Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/871/2025 du 22.10.2025 sur OCL/156/2025 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL
| république et | canton de Genève | |
| POUVOIR JUDICIAIRE P/15067/2021 ACPR/871/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 22 octobre 2025 | ||
Entre
A______, représenté par Me B______, avocat,
recourant,
contre l’ordonnance de classement rendue le 29 janvier 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 10 février 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 29 janvier 2025, notifiée le 31 suivant, par laquelle le Ministère public, après avoir classé la procédure ouverte contre lui (ch. 1), lui a alloué une indemnité réduite de CHF 5'099.- pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure (ch. 3) ainsi qu’une indemnité de CHF 300.- à titre de réparation du tort moral subi (ch. 4).
Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens non chiffrés, à l’annulation des chiffres 3 et 4 et à ce qu’une indemnité de CHF 28'699.- lui soit octroyée pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure et de CHF 5'000.- à titre de tort moral, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée au Ministère public pour nouvelle décision.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______ et C______ se sont mariés le ______ 2011 à D______, Genève. De leur union, sont issus E______ (née le ______ 2013), F______ (née le ______ 2015) et G______ (né le ______ 2017).
b. Le 5 novembre 2020, C______ a adressé au Tribunal de première instance une demande en divorce avec requête de mesures provisionnelles.
c. Le 24 avril et 7 octobre 2021, C______ a déposé plainte pénale à la police contre son époux pour des violences psychologiques, et pour des comportements de ce dernier avec les enfants du couple qu’elle considérait anormaux, voire d’ordre sexuel.
d. Le 22 octobre 2021, A______ a déposé plainte pénale contre C______, produisant à l'appui des messages qui lui avaient été adressés par cette dernière, dont il ressortait des injures et menaces.
e. Lors de l’audience du 29 mars 2022 au Ministère public, C______ a retiré ses plaintes pénales. S'agissant des accusations concernant leur fils, G______, elle ne voulait pas déposer plainte, mais avait souhaité savoir comment gérer cette situation. A______ a contesté les faits qui lui étaient reprochés.
f. Le 19 avril 2022, le Ministère public a rendu une ordonnance de classement partiel en faveur de A______ s'agissant des faits d'acte d'ordre sexuel avec des enfants et une ordonnance de classement le 16 septembre 2022 s'agissant des faits de violence psychologique dénoncés par C______.
g. Le 16 septembre 2022, C______ a été condamnée par ordonnance pénale pour diffamation, injure, menaces et violation de domicile à laquelle elle a formé opposition, qu’elle a par la suite retirée.
h. Le 3 octobre 2022, C______ a contacté la brigade des mœurs et a expliqué, en substance, s’inquiéter car G______ avait des attitudes ou des phrases sexualisées.
i. Dès le 4 octobre 2022, le droit aux relations personnelles entre A______ et les enfants a été suspendu, dans l'attente du résultat de la procédure pénale, décision qui n’aurait pas été pleinement respectée.
j. Le 5 octobre 2022, C______ s'est présentée à la police et a formellement déposé plainte pénale pour les faits dénoncés le 3 précédent.
k. Selon le rapport établi par la brigade des mœurs le 6 octobre 2022, le SPMi avait fait part à la police de ses inquiétudes quant à la prise en charge des enfants, mentionnant des négligences éducatives sur l'ensemble de la fratrie.
l. Le 17 octobre 2022, le SPMi a adressé une dénonciation à la police, à la suite de propos relatés par C______.
m. Le 31 octobre 2022, C______ a remis à la police des enregistrements audio de G______. Entendue le même jour à ce sujet, H______, médiatrice familiale, a expliqué n’avoir rien entendu d'inquiétant sur ces enregistrements.
n. Le 15 décembre 2022, A______ a déposé plainte pénale contre C______ pour diffamation voire calomnie.
o. Lors de l'audience d’instruction du 26 janvier 2023, C______ a expliqué les circonstances dans lesquelles G______ aurait été amené à lui parler d’attouchements subis et de la manière dont elle avait commencé à procéder à des enregistrements des propos de l'enfant. Elle a alors allégué d'autres événements qui démontraient une mauvaise prise en charge des enfants par leur père. A______ a contesté les faits.
p. Le 17 février 2023, G______ a été entendu en audition EVIG, au cours de laquelle il n'a pas révélé d'éléments mettant en lumière un éventuel abus.
q. Par avis de prochaine clôture de l’instruction du 22 février 2023, le Ministère public a fait part de son intention de classer les faits concernant A______ et a imparti un délai aux parties pour faire part de leurs éventuelles réquisitions de preuve.
r. Le lendemain, Me I______, curateur de G______, s’est opposé au classement de la procédure, dans la mesure où il n’avait pas encore pu prendre connaissance de l’intégralité du dossier et a, par courrier du 15 mars 2023, requis l’administration de plusieurs preuves, auxquelles le Ministère public a partiellement fait droit.
s. Selon l'expertise du groupe familial rendue le 1er décembre 2023, A______ présentait des traits de la personnalité narcissique et immature et C______ des traits de personnalité histrionique. Leurs enfants souffraient de troubles émotionnels de l'enfance. G______ avait déclaré que "ça ne se passait pas bien avec le père et que celui-ci faisait quelque chose qu'il n'aimait pas", propos sur lequel A______ était intervenu en disant qu'il ne fallait pas faire de "blague". L'enfant s'était alors refermé, alors qu'il souhaitait parler d'un épisode au cours duquel son père lui avait tiré le bras. De manière générale, lorsque les dénonciations et les faits survenus à l'école avaient été abordés, il changeait de comportement, se montrait agité ou évitant, ne répondant pas aux questions des experts. G______ avait confié avoir des soucis, "des choses que je ne sais pas comment dire".
t. Selon le rapport d’expertise de crédibilité du 23 juillet 2024, G______ présentait des comportements sexualisés depuis 2021, lesquels pourraient être expliqués par le haut conflit parental, l'anxiété de la mère ainsi que les questionnements dirigés de celle-ci. Il n'y avait eu aucun dévoilement spontané de l'enfant et les propos n'étaient rapportés que par les adultes. Bien qu'un abus ne pût être exclu, les experts n’étaient pas parvenus à extraire un score CBCA suffisant pour statuer sur la crédibilité.
u. Le divorce des époux a été prononcé le 2 juillet 2025 (JTPI/8409/2025).
v. Avisé du prochain classement de la procédure, A______ a sollicité des indemnités de CHF 28'699.-, correspondant à 71h30 à CHF 400.- de l’heure, à titre de frais de défense, le montant étant détaillé dans la note d’honoraires annexée, et CHF 5'000.- à titre de tort moral. L’ignominie, la violence et le caractère réitéré des accusations portées à son encontre, la durée inadmissible de la procédure, le grave impact sur le droit aux relations personnelles avec les enfants et l’impact psychologique de la procédure justifiaient en effet le versement d’une telle somme.
C. Dans la décision querellée, le Ministère public retient que, compte tenu de l’ensemble des éléments au dossier et des conclusions de l’expertise de crédibilité, les faits dénoncés et reprochés à A______, soit des actes d’ordre sexuel au préjudice de son fils, n’étaient pas établis. L’indemnité pour les frais de défense devait cependant être réduite au motif qu’une importante partie de l’activité déployée par l’avocat du prévenu n’était objectivement pas justifiée, notamment s’agissant de multiples courriers visant à produire des pièces déjà au dossier ou pour formuler des injonctions ou autres remontrances inutiles à l’avancement de l’instruction. Par ailleurs, les fréquents contacts entre le prévenu et son conseil, notamment entre le 5 et le 10 octobre 2022, soit avant même qu’il ne soit auditionné, n’apparaissaient pas justifiés. L’activité déployée à la rédaction de nombreuses correspondances, tant au Ministère public qu’au prévenu ne pouvait de plus être avalisée, celle-ci étant excessive au regard des besoins de la cause et de la nature de la procédure, en particulier au vu des procédures civiles pendantes et des décisions rendues dans ce contexte, étant relevé que l’activité déployée dans le cadre de la procédure pénale ne devait pas servir les intérêts du prévenu dans la cause civile. De plus, il convenait de tenir compte du fait que le prévenu était également partie plaignante, puisqu’il avait déposé plainte pénale contre son ex-épouse. Un montant de CHF 5'000.-, fixé ex aequo et bono, frais de copie en sus, était dès lors justifié. Le montant sollicité à titre de tort moral devait également être réduit. En effet, indépendamment de la procédure pénale, le droit aux relations personnelles de A______ avec ses enfants avait été restreint par des décisions civiles, moyennement respectées par ce dernier, qui s’était notamment présenté à l’école de G______ pour le voir. Aucune mesure de contrainte n’avait été prise et le besoin de suivi thérapeutique ne semblait pas lié à la présente procédure.
D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public une violation de son droit d’être entendu, ce dernier n’ayant pas détaillé son raisonnement de manière suffisante, notamment en ne désignant presque aucun des postes figurant dans le relevé d’activité, en n’expliquant pas en quoi ces postes seraient déraisonnables et en ne tenant pas compte de ses nombreux retards injustifiés à statuer. Le résultat de sa méthode trahissait « le caractère arbitraire et dépourvu de motivation ». S’agissant du tort moral, l’autorité intimée n’expliquait pas pour quelle raison elle avait retenu seulement un montant de CHF 300.-.
L’activité, raisonnable, de son conseil avait de plus été provoquée par le retard du Ministère public à classer la procédure, malgré les éléments au dossier, son avis de prochaine clôture du 22 février 2023, le précédent classement pour des faits semblables et la condamnation de C______, notamment pour diffamation.
Cette autorité n’avait également aucunement démontré en quoi l’activité déployée aurait été déraisonnable et n’avait désigné aucun poste avec précision. Au contraire, au vu de la gravité des accusations, un comportement passif aurait constitué une faute professionnelle grave, la procédure pénale présentant un certain degré d’urgence. Le maintien des soupçons durant des années avait de plus engendré des restrictions sévères à ses relations personnelles avec ses enfants. Or, le fait que l’activité déployée dans le cadre de la procédure pénale puisse, par ricochet, influencer celle civile n’ôtait en rien son caractère raisonnable, ce d’autant plus que les autorités civiles attendaient l’issue de la procédure pénale pour assouplir le droit de visite et qu’il bénéficiait d’un conseil juridique distinct pour les deux procédures.
La restriction par les autorités civiles des relations personnelles avec ses enfants ne constituait de plus pas un motif de réduction de son indemnité pour tort moral, puisque cette décision avait justement été la conséquence de la procédure pénale. Il en allait de même du non-respect des décisions civiles, lequel n’était aucunement pertinent pour fixer le montant du tort moral que le Ministère public avait ainsi réduit à tort.
Enfin, la décision du Ministère public était inopportune, dans la mesure où il était inadéquat de retenir des montants dérisoires pour l’indemnité octroyée pour ses frais de défense et son tort moral.
b. Dans ses observations, le Ministère public, se référant à l’ordonnance litigieuse, conclut au rejet du recours. Le recourant n’avait pas formé recours pour déni de justice, de sorte qu’il ne pouvait désormais invoquer cet argument pour justifier l’activité de son conseil. Il appartenait de plus à ce dernier de justifier le montant des indemnités requises et il n’avait pas à se prononcer individuellement sur chaque poste, alors que leur utilité n’avait pas été spécifiée par le recourant. S’agissant du tort moral, l’ordonnance querellée contenait la motivation justifiant la réduction de l’indemnité.
c. Dans sa réplique, A______ persiste dans ses conclusions. Le Ministère public avait injustement renversé le fardeau de la preuve, puisque, si le prévenu devait collaborer à l’instruction, il revenait néanmoins à l’autorité de démontrer le caractère inadéquat des postes qu’elle estimait excessifs. Cette autorité ne pouvait invoquer sa propre carence pour exclure des postes d’une activité précisément destinée à soulever dite carence. Il a détaillé l’activité de son conseil de la façon suivante :
« - 07.10.2022 : contexte d’urgence et e-mail pour expliquer au client la marche à suivre.
- 10.10.2022 : contexte d’urgence et lettre pour demander l’audition immédiate de Mme C______.
- 18.10.2022 : lettre au curateur des enfants, Me I______.
- 17.11.2022 : lettre au Ministère public notamment au sujet de l’immunité, laquelle bloquait l’avancement de la procédure.
- 06-09.02.2023 : analyse des enregistrements effectués par Mme C______.
- 19.07.2023 : lettre au Ministère public pour souligner le caractère injustifié de la demande faite à M. A______ de déposer ses supports informatiques.
- 20.12.2023 : analyse du rapport d’expertise familiale, important pour la procédure pénale.
- 26.01.2024 : analyse et déterminations quant au mandat d’expertise de crédibilité.
- 20.03.2024 : envoi et commentaires relatifs à l’audition des experts.
- 22.05.2024 : analyse et commentaires relatifs aux retranscriptions effectuées par la police.
- 30.07.2024 : analyse et commentaires relatifs à l’expertise de crédibilité. »
Le montant sollicité à titre de tort moral n’était de plus pas excessif au vu de la gravité des soupçons pesant à son encontre.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. Le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu, faute d'une motivation suffisante de la décision querellée.
2.1. L'obligation de motiver, telle qu'elle découle du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.; cf. aussi art. 3 al. 2 let. c et 107 CPP), est respectée lorsque le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 147 IV 409 consid. 5.3.4), de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1127/2023 du 10 juin 2024 consid. 1.1). Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 147 IV 249 consid. 2.4). La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1).
2.2. La violation du droit d'être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Toutefois, une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave aux droits procéduraux de la partie lésée. Cela étant, une réparation de la violation du droit d'être entendu peut également se justifier, même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_482/2024 du 21 mai 2024 consid. 2.2.1).
2.3. En l'espèce, pour les 71h30 d'activité annoncées par le conseil du recourant, le Ministère public n'a retenu qu’un montant « forfaitaire » de CHF 5'000.-, correspondant, au pro rata, à 12h30 d’activité au tarif horaire de CHF 400.- appliqué dans la note d’honoraires, frais de copie en sus, sans se prononcer sur les frais de déplacement et les débours.
À titre de motivation, l'autorité inférieure a pointé le nombre "excessif" de correspondances du conseil au recourant et au Ministère public, sans indiquer auxquelles il se référait spécifiquement et qu’il convenait d’écarter selon lui. Si la note d’honoraires est parfois peu précise dans la mesure où elle ne fait mention souvent que de « correspondance », il revenait néanmoins au Ministère public d’expliquer quelle activité il entendait écarter ou réduire, ce qu’il n’a pas fait, fixant l’indemnité ex aequo et bono alors qu’une note d’honoraires détaillée avait été produite. Cette méthode, contraire au droit d'être entendu (arrêt du Tribunal fédéral 6B_939/2023 du 18 janvier 2024 consid. 2.2 et 2.4), rend impossible, tant pour le recourant que pour la Chambre de céans, d'identifier facilement et clairement les éléments qui ont été considérés comme infondés ou excessifs, d'autant qu'il est question d'un retranchement de plus de 80% de l'activité alléguée.
La Chambre de céans n'est ainsi pas en mesure de statuer sur le bien-fondé des retranchements opérés par le Ministère public dans les notes d'honoraires du conseil du recourant et il ne lui appartient pas de rechercher a posteriori des justifications pour des décisions prises par l'instance précédente (ACPR/1000/2023 du 22 décembre 2023 consid. 4.4).
Le Ministère public s’étant limité, dans ses observations, à se référer à sa décision querellée sans saisir l'occasion d’étayer son raisonnement, il y a lieu d'annuler le chiffre 3 de l'ordonnance querellée et de renvoyer la cause à cette autorité, en l'invitant à rendre une nouvelle décision soigneusement motivée (ACPR/561/2023 du 21 juillet 2023 consid. 3.5).
Partant, le recours sera admis sur ce point.
2.4. Il en va différemment de la motivation pour l’indemnité à titre de tort moral. En effet, le Ministère public a, à cet égard, indiqué les éléments sur lesquels il se fondait pour la réduire, invoquant la restriction du droit aux relations personnelles avec les enfants par des décisions civiles, moyennement respectées par le prévenu, l’absence de mesure de contrainte et le fait que le besoin de suivi thérapeutique ne semblait pas lié à la procédure pénale. Une telle motivation permettait dès lors au recourant de comprendre la décision et de la contester, ce qu'il a fait par son recours et sa réplique.
3. Le recourant fait grief au Ministère public d'avoir réduit l’indemnité due à titre de tort moral.
3.1. Lorsque, du fait de la procédure, le prévenu – acquitté – a subi une atteinte particulièrement grave à ses intérêts personnels au sens des art. 28 al. 2 CC ou 49 CO, il a droit à la réparation de son tort moral (art. 429 al. 1 let. c CPP).
L'intensité de l'atteinte à la personnalité doit être analogue à celle requise dans le contexte de l'art. 49 CO (ATF 143 IV 339 consid. 3.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_740/2016 du 2 juin 2017 consid. 3.2; 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 5.1, non publié aux ATF 142 IV 163).
Outre la détention, peut constituer une grave atteinte à la personnalité, par exemple, une arrestation ou une perquisition menée en public ou avec un fort retentissement médiatique, une durée très longue de la procédure ou une importante exposition dans les médias, ainsi que les conséquences familiales, professionnelles ou politiques d'une procédure pénale, de même que les assertions attentatoires aux droits de la personnalité qui pourraient être diffusées par les autorités pénales en cours d'enquête. En revanche, il n'y a pas lieu de prendre en compte les désagréments inhérents à toute poursuite pénale comme la charge psychique que celle-ci est censée entraîner normalement chez une personne mise en cause (ATF 143 IV 339 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1374/2021 du 18 janvier 2023 consid. 3.1).
La gravité objective de l'atteinte doit être ressentie par le prévenu comme une souffrance morale. Pour apprécier cette souffrance, le juge se fondera sur la réaction de l'homme moyen dans un cas pareil, présentant les mêmes circonstances
(ATF 128 IV 53 consid. 7a). Il incombe au prévenu de faire état des circonstances qui font qu'il a ressenti l'atteinte comme étant subjectivement grave. La fixation du tort moral procède d'une appréciation des circonstances et l'autorité compétente bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation en la matière (ATF 120 II 97 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 6B_928/2014 du 10.03.2016 consid. 5.1, non publié aux
ATF 142 IV 163).
3.2. La preuve de l'existence du dommage, son ampleur et sa relation de causalité adéquate avec la poursuite pénale introduite à tort incombent au requérant (ATF 135 IV 43 consid. 4.1; 117 IV 209 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 6B_596/2007 du 11 mars 2008 consid. 2.2).
3.3. En l’espèce, le recourant allègue avoir subi plusieurs atteintes de nature différente (psychique, familiale, à sa personnalité vue l’ignominie des charges) en raison de l’instruction menée à son encontre.
Il est constant que les accusations étaient graves et qu'elles l'ont affecté. Cela étant, il n'apparaît pas que la procédure l'ait atteint au-delà de ce qui est inhérent à toute instruction pénale. De même, une atteinte à sa réputation ne paraît pas réalisée, l'affaire n'ayant fait l'objet d'aucune publicité et seul un nombre restreint de personnes ayant été informé. Si ses relations personnelles avec ses enfants ont fait l’objet de restrictions, celles-ci ne peuvent être uniquement imputées à la procédure pénale. En effet, il ressort notamment du rapport de la Brigade des mœurs que le SPMi était inquiet, déjà avant le dépôt de la plainte pénale du 5 octobre 2022 par C______, quant à la prise en charge des enfants, et avait fait part de négligences éducatives sur l'ensemble de la fratrie. Ainsi, il ne peut être retenu que la procédure pénale ouverte contre le prévenu a été le seul élément impactant les relations personnelles entre le prévenu et son fils, vu le contexte familial particulièrement tendu et conflictuel entre les époux, alimenté des deux côtés. La durée de la procédure, contrairement à ce que soutient le recourant, n’est pas due à une inactivité du Ministère public, mais à de nombreux actes d’instruction diligentés par ce dernier, notamment à la suite de réquisitions de preuve effectuées par le curateur de l’enfant, et qui semblaient justifiés eu égard à la nature des infractions reprochées au recourant. Aucun élément au dossier ne permet également de retenir que le recourant aurait subi une atteinte psychique du fait de la procédure pénale.
En conséquence, l'indemnité de CHF 300.- allouée par le Ministère public paraît appropriée, de sorte qu'il n'y a pas lieu de retenir le montant de CHF 5'000.- réclamé par le recourant.
Ce grief sera dès lors rejeté.
4. Enfin, le recourant se plaint de l'inopportunité (art. 393 al. 2 let. c CPP) de l'ordonnance querellée. Au vu du renvoi de la cause pour nouvelle décision dans le sens des considérants s’agissant de l’indemnité pour les frais de défense et de la confirmation de la décision pour le surplus, ce grief est infondé.
5. En définitive, le recours doit être partiellement admis en tant qu’il concerne l’indemnité due au conseil juridique et la cause retournée au Ministère public pour qu'il motive les retranchements effectués sur la note d'honoraires du conseil du recourant.
Pour le surplus, le recours est rejeté.
6. Le recourant succombe sur les trois quarts de ses griefs.
Il sera, en conséquence, condamné aux trois quarts des frais de la procédure, fixés en totalité à CHF 1'200.- (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), soit au paiement de CHF 900.-.
7. Corrélativement, le recourant, prévenu, peut prétendre à l'octroi de dépens (art. 436 al. 1 cum 429 al. 1 let. a CPP).
Compte tenu de l'ampleur du recours (12 pages, pages de garde et conclusions comprises), dont seule une page est consacrée aux développements juridiques utiles, et de l'admission partielle de celui-ci, l'indemnité sera fixée à CHF 500.- TTC.
Ladite indemnité sera versée à son conseil, conformément à l’art. 429 al. 3 CPP.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Admet partiellement le recours.
Annule le chiffre 3 du dispositif de l'ordonnance querellée et renvoie la cause au Ministère public pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Rejette le recours pour le surplus.
Fixe les frais de la procédure de recours à CHF 1'200.-.
Condamne A______ au paiement des trois quarts de ces frais, soit CHF 900.-, et laisse le solde, soit CHF 300.-, à la charge de l'État.
Alloue à Me B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 500.- (TVA 8.1% incluse) pour l'activité déployée dans le cadre de la procédure de recours (art. 429 al. 3 CPP).
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD, juge; et Monsieur Raphaël MARTIN, juge suppléant; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.
| Le greffier : Sandro COLUNI |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF.
Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à
La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
| P/15067/2021 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
| Débours (art. 2) | | |
| - frais postaux | CHF | 10.00 |
| Émoluments généraux (art. 4) | | |
| - délivrance de copies (let. a) | CHF | |
| - délivrance de copies (let. b) | CHF | |
| - état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
| Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
| - décision sur recours (let. c) | CHF | 1'115.00 |
| Total | CHF | 1'200.00 |