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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/10374/2020

ACPR/645/2025 du 14.08.2025 sur OMP/26261/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : EXPERTISE;EXPERT;COMPÉTENCE
Normes : CPP.184; CPP.183

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10374/2020 ACPR/645/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 14 août 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Michel BERGMANN, avocat, PONCET TURRETTINI rue de Hesse 8, case postale, 1211 Genève 4,

recourant,

 

contre l'ordonnance et mandat d'expertise rendue le 5 décembre 2024 par le Ministère public,

et

B______, représentée par Me Marc BALAVOINE, avocat, JACQUEMOUD STANISLAS, rue de la Coulouvrenière 29, case postale, 1211 Genève 8,

C______, p.a CURML, chemin de la Vulliette 4, 1000 Lausanne 25,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 16 décembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance et mandat d'expertise médicale rendue par le Ministère public le 5 décembre 2024, notifiée le lendemain.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision querellée en tant qu'elle nomme en qualité d'experte la Prof. C______, assistée d'un médecin-assistant du CURML, et à sa "confirmation" pour le surplus.

b. Par ordonnance du 17 décembre 2024, la Direction de la procédure de la Chambre de céans a accordé l'effet suspensif au recours sollicité (OCPR/65/2024).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 12 juin 2020, B______ a déposé plainte "contre x pour lésions corporelles".

Elle a exposé qu'à la suite d'un accident de ski survenu le 22 janvier 2020, elle avait subi une opération chirurgicale du ligament croisé antérieur du genou droit, réalisée le 29 avril 2020 à l'Hôpital D______ par le Dr A______, spécialiste en chirurgie orthopédique.

Au cours du suivi post-opératoire, il avait été constaté qu'elle ne parvenait plus à lever le pied droit et avait perdu la sensibilité au niveau du tibia et du mollet. Face à la persistance de ce déficit neurologique, le Dr A______ avait sollicité une consultation en neurologie le 1er mai 2020. L'examen pratiqué avait révélé la présence d'un hématome dans le creux poplité, au niveau du nerf péronier commun. Elle avait alors subi une seconde intervention chirurgicale le jour-même, visant à drainer l'hématome et à libérer le nerf comprimé. Cette intervention lui avait permis de retrouver partiellement la sensibilité au niveau du tibia ainsi qu'à la face postérieure du mollet, mais pas au niveau du nerf. Lors d'une consultation auprès d'une neurologue le 19 mai suivant, cette dernière avait constaté qu'elle présentait une lésion axonale sévère du nerf fibulaire droit et estimé que la récupération complète de l'usage de son pied droit pourrait nécessiter un à deux ans.

Elle déposait donc plainte afin qu'une enquête soit menée "pour déterminer dans quelle mesure" la lésion durable qu'elle avait subie aurait pu être évitée si les "examens complémentaires", réalisés dans les jours suivants son opération, avaient été prescrits plus rapidement.

B______ a produit les pièces médicales qui lui avaient été remises par le Dr A______.

b. Après avoir requis et obtenu les dossiers médicaux de la patiente auprès de l'Hôpital D______ et du Dr A______, le Ministère public a, par missive du 24 octobre 2023, demandé au Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après, CURML) de lui proposer le nom d'un expert pour déterminer si la prise en charge de B______ était conforme aux règles de l'art médical.

c. Le 18 avril 2024, le CURML a proposé la nomination en qualité d'experts de la Prof. C______ et du Dr E______, respectivement ______ du CURML et médecin-chef adjoint au Département d'orthopédie-traumatologie du F______. Il était précisé que les précités seraient assistés par un médecin-assistant du CURML, site de G______.

d. Le 7 juin 2024, le Ministère public a adressé à la plaignante et au médecin visé par la plainte, le projet d'ordonnance et mandat d'expertise médicale qu'il entendait décerner, désignant, en qualité d'experts les médecins susmentionnés, et leur soumettant une liste de questions. Un délai leur a été accordé pour présenter d'éventuels motifs de récusation ainsi que toute question complémentaire.

e. Par lettre de son conseil du 20 suivant, B______ s'est opposée au choix de la Prof. C______, au motif que celle-ci ne disposait pas des compétences spécifiques requises pour éclaircir les éléments de fait d'ordre médical du dossier. En effet, l'intéressée était médecin-légiste de formation, alors que les questions soulevées dans le cadre du mandat d'expertise relevaient du domaine de la chirurgie orthopédique.

En revanche, la désignation du Dr E______ apparaissait opportune, eu égard à son expertise reconnue en chirurgie orthopédique et traumatologique.

f. Par courrier du lendemain, le Dr A______, par l'intermédiaire de son conseil, s'est également opposé à la désignation de la Prof. C______, considérant qu'elle n'avait aucune compétence en chirurgie, orthopédie, neurologie ni anesthésie.

Il n'a formulé aucune objection quant au choix du Dr E______.

g. Par courrier du 27 août 2024, la Prof. C______ a assuré que les experts proposés disposaient de l'ensemble des compétences requises pour mener à bien l'expertise.

Comme pour toutes les expertises conduites par le CURML, les experts avaient été désignés en fonction de la nature du dossier ainsi que des questions auxquelles ils devaient répondre. De manière générale, un expert spécialiste en médecine légale, habitué à réaliser et à rédiger des expertises, était proposé, accompagné d'un co-expert partageant la spécialisation du médecin mis en cause.

En sa qualité de médecin-légiste, elle s'était elle-même proposée pour assurer cette mission. En effet, malgré ses fonctions de ______ du CURML, elle rédigeait annuellement près d'une centaine d'expertises. Son intervention consisterait à assurer la coordination, le bon déroulement et la rédaction de l'expertise. Par ailleurs, elle pouvait guider le co-expert clinicien dans l'analyse du dossier, en lui expliquant les termes juridiques fréquemment employés dans les mandats ainsi que dans les questions posées par les avocats et magistrats. Elle ne formulait toutefois pas d'avis sur la prise en charge médicale, se limitant à traduire les conclusions de son co-expert, sous une forme compréhensible aux non-médecins.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public a désigné la Prof. C______, assistée d'un médecin-assistant du CURML, et le Dr E______ en qualité d'experts, avec pour mission de prendre connaissance de la procédure, de recueillir tous renseignements utiles, et d'établir un rapport répondant à une série de questions dûment énumérées [portant notamment sur l'existence éventuelle d'une violation des règles de l'art susceptible d'avoir entraîné les complications post-opératoires rencontrées par la plaignante, sur la question de son consentement éclairé, ainsi que sur l'hématome constaté lors des examens complémentaires].

Les explications de la Prof. C______ – concernant les motifs ayant conduit le CURML à proposer les experts précités – apparaissaient convaincantes. En effet, le rôle de l'expert consistait, par définition, à permettre à l'autorité de poursuite pénale d'examiner des faits qu'elle ne pouvait appréhender seule, en traduisant à son attention des considérations techniques et médicales.

La désignation de deux co-experts – l'un spécialiste du domaine médical concerné, l'autre médecin-légiste – répondait ainsi à la nécessité de recourir aux compétences les plus pointues dans le domaine spécifique en cause, en l'espèce l'orthopédie du genou, tout en garantissant que l'expertise soit menée et présentée aux autorités pénales conformément aux règles en vigueur.

D. a. À l'appui de son recours, le Dr A______ soutient, en se référant notamment à la doctrine (cf. O. PELET, Le médecin-légiste expert clinique : une erreur de casting ?, in : Jusletter du 30 janvier 2023), que la nomination de la Prof. C______, assistée d'un médecin-assistant du CURML, était non seulement superflue, mais également contraire à l'art. 183 CPP.

En effet, un médecin-légiste ne disposait, en raison de sa spécialité, d'aucune compétence clinique, les investigations relevant de la médecine légale – telles que les autopsies ou les analyses toxicologiques – n'étant, en l'espèce, pas requises.

La position "quasi-monopolistique" de la Prof. C______, appelée à rédiger près d'une centaine d'expertises chaque année, ne justifiait pas non plus sa désignation. Il convenait par ailleurs de s'interroger sur la nécessité, dans un tel contexte, de recourir à un appel d'offres, conformément à la loi sur les marchés publics et à son règlement d'application (AIMP et TMP – RS/GE L 6 05 ; L 6 05.01), dans l'hypothèse où la désignation systématique d'un médecin-légiste en qualité de co-expert devait être considérée comme indispensable.

Il n'était pas davantage établi en quoi devait consister le rôle de coordination attribué à la médecin-légiste, ni en quoi l'assistance d'un médecin-assistant – dont ni le nom ni la formation n'étaient précisés –, dépourvu de toute spécialisation en chirurgie orthopédique ou en médecine légale, pouvait se révéler utile.

Il ne paraissait pas non plus nécessaire que la professeure précitée "guidât" l'expert clinicien dans l'analyse du dossier. Les questions posées relevaient exclusivement d'une appréciation médicale, le seul terme juridique employé étant celui de "violation des règles de l'art". Le Dr E______ n'était pas chargé de résoudre des questions de droit, mais uniquement d'évaluer la situation d'un point de vue clinique et de déterminer les causes des complications post-opératoires rencontrées par la plaignante. S'il devait néanmoins rencontrer une difficulté d'ordre juridique, il lui était loisible d'en référer au Ministère public.

Par ailleurs, si la Prof. C______ affirmait, en sa qualité de spécialiste en médecine légale, être habituée à mener et rédiger des expertises, il revenait néanmoins au médecin spécialiste – en l'occurrence en chirurgie orthopédique et traumatologique – de rédiger personnellement le rapport, sans déléguer cette tâche à un tiers dépourvu de la spécialisation médicale requise. La rédaction du rapport constituait en effet une mission essentielle, qui ne pouvait être déléguée.

L'expert clinicien ne pouvait pas non plus être "guidé" par un médecin-légiste, au risque de voir son appréciation altérée, notamment par la suppression des nuances dans son avis. Or, la Prof. C______, très active lors des auditions, prenait souvent la parole à la place des spécialistes, notamment lorsque ceux-ci exprimaient une opinion plus nuancée que celle reflétée dans le rapport d'expertise, ou manifestaient l'intention de s'écarter du résultat auquel elle souhaitait manifestement parvenir.

Pour le surplus, et contrairement à ce qui était soutenu par la précitée, les avocats et magistrats étaient parfaitement en mesure de comprendre, sans son concours, les réponses apportées par l'expert clinicien aux questions posées, lesquelles étaient formulées en des termes accessibles à tout un chacun. Son intervention n'était donc pas nécessaire et risquait au contraire de dénaturer l'expertise.

Enfin, dans un souci d'économie de procédure, il y avait lieu d'éviter la multiplication des intervenants. En l'occurrence, la participation de la médecin-légiste et de son assistant s'avérait non seulement superflue, mais contribuait à alourdir les coûts de l'expertise.

b. Le Ministère public conclut, sous suite de frais, au rejet du recours.

La fonction de médecin-légiste ne se limitait pas aux autopsies et analyses toxicologiques, mais consistait principalement à appliquer les connaissances médicales et scientifiques au domaine judiciaire, incluant notamment "l'expertise forensique de lésions corporelles chez les vivants". La Prof. C______ était dès lors compétente pour traiter – en coordination avec le Dr E______ – une expertise relative aux lésions faisant l'objet de la présente procédure.

Dans la mesure où une expertise avait vocation à traduire des aspects techniques à l'intention des magistrats et des parties, il était nécessaire que le médecin spécialiste puisse s'appuyer sur les compétences d'un médecin-légiste, dont l'intervention permettait précisément de garantir la bonne exécution de la mission d'expertise. Il ne s'agissait pas de répondre à des questions juridiques, mais bien de s'appuyer sur l'expérience professionnelle en médecine légale, assurant une communication claire et pertinente entre autorités pénales et médecins-experts.

Le Dr E______ avait été désigné en raison de ses compétences en chirurgie orthopédique, sans pour autant être nécessairement rompu à la rédaction d'un rapport d'expertise. L'intervention de la Prof. C______ permettrait ainsi de garantir la structure du rapport et d'assurer une efficience dans la transmission des informations de son co-expert vers le Ministère public et aux autres parties dépourvues de compétences médicales.

La mission d'expertise portait certes sur des éléments directement liés à la chirurgie du genou, mais visait essentiellement à déterminer les causes des lésions dont la plaignante faisait état, tout en abordant également des questions plus larges. Les problématiques relatives à la formation et à l'évolution des hématomes, ainsi que celles concernant le caractère éclairé du consentement, bien que maîtrisées par les médecins spécialistes, nécessitaient néanmoins l'intervention d'un médecin-légiste, dont la contribution s'avérait à la fois pertinente et indispensable.

Pour le surplus, l'intervention d'un médecin-légiste expérimenté dans la conduite d'expertises médicales permettait d'accroître l'efficience et de réduire les coûts superflus. En effet, un expert spécialisé dans sa discipline, mais peu familier avec la pratique médico-légale, devrait consacrer un temps inutile à comprendre la structuration de ses travaux et la rédaction du rapport. Or, la présence d'un médecin-légiste à ses côtés autorisait l'expert spécialiste à concentrer ses efforts sur les aspects relevant de sa compétence, tout en s'appuyant sur l'expertise complémentaire d'un médecin-légiste.

c. Dans ses observations, la Prof. C______, se référant au "Programme de formation postgraduée du 1er janvier 2025 de l'Institut Suisse pour la formation médicale postgraduée et continue", considère qu'il était inexact d'affirmer qu'un médecin-légiste ne disposerait pas des compétences nécessaires à la réalisation d'une expertise judiciaire, notamment en matière de responsabilité médicale.

Les compétences d'un médecin-légiste étaient d'ailleurs particulièrement appréciées des co-experts cliniciens, souvent peu rompus à la rédaction d'expertises, en particulier judiciaires, et dont la charge de travail clinique était importante. Pour cette raison, il était usuel que l'expertise soit conduite conjointement par un médecin clinicien et un médecin-légiste, ce qui permettait une mise en commun des compétences propres à chaque spécialité.

S'agissant de la critique relative à une éventuelle influence exercée sur ses co-experts cliniciens, le rapport d'expertise constituait le fruit d'un consensus entre l'ensemble des intervenants, élaboré collégialement à l'issue de discussions et d'échanges entre experts.

d. Le Dr A______ persiste dans les termes de son recours, ajoutant notamment qu'il contestait que le Dr E______ fût dépourvu de compétences en matière de rédaction d'expertises, faute d'éléments permettant de l'établir, étant au demeurant relevé qu'une expérience préalable en la matière n'était pas exigée.

Pour le surplus, si la Prof. C______ rédigeait elle-même près d'une centaine d'expertises par an, il était à craindre que sa charge de travail fût bien plus importante que celle d'un clinicien. En outre, si elle assurait personnellement la rédaction de l'expertise, il était difficile de comprendre quel rôle serait effectivement dévolu au médecin-assistant qu'elle souhaitait associer.

Quant à l'affirmation de l'intéressée selon laquelle l'expertise constituerait le fruit d'un consensus entre tous les co-experts, elle était également contestée, l'intéressée ayant elle-même reconnu qu'elle "menait" l'expertise, ce qui tendait à démontrer qu'elle en influençait le résultat.

e. B______, par l'intermédiaire de son conseil, s'en remet à justice.

f. Par écriture spontanée du 7 juillet 2025, le conseil du recourant produit la copie caviardée d'un jugement civil rendu le 25 juin 2025, qui lui a été notifié le 27 suivant dans l'un de ses dossiers (sans lien avec le recourant).

Dans cette affaire, relative à un accident de la circulation routière, une expertise avait été ordonnée afin d'évaluer notamment les capacités fonctionnelles résiduelles de la victime dans l'accomplissement des tâches ménagères. La Prof. C______ avait été désignée en qualité d'experte, aux côtés d'un médecin-assistant du CURML et d'un ergothérapeute. Si le Tribunal de première instance avait reconnu que les experts ainsi mandatés disposaient des compétences requises pour répondre aux questions posées, il s'était toutefois fondé sur les taux d'incapacité retenus dans le cadre d'une expertise privée, en raison d'insuffisances relevées dans la motivation de l'expertise judiciaire, ainsi que d'erreurs de calculs qu'elle comportait.

Cette décision illustrerait qu'il ne revenait pas au médecin-légiste de sortir du cadre strict de sa spécialité pour émettre un avis dans des domaines étrangers aux considérations médico-légales. En outre, "les considérations [portant] sur la qualité de l'expertise judiciaire, fondées sur les critiques [formulées] par son conseil, ne pouvaient que conduire à considérer qu'il existerait une prévention au sens de l'art. 56 lit. f CPP à l'égard de [celui-ci]", dont il [le recourant] "aurait à pâtir".

g. La cause a ensuite été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La pièce nouvelle produite devant la juridiction de céans est recevable, la jurisprudence admettant la production de faits et de moyens de preuve nouveaux en deuxième instance (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.2).

3.             Le recourant s'oppose à la désignation de la Prof. C______, assistée d'un médecin-assistant du CURML.

3.1.  Le ministère public et les tribunaux ont recours à un ou plusieurs experts lorsqu'ils ne disposent pas des connaissances et des capacités nécessaires pour constater ou juger un état de fait (art. 182 CPP).

L'expertise judiciaire se définit comme une mesure d'instruction nécessitant des connaissances spéciales ou des investigations complexes, confiée par le juge à un ou plusieurs spécialistes pour qu'il l'informe sur des questions de fait excédant sa compétence technique ou scientifique. L'expert apporte donc son aide à l'autorité en constatant et appréciant l'état de fait grâce à ses connaissances particulières, en aidant l'autorité à tirer les conclusions techniques des constatations qu'elle aura elle-même faites et en éclairant l'autorité sur les principes généraux relevant de son domaine de compétence (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 1 et 4 ad art. 182).

3.2.  L'art. 183 al. 1 CPP prévoit que seule peut être désignée comme expert une personne physique qui, dans le domaine concerné, possède les connaissances et les capacités nécessaires pour constater ou juger un état de fait. Une expérience préalable en matière d'expertise n'est pas exigée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_511/2018 du 25 juillet 2018 consid. 5.2.1).

L’expert doit être choisi en fonction de ses compétences dans le domaine à propos duquel il est consulté, la loi n’exigeant aucune condition liée à l'obtention de diplômes ou au suivi d'une formation spécifique (JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 2 ad. art. 183).

3.3.  Conformément à l'art. 184 al. 3 CPP, la direction de la procédure donne préalablement aux parties l'occasion de s'exprimer sur le choix de l'expert et les questions qui lui sont posées et de faire leurs propres propositions. L'autorité n'est toutefois pas obligée de tenir compte de l'avis exprimé, mais les parties conservent le droit de poser des questions complémentaires par la suite, voire de demander une contre-expertise si elles établissent que l'expertise est incomplète, peu claire, ou inexacte (art. 189 CPP; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 17 ad art. 184).

3.4.  En l'espèce, le litige porte sur la question de savoir si la désignation de la Prof. C______, assistée d'un médecin-assistant du CURML, remplit les conditions prévues par l'art. 183 al. 1 CPP.

À suivre le raisonnement du recourant, la désignation de la précitée serait superflue, sa spécialisation en médecine légale ne lui conférant pas les compétences nécessaires pour se prononcer sur des questions de chirurgie orthopédique, lesquelles relèveraient exclusivement du médecin spécialiste déjà désigné.

La loi n'exige toutefois pas que chaque expert dispose, à titre individuel, de l'ensemble des qualifications requises; il suffit que les experts désignés, par la complémentarité de leurs compétences, soient en mesure de répondre de manière adéquate aux questions posées. Tel est manifestement le cas en l'espèce.

Le Ministère public a en effet désigné un collège d'experts composé, d'une part, du Dr E______, médecin spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie – dont les qualifications professionnelles ne sont pas remises en cause – et, d'autre part, de la Prof. C______, chargée d'organiser l'expertise, d'en assurer la coordination et de rédiger le rapport final. Cette dernière a expressément indiqué qu'elle ne se prononcerait pas sur les aspects cliniques de la prise en charge médicale, lesquels relèvent exclusivement du spécialiste mandaté. Elle a précisé qu'elle contribuerait à l'analyse du dossier en accompagnant le co-expert, notamment en clarifiant les notions juridiques et en veillant à la coordination et au bon déroulement de la mission. Selon ses indications, l'expertise sera conduite de manière collégiale, sur la base d'un consensus entre les intervenants.

Les impressions subjectives du recourant ne sauraient suffire à remettre en cause les compétences de l'intéressée, régulièrement mandatée dans le cadre de procédures pénales et disposant des qualifications requises pour mener à bien la mission que le Ministère public entend lui confier. Les allégations générales selon lesquelles elle exercerait une influence sur le contenu de l'expertise, altérerait les conclusions du médecin clinicien ou en atténuerait les nuances ne reposent sur aucun élément objectif et relèvent de pures conjectures. Émettre un pronostic quant à la manière dont l'expertise sera conduite apparaît hors de propos, la question litigieuse étant strictement circonscrite au respect des conditions posées par l'art. 183 CPP. Par ailleurs, le fait que le Tribunal de première instance, dans une procédure civile évoquée par le recourant, ait fondé sa décision sur certaines conclusions d'une expertise ergothérapeutique privée, plutôt que sur celles rendues par la Prof. C______ et de son co-expert, ne permet nullement de remettre en cause la désignation de l'intéressée dans la présente procédure. Les critiques formulées par l'autorité civile à l'égard de l'expertise à laquelle la Prof. C______ avait participé, dans un contexte et un domaine de spécialisation distincts, ne sauraient préjuger de la qualité de l'expertise à établir dans la présente cause.

En outre, le fait que la médecin-légiste soit fréquemment désignée en qualité d'experte ne saurait constituer, en soi, un indice d'irrégularité, mais traduit, au contraire, la reconnaissance de son expertise. Ce grief apparaît au demeurant exorbitant à l'objet du litige.

Pour le surplus, on ne discerne pas en quoi la participation d'un médecin-assistant du CURML, en appui à la Prof. C______, serait de nature à remettre en cause l'adéquation du collège d'experts désignés, étant rappelé que seul le Dr E______ se prononcera sur les aspects médicaux spécifiques à la prise en charge de la plaignante. Le fait que cet assistant ne dispose pas de compétences en chirurgie orthopédique et traumatologie est ainsi sans pertinence. Il conviendra toutefois que son identité soit communiquée préalablement aux parties, afin qu'elles puissent s'assurer de l'absence de tout motif de récusation.

Enfin, les critiques relatives aux coûts de l'expertise excèdent manifestement le cadre du litige.

En définitive, aucun élément ne permet objectivement de remettre en cause les connaissances et compétences des experts désignés, qui, ensemble, réunissent les qualifications nécessaires pour mener à bien l'expertise. La décision du Ministère public ne prête, dès lors, pas le flanc à la critique.

Le recours est donc infondé.

4.             Le recourant laisse entendre, dans son courrier du 7 juillet 2025, qu'il sollicite la récusation de la Prof. C______, sans toutefois la requérir formellement, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur ce point.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux parties, soit pour elles leurs conseils respectifs, à la Prof. C______ et au Ministère public.

Le communique pour information au Dr E______.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/10374/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

00.00

- délivrance de copies (let. b)

CHF

00.00

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

895.00

Total

CHF

1'000.00