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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11656/2025

ACPR/647/2025 du 14.08.2025 sur ONMMP/2715/2025 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 17.09.2025, 7B_915/2025
Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;ACTION PÉNALE;PRESCRIPTION;LÉSION CORPORELLE SIMPLE;VOIES DE FAIT;CONTRAINTE(DROIT PÉNAL);PLACEMENT À DES FINS D'ASSISTANCE
Normes : CPP.310.al1.leta; CPP.310.al1.letB; CP.97; CP.98; CP.103; CP.123.ch1; CP.126; CP.181

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11656/2025 ACPR/647/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 14 août 2025

 

Entre

A______, domiciliée c/o M. B______, ______ [GE], agissant en personne,

recourante,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 11 juin 2025 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 4 juillet 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 11 juin 2025, notifiée le 26 juin 2025, par laquelle le Ministère public a renoncé à entrer en matière sur sa plainte.

La recourante conclut à l'annulation de l'ordonnance querellée et à l'ouverture d'une instruction.

b. Elle a versé les sûretés en CHF 900.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, née le ______ 1958, a été hospitalisée au sein de l'Unité "C______" de la clinique D______, du 30 décembre 2013 au 6 janvier 2014.

b. Selon la lettre de sortie du Service de psychiatrie générale des Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : HUG), Unité hospitalière "C______", datée du 5 février 2014 et signée par les Dres E______ et F______, l'hospitalisation – première hospitalisation en placement à des fins d'assistance médicale (PAFA MED) – de A______ avait été ordonnée par la docteure G______ en raison d'une décompensation psychotique.

La patiente avait été amenée aux HUG, le 30 décembre 2013, par ses enfants, car elle leur aurait dit qu'il y avait des microphones dans la maison et qu'un détective voulait que son fils lui fît du mal. À sa prise en charge aux HUG, la patiente était devenue rapidement agitée. Elle avait essayé de sortir du box, de sorte qu'elle avait été conduite avec la sécurité en chambre d'isolement. Ses enfants avaient évoqué l'apparition, deux ans plus tôt, de symptômes psychotiques prenant la forme d'un délire de persécution. À son entrée à la clinique de D______, la patiente était calme, partiellement "collaborante", présentait des idées délirantes de persécution au premier plan, mais pas d'hétéro-agressivité. Lors de son séjour, plusieurs réunions de réseau avec ses fils avaient été organisées. La patiente avait reconnu son état, avant de se rétracter quand elle avait compris que cela pouvait prolonger son hospitalisation. Les jours suivants, elle avait refusé tout traitement et ses idées délirantes n'étaient plus présentes au premier plan; elle arrivait à contrôler sa symptomatologie. Elle était restée calme pendant tout le séjour.

Le 6 janvier 2014, A______ avait demandé sa sortie définitive et accepté un suivi auprès du Centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie intégrée (ci-après : CAPPI) de H______. Vu l'absence de critères de dangerosité dans l'immédiat, cette demande avait été acceptée.

c. Le 6 janvier 2014, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: TPAE) a adressé un courrier à la Dre E______ l'informant qu'il était saisi d'une requête tendant à l'instauration éventuelle d'une mesure de protection en faveur de A______. Il était demandé à la Dre E______ d'établir un certificat médical indiquant si cette patiente se trouvait dans un des cas de figure de mise sous curatelle, rappelant à cet égard la teneur de l'art. 390 CC.

d. Les 4 et 29 janvier 2014, les fils de l'intéressée, I______ et J______, ont adressé chacun un courrier, le premier à l'Hospice Général et au TPAE, et le second à la police municipale de la Ville de Genève.

d.a. I______ y indiquait qu'il avait amené sa mère aux urgences des HUG le 30 décembre 2013 et que celle-ci était gravement malade et avait besoin de soins psychiatriques. Elle n'était plus capable de discernement depuis plusieurs années. Lui-même était parti à l'étranger; son frère et la famille n'étaient pas aptes à lui apporter de l'aide, de sorte qu'elle devait être mise sous curatelle de portée générale.

d.b. J______, domicilié à Zurich, a en particulier expliqué que la police municipale était intervenue au domicile de sa mère le 15 janvier 2014, à sa demande, à la suite de menaces qu'il avait reçues. La police, au lieu d'appeler un médecin pour faire une évaluation de sa mère, avait considéré que celle-ci se comportait calmement et écoutait de l'opéra, et avait donc quitté les lieux. Autrement dit, la police n'avait pas géré correctement la situation et s'était fait duper par sa mère, malade, qui était capable de masquer son état.

d.c. Dans une lettre du 8 mars 2014 adressée au TPAE, la police municipale a expliqué qu'à son arrivée au domicile de A______, le 15 janvier 2014 à 19h22, la situation était calme. Les gendarmes, après avoir longuement discuté avec l'intéressée, avaient décidé de classer l'affaire sans faire appel à un médecin.

e. La Dre E______ a répondu au TPAE, le 24 février 2014, que la patiente présentait "une symptomatologie caractérisée par des idées délirantes de persécution bien systématisées. La patiente s'é[tait] montrée méfiante envers l'équipe soignante, refus[ait] tout traitement tout en restant anosognosique de son état. A noter qu'elle n'a[vait] pas présenté de l'auto ou de l'hétéro-agressivité. Mme A______ vi[vait] toute seule dans un appartement à Genève, elle ne travaill[ait] pas (…). En 2007 d'après son dossier, son ex-mari lui aurait donné une importante somme d'argent, qu'elle aurait dépensé suite à un voyage. (…) [I]l s'avér[ait] que Mme A______ était dans l'incapacité d'assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison de son trouble psychique et de son anosognosie. Par ailleurs, Mme A______ n'ayant pas sa capacité de discernement, elle était donc incapable de désigner un mandataire au moment de l'hospitalisation. (….) Au vu du contexte, il sembl[ait] qu'une mise sous curatelle [était] nécessaire".

f. Lors d'une audience devant le TPAE le 28 mars 2014, J______ a notamment requis une mesure de protection pour sa mère et dit souhaiter assumer les fonctions de curateur. Il y avait notamment des problèmes de succession à régler en Turquie.

g.a. Par ordonnance DTAE/1728/14 du 28 mars 2014, le TPAE a prononcé, sur mesures provisionnelles, une curatelle de portée générale en faveur de A______ et désigné J______ aux fonctions de curateur.

g.b. Par ordonnance DTAE/2873/15 du 26 juin 2015, entrée en force le 25 août 2015, le TPAE a confirmé au fond cette curatelle de portée générale.

h. Le 19 mai 2025, A______ a déposé plainte auprès du Ministère public et requis une "enquête" concernant "[son] hospitalisation afin d'obtenir une décision de tutelle à [son] encontre".

Elle a exposé que son fils avait écrit au TPAE et l'avait emmenée de force à l'hôpital le 30 décembre 2013. Il l'avait invitée à prendre un café à K______ [GE] puis s'était arrêté à l'hôpital sous prétexte d'obtenir un rapport médical de son père. Il l'avait soulevée à deux reprises et l'avait emmenée dans "les salles du fond". Ensuite, deux membres du personnel avaient tenu ses bras et lui avaient administré des médicaments de force, l'avaient anesthésiée et enfermée dans une chambre d'isolement. Les HUG étaient coupables d'un crime, soit d'avoir emmené une personne en bonne santé à la clinique de D______ en faisant usage de violence physique. L'anesthésiant lui avait été administré probablement sur ordre de la Dr G______ ou de la Dre F______. Pourtant, elle ne leur avait jamais parlé, de sorte qu'elle n'avait pu être diagnostiquée avant qu'on ne l'obligeât à prendre le sédatif. Lorsqu'elle avait repris connaissance, soit "le premier jour à D______", elle avait cherché un médecin, sans succès. Elle avait donc quitté l'établissement; personne ne lui avait demandé où est-ce qu'elle partait avec sa valise. La porte était d'ailleurs grande ouverte. À son arrivée à la maison, son fils était présent. Ils avaient pris un café ensemble avant que deux policiers n'arrivent, plaquent son visage contre le mur, la menottent et l'emmènent de nouveau à la clinique de D______. Elle avait été griffée "à l'arrière" par la police, ce qu'elle considérait comme un traitement qui était appliqué "aux criminels sauvages et aux meurtriers sauvages".

C'était le 6 mars 2025 qu'elle avait vu pour la première fois le rapport du 5 février 2014 (la lettre de sortie de l'Unité C______ signée par les Dres E______ et F______). Le rapport (au TPAE) de la Dre E______ du 24 février 2014 était fondé sur les allégations de son fils et n'avait que très peu de contenu "médical". Cette médecin l'avait considérée durablement incapable de discernement. Pourtant, elle-même avait pu nommer un avocat curateur dix ans plus tard, en 2024, et suivre ses affaires administratives et financières. Selon des sources Internet, la Dre E______ était certes médecin en Suisse depuis le 29 mai 2013, mais elle n'avait eu le grade de psychiatre que le 5 août 2014, d'où un doute quant à sa compétence pour la diagnostiquer et émettre un tel rapport.

Les médecins et le personnel de l'hôpital avaient ainsi commis à son encontre des voies de fait, une détention forcée et l'avaient privée de sa liberté.

En définitive, elle voulait que justice lui soit rendue pour le préjudice qu'elle avait subi "à [son] âme", ainsi que le préjudice financier dont elle souffrait encore.

i. Par courriel du 2 juin 2025 adressé au Ministère public, à sa demande, le TPAE a indiqué que A______ ne faisait actuellement pas l'objet d'une mesure de curatelle instaurée sous son autorité.

j. Il ressort d'une décision de la Chambre de surveillance de la Cour de justice du 17 juin 2025 (DAS/107/2025) qu'au regard du changement de domicile de A______, un transfert de for à l'Autorité de protection de l'enfant et de l'adulte (APEA) de la Ville de Zurich avait pris effet au 1er avril 2017. Par requête du 23 février 2025, A______ avait sollicité l'annulation de la décision du TPAE du 28 mars 2014 (cf. B.g.a) après avoir expliqué qu'elle n'avait pas été mise au courant à l'époque de la procédure la concernant et n'avait ainsi jamais été entendue par le TPAE devant lequel elle aurait pu démontrer son discernement et sa capacité à gérer ses affaires. Elle avait été informée de cette procédure en décembre 2022 par son avocat à L______ (Turquie). Une procédure était actuellement pendante auprès des tribunaux turcs afin de déterminer si des mesures de protection, telles qu'une curatelle, devaient être instaurées en sa faveur.

À l'appui de sa demande, l'intéressée avait produit notamment un certificat médical de son médecin traitant du 24 novembre 2022 attestant que, sur les sept dernières années, elle n'avait présenté aucun signe de maladie psychique importante, ainsi qu'une décision du 30 avril 2024 de l'APEA de la Ville de Zurich levant la curatelle de représentation et de gestion au 31 mai 2024, laquelle avait été instituée par décision du 13 juin 2023 en remplacement de la curatelle de portée générale, en raison de la stabilisation de la situation de vie de A______ et de sa prise d'autonomie dans ses affaires administratives et financières. Par ordonnance DTAE/2611/2025 du 1er avril 2025, le TPAE avait déclaré irrecevable, pour cause de tardiveté, sa demande de révision du 23 février 2025, décision que la Chambre de surveillance de la Cour de justice a confirmée.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public retient que le droit de porter plainte, d'un délai de trois mois (art. 31 CP) pour les infractions de lésions corporelles simples (art. 123 CP) et de voies de fait (art. 126 CP), était prescrit. Les faits étaient survenus le 30 décembre 2014, de sorte que la plainte de A______ du 19 mai 2025 était manifestement tardive. S'agissant des faits qui pourraient être constitutifs de séquestration et enlèvement (art. 183 CP), punissables d'office, la plaignante avait été conduite aux HUG par ses enfants dans le but d'une prise en charge hospitalière dans le contexte d'un épisode de décompensation psychotique. La démarche visait ainsi à préserver sa santé. En outre, quand la plaignante avait exprimé le souhait de quitter l'établissement, sa requête avait été respectée. Les éléments constitutifs de l'infraction susvisée n'étaient donc pas réalisés.

D. a. Dans son recours, A______ a exposé que ses fils l'avaient emmenée à l'hôpital sous un faux prétexte, en réalité à cause "du pillage d'une fortune considérable en Turquie". Ces derniers ne "connaiss[ai]ent aucune limite". La force physique avait été utilisée aux HUG et ce sur les seuls dires de ses fils. Le diagnostic était mal fondé, puisque les "employés" des HUG ne la connaissaient pas et que la doctoresse ne l'avait vue qu'une seule fois "15 minutes avant [son] retour à la maison". Elle était rentrée chez elle, mais la police l'avait ramenée à l'hôpital en usant de la force physique. Elle n'avait vu aucun médecin pendant sept jours. Au terme de "cette torture d'incertitude et de détention forcée", une femme se disant médecin était venue la voir et lui avait dit qu'elle était malade – sans précision quant à la maladie en cause – et qu'elle pouvait rentrer chez elle. Elle sollicitait une enquête pour déterminer si la Dre E______ avait la compétence pour la diagnostiquer "sur une question aussi vitale" et si son rapport du 24 février 2014 était valable, dans la mesure où la reconnaissance de sa spécialisation en psychiatrie datait du 5 août 2014. Ce qui avait été fait à son encontre avait changé sa vie de manière irréversible et le préjudice qu'elle avait subi avait été ignoré par les autorités pénales. Elle invoquait une violation des art. 7 et 10 Cst.

b. Dans sa réplique spontanée, A______ indique avoir formé recours au Tribunal fédéral contre la décision de la Chambre de surveillance de la Cour de justice du 17 juin 2025 précitée.

c. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée
(art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.

2.1.       Selon l'art. 310 al. 1 let. b CPP, le prononcé d'une non-entrée en matière s'impose lorsqu’il existe des empêchements de procéder, tels la prescription de l'action publique (ACPR/697/2024 du 27 septembre 2024 consid. 4.2).

2.1.1. Selon l'art. 97 al. 1 CP, l’action pénale se prescrit: par quinze ans si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté de plus de trois ans (let. b); par dix ans si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté de trois ans (let. c); par sept ans si la peine maximale encourue est une autre peine (d).

Conformément à l'art. 98 CP, la prescription court dès le jour où l'auteur a exercé son activité coupable (let. a), dès le jour du dernier acte si cette activité s'est exercée à plusieurs reprises (let. b) ou dès le jour où les agissements coupables ont cessé s'ils ont eu une certaine durée (let. c).

2.1.2. En matière de contraventions (art. 103 CP), l’action pénale et la peine se prescrivent par trois ans (art. 109 CP).

2.2.       À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, une ordonnance de non-entrée en matière est immédiatement rendue s’il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs d’une infraction ou les conditions à l’ouverture de l’action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du
14 octobre 2020 consid. 3.1).

2.3.       L'art. 123 ch. 1 CP prévoit que quiconque, intentionnellement, fait subir à une personne une autre atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé est puni, sur plainte, d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire, la poursuite ayant lieu d'office si l'auteur s'en prend à une personne hors d'état de se défendre ou à une personne, notamment à un enfant, dont il a la garde ou sur laquelle il a le devoir de veiller (ch. 2 al. 1 et 3).

2.4.       Selon l'art. 126 CP, quiconque se livre sur une personne à des voies de fait qui ne causent ni lésion corporelle ni atteinte à la santé est, sur plainte, puni d’une amende (ch. 1), la poursuite ayant lieu d'office si l'auteur agit à réitérées reprises contre une personne, notamment un enfant, dont il a la garde ou sur laquelle il a le devoir de veiller (ch. 2 let. a).

2.5.       L'art. 183 ch. 1 al. 1 CP punit d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire, du chef de séquestration, quiconque sans droit, arrête une personne, la retient prisonnière, ou, de toute autre manière, la prive de sa liberté. L'enlèvement est réprimé à l'art. 183 ch. 1 al. 2 CP, soit le fait de celui qui, en usant de violence, de ruse ou de menace, enlève une personne.

L'auteur est poursuivi d'office.

2.5.1. L'enlèvement consiste à emmener une personne illicitement dans un autre lieu où elle se trouve sous la maîtrise de l'auteur (ATF 118 IV 63 consid. 2b, 83 IV 154 ; B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3e éd., Berne 2010, n. 42
ad art. 183 et 184).

2.5.2. La séquestration consiste à maintenir sans droit la personne au lieu où elle se trouve. Le bien juridique protégé est la liberté de déplacement. Les éléments objectifs constitutifs sont réalisés si la personne est privée de sa liberté d'aller et venir et de choisir le lieu où elle souhaite rester. Il n'est pas nécessaire que la privation de liberté soit de longue durée. Quelques minutes suffisent. Le moyen utilisé pour atteindre le résultat, c'est-à-dire priver la personne de sa liberté, n'est pas décrit par la loi. Une personne peut être séquestrée par le recours à la menace, à la violence, en soustrayant les moyens dont elle a besoin pour partir ou encore en la plaçant dans des conditions telles qu'elle se sent dans l'impossibilité de s'en aller (ATF 141 IV 10 consid. 4.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_86/2019 du 8 février 2019 consid. 3.1).

2.5.3. Comme l'art. 183 ch. 1 al. 1 CP prévoit expressément que l'auteur doit agir "sans droit", on peut considérer l'existence d'un droit non pas comme un fait justificatif (art. 14 CP), mais comme une circonstance qui exclut la séquestration, puisqu'il manque l'un des éléments de l'infraction (B. CORBOZ, op. cit., n. 33 ad art. 183 et 184 CP).

Il n'y a toutefois pas d'infraction lorsqu'une personne est entravée dans sa liberté d'aller et venir sur la base d'une disposition légale.

Il existe de nombreux cas où une personne peut être licitement retenue contre son gré, notamment le cas d'une privation de liberté à des fins d'assistance ou une hospitalisation non volontaire d'un malade mental. Ces cas supposent un déplacement de la personne, de sorte qu'ils font penser plutôt à un enlèvement ; la question de la séquestration se pose néanmoins, lorsque la personne prétend qu'elle est retenue prisonnière après l'expiration de ces décisions (B. CORBOZ, op. cit., n. 34-35
ad art. 183 et 184 CP).

2.6.1. Selon l'art. 35 al. 1 de la loi genevoise sur la santé (LS – K 1 03) , nul ne peut être admis contre son gré dans une institution de santé, sauf, notamment, sur la base d'une décision de placement à des fins d'assistance.

2.6.2. Selon l'art. 60 al. 2 LaCP, le placement ordonné par un médecin prend fin au plus tard après 40 jours, sauf s'il est prolongé par une décision du TPAE.

2.6.3. L'art. 134 al. 1 let. b LS prévoit que, sous réserve des sanctions visées par les lois fédérales spécifiques, est passible d'une amende la personne qui aura imposé des mesures de contrainte à un patient en violation grave des exigences de l'art. 50 LS.

Par mesures de contrainte il faut comprendre toute intervention allant à l'encontre de la volonté déclarée du patient ou suscitant sa résistance. Une distinction est faite entre l'entrave à la liberté et le traitement sous contrainte. L'entrave à la liberté renvoie exclusivement au fait de restreindre la liberté de mouvement d'une personne en l'immobilisant par exemple avec des sangles ou en la retenant dans une chambre d'isolement. Le traitement sous contrainte désigne le fait d'entraver la liberté de la personne mais également d'atteindre son intégrité physique afin de limiter ladite liberté. Tel est le cas lors de la sédation sous contrainte d'une personne incapable de discernement au moyen de médicaments (P. PICHONNAZ / B. FOEX /
C. FOUNTOULAKIS (éds), Commentaire romand : Code civil I, 2ème éd., Bâle 2023,
n. 10 ad art. 383).

2.6.4. L'art. 50 LS prévoit qu'en principe toute mesure de contrainte à l'égard des patients est interdite (al. 1, 1ère phr.). Sont réservés toutefois le droit pénal et civil en matière de mesures thérapeutique et d'internement, ainsi que la réglementation en matière de placement à des fins d'assistance (al. 1, 2ème phr.). À titre exceptionnel, le médecin responsable d'une institution de santé peut [aux conditions énoncées], imposer pour une durée limitée des mesures de contrainte strictement nécessaires à la prise en charge du patient : a) si d'autres mesures moins restrictives de la liberté personnelle ont échoué ou n'existent pas ; b) si le comportement du patient présente un grave danger menaçant sa vie ou son intégrité corporelle ou celles d'un tiers (al. 2). La mise en cellule d'isolement à caractère carcéral est interdite (al. 4).

2.7. En l'espèce, la recourante a dénoncé pénalement pour la première fois le 19 mai 2025 le comportement: de son ou de ses deux fils, qui l'avaient amenée, le 30 décembre 2013, aux HUG, sous un faux prétexte; celui des "employés" de la Clinique de D______ à l'occasion de son hospitalisation à compter de cette date jusqu'au 6 janvier 2014; de la police, qui serait retournée la chercher de force alors qu'elle avait quitté la clinique; des deux médecins ayant signé la lettre de sortie de l'Unité hospitalière C______ du 5 février 2014, dont l'une n'avait, selon la recourante, pas la spécialisation en psychiatrie requise pour la soigner, pas plus que pour adresser une lettre au TPAE, le 24 février 2014, sur la base de laquelle notamment une curatelle de portée générale avait été instituée à son endroit dès le 28 mars 2014. Ces évènements datent désormais de plus de 11 ans.

Aussi les faits susceptibles d'être constitutifs de lésions corporelles simples (art. 123 CP) et de voies de fait (art. 126 CP) – soit, notamment, l'administration de médicaments contre la volonté de la patiente, selon ses dires, et des griffures de la police – sont atteints par la prescription, de 10 ans pour la première de ces infractions, et de 7 ans pour la seconde.

Il existe donc un empêchement de procéder en lien avec ces infractions, de sorte que l'ordonnance de non-entrée en matière doit être confirmée, par substitution de motifs.

2.8. Quant aux autres comportements reprochés par la recourante tant à l'égard de son ou ses fils, du personnel médical de la clinique de D______ et de la police, toujours en lien avec son hospitalisation en psychiatrie du 30 décembre 2013 au 6 janvier 2014, il n'existe à teneur du dossier pas d'indices pouvant rendre plausible la commission, sans droit, d'un enlèvement et/ou d'une séquestration.

La recourante indique avoir été conduite aux HUG le 30 décembre 2013 par un ou ses fils sous le prétexte d'aller y quérir un rapport concernant le père de ces derniers. Si ce prétexte, pour autant qu'avéré, pour l'amener à pénétrer aux HUG pourrait s'apparenter à une ruse, la recourante ne soutient pas que ses fils l'auraient ensuite gardée sous leur maîtrise en ce lieu.

Elle évoque ensuite un isolement forcé dans une pièce à l'hôpital. Or, selon les médecins qui ont signé la lettre de sortie de l'Unité C______ le 5 février 2014, à son arrivé aux HUG, la recourante était en décompensation psychotique. C'était dans la mesure où elle était devenue rapidement agitée et avait essayé de sortir du box qu'elle avait été conduite avec la sécurité en chambre d'isolement. Rien ne permet de remettre en cause, plus de 11 ans plus tard, l'adéquation de cette mesure médicale momentanée et précédant une hospitalisation dans l'Unité C______. La recourante ne soutient pour le surplus pas qu'elle aurait été placée dans une chambre d'isolement à caractère carcéral, prohibée. Pour le surplus, si cet isolement devait avoir été imposé en violation grave des exigences de l'art. 50 LS, une infraction à l'art. 134 al. 1 let. b LS serait tout au plus passible d'une amende et, partant, également atteinte par la prescription.

En raison d'un épisode de décompensation psychotique de la recourante, la Dre G______ a ordonné son placement à des fins d'assistance médicale (PAFA MED). C'est dans ce contexte que celle-ci est entrée à l'Unité "C______" de D______ pour une prise en charge hospitalière qui a duré sept jours. Ce placement reposait ainsi sur une disposition légale. Il a duré le temps nécessaire à une amélioration de l'état de santé de la recourante, puisqu'à teneur de la lettre de sortie du 5 février 2014, celle-ci s'est vu accorder le jour-même la sortie définitive sollicitée. Autrement dit, elle n'a pas été retenue en milieu hospitalier plus longtemps que nécessaire à sa prise en charge médicale en raison de son état psychique.

Compte tenu de ce qui précède, c'est à bon droit que le Ministère public n'est pas entré en matière sur les faits dénoncés.

Pour le surplus, l'on ne voit pas dans quelle mesure une enquête sur la validité du rapport médical émis par la médecin – potentiellement non habilitée à pratiquer comme psychiatre au moment des faits, selon la recourante –, serait propre à modifier cette solution. Il semble sur ce point que celle-ci fasse davantage grief à cette thérapeute d'avoir établi le rapport du 24 février 2014 à l'attention du TPAE, qui a été l'un des éléments ayant conduit cette autorité à prononcer une curatelle de portée générale à son endroit il y a plus de 10 ans. Or il s'agit d'une mesure civile qui a en dernier lieu fait l'objet d'une décision de la Chambre de surveillance de la Cour de justice du 17 juin 2025 que la recourante a attaquée devant le Tribunal fédéral.

Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

3.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), lesquels seront prélevés sur les sûretés.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Valérie LAUBER et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/11656/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

00.00

- délivrance de copies (let. b)

CHF

00.00

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00