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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/6855/2024

ACPR/823/2025 du 09.10.2025 sur ONMMP/503/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ;ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INFRACTIONS CONTRE LE PATRIMOINE;INFRACTIONS CONTRE LA SÉCURITÉ DES RAPPORTS JURIDIQUES;FAUX MATÉRIEL DANS LES TITRES;UTILISATION FRAUDULEUSE D'UN ORDINATEUR
Normes : CPP.310; CPP.382; CPP.115; CP.147; CP.251

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6855/2024 ACPR/823/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 9 octobre 2025

 

Entre

A______, domicilié ______, agissant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 29 janvier 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 10 février 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 29 janvier 2025, notifiée le 31 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de ladite ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il procède aux mesures d'instruction nécessaires, notamment la mise en œuvre d'une expertise graphologique de la signature figurant sur la procuration du "23 février 2025" (sic).

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 13 mars 2024, A______ a déposé plainte contre son épouse, B______, pour faux dans les titres (art. 251 CP) et/ou escroquerie (art. 146 CP) et/ou utilisation frauduleuse d'un ordinateur (art. 147 CP).

Ils s'étaient mariés en juin 2008 et une procédure de divorce était pendante en Turquie depuis le 14 octobre 2022. Un vif conflit perdurait entre eux impliquant les autorités suisses et turques, notamment en lien avec leur domicile à Genève.

Le 23 février 2024, alors qu'il séjournait en Turquie, il avait reçu un courriel de C______ [opérateur téléphonique] lui indiquant que son contrat de téléphone mobile avait été renouvelé. Information prise auprès de l'opérateur, sa femme avait signé, en son nom, un nouveau contrat, afin de se faire remettre un [smartphone de marque] D______ neuf. Pour ce faire, elle avait présenté une procuration en sa faveur (à elle), signée par lui, ainsi qu'une copie de son permis C (à lui). Selon cette procuration, en son absence, il l'autorisait (elle) à procéder à des changements sur son compte C______ (à lui). Il n'avait jamais établi ni signé ce document. Par ailleurs, il s'était également rendu compte que B______ avait, à son insu, modifié les paramètres de son compte C______ en indiquant le numéro de téléphone +41 1______, pour authentification.

À l'appui de sa plainte, il a produit différents documents, notamment : l'échange de courriels avec C______ du 23 février 2024 et ses annexes, y compris la procuration litigieuse, en anglais, datée du 23 février 2024 et signée, autorisant B______ "to make necessary changes in our C______ account, when i'm out of town"; l'échange de courriels du 27 février 2024, où il expliquait à C______ que le numéro +41 2______ avait toujours été utilisé par son épouse.

b. Entendue par la police en qualité de prévenue, le 18 novembre 2024, B______ a expliqué que, le 5 février 2024, A______ avait endommagé son téléphone portable (à elle) qui, depuis, ne fonctionnait "plus bien". L'abonnement lié à ce téléphone était au nom de son mari. Afin de renouveler l'abonnement et changer de téléphone, A______, qui devait se rendre en Turquie, avait rédigé et signé une procuration en sa faveur l’autorisant à faire le nécessaire auprès de C______. Ainsi, le 23 février 2024, elle s'était rendue auprès d'un magasin de l'opérateur en question, avait renouvelé l'abonnement lié au numéro de téléphone qu'elle utilisait (+41 1______) et obtenu un nouvel appareil. Quelques jours auparavant, elle avait ajouté l'identification à deux facteurs dans les paramètres de sécurité du compte C______ et mis son numéro car elle ne souhaitait pas que son mari puisse contrôler ses communications. Elle avait gardé le numéro en question jusqu'au mois d'août 2024, avant de rendre – quelques jours auparavant – le téléphone à C______. Elle utilisait désormais un nouveau téléphone prépayé à son nom.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public considère que, s'agissant de la procuration et de l'infraction de faux dans les titres, les déclarations des parties étaient contradictoires et qu'il ne disposait d'aucun élément de preuve neutre et probant à même de corroborer l'une ou l'autre des versions des parties.

À titre superfétatoire, B______ était l'utilisatrice du compte C______ litigieux, si bien que rien ne l'empêchait d'accéder aux paramètres de sécurité, de sorte qu'elle n'avait commis aucune infraction.

D. a. Dans son recours, A______, qui affirme avoir la qualité pour agir, précise avoir quitté Genève pour E______ [Turquie], le 11 février 2024 et être revenu à Genève, du 11 au 13 mars 2024, avant de repartir.

S'agissant de l'infraction de faux dans les titres, la procuration avait été établie le 23 février 2024. Or, à ce moment-là et depuis le 11 précédent, il était à l'étranger, ce qui ressortait notamment du courriel réponse adressé, le jour en question, à C______, mais également des déclarations de B______. Il était ainsi hautement improbable qu'il eût signé et remis à son épouse une procuration datée après son départ. Cette incohérence suscitait un soupçon suffisant pour l'ouverture d'une instruction et qu’il soit procédé à des actes d'enquête, telle qu'une expertise graphologique, voire une confrontation entre les parties.

Concernant l'utilisation frauduleuse de son compte C______, d'une part, il suggérait que B______ avait prémédité son acte, misant sur le fait qu'il ne recevrait aucune notification à la suite de la souscription de l'abonnement ; d’autre part, ce comportement était susceptible d'être constitutif de l'infraction d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur.

À l'appui de son recours, il produit deux réservations de vols, la première, à son nom, en partance de Genève pour E______, le 11 février 2024, et la seconde, sans indication de nom, de F______, le 11 mars 2024, avec arrivée à Genève, le 13 suivant.

b. Par courrier du 15 août 2025, A______ se plaint d’autres comportements de B______.

c. Dans ses observations, le Ministère public, sous suite de frais, s'en rapporte à justice s'agissant de la poursuite de l'infraction de faux dans les titres et, pour le surplus, conclut au rejet du recours.

Pour ce qui était du compte C______, quand bien même il était au nom de A______, B______ en était l'utilisatrice principale, si bien qu'on ne pouvait lui reprocher d'avoir procédé à des modifications des paramètres de sécurité.

d. Dans sa réplique, A______ conclut à "ne pas suivre" les conclusions du Ministère public, à ce qu'il soit ordonné "a minima" une expertise graphologique de la signature sur la procuration litigieuse et la production par C______ de "ses journaux internes et pièces d'identification" et constaté que les éléments du dossier sont bien constitutifs d'infraction de faux dans les titres. Il était l'unique titulaire et "payeur" de son compte C______. B______ n'avait jamais été titulaire. Le fait d'en être "l'utilisatrice principale" ne lui donnait aucun droit de contracter ou signer en son nom à lui.

À l'appui, il produit une photographie d'une conversation WhatsApp entre B______ et un interlocuteur – sans indication sur son identité –, non datée, en turque, avec la traduction libre "Si C______ a transmis l'affaire au procureur, est-ce que ce serait mieux pour moi de retourner en Turquie ? A______ en est-il sûr?" (sic).

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1, 90 al. 2 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du plaignant, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP).

1.2. Pour être recevable, encore faut-il que le recourant ait, en sus, un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée.

1.2.1. Selon l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci. L'intérêt doit être actuel et pratique. L'existence d'un intérêt de pur fait ou la simple perspective d'un intérêt juridique futur ne suffit pas. Une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision ne possède donc pas la qualité pour recourir et son recours est irrecevable (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1 = SJ 2018 I 421 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_818/2018 du 4 octobre 2018 consid. 2.1).

Tel est, en particulier, le cas du lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure comme demandeur au pénal ou au civil (art. 118 al. 1 CPP). La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP. Il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction. En règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 143 IV 77 consid. 2.2).

Il incombe à la partie recourante d'alléguer les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir lorsque celle-ci n'est pas d'emblée évidente (arrêts du Tribunal fédéral 1B_339/2016 du 17 novembre 2016 consid. 2.1; 1B_242/2015 du 22 octobre 2015 consid. 4.2 et les références citées).

1.2.2. L'art. 251 CP protège, en tant que bien juridique, d'une part la confiance particulière placée dans un titre ayant valeur probante dans les rapports juridiques et, d'autre part, la loyauté dans les relations commerciales (ATF 142 IV 119 consid. 2.2). Le faux dans les titres peut également porter atteinte à des intérêts individuels, en particulier lorsqu'il vise précisément à nuire à un particulier. Tel est le cas lorsque le faux est l'un des éléments d'une infraction contre le patrimoine, la personne dont le patrimoine est menacé ou atteint ayant alors la qualité de lésé (ATF 140 IV 155 consid. 3.3.3; 119 Ia 342 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 7B_587/2023 du 11 septembre 2024 consid. 2.2.3).

1.3. En l'espèce, le recourant reproche à la mise en cause – alors qu'il se trouvait à l'étranger – d'avoir présenté à C______ une procuration comportant une imitation de sa signature pour renouveler, en son nom, un abonnement relatif au numéro dont elle était l’utilisatrice, le +41 1______, et obtenir un nouveau téléphone.

Si le recourant dénonce la manière de procéder de son épouse, il n’allègue toutefois pas – ni a fortiori, démontre – en quoi la procuration litigieuse aurait porté atteinte à son patrimoine. Il n'invoque en particulier pas en quoi le renouvellement de l'abonnement lui aurait porté préjudice.

Dans son recours, rédigé par un avocat, il se borne à affirmer avoir la qualité pour agir, sans développer l'infraction de faux dans les titres alléguée. Faute d'intérêt juridiquement protégé, le recours est, partant irrecevable concernant cet aspect. Pour le surplus, il est recevable.

2.             2.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière, notamment, s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a).

Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies, c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 3ème éd., Bâle 2025, n. 8 ad art. 310).

Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le ministère public doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit. , n. 6 ad art. 310).

2.2. L'art. 147 al. 1 CP punit quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, influe, sur un processus électronique ou similaire de traitement ou de transmission de données, en utilisant des données de manière incorrecte, incomplète ou indue ou en recourant à un procédé analogue, et provoque, par le biais du résultat inexact ainsi obtenu, un transfert d'actifs au préjudice d'autrui ou le dissimule aussitôt après.

L'infraction est dirigée contre le patrimoine. Elle s'applique en premier lieu au cas de celui qui utilise de manière illégale des cartes de débit ou de crédit à des distributeurs automatiques d'argent et qui, ainsi, parvient à atteindre le résultat escompté en agissant de façon punissable.

2.3. En l'occurrence, le recourant reproche à la mise en cause d'avoir modifié l'authentification de son compte C______ en y inscrivant le numéro dont elle était utilisatrice. Le comportement dénoncé ne réalise manifestement pas l'infraction envisagée, dans la mesure où plusieurs éléments constitutifs ne sont pas remplis, notamment le dessein d'enrichissement illégitime. En effet, on ne voit pas quel enrichissement la mise en cause aurait obtenu par un tel acte. Elle explique d'ailleurs avoir agi ainsi afin d'empêcher le recourant d'accéder à ses propres communications. En outre, aucun transfert d'actif au préjudice du recourant, ni dissimulation dudit transfert aussitôt après, aurait été provoqué par le comportement dénoncé.

Partant, c'est à juste titre que le Ministère public n'est pas entré en matière sur l'infraction d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur.

3.             Pour ce qui est des comportements de la mise en cause dénoncés par le recourant dans le courrier du 15 août 2025, ils ne font pas l’objet de la décision querellée. La Chambre de céans n'a donc pas à s'en saisir (ACPR/111/2022 du 15 février 2022).

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/6855/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00