppléant; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/22502/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

Total

CHF

600.00