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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/9180/2025

ACPR/559/2025 du 18.07.2025 sur OMP/9764/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN
Normes : CPP.255.al1bis

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9180/2025 ACPR/559/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 18 juillet 2025

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate, BAZARBACHI LAHLOU & ARCHINARD, rue Micheli-du-Crest 4, 1205 Genève,

recourant,

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 19 avril 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 29 avril 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 19 avril 2025, notifiée sur-le-champ, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance précitée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant de Guinée-Bissau, né en 2000, a été déclaré coupable d'infractions aux art. 19 al. 1 let. c LStup et 115 al. 1 let. a LEI, par ordonnance pénale du 10 janvier 2025, dans le cadre de la procédure pénale P/607/2025.

Il y a formé opposition.

b. Dans le cadre de cette procédure-là, le Ministère public a ordonné, le 3 février 2025, l'établissement du profil d'ADN de A______, décision contre laquelle ce dernier n'a pas recouru.

c. A______ a été interpellé, le 18 avril 2025, pour avoir vendu de la cocaïne à un consommateur, dans un local à vélo situé au chemin 1______, à Genève.

d. À cette suite, le Ministère public a ouvert une instruction contre le prénommé pour infraction à l'art. 19 al. 1 let. b, c, d et g LStup, à l'art. 19 al. 2 let. a et c LStup et aux art. 115 al. 1 let. a et 119 al. 1 LEI (P/9180/2025).

Il lui est reproché d'avoir vendu, entre novembre 2021 et fin novembre 2022, sous le pseudonyme "B______", quelque 365 grammes de cocaïne, à raison d'un gramme par jour, dans le parc jouxtant la place 2______, ainsi que de novembre ou décembre 2024 au 18 avril 2025, 30 grammes de cocaïne au total durant 5 mois, au no. ______ chemin 1______.

e. Le 7 juillet 2025, le Ministère public a joint les procédures P/607/2025 et P/9180/2025, sous ce dernier numéro.

f. Par acte d'accusation du 10 juillet 2025, A______ est désormais renvoyé en jugement devant le Tribunal de police.

g. À teneur de l'extrait du casier judiciaire suisse (dans sa teneur au 7 juillet 2025), A______ a été condamné à cinq reprises :

- le 3 février 2016 pour délit contre la loi sur les stupéfiants et séjour illégal,

- les 29 mars 2016, 17 janvier 2017 et 15 mai 2018 pour infractions contre la loi sur les étrangers,

- le 29 juillet 2019 pour délit contre la loi sur les stupéfiants et séjour illégal.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a ordonné l'établissement du profil d'ADN de A______, sur la base de l'art. 255 al. 1bis CPP, car le précité avait déjà été soupçonné par la police d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN (cf. liste des infractions mentionnées dans la directive A.5, art. 4), notamment en raison de plusieurs condamnations pour infractions à l'art. 19 LStup.

D. a. À l'appui de son recours, A______ expose avoir déjà fait l'objet d'une ordonnance d'établissement de son profil d'ADN dans le cadre de la procédure P/607/2025, le 3 février 2025, contre laquelle il n'avait pas recouru. Son conseil notait une "multiplication des ordonnances d'établissement de profil d'ADN depuis quelque temps", les Procureurs ne prenant "même plus la peine de vérifier si un profil ADN avait déjà été établi par le passé avant d'en ordonner un nouveau". L'effacement de son profil d'ADN allait pourtant intervenir au minimum dix ans après l'entrée en force "du jugement", soit dans le cas d'espèce en février 2035, voire en février 2045 si le délai était prolongé. Or, le Tribunal fédéral n'autorisait pas le prélèvement et l'analyse d'ADN de manière systématique. C'était pourtant ce que préconisait la Directive A.5 du Procureur général, ce qui était contraire à l'art. 13 al. 2 Cst. féd., à teneur duquel toute personne avait le droit d'être protégée contre l'emploi abusif des données qui la concernaient. L'autorité semblait perdre de vue qu'un profil d'ADN n'était sujet à aucun changement au cours de la vie d'un être humain. De plus, les frais en relation avec ces "actes inutiles" allaient être mis à sa charge à lui et à celle du contribuable genevois. Le nouvel établissement de son profil d'ADN relevait de "l'arbitraire le plus total" et portait atteinte à sa liberté personnelle.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. La conservation d'un profil d'ADN était limitée dans le temps. Afin de pouvoir prolonger les délais de conservation du profil, la loi prévoyait la possibilité d'ordonner l'établissement d'un profil d'ADN pour chaque nouvelle procédure ouverte contre un même prévenu. Chaque nouvelle ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN faisait ainsi prolonger le délai de conservation, compte tenu de la nouvelle condamnation. L'ordonnance querellée n'était nullement invasive pour le prévenu, ce dernier n'ayant pas fait l'objet d'un prélèvement par frottis buccal, mais d'un nouvel établissement de son profil d'ADN, lequel ne portait pas atteinte à ses droits fondamentaux. L'ordonnance n'était pas non plus coûteuse pour le prévenu, qui n'avait pas été condamné à en supporter le prix. La décision n'était ainsi ni arbitraire ni disproportionnée.

c. Le recourant n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir, en février et avril 2025, dans deux procédures désormais jointes, ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

2.1. Comme toute mesure de contrainte, le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement d'un profil d'ADN sont de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. féd.) et à la protection contre l'emploi abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. féd. et 8 CEDH; ATF 147 I 372 consid. 2.2; 145 IV 263 consid. 3.4). Ces mesures doivent ainsi être fondées sur une base légale suffisamment claire et précise, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst. féd.; ATF 147 I 372 consid. 2.3.3).

L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d).

2.2. Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un profil d'ADN peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).

2.3. L'établissement d'un profil d'ADN, lorsqu'il ne sert pas à élucider une infraction pour laquelle une instruction pénale est en cours, est conforme au principe de la proportionnalité uniquement s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2; 145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1). Il convient à cet égard également de prendre en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 précité consid. 4.3; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).

2.4. En l'espèce, il est constant que le recourant a, depuis neuf ans, fait l'objet de plusieurs condamnations pour des délits, notamment en matière de stupéfiants, et que l'établissement de son profil d'ADN a été ordonné par le Ministère public, le 3 février 2025, dans le cadre de la procédure P/607/2025 dans laquelle il était soupçonné de délit à la LStup, procédure désormais jointe à la présente.

L'établissement du profil d'ADN du recourant a à nouveau été ordonné, par l'ordonnance querellée, pour élucider, non pas les infractions en cours d'instruction, mais d'autres actes portant sur des faits similaires à ceux pour lesquels il avait déjà précédemment été condamné ou soupçonné, conformément à l'art. 255 al. 1bis CPP. Au moment où cette ordonnance a été rendue, il existait en effet des indices sérieux et concrets de la commission, par le recourant, d'infractions contre la LStup, puisqu'il avait été interpellé alors qu'il était soupçonné d'avoir vendu de la cocaïne au chemin 1______.

À teneur des motifs développés dans son recours, le recourant ne semble toutefois pas contester que son profil d'ADN pouvait être prélevé, le 19 avril 2025, sur la base de l'art. 255 al. 1bis CPP, au vu de ses nombreux antécédents pour des délits en matière de stupéfiants. Il se borne à invoquer une violation du principe de la proportionnalité et estime arbitraire d'ordonner un nouvel établissement de son profil d'ADN alors qu'un tel profil, immuable, avait déjà été établi deux mois plus tôt.

La Chambre de céans est toutefois d'avis [cf. notamment, ACPR/513/2025 du 3 juillet 2025 ; ACPR/400/2025 du 23 mai 2025 consid. 2.3] que dans la mesure où les profils d'ADN sont soumis à effacement après un certain délai [cf. art. 16 de la Loi sur les profils d'ADN; RS 363], il existe un intérêt public prépondérant – quand bien même l'établissement du profil d'ADN aurait déjà été ordonné à une ou plusieurs reprises et son effacement n'interviendrait pas avant de nombreuses années –, à soumettre derechef le prévenu à cette mesure, pour autant que les conditions légales soient à nouveau réalisées, ce qui est le cas en l'espèce. Ce sont d'ailleurs les soupçons de la commission de nouvelles infractions – en l'occurrence des délits à la LStup – qui ont conduit le Ministère public à ordonner à nouveau l'établissement du profil d'ADN du recourant, afin d'en prolonger d'autant la date d'effacement dans les fichiers de la police. Dans la mesure où on se trouve dans une situation dans laquelle l'art. 255 al. 1bis CPP permet d'ordonner un tel établissement, la mesure est légale, et, partant, nullement arbitraire.

Le recourant invoque encore le droit à être protégé contre l'emploi abusif des données qui le concernent (art. 13 al. 2 Cst. féd.). Or, on ne voit pas en quoi le nouvel établissement de son profil d'ADN pourrait constituer un tel emploi abusif, puisqu'il a été ordonné sur la base – légale – de l'art. 255 al. 1bis CPP, dont les conditions sont remplies, comme cela a été retenu ci-dessus. C'est, encore une fois, parce que le recourant a été arrêté, en avril 2025, en raison de soupçons de la commission de délits – pour lesquels il est d'ailleurs désormais renvoyé en jugement –, que l'établissement d'un profil d'ADN a été ordonné.

Le recourant invoque encore que les frais de ce nouvel établissement de son profil d'ADN allaient être mis à sa charge et à celle du contribuable genevois. Il n'a toutefois pas été condamné à en supporter le coût, et il ne saurait se soustraire à la mesure au prétexte que les frais pourraient incomber au contribuable genevois.

Il s'ensuit que l'ordonnance querellée ne prête pas le flanc à la critique, les réquisits pour le prononcé de l'établissement du profil d'ADN du recourant étant réunis.

3. Infondé, le recours sera dès lors rejeté.

4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

5. Il n'y a pas lieu d'indemniser à ce stade (cf. art. 135 al. 2 CPP) le défenseur d'office.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à
CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/9180/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00